L’hiver dernier, je me suis séparé de toi – Nakamura Fuminori

C’est dans une librairie parisienne que Mallo m’a parlé de ce roman. Étrange et déstabilisant, m’a-t-elle dit. Il n’en fallait pas plus!

De quoi ça parle

Un homme écrit un livre sur un criminel condamné à mort. Il va aller le rencontrer en prison, et si les entretiens ne se passent pas nécessairement comme il l’aurait cru, il va rencontrer plusieurs personnages, tous plus étranges les uns que les autres… et en tant que lecteur, nous allons basculer dans un univers étrange.

Mon avis

Quel roman déstabilisant! Vous cherchez des personnages faciles à aimer? Passez votre chemin. Ils sont tous plus tordus les uns que les autres et pénétrer dans leurs esprits instaure un malaise assez immédiat chez le lecteur. En voulant creuser la psyché d’un photographe qui attend sa sentence suite à la mort par le feu de deux femmes dans son studio, il faut s’attendre à être dérangé. Et les personnages secondaires que nous allons rencontrer sont certes intéressants mais tout aussi malsains.

Ceci dit, ils sont fascinants.

Du moins pour moi.

Le jeu narratif est très intéressant. Entre témoignages, narration traditionnelle et correspondances, l’auteur nous balade un peu, à tel point que j’ai dû relire certaines parties après avoir bien compris ce à quoi nous avions à faire. Et ça, j’adore. C’est à la fois psychologique, horrifique et étrangement poétique. Je suis très fan de la plume et de la façon de présenter les choses. Le photographe est intrigant, à la fois vide et génial tandis que le narrateur va être amené à rencontrer des gens qui semblent sortir d’un film d’horreur… ou d’un hôpital psychiatrique. Et c’est plus ou moins discret. Le personnage du créateur de poupées… oh my…

Bref, c’est tout à fait le type de roman que je ne conseillerais pas à tout le monde mais qui est me plonge dans un état second. Un très bon moment de lecture.

L’affaire Petit Prince – Clémentine Beauvais

Un « livre qui parle de livres » écrit par Clémentine Beauvais. Difficile de résister à ça, n’est-ce pas! Ben voilà, je n’ai pas résisté.

De quoi ça parle

Pierre Bayard est un ex-détextive, membre renvoyé de la chevalerie des Lecteurs Experts, vit sa petite vie avec son associée Edith quand il voit une petite annonce. Une énigme littéraire! Même s’il n’a officiellement plus le droit d’enquêter, il ne va pas résister.

Mon avis

Non mais ce petit roman est gé-ni-al! J’ai tout aimé, de la couverture à l’histoire, en passant par le style. C’était écrit pour moi.

Bon, en fait, non. C’est écrit pour des jeunes de 9-13 ans. Mais je suis certaine que vous comprenez! C’est de l’excellente littérature jeunesse, avec un style (et plein de figures de style aussi), beaucoup d’humour, des tonnes de références, tout en offrant aux jeunes une introduction à la littérature et à certains concepts d’analyse.

Ça semble élitiste, mais non, au contraire. C’est un plaidoyer contre les chasses gardées, contre le snobisme et l’idée qu’il n’y a qu’une lecture possible d’un texte. Nous avons donc une enquête qui ne sort de nulle part, où il faut accepter l’idée d’une société littéraire toute puissante, une façon de faire originale et deux assistants détectives préados qui m’ont énormément plu… dont l’une qui n’aime pas lire. Sauf que…

Il y a donc un mystère dans Le Petit Prince. Bon, détaillounet, on ne sait pas trop ce que c’est mais après tout, Pierre Bayard aime surtout fouiner dans les « trous » des histoires pour traquer les incohérences et proposer d’autres façons de voir les choses (ce qui est assez vrai… il suffit d’aller lire sa bibliographie, au vrai Pierre Bayard). On peut donc s’attendre à n’importe quoi. Et moi j’adore.

Bref, c’est bourré de clins d’oeils et de références, c’est intelligent, ça fait sourire… et je lirai le tome 2 avec plaisir!

Furie – Myriam Vincent

Il y a longtemps que je veux lire Myriam Vincent et c’est dans le cadre d’un projet vidéo que j’ai choisi de lire celui-ci. On m’avait parlé d’origninalité… et en effet. Je vous annonce d’emblée que je vais relire l’autrice.

De quoi ça parle

Marilyn est assassine. Après le viol et le suicide de sa meilleure amie, elle en est venue à faire partie d’une organisation criminelle et tue des gens qui ont commis des crimes à nature sexuelle. Sauf qu’elle décide de finir ses études. Et tout sera remis en question.

Mon avis

Tout de suite, j’ai adhéré au style de Myriam Vincent, à la fois oral, dynamique mais très beau à la fois. Nous avons de courts chapitres et on sent tout de suite l’influence des BDs de super héros, autant dans la découpe que dans les références. Vous pouvez vous imaginer que ce n’est pas pour me déplaire.

Nous rencontrons une jeune femme brisée. Sa meilleure amie, son âme soeur, a vécu l’enfer et elle en a été le témoin impuissant. Incapable de s’en remettre, elle va prendre un chemin pour le moins particulier, celui du crime, sous la responsabilité du mystérieux James Lindberg, mastermind criminel. Et le truc, c’est qu’elle a beaucoup de talent et est hyper efficace et se sent comme une héroïne vengeresse. Éloignée de tous et de tout. Quand elle retourne à l’université, elle n’a pas prévu quelque changement que ce soit. Sauf qu’elle va rencontrer Zoé. Coup de foudre amical.

J’ai pour ma part dévoré ce roman. Impossible d’arrêter de le lire, malgré quelques redites dans le schéma narratif. Un vrai cas de female rage et on sent la frustration face aux diktats et aux violences quotidiennes faites aux femmes. C’est que les violeurs de Julie ont été acquittés. Que faire quand la justice abandonne les femmes? Elle a choisir d’agir. J’ai adoré ces personnages et j’étais totalement investie. Du coup, je ne sais pas encore comment me situer par rapport à la finale. Coup de génie ou frustration suprême? J’hésite encore!

Même si les réflexions de Marilyn tournent parfois en rond, j’ai aimé la voir revenir un peu au monde réel et réaliser à quel point le tout est incompatible avec sa vie d’assassine. Aimé la voir renaître graduellement. Impossible de ne pas se requestionner face à ces situations ainsi que sur l’image du superhéros vengeur (habituellement masculin). Une très bonne lecture donc. Je vais me jeter sur « À la maison ».

La Justice des hommes – Santiago H. Amigorena

Il y avait un moment que je voulais découvrir cet auteur et j’ai profité d’un vlog lecture pour pouvoir tenter le coup. Et j’ai bien fait car j’ai beaucoup aimé.

De quoi ça parle

Aurélien et Alice se sont passionnément aimés. Ils sont les parents de Loup et d’Elsa et un soir, Aurélien va perdre les pédales et va prendre une série de mauvaises décisions qui vont l’amener face à la justice. Peut-on réussir une séparation dans de telles circonstances?

Mon avis

On peut dire que ce roman m’a fait réagir. La souffrance de tous les personnages est tellement prégnante, elle prend tellement de place qu’il est impossible de ne pas compatir avec eux, même ceux qui ne s’aident pas, mais pas du tout. Surtout celui-là en fait. Aurélien. C’est clairement un personnage dont je vais me souvenir.

La fin d’une relation, surtout quand il y a des enfants d’impliqués, c’est toujours difficile. Et que la fin arrive dans de telles circonstances, quand la justice s’en mêle, le sentiment de perte de contrôle s’amplifie. On tente de rendre tout blanc ou tout noir les situations toutes en zone de gris. La crise qui a provoqué l’éclatement est terrible, j’ai eu le goût de crier à Aurélien de ne pas faire ça, de rentrer chez lui. Of course, il ne m’a pas écoutée. Of course.

Aurélien a tellement mal et se sent tellement coupable qu’il s’est complètement fermé. Il ne parle pas. Pas du tout. Ne cherche pas à expliquer quoi que ce soit. Ce silence, ce refus de parole a des conséquences énormes et on dirait même qu’il vit dans un monde parallèle tellement il fuit sa réalité. Et Alice ne communique pas beaucoup plus. Certes, on a le goût de les secouer. Souvent. Tout serait tellement plus simple s’ils se parlaient. Mais on sent les blessures trop profondes, les non-dits tellement ancrés qu’ils prennent toute la place et empêchent tout dialogue.

Un roman très fort, puissant, dont ne sort pas indemne. Le ton est haletant et convient parfaitement au récit. Une très bonne lecture pour moi, dont je me souviendrai.

L’heure du retour – Christopher M. Hood

Voici donc un roman post-apo, mais ici, l’apocalypse est un virus et une pandémie. Vous savez, le genre de livre qui me HURLE de ne pas le lire. Cependans, je l’ai lu dans le cadre d’un concept vidéo. Et franchement, si je vois pourquoi il a plu, j’aurais clairement pu m’en passer.

De quoi ça parle

Les États-Unis, un futur proche.

Un virus mortel a décimé une grande partie de la population. Bill et sa femme Penelope ont eu de la chance : non seulement ils sont en vie mais leur fille, Hannah, l’est également, à l’autre bout du pays. Quant elle les appelle pour leur dire qu’elle renonce à sa famille pour entrer dans le Revival, une secte californienne. Ils décident donc d’aller la récupérer

Mon avis

Je l’ai dit au début du roman, ce n’était pas pour moi. J’ai aimé plusieurs romans post-apo récemment alors j’avais quand même un peu d’espoir. Sauf que je suis complètement passée à côté et que, pour être franche, je n’ai pas vraiment de fun à lire celui-ci.

Nous suivons donc un couple qui a vécu sa fin du monde. Les systèmes se sont effondrés, il n’y a plus de technologie et les communications sont presque inexistantes. Bien entendu, ils ont vécu l’enfer et tentent de survivre dans leur pavillon de banlieue en faisant pousser des salades dans leur platebande. Lui, Bill, est un homme blanc, psychologue. Elle, Pénélope, est une femme noire, analyste financière à l’esprit très cartésien. Depuis la pandémie, elle s’est enfermée dans sa tristesse et Bill commence à reconstruire son existence. Jusqu’à l’appel inquiétant de Hannah qui donnera une raison de vivre à Pen.

Cette mise en place était prometteuse. Il y avait toute une réflexion à faire sur l’humainerie après la fin du monde, qui peut faire ressortir le pire comme le meilleur de chacun. Surtout, je croyais que j’aurais affaire à une histoire de reconstruction où les normes établies et les diktats de la société seraient remis en question. En fait, je sens que c’est ce que l’auteur a voulu faire. Sauf que j’ai trouvé ça assez maladroit et que tout semblait plaqué, notamment toutes les nombreuses discussion sur la race et le racisme qui semblent sortir de nulle part, comme pour prouver que Bill est une bonne personne et qu’il est bien déconstruit. Étant en couple avec une femme noire, ses positions se comprennent. Mais autant j’apprécie ce thème, autant là, j’ai trouvé ça mal fait.

Nous avons donc un road trip (j’aime pas tant les road trips) avec un couple qui souhaite traverser un pays dévasté sans avoir aucune idée de ce qui les attend. Ils vont faire de bonnes et de mauvaises rencontres et j’avoue m’être davantage intéressée à certains personnages rencontrés en route qu’au couple principal, même si j’aime bien la force tranquille de Penelope qui prend les choses en main à sa manière. Il y a beaucoup de péripéties, des situations apparemment sans issue et les notes d’espoir arrivent tard dans l’histoire. La fin est également abrupte et on sent que l’auteur a voulu se garder de la place pour un tome 2.

Tome 2 dont je vais clairement pouvoir me passer. Ce thème n’est juste pas pour moi, même si en y réfléchissant, j’avais beaucoup aimé Swan Song et Station Eleven… Bref, un genre de presque 3 étoiles.

La dernière allumette – Marie Vareille

J’ai toujours aimé ce que j’ai lu de Marie Vareille mais étrangement, je n’aurais pas lu celui-ci sans les nombreux commentaires positifs de plusieurs de mes amies lectrices. J’ai donc fini par l’ouvrir sans savoir de quoi ça parlait.

De quoi ça parle

Abigaëlle n’a pas prononcé un mot depuis plus de 20 ans. Elle est dans un couvent en Bourgogne et ses souvenirs de la vie d’avant sont flous. Elle ne peut se souvenir des événements qui ont tout fait basculer. Gabriel, son grand frère, est un écrivain et un illustrateur encensé. Et un jour, Gabriel va rencontrer la lumineuse Zoé, ce qui va inquiéter Abigaëlle, dont les pensées vagabondent entre réalité et mensonges qu’elle ne sait plus distinguer.

Mon avis

Même dans ses récits plus légers, j’aime habituellement ce qu’écrit Marie Vareille. J’ai moins apprécié « Ainsi gèlent les bulles de savon » mais sa façon de raconter des histoires me plait. Encore une fois, ici, j’ai passé un très bon moment de lecture et je crois que ce roman va plaire à une grande majorité de lecteurs et de lectrices. C’est un roman grand public, qui parle de traumatismes de l’enfance et de violence conjugale de façon claire et qui met en évidence le cycle de la violence, avec un procédé narratif très intéressant.

Nous avons donc trois narrations principales. Abigaëlle maintenant, qui se dit folle et qui a toujours « rempli les trous » de la réalité. Elle nous dit d’emblée avoir du mal à distinguer le vrai du faux et ne vit pas toujours bien les visites de son grand frère Gabriel, qui persiste à venir la voir malgré son silence. La deuxième narration est le journal d’Abigaëlle enfant. Enfant surdouée, elle commence à écrire ses pensées et révèle avec beaucoup de candeur les tourments de sa vie familiale, sous l’influence d’un père violent qui l’aime « elle » mais qui ne se gêne pas pour taper et insulter sa mère. J’ai adoré voir évoluer la prose d’Aby, très immature au départ et remplie d’erreurs de vocabulaires souvent très choupi. Elle jette un regard au départ naïf sur ce qui l’entoure et est déchirée entre l’amour qu’elle ressent pour son père et le comportement de celui-ci face aux autres membres de sa famille. Finalement, la troisième voix est celui d’un psychiatre proche de la retraite qui accepte de recevoir Mme Boisjoli dans son cabinet, venue parce que des gens sont inquiets, même si son mari n’est pas « comme ça ». Pas vraiment.

Nous avons donc ici un roman dont les pages se tournent toutes seules. La plume est très fluide et les trois voix sont très distinctes. Ici, les choses sont clairement explicitées et nulle place à l’interprétation pour le lecteur. Les mécanismes de la violence sont bien mis en évidence et toutes les idées reçues sont démontées. J’ai trouvé les parties chez le psy un peu didactiques mais je comprends pourquoi l’autrice a fait ce choix. L’évolution des perception du personnages est bien faite et on a le goût de l’encourager à chaque mécanisme de défense qui tombe. Les personnages sont bien construits, multidimentionnels et j’ai particulièrement apprécié de découvrir Gabriel petit à petit.

J’ai apprécié la justesse du ton et la diversité des points de vue sur une même problématique qui dépasse les coups donnés ou observés. On ne sombre pas dans le pathos ou le mélo malgré le côté terrible de certaines situations. Une bonne lecture.

La petite dame en son jardin de Bruges

Je ne sais pas pourquoi j’ai eu l’idée de repêcher ce court récit des tréfonds de ma pile. Toujours est-il que ça a été une mautadite bonne idée!

De quoi ça parle

Dans ce récit, Charles Bertin rend hommage à sa défunte grand-mère, avec qui il a passé des étés marquants dans sa maison et son jardin de Bruges.

Mon avis

Ce que j’ai pu aimer ce récit. Je me suis laissée porter par les mots de l’auteur dans le tourbillon des souvenirs évoqués par le narrateur et j’ai vécu avec lui ces étés merveilleux sous le regard bienveillant de sa grand-mère, décédée depuis maintenant 50 ans. Je suis une nostalgique dans l’âme et ces moments de grâce, magiques, m’ont profondément touchée. Ce sont ici des instantannés d’enfance, de grandes aventures à vélo ou dans la ville. C’est une ode à l’imagination, aux rêve et aux désirs auxquels ont peut aspirer.

C’est dans les années 90 que l’auteur rêve à sa grand-mère. Thérèse-Augustine, qu’elle s’appelait. Née dans une famille paysanne en 1870, elle a été sacrifiée sur l’autel de la réussite de ses frères et après la mort de son mari pour qui elle a sillonné la Belgique d’une demeure à l’autre. Pui arrive son petit-fils avec qui elle va tisser un lien d’exception. Histoire d’un amour profond, marqué par le goût d’apprendre et de développer un imaginaire qui ne demande qu’à s’exprimer.

C’est court, intense mais pudique à la fois. On visite une Bruges très réelle, qui défile sous nos yeux et j’ai revu avec plaisir ces canaux et ces clochers. On ressent l’exaltation, les moments d’ennui mais aussi la profonde complicité qui liait ces deux êtres. C’est cosy et confortable et j’ai passé un moment remarquable dans ces pages. La plume est poétique et évocatrice et j’ai terminé ce voyage dans les souvenirs de l’auteur les yeux dans l’eau. Des images qui naissent sous mes yeux, des instants fugaces qui apparaissent réels, un grand rayon vert et une ode à cette famme qui a été rebelle à sa manière, la seule qu’elle avait. J’ai adoré. Un gros 4,5 étoiles.

Jungle – Adelaïde Barat Magan / Justine Langlois / Fanny Modena

Autisme au féminin…

Il suffisait de ces mots sur la couverture pour me tenter. Je pose les bases tout de suite, je ne suis pas autiste. J’ai des grosses particularités sensorielles – qui font rire tout le monde – avec lesquelles je vis très bien, mais je ne suis pas autiste. Parce qu’il est faux de dire que « tout le monde est un peu autiste ». Mais je m’égare.

De quoi ça parle

Gabi a 26 ans. Toute sa vie, elle s’est sentie un peu à côté du monde. Puis, elle reçoit un diagnostic. Autisme. Et ça va tout expliquer.

Mon coin lecture

Voici donc une bande dessinée fort intéressante, entre témoignage et ouvrage didactique, qui parle de l’autisme au féminin. Vous savez, celui qui a été longtemps invisibilisé et ignoré en psychiatrie car la médecine a toujours été faite par et pour les hommes, n’est-ce pas.

Je ne suis pas autiste mais je travaille avec les personnes autistes, surtout les toutes petites personnes de moins de 6 ans. Du coup, j’ai beaucoup lu sur le sujet et sur le devenir de ces personnes. Cet ouvrage est pour moi une très bonne introduction, avec un point de vue de l’intérieur sur ce que c’est, être autiste. On traite aussi des stéréotypes et des perceptions, ça sent le vécu, on ressent le mal être de Gabi qui ne se reconnaît pas dans ceux qui l’entourent. Et c’est en lisant son rapport d’évaluation Dx qu’elle va jeter un retard sur le passé et permettre au lecteur de comprendre.

Si je ne suis pas fan du style de dessin de façon générale, je dois mentionner que les illustrations apportent énormément à l’histoire et que l’illustratrice réussit à créer des images frappantes qui permettent d’ouvrir la porte de la psyché de Gabi. Très bien fait et bien pensé.

Si pour ma part j’aurais aimé voir aborder plus en détails certains aspects de l’autisme au féminin (le type d’intérêts restreints, notamment) , je conçois que ça sent le vécu, que ça risque de faire du bien aux jeunes femmes autistes et que ça va permettre à monsieur et madame tout le monde de comprendre un peu mieux.

Je recommande.

Et, ça faisait longtemps… c’était ma BD de la semaine. Toutes les participations chez Noukette!

À la recherche de Marie – Madeleine Bourdouxhe

J’ai découvert Madeleine Bourdouxhe l’an dernier, avec ma lecture marquante de « La femme de Gilles ». Quand j’ai eu l’occasion de lire cet autre roman de l’autrice, écrit dans les années 30 et publié dans les années 40 (l’autrice voulait vraiment un éditeur-pas-pro-nazi), j’ai sauté dessus.

De quoi ça parle

Marie est mariée avec Jean depuis 6 ans. Elle est amoureuse de son mari, heureuse en ménage et est en vacances dans le sud de la France. Lors d’une promenade, elle va voir un jeune homme, vacancier comme elle, qu’elle va graduellement apprendre à connaître. De retour à Paris, elle va le recontacter.

Mon avis

Madeleine Bourdouxhe a une plume toute en pudeur mais terriblement forte. C’est tellement bien écrit. Il faut certes aimer les récits centrés sur un seul personnage et exploré la psyché d’une femme à travers son quotidien et son évolution personnelle. On sent l’hommage à Proust dans le titre mais il y a selon moi un petit côté Virginia Woolf aussi. Bref, tout à fait pour moi.

Ce roman est certes moins coup de poing que La femme de Gilles. Il est beaucoup plus lumineux aussi. Cette histoire est celle d’une femme qui découvre qu’elle est quelqu’un en elle-même, hors de son mariage et de son statut d’épouse. Elle commence à entrevoir l’évantail des possibilités hors de Jean, son mari et de sa grande soeur Claudine avec qui elle a une relation particulière. Elle s’ouvre à ses désirs, ses envies et à ce qu’elle est profondément.

Tout est dans le détail dans ce roman. Détails dans les réflexions de Marie, son attention aux petites choses, aux petites sensations ainsi que dans la description des ambiances. Je me sentais sur cette plage, plongée dans ces silences riches et prégnants, transportée dans les rues et les cafés parisiens des années 30. Marie n’est pas toujours heureuse, elle a des déceptions, des désillusions mais elle semble saisir le moment présent, les sensations qui permettent d’être vraiment là.

Bref, une excellente lecture, une touche de féminisme, et je vais clairement suivre Zoe éditions. J’ai tout aimé ce qu’ils font à date.

Délicieuses pourritures – Joyce Carol Oates

Moi et Oates, ça passe habituellement. J’ai eu quelques échecs mais en général, j’aime sa vision subversive. J’ai lu ce court ouvrage dans le cadre de ma série « je lis les favoris de… » et j’ai adoré.

De quoi ça parle

Nouvelle-Angleterre, années 70, un collège féminin. Gillian a 20 ans et elle tombe sous le charme, ou plutôt l’emprise, de son professeur de littérature qui leur demande de livrer leur journal intime en classe. Gillian se laissera prendre dans la spirale créée par ce professeur et son épouse, artiste qui collectionne la laideur.

Mon avis

C’est donc un très court récit auquel nous avons droit ici. Juste assez pour moi pour me sentir engluée dans cette résidence pour étudiantes d’une université féminine. Chacune veut briller, être remarquée et Gillian, le personnage principal, sera prise dans une situation dont elle ne veut pas réellement sortir.

Ce texte est vénéneux, poisseux, déstabilisant. C’est profondément dérangeant de voir cette jeune femme intelligence fascinée par son professeur qui élit des « favorites » qui ont ainsi la possibilité de participer aus processus créatifs du couple qu’ils forme avec son épouse. De l’extérieur, c’est horrible. La manipulation est évidente, les manigances dégoûtantes. Et de voir ces jeunes femmes désirer cette situation et être détruites fait mal au coeur.

Du point de vue de Gillian, ses rêves se réalisent. Elle ne comprend pas l’emprise, se trouve privilégiée, on a le goût de la secouer. Elle prend tellement de mauvaises décisions qu’il est difficile de l’apprécier comme personnage, ce qui nous remet aussi en question par rapport à la « parfaite victime ». Tout ça en étant de plus en plus horrifiée par ce qui lui arrive. Entre érotisme (infortable l’érotisme) et drogues, rien n’est épargné à la jeune femme.

C’est magnifiquement écrit, très inconfortable, les relations féminines ne sont pas simples et le thème de l’obsession est partout. Les jeunes femmes se suspectent l’une et l’autre, on se sent clairement englué dans le récit et j’y ai réfléchi longtemps après. Bref, adoré.