Le harem du roi – Djaïli Amadou Amal

Djaïli Amadou Amal est une autrice que je suis depuis ma lecture des Impatientes, il y a quelques années. J’ai tout de suite aimé le regard féministe que pose l’autrice sur la société camerounaise et avec ce roman, elle a encore réussi.

De quoi ça parle

Boussoura et Seini sont un couple moderne de Yaoundé. Il est médecin, elle est professeure de littérature. Ils sont mariés depuis longtemps, les enfants sont grands. Mais voilà. Seine est fils de roi et il est appelé à devenir lamido, gardien des traditions et de la religion. Sa femme est, bien entendu, loin d’être ravie. Mais ils s’aime et elle le suit dans sa nouvelle vie, qui implique, entre autres, des quartiers séparés et un harem. Eux qui avaient un mariage monogame.

Mon avis

Djaïli Amadou Amal a un réel talent de conteuse. Elle réussit à esquisser tout de suite des personnages crédibles, touchants, imparfaits, qui ont tous une certaine évolution. Ses romans me transportent illico au Cameroun où tout est différent, de la religion à la façon de penser. La situation des femmes, bien sûr. Surtout. Car c’est surtout de ça qu’il s’agit.

Nous verrons donc évoluer le couple et son entourage pendant de nombreuses années. Boussoura, l’épouse, va passer de l’incrédulité initiale à la révolte, en passant par toute ue gamme d’émotions intermédiairee. Elle ne devient pas soumise du jour au lendemain, tout dans la relation évolue lentement mais inexorablement. Entre les attentes de la communauté et les siennes, il y a un monde. Elle voit également son mari changer petit à petit, alors qu’il cède aux privilèges qui s’offrent désormais à lui.

Toutes les femmes de cette histoire m’ont touchée. Boussoura, certes, mais également les concubines, esclaves honorées, qui ne s’en sortent pas toujours bien. Je ne connaissais rien de l’existence de ces micro-sociétés et comme souvent, l’autrice donne une voix à celle qui en ont si peu. Ça parle de patriarcat, du poids des traditions, de l’appât du pouvoir et de la polygamie, surtout quand elle n’est pas choisie. Voir le changement graduel dans la façon de penser de Seini, l’homme qui se laisse tenter par tous les possible, est déchirant. Et j’ai adoré la fin.

Bref, un autre très bon roman de cette autrice et je vous invite à lire ses précédents.

Proust, roman familial – Laure Murat

Vous savez que entre Proust et moi, le courant passe. Assez pour que je souhaite vivement lire un essai sur l’aristocratie en lien avec son oeuvre. Et savez-vous quoi, j’ai bien fait.

De quoi ça parle

L’autrice est née dans l’aristocratie. À 20 ans, elle lit la recherche et elle a une illumination. Ce monde-là, c’était le monde de son enfance. Proust avait connu ses arrières-grands-parents. C’est donc à travers son oeuvre qu’elle va mieux comprendre le monde qui l’a forgée et qu’elle a fini par rejeter.

Mon avis

Je ne suis pas issue de l’aristocratie. Je viens d’une famille normale, bien prolétaire et tout. Du coup, l’enfance de l’autrice est aussi éloignée de la mienne que possible. Pourtant, j’ai ressenti son mal-être et sa joie d’enfin voir se jeter un éclairage sur son propre vécu. Car pour elle, l’aristocratie, c’est un peu une tentative désespérée de faire perdurer un monde qui n’existe plus et qui semble hors du temps. Proust réussit, dans sa recherche, à décortiquer cet univers, à en analyser les tenants et les aboutissants, à en faire ressortir la vacuité également. Et le conformisme. Car il ne faudrait que surtout rien ne change, ou n’apparaisse changer. La diversité sexuelle, on sait qu’elle existe, mais on fait comme si ce n’était pas le cas. Difficile de se battre et de s’émanciper quand on n’existe pas.

Je ne sais pas si j’aurais autant aimé si je n’avais pas lu la recherche. J’ai adoré les références et le juste partage entre expériences personnelles, littérature et sociologie. L’autrice, lesbienne, a fini par s’éloigner de sa famille. La différence dans ce contexte, ce n’était pas simple et Proust le démontre fort bien. Il réussit à nous montrer tout cet apparat, ces traditions, ces détails qui n’ont l’air de rien mais qui font la différence, sans oublier l’hypocrisie ambiante. La scène où l’autrice voit le maître d’hôtel placer les couverts à une distance précise, que personne ne va remarquer, mais qui donne cette « classe » supplémentaire est frappante.

Un roman sur la littérature qui répare, qui console, permet l’émancipation et donne espoir, ainsi que sur son pouvoir sur les êtres. J’ai été très touchée par la fin… et j’ai envie de relire la Recherche. Juste parce que.

Manuel de survie du sorcier frugal dans l’Angleterre médiévale – Brandon Sanderson

Quand je vois le nom de Brandon Sanderson, je n’hésite pas. Son originalité me fascine toujours et son précédent roman de cosy fantasy m’avait beaucoup plu. Je continue donc les fameux romans secrets.

De quoi ça parle

Un homme se réveille seul dans la nature, amnésique, dans un pays qui ressemble énormément à l’Angleterre médiévale. Il ne sait plus qui il est ni d’où il vient… et encore moins comment il a pu atterrir ici. Il y a bien un bout de guide, le « Manuel de Survie du Sorcier Frugal dans l’Angleterre médiévale » mais il est dans un drôle d’état suite à son transfert.

Il semble poursuivi par de mystérieux individus et va devoir s’allier à des locaux pour tenter de s’en sortir, ou du moins de comprendre ce qu’il peut bien faire là.

Mon avis

Je n’aurais jamais pensé dire ça un jour, mais j’ai été déçue par un roman de Sanderson. J’avoue que mes attentes étaient élevées et que ce n’était pas un mauvais roman. J’ai passé un bon moment de lecture, ça se lit tout seul et c’est divertissant. Toutefois, si les moments absurdes d’un Pratchett ou d’un Douglas Adams me font mourir de rire, on dirait que j’ai été moins touchée par cet humour qui, je crois, se voulaient dans cette veine. Les passages du « Guide » sont très drôles au départ avec leurs marques déposées et leurs élucubrations sans queue ni tête, mais ils deviennent vite répétitifs et un peu inutiles.

Nous avons donc un personnage qui ne sait plus qui il est et qui s’imagine, comme tout le monde, le héros de l’histoire. Sauf que l’est-il vraiment? Et est-ce que ce voyage va le faire évoluer? Nous sommes dans un univers SF où technologie et magie peuvent parfois être confondus, et notre voyageur va vite comprendre qu’il n’est pas le seul à visiter cette dimension… et qu’il risque d’y avoir des problèmes, surtout s’il ne sait pas qui sont ses alliés. Nous allons donc suivre son périple, le voir comprendre petit à petit ce qui se passe… et être un peu trimballé par les circonstances dans une espèce de course poursuite, accompagné de quelques habitants de la dite dimension. C’est chouette, mais ça manque un peu de profondeur pour Sanderson.

J’ajouterais aussi qu’à part le personnage principal qui apprend peu à peu ce qu’il est, tous les autres sont assez plats. Ils ont quelques traits caractéristiques mais ils n’ont pas les zones d’ombre que j’aime tant chez Sanderson. Pas qu’ils soient désagréables, non. Ils sont juste moins vivants.

Un bon moment de divertissement, mais, comme je le disais, pas mon préféré de l’auteur.

Le sentiment des crépuscules – Clémence Boulouque

Non mais regardez le bandeau. Zweig. Comment résister? Dans mon cas, je ne résiste pas. Vous vous en doutiez.

De quoi ça parle

Nous sommes à Londres, en 1938. Zweig, à la demande de Dali, lui présente Freud, que le peintre idéalise. Il souhaite lui montrer l’une de ses toiles, La métamorphose de Narcisse. Il semblerait que cet après-midi londonien ait vraiment eu lieu, mais Boulouque nous livre ici son interprétation.

Mon avis

La distribution de ce roman me faisait saliver à l’avance : Freud, Zweig, Dali, Gala, Anna Zweig et Edward James. Par des flux de conscience croisés, nous serons témoins d’un après-midi entre ces illustres personnages. Chacun a ses passages, ce qui permet d’éviter le joyeux mélange, mais je reste toutefois sur ma faim.

Nous sommes à la croisée des chemins. Nous sommes dans l’avant-guerre. Freud mourra en 1939 et Zweig se suicidera en 1942. L’histoire sera bientôt bouleversée et nous sentons bien cet aspect peser sur le roman. Aurais-je aimé qu’il soit plus développé?  Certes. Car malgré le casting de folie, c’est ce que j’ai préféré dans l’histoire et j’aurais aimé entendre davantage de réflexions des protagonistes principaux à ce sujet.

Mon problème?  Chacun d’entre eux est une caricature de lui-même, ce qui m’a empêchée d’adhérer complètement à l’histoire. Gala est particulièrement désagréable, Zweig profondément déprimé et Dali est dans une exégaration qu’il sait lui-même too much. C’est épuisant.  Le personnage d’Anna Freud m’a toutefois beaucoup plu et m’a paru mieux développé.

Même si c’est une lecture en demi-teinte, j’ai aimé la réflexion sur le thème de l’exil, de la dépossession et de la reconstruction qu’il implique. Mais qu’est-ce que Gala et Dali pouvaient être agaçants en ramenant toujours tout à eux! Ceci dit, c’est probablement logique étant donné les personnalités flamboyantes qu’ils semblent avoir eue. Bref, mitigée.

Normal People – Sally Rooney

Je voulais découvrir l’autrice depuis longtemps, vu que j’entends tout et son contaire à son sujet. J’ai donc commencé par Normal People… et je suis un peu sur le fil. J’ai apprécié la construction des personnages mais, finalement, je me fichais un peu de ce qui allait arriver? Ce n’est pas bon signe hein?

De quoi ça parle

Irlande, années 2010. Au secondaire, Marianne et Connell vivent des situation bien différentes. Elle est née dans une famille riche (et dysfonctionnelle) alors que la mère de Connell fait le ménage chez eux. Il est bien adapté à l’école, elle est considérée comme étrange, une outsider. Pourtant, ils vont développer une relation, ils vont la cacher… et se revoir plus tard. Souvent.

Mon avis

À lire la prémisse, on croirait une romance hein? Sauf que non. Oui et non. C’est l’histoire de deux personnes profondément blessées, qui évoluent différemment mais qui se retrouvent toujours. Parce qu’ils sont bien ensemble. Parfois.

Entendons-nous, il y a de l’amour dans tout ça. On y parle d’amour, d’amitié, de traumas et de dépression. Aucun des deux n’a une belle image d’eux-même. Ils semble être des âmes soeurs, il n’y a qu’ensemble qu’ils peuvent être vrais, ils sont importants l’un pour l’autre et tentent de se tirer vers le haut, sans toujours réussir. Ils sont pleins de failles, leur évolution et leurs réactions sont logiques, même si elles sont enrageantes par moment. Le titre prend tout son sens. Ils ne sont pas extraordinaires, juste… poqués. On se demande du début à la fin s’il vont ENFIN communiquer dans les moments les plus importants?

Entendons-nous, Connell et Marianne ne sont pas glorieux. La relation est parfois presque toxique malgré leur bonne volonté. Marianne est consciente de ne pas bien aller et d’avoir besoin de mécanismes de défense parfois malsains. Ce n’est pas facile d’être avec elle et ses contradictions même si elle semble devenue la reine des abeilles à l’université. Connell est parfois tellement… égoïste et peureux! Mais bon, ils sont humains. Ceci dit, il y a un côté « not like the other people » qui m’a parfois énervée. De plus, comment peut-on être si proches, si vrais l’un avec l’autre, et faire face à tant de problèmes de communication. JUST TALK FOR F*** SAKE!

Nous avons une écriture très simple, avec de longues ellipses et des passages très détaillés. J’ai beaucoup aimé les dialogues, très rythmés, malgré beaucoup de « I don’t know ». Oui, je sais. Quand je commence à compter, c’est moyen. Pourquoi suis-je restée si extérieure? Difficile à dire surtout que ce type d’histoire me plait terriblement normalement. Peut-être que les deux personnages sont tellement différents de moi que j’ai eu de la difficulté à m’y attacher et à me projeter? Même si, comme plusieurs, j’ai eu ma part de relations ambigues. C’est parfois répétitif, les personnages secondaires m’ont semblé à peine esquissés et utilitaires… je lisais sans déplaisir mais sans passion non plus.

Ceci dit, je relirai l’autrice car j’aime bien les études de personnages. Peut-être d’autres de ses romans m’accrocheront-ils davantage!

La petite bonne – Béatrice Pichat

J’avais repéré cet ouvrage dans mes recherches sur la rentrée littéraire. Le pitch m’avait interpellée. Et quelle bonne lecture ça a été.

De quoi ça parle

Elle travaille chez les Daniel. Elle est la boniche. Puis un jour, Madame part trois jours et la laisse en compagnie de Monsieur, ancien pianiste prodige maintenant prisonnier d’un corps qui est devenu inutile, suite à la bataille de la Somme. Et il va lui proposer quelque chose de surprenant. Et si elle acceptait?

Mon avis

Je ne m’attendais à rien de ce roman en vers libres, avec cette héroïne sans réelle identité à part celle d’être au service des autres. Nous sommes après la guerre et notre petite bonne doit laver les carrelages, soulever des paniers trop lourds de ses mains gercées par le froid. C’est son travail. Et ses patrons , chez qui elle défile, sont les gens qu’elle côtoie pratiquement le plus.

Monsieur Daniel, Blaise, ne lui parle jamais. C’est sa femme qui traduit ce qu’il dit, lui, miracle de la médecine moderne, devenu lourdement handicapé. Une gueule cassée. Alexandrine, sa femme, s’en occupe du mieux qu’elle peut, partagée entre amour, abnégation et ressentiment.

J’ai beaucoup aimé l’alternance des points de vue, l’ambiance un peu hors du temps et irréelle qui est créée. On assiste à des bribes d’interactions, des flashes de vie. Trois personnes qui s’entrecroisent en tentant de se rencontrer malgré les réticences de Blaise qui n’a pas l’intention de se laisser approcher si facilement. Lui, il juge, évalue. Et la petite bonne va le surprendre malgré lui. C’est à travers la musique qu’ils vont communiquer, même si Blaise, lui, a bien l’intention de ne pas continuer comme ça longtemps. J’ai beaucoup aimé le choc de leurs sensibilités, les questions qu’ils se posent et leurs façons différentes de se comprendre. Un peu. Quant à Alexandrine, Madame, même si elle est plus froide et vieux jeu, ses réactions sonnnent vrai. Elle tente de faire « la bonne chose » sans toutefois y parvenir. J’ai été touchée par tous ces personnages.

Bref, un très très bon moment de lecture.

Madelaine avant l’aube – Sandrine Collette

Je n’étais pas tentée au départ par ce récit de terroir. On dirait que j’ai besoin d’un incitatif pour prendre ce type de roman. Et puis il a été nominé pour un pris… et je l’ai lu et j’ai bien fait.

De quoi ça parle

Nous sommes dans un tout petit hameau appelé Les Montées. Nous sommes un peu hors du temps, mais entre paysans et propriétaire, il y a un gouffre. Aux Montées, il y a les trop belles jumelles Aelis et Ambre et, plus bas, la vielle Rose, qui a recueilli Bran, le narrateur de la première partie du roman.
La vie y est cruelle, répétitive, on se bat pour manger, pour survivre.

Et un jour arrive Madelaine, fillette sauvage qui va s’attacher à Bran et qui sera adoptée par l’une des jumelles qui n’a pas pu avoir d’enfants. Et elle va tout bouleverser

Mon avis

Entendons-nous, nous sommes dans un récit lent, plongé dans la vie au quotidien de paysans, vie dure, profondément injuste, au rythme des saisons, des pluies et des gelées, le tout sous la coupe du maîtrequi se fiche bien de tout leur prendre et surtout de son fils, dont les femmes doivent se cacher. Sinon, il prend tout ce qu’elles ont à offrir. En fait, il prend même ce qu’elles n’offrent pas. Et personne de dit rien. Ça ne donnerait rien de toute façon.

Bran, adopté par la vielle Rose qui connaît les herbes. Un peu sorcière, elle va attraper Madelaine, enfant sauvage, rebelle, moins formatée que le reste des habitants. Elle va profondément bouleverser ceux qui la côtoient, probablement parce qu’elle leur renvoie une image d’eux-mêmes qu’ils ne veulent pas voir. Nous allons suivre un petit groupe d’enfants, fils des jumelles, qui tentent de faire leur place dans ce monde hostile. Ils n’ont pas tous les mêmes ambitions, mais peu importe, la suite ne sera pas simple. C’est profondément révoltant, parfois horrible, d’une violence inouie. Les personnages sont travaillés, ils évoluent vraiment et c’est surtout magnifiquement écrit.

Et je pense que la plume est ce qui m’a fait m’accrocher malgré la lenteur du récit et le côté répétitif qui pourra déplaire à certains. Toutefois, la nature omniprésente, presque un personnage en soi, m’a accrochée et les escapades de Madelaine et des enfants pour tenter de trouver nourriture, herbes et plantes sont presque cinématographiques. Et, surtout, à un moment, j’ai été surprise. Vraiment. Je n’avais rien vu. Même si j’aurais dû. Juste pour ça, ça a donné une demi étoile supplémentaire.

Récit dur, troublant, qui pose la question de la soumission. Que peut-on faire quand le système est bien huilé, quand chacun a le contrôle sur ceux du dessous? Pourquoi accepter l’inacceptable? Peur que ce soit pire si on ose bouleverser les choses? Madelaine remet le tout en question, avec son regard de petite fille rebelle, qui voit encore les petits moments de bonheur et la beauté de la famille choisie.

Une bonne lecture.

Les sentiers de neige – Kev Lambert

J’ai toujours hâte de lire les romans de Kev Lambert car non seulement il s’agit pour moi des plumes les plus marquantes de sa génération, mais on ne sait jamais sur quoi on va tomber. Ici, nous avons d’une histoire d’enfance sur fond de réveillon de Noël et de partys de famille. Parfait pour lire au début des vacances de Noël.

De quoi ça parle

2004. Zoey, 8 ans, va vivre son premier Noël depuis la séparation de ses parents. Il ne se sent pas bien dans sa peau, voudrait jouer avec des jouets dits « de fille » et n’est pas toujours bien traité à l’école. Pour Noël, il va dans la famille de son père au Lac-St-Jean où il ne se sent pas à sa place mais aussi où il y a sa cousine préférée, Emie-Anne, celle qui ose tout. Tous les deux vont partir dans un monde imaginaire où il devront sauver un mystérieux personnage masqué

Mon avis

Il y a toujours quelque chose dans la plume de Kev Lambert qui vient me chercher. Ici, nous nous éloignons du style plus formel de « Que notre joie demeure » mais c’est toujours aussi bien fait. Défitivement, il sait écrire. Je suis prête à lire n’importe quoi de cet auteur. Ici, nous sommes dans un conte un peu surnaturel, qui fait parfois pense à Ça de King par sa façon de parler des traumatismes de l’enfance, avec un brin de Zelda et des références à toutes ces portes secrètes qu’on ne trouve jamais. Sauf qu’ici, les deux enfants vont la trouver.

Pour apprécier, il ne faut pas avoir peur du côté « conte » et des métaphores qui vont avec. Pour ma part, j’adore les voix d’enfants, surtout quand elles sont dérangeantes. Emie-Anne l’est presque autant qu’une certaine Bérénice de l’oeuvre de Réjean Ducharme (vacherie de vacherie). Elle est née dans un autre pays et se sent étrangère malgré tous les efforts de sa mère pour éviter que ça se produise. Mère qu’elle méprise ouvertement. Pour Zoey, Emie-Anne est fabuleuse, extravertie alors qu’il préfère rentrer dans coquille. Et lors de cette soirée de Noël, ils vont se trouver et partir pour de grandes aventures.

Nous avons donc une réflexion sur l’identité, sur les secrets refoulés ainsi que sur la crainte du passage à l’âge adulte, qui bien qu’inévitable, leur fait terriblement peur. Surtout ne pas être comme eux, ces adultes qui portent toujours un masque, masque qui tombe parfois après 3-4 bières. Et ce n’est pas toujours beau. La famille de Zoey a un gros accent du lac, s’ils trouvent quelque chose mauvais, c’est « gai » et tout le monde est bien ancré dans les valeurs dites « traditionnelles ». La fête est vue à hauteur d’enfant, avec toutes les incohérences que ça soulève. C’est à la fois touchant et drôle.

Si nous voyons certes le côté des enfants, Lambert nous entraîne parfois dans la tête des adultes, ceux qui font de leur mieux, ceux qui souffrent aussi et ceux qui sont juste trop centrés sur eux-mêmes. Ceci apporte nuance et profondeur au récit centré sur le mal-être des enfants, souvent difficile à comprendre. Bref, une réussite quand on adhère au côté fantastique et qu’on accepte de ne pas tout comprendre.

La ballade du Serpent et de l’oiseau chanteur – Suzanne Collins

Quand ce roman est sorti, on m’avait dit de passer mon chemin, qu’il était moins bien que la trilogie d’origine. Puis, 4 ans après, on m’a dit le contraire. Je l’ai donc lu. Et j’ai bien fait.

De quoi ça parle

Nous sommes 64 ans avant la trilogie originale et les Hunger Games en sont à leur 10e éditions. Le Capitole a décidé d’impliquer les élèves dans les Jeux en les nommant mentors. Coriolanus Snow, issu d’une noble famille désargentée, est du nombre. Il sera donc jumelé à Lucy Gray, la fille du district 12, sur laquelle personne n’aurait parié. Bienvenue dans l’histoire d’un grand méchant!

Mon avis

J’aime beaucoup les « villain origin story ». J’aurais dû savoir que je passerais un très bon moment, surtout que The Hunger Games fait partie de mes dystopies préférées. Nous passerons quelques mois avec Coriolanus Snow, ceux qui seront déterminants dans son parcours. De quoi est fait un vilain? De son passé? De ses choix? De lui-même? Ici, Suzanne Collins ne se contente pas de nous dire « il a eu une dure vie donc maintenant, il tue des gens ». Nous avons droit à une vraie évolution en terrain fertile. Si nous rencontrons un jeune homme crédule, qui tente de faire la bonne chose au début du roman, il est loin d’être un humain parfait. Arrogant, persuadé de sa propre importance, il souhaite récupérer l’honneur perdu de sa famille, il veut briller, avoir le pouvoir. Dès le départ. Toutefois, dans les jeux, il agit certes pour lui-même mais n’est pas non plus un être méprisable. Pas vraiment, il y a pire que lui. C’est petit à petit qu’il va faire des choix, qu’il va déterminer lesquelles des personnes influentes de sa vie il va croire.

Et c’est ce que j’ai vraiment apprécié. Certes, la spirale le prend assez rapidement, mais c’est une modification profonde de sa façon de voir le monde, de considérer les gens, qui va le transformer et lui apprendre à ne plus jamais être vulnérable. Car il l’est devant Lucy Gray, son tribut, de qui il va tomber amoureux. J’adore ce personnage, droite dans ses bottes malgré ses failles et les décisions difficiles qu’elle a dû prendre. Tous les personnages secondaires sont intéressants et l’évolution de leurs relations l’est tout autant. Ils sont pris dans leurs croyances et leurs perceptions et ils vont se confronter sans toujours réussir à s’influencer suffisamment. C’est selon moi hyper bien fait.

Bref, une réflexion sur la nature humaine, une histoire qui nous transporte de l’arène au district 12, beaucoup d’action et de moments déchirants. Être dans la tête de Snow devient de plus en plus difficile au fil des pages, alors qu’il est encore persuadé d’être le bon de l’histoire et de ne pas avoir eu le choix. Impossible de ne pas apprécier les liens avec la trilogie originale et de s’imaginer la colère et le désarroi du Président Snow quand Katniss est apparue. J’aime beaucoup la finale ambigue.

Bref, une lecture qui me donne envie de relire la trilogie originale… et d’écouter le film. Maintenant, je chante The hanging Tree!

Tata – Valérie Perrin

J’ai déjà lu Valérie Perrin. Changer l’eau des fleurs m’avait plu, dans le genre roman grand public émouvant qui rejoint une grande quantité de gens. La prémisse de Tata me plaisait bien… alors je l’ai lu!

De quoi ça parle

Quand Agnès reçoit un appel de la gendarmerie, elle a la surprise de sa vie. On lui annonce que sa tante célibataire, Colette Septembre, est décédée. Sauf que Colette est déjà morte. Trois ans plus tôt. Elle va donc revenir dans le petit village où elle a passé tous ses étés pour tenter de résoudre le mystère qui entoure sa tante.

Mon avis

Encore une fois, j’ai passé un très bon moment de lecture avec ce roman de Valérie Perrin. C’est un roman à la plume très accesible, avec des personnages très attachants sans être parfaits. Certes, certaines ficelles sont parfois faciles, il y a un côté folklorique, on tombe un peu dans la surenchère de malheurs et de thèmes exploités mais, allez savoir pourquoi, ça a passé et c’est pour moi une bonne lecture.

Nous avons donc Agnès, cinéaste célébrée qui a vécu un divorce difficile duquel elle ne se remet pas. Son ex-mari célèbre a refait sa vie mais elle l’aime toujours et ce retour aux sources obligé n’est pas simple pour elle. Sa tante qu’elle croyait morte et qui ne l’était finalement pas se révèle une femme bien plus complexe que la vieille fille rigide fan de foot qu’elle semblait être. Agnès va retrouver des cassettes enregistrées – sans montage – par sa tante et cette écoute lui permettra une incursion dans le quotidien de Colette et ainsi savoir ce qui se cachait dans les pages blanches de l’histoires familiales.

C’est donc un roman sur les secrets de famille. Les nombreux secrets de famille. C’est que Colette en a vu des choses, ayant grandi dans une petite ville, dans une famille paysanne pauvre avec une mère qui ne l’aimait pas. Elle est prête à tout pour protéger son petit frère Jean, pianiste prodige et faire son propre chemin dans la vie, idéalement par elle-même, Et nous, comme lecteur, nous voulons connaître la suite de l’histoire, nous voulons savoir pourquoi elle a choisi de faire semblant de mourir trois ans plus tôt.

C’est donc une histoire de découverte de soi et de reconstruction, de souvenirs d’enfance et de retour aux sources. Certes, j’ai ressenti des longueurs vers la fin du roman et le procédé de l’écoute des cassettes s’épuise après un moment, même si l’histoire de Colette est centrale. J’aurais peut-être aimé explorer davantage la relation tante-nièce mais somme toute, c’était agréable. Et j’ai eu envie d’aller voir un match de foot!