C’est le troisième livre que je lis de Kevin Lambert. Je l’ai un peu connu enfant et j’ai tout de suite été curieuse. Du coup, depuis, je le suis. Et cette fois, il a gagné le Médicis. Du coup, il fallait bien que je le lise n’est-ce-pas! Avec des attentes dans le plafond!
De quoi ça parle
Céline Wachowski est une architecte montréalaise. Mais une architecte-star. Talentueuse certes, mais très « in ». Glamour. Quand elle est engagée pour un énorme projet à Montréal, « sa » ville, pour créer un siège social pour « Webuy », un genre d’Amazon imaginaire, elle est ravie et persuadée de faire quelque chose de bien. Sauf qu’elle a des détracteurs. Et nous allons assister à sa chute.
Mon avis
Kevin Lambert est un homme cultivé. Il y a toujours une vraie recherche dans ses romans, dans son écriture. Des messages aussi. Ici, on discute de la vie des ultra-riches, mais surtout du capitalisme, des politiques et de la gentrification. Et même si le parti pris par l’auteur est clair, il réussit tout de même à faire ressortir quelques zones un peu grisées. Un peu. Genre, les protestataires ne sont pas non plus toujours sans reproche.
Ici, je suis encore une fois très fan de la plume. L’hommage à Marie-Claire Blais est perceptible et on ressent également plusieurs accents proustiens. Et bon, cite Proust… and I’m there. Toujours. C’est certes très travaillé, les premières phrases durent… quelques pages, mais c’est le genre d’écriture dont je me délecte. Et dans ce cas, cette qualité littéraire a fait que j’ai pu apprécier la longue scène d’ouverture, où nous entrons dans la tête des ultra-riches, de ceux qui ont le choix, de ceux qui font les règles. Nous assistons à une grande fête, très chic, très glamour (et très chère), alors que chacun vit ses propres petites anxiétés, tout en étant persuadé de sa propre supériorité. Bref, personne n’est vraiment très sympathique.
Toutefois, le personnage de Céline est plus fouillé. Elle est riche. Très. Mais elle se croit de gauche, est persuadée d’être une bonne personne. Et le pire, c’est que ses intentions ne sont pas nécessairement mauvaises. Elle croit en son projet. Elle croit que ça va être positif pour Montréal et pour les citoyens. Elle a tenté d’évincer le moins de gens possible. Mais derrière la femme, derrière ces bonnes intentions, il y a une multinationale. Et un jour, quelqu’un va en parler. Et Céline va tomber.
La réflexion derrière le tout est intéressante mais on offre assez peu de réponses, assez peu de pistes de solutions. Y en a-t-il une? J’ai aimé lire sur l’architecture, sur l’urbanisme mais j’aurais aimé davantage de résolution. Cette lecture m’a fait ressentir un réel malaise. Parce que je me retrouvais entre deux chaises. J’emmerde tout le monde depuis des années avec ma « limitation de la richesse personnelle » et impossible de ne pas détester le capitalisme après cette lecture. Les puissants décident, ceux qui ont de l’argent décident (juste à penser QUI précipite le plus la chute de Céline), on se fout des gens, même si on tente de sauver les apparences. Sauf que bon. On fait quoi avec les quartiers? On fait quoi avec les immeubles insalubres? Je peux parfaitement comprendre l’horreur de se voir pousser hors de son quartier. Je regarde les prix des apparts un peu partout et je panique. Mais tous les projets sont-ils mauvais? Laisse-t-on le tout en l’état? Même quand ce sont des bidonvilles, c’est le « chez eux » de gens… bref, il n’y en a pas de bonnes solutions.
J’ai donc bien aimé. Je ne suis pas tombée sur le c… non plus et j’avoue avoir préféré son premier livre. C’est réfléchi, bien fait, il est intéressant d’explorer les insécurités de ces fort nantis et de voir les histoires qu’ils se racontent pour se justifier. C’est clairement anti-capitaliste mais les personnages restent crédibles. Céline devient le bouc émissaire de tout un système (auquel elle a certes participé, mais elle n’était clairement pas la seule responsable), mais disons que quand on a des sous…
Bref, je suis ressortie en colère. Contre la situation. Et contre ceux qui croient normal de détenir une si grande proportion des richesses.