Le Colère et l’Envie – Alice Renard

C’est parce qu’on m’en a vanté la plume que j’ai choisi de lire ce roman. Et c’est parce qu’on m’avait prévenue que c’était à la limite du réalisme magique que je l’ai aimé.

De quoi ça parle

Depuis toujours, Isor laisse ses parents désemparés. Elle est différente, mystérieuse, ses comportements sont souvent incompréhensibles, entre crises, réactions démesurées et moments de grâce.

Près de chez elle, Lucien. Septuagénaire reclus qui va un jour s’en occuper, le temps de la visite d’un ouvrier. Ces deux-là vont se trouver… et tout va changer.

Mon avis

Quand je lis des romans traitant de ces thèmes, j’ai du mal à mettre de côté mes années à connaître des jeunes qu’on dit « différents », des jeunes neuroatypiques, des personnes qui voient le monde d’une façon différente de la mienne. J’ai vu de belles histoires, des évolutions inespérées. Peut-être toutes ces années m’influencent-elles davantage que je ne l’aurais cru. Lucky me, on m’avait avisée que ce n’était pas nécessairement réaliste en fin de récit. Le sachant, j’ai pu me concentrer sur le côté beau et lumineux du parcours d’Isor et apprécier la plume de l’autrice. Car il est presque étonnant de réaliser qu’Alice Renard n’avait que 21 ans lors de la publication de ce roman tant il y a de justesse dans les réflexions.

J’ai adoré la première partie, où nous pouvons rencontrer chacun des deux parents séparémenet, alors que généralement, nous avons tendance à les voir comme un tout. Isor peut être une enfant solaire par moments mais elle est surtout déconcertante et imprévisible. Elle ne parle pas, répond très peu aux consignes, a des intérêts restreints et des particularités sensorielles qui rendent le quotidien difficile. Les parents ont vu médecins, psychiatres, orthophonistes et psychologues. Personne ne semble les comprendre et Isor n’entre clairement pas dans les cases ni du DSM ni du monde médical. Ils ont donc tourné le dos au système médical et au système scolaire et ont construit un cocon pour eux trois où personne d’autre n’a de place. Tout est organisé autour d’Isor. Et les pensées des parents… c’est tellement juste, ça ressemble tellement à ce que j’ai parfois entendu… Il y a tellement d’ambivalence, tellement de sentiments difficiles à avouer mais qui sonnent vrais. Cette partie est tout bonnement géniale.

J’ai moins accroché à Lucien, du moins par au début. On comprend davantage son attitude vers la fin du roman, quand on comprend son histoire. Entre Isor et Lucien, c’est l’affection immédiate. Ils s’acceptent comme ils sont sans poser de question, avec juste de l’ouverture et de l’amour. Certes, le discours de Lucien surprend un peu au départ mais j’ai choisi de le voir comme l’amour d’un grand-père.

Dans ce roman, l’amour est parfois maladroit, parfois étouffant, parfois teinté de culpabilité ou même de colère. Mais il existe et c’est bien. Et je relirai clairement l’autrice.

Toute la couleur du monde – CS Richardson

Je résiste rarement aux publications d’Alto, qui est l’une de mes maisons d’édition préférées. Et ici, on me parlait d’art, de couleurs, de deuil… comment vouliez-vous que je résiste à ça? Et on en parle de cette fantabuleuse couverture? Bref, j’ai refermé le roman avec la phrase suivante : « j’ai donc ben aimé ça »!

De quoi ça parle

C’est l’histoire d’un homme dont le père est revenu de la première guerre mondiale avec un seul bras. Un homme qui a aimé. Un homme qui a perdu. Il aime copier les grand maîtres et est fasciné par l’art et son histoire.

Et c’est à travers les couleurs et l’art que nous allons découvrir des moments de son existence.

Mon avis

Allez, je vais sortir les grands mots. Je pense que ce roman est ma lecture préférée de 2024 à date. Et je voudrais que TOUT LE MONDE le lise.

Il faut dire que c’est totalement dans ma palette. Des vignettes, des moments de vie fragmentés alternés avec d’autres où l’auteur nous parle d’arts, de couleurs et de leur histoire. Ces pages éclairent différemment le décit et il y a des liens parfois ténus, des fulgurances aussi. Bref, j’ai adoré ce récit par petites touches qui nous raconte un homme qui a aimé, qui a souffert et qui se retrouve perdu dans les souvenirs qu’il n’ose pas affronter. Les fils se croisent et s’éloignent et en plus de nous permettre de jeter un autre regard sur la vie d’Henry, ils nous font fouiller dans les méandres d’Internet pour découvrir oeuvres et artistes, parfois connus, parfois non.

Nous avons une plume très poétiques dans les passages au « tu » où on nous parle du personnage principal et plus factuelle dans les passages sur l’art. Malgré tout, l’ensemble est très évocateur et on réussit à ressentir la profonde angoisse du personnage qui associe une couleur ou une oeuvre à un moment ou à un autre de sa vie. Ça parle de deuil, de trauma, d’amour , de culpabilité et de quête de rédemption, on nous balade à travers l’espace et le temps… j’ai adoré. Peut-on se pardonner? Et si l’éclairage de l’art était la solution?

Je recommande si vous aimez les récits plus qui nous offrent des flashes de vie, un peu à la manière d’Eric Plamondon dans sa trilogie 1984. Mais non, en fait. Je recommande à tout le monde!

Tous les membres de ma famille ont déjà tué quelqu’un – Benjamin Stevenson

Dès que j’ai vu sortir ce titre en anglais, j’ai su qu’il fallait que je le lise. Avec ce titre et la mention de « roman à la Agatha Christie », impossible résister. En plus, quand je l’ai vu sur la liste de Kayla de Books and Lala, je me suis dit que c’était un signe!

De quoi ça parle

Le titre dit tout. Tous les membres de la famille d’Ernest Cunnigham ont déjà tué quelqu’un. Quand la tante Katherine réunit tout le monde dans un hôtel de montagne pour célébrer la sortie de prison du frère d’Ernest (meurtre, of course) et qu’un inconnu va être trouvé mort, c’est, bien entendu, inquiétant. Et Ernest, auteur de guides « how to » pour les auteurs de romans policiers, décide de comprendre de ce qui se passe. Parce que – je ne l’ai pas encore dit – c’est un peu sa faute si son frère est allé en prison.

Mon avis

Après quelques pages, je me doutais que j’aimerais ce roman. Et je le dis d’emblée, même si ce n’est pas une intrigue de folie, sérieusement, c’est un excellent divertissement. J’ai certes eu un petit moment de flottement au milieu du roman mais la narration, la narration! J’adore quand le narrateur brise le quatrième mur avec tout ce côté « méta », où il discute des codes des romans policiers, surtout ceux du « golden age ». Ne serait-ce que pour ça, je lirai le tome 2… car je viens de réalise qu’il y a un tome 2!

Nous sommes donc avec une famille complètement over the top. Le narrateur n’a pas parlé à sa mère depuis 3 ans, ayant témoigné contre son frère, sa tante trippe sur les tableaux Excel (je l’aime déjà), elle a un mari ennuyant comme la pluie, il y a l’ex de son frère, sa demi-soeur… bref, n’importe qui aurait pu faire n’importe quoi!

Entendons-nous, il y a beaucoup d’indices, beaucoup de mini-événements, de points à relier. Il y a des mystères dans le présent, dans le passé… bref, totalement dans le genre des romans d’Agatha Christie, où on peut deviner « qui » et une partie du pourquoi… mais clairement pas tout tellement il y a squelettes dans le placard! Et pas que dans le placard, d’ailleurs.

Une histoire pleine de rebondissements (peut-être un peu trop… disons qu’on peut s’y perdre) qui pourra plaire à ceux qui aiment l’humour du narrateur… autrement, ça peut être difficile! Avec moi, ça l’a totalement fait et j’ai passé un très bon moment.

Le livre des Radieux – Les archives de Roshar #2 – Brandon Sanderson

Des fois, je traîne les séries pendant des années. Et des fois, je les dégomme. Dans ce cas, je semble en mode « j’enfile les tomes les uns après les autres ». J’ai donc lu les deux tomes du Livre des adieux en janvier. Et il y a beaucoup de pages. Beaucoup, beaucoup de pages.

De quoi ça parle

Ce tome 2 reprend l’histoire où le premier nous avait laissés. Si nous en sommes là, c’est que nous commençons à comprendre ce qu’est Roshar, son histoire et ses légendes. Nous commençons aussi à voir se rencontrer Kaladin, l’ancien esclave prodigieusement doué avec la lance, Dalinar, oncle du roi ayant des visions lui indiquant d’unifier tous les peuples et Shallan, jeune fille souhaitant devenir érudite possédant un talent assez fou pour le dessin.

Nous sommes donc dans les camps de guerre où les Parshendis continuent à se défendre contre les attaques des Alethis dans leurs courses effrénées pour les coeurs de gemmes. Mais la tempête se lève… et les anciennes légendes semblent revenir hanter le présent, mettant en danger toute la population de Roshar.

Mon avis

Ce livre, ce livre! Sanderson écrit mon genre de fantasy. La table a été mise dans le premier tome, mais le monde nous est présenté petit à petit, chaque tome nous offrant davantage d’information sur l’univers ainsi que ses traditions. Bref, même à la fin de ce livre, il est clair que nous ne savons pas tout. Ni sur Dalinar, ni sur les Radieux, ni sur les Néantifères. Entrer dans leurs pensées nous fait douter de tout, du bien et du mal, et il nous est impossible d’oublier que dans la tête de chacun des personnages, les bons, ce sont EUX!

Bref, tous les personnages – ou presque – sont nuancés. Chacun des personnages principaux a des parts d’ombre, un passé qu’ils n’assument pas. On sent que la catastrophe arrive, qu’elle est inévitable, mais il est difficile de comprendre quelle est cette catastrophe. La finale est une scène de bataille épique, passionnante… C’est que Sanderson a un véritable talent de conteur. Il réussit à nous balader d’une histoire à l’autre sans jamais nous perdre, c’est plein de rebondissements, et l’histoire progresse malgré les interludes qui nous font voir les choses d’une autre manière.

Bref, j’adore.

Difficile de ne parler de ce roman sans spoiler le premier tome… quoique j’aime beaucoup ce que Shallan devient au fil des tomes et je peux quand même vous dire que tous ces personnages vont finir par se réunir et se rencontrer. La guerre entre Dalinar et Sadéas prend de l’ampleur et les efforts de Dalinar pour unifier tout le monde sans trop savoir pourquoi ni comment nous désespèrent par moments. Il est difficile de comprendre les réactions des gens… et j’ai bien hâte de savoir qui il était dans son ancienne vie… je suis pas mal certaine que ça va nous éclairer.

Inutile de dire que je poursuis ma lecture. Le tome 5 sort à l’automne et je compte bien être à jour!

Le coupeur de roseaux – Junichirô Tanizaki

Non mais à CHAQUE FOIS que j’écris le nom de cet auteur, j’écris Tamagochi. Et le pire, c’est que j’ai beau le savoir, je l’écris quand même… bref, n’empêche que je l’ai lu… et que ça m’a plu.

De quoi ça parle

Un homme décide d’aller explorer un ancien palais impérial japonais, le sanctuaire de Minase. Il va rencontrer un homme mystérieux qui va lu offrir du saké… et lui raconter l’histoire d’une femme sublime et inaccessible.

Mon avis

Nous avons ici un texte assez court, d’à peine une centaine de pages, divisé en deux parties assez distinctes. Pendant la première, un homme nous entraîne avec lui en balade autour du sanctuaire, en profitant pour nous raconter le folklore et l’histoire locale, dans un récit émaillé de poèmes.

Si j’ai bien aimé cette partie (je vais bientôt au Japon alors je suis curieuse), je dois avouer que ce n’est pas ce que j’ai préféré dans ce roman. Certes, c’est mystérieux, on imagine la lune briller sur le sanctuaire, les herbes qui se balancent… mais si j’ai vraiment aimé, c’est en raison de la seconde partie, quand arrive l’autre homme, être un peu fantômatique, qui va raconter une histoire, celle de son père.

Ce roman est tellement « japonais »! Écrit dans les années 30, on se sent ailleurs, on y retrouve plusieurs éléments assez typiques des romans du genre, notamment le côté hors du temps. L’histoire de l’homme qui s’ouvre sous l’influence de l’alcool fascine et fait réfléchir sur la situation de l’époque alors que le père de celui-ci tombe éperdument amoureux d’une femme magnifique, distante et complètement inaccessible. Il est envoûté par elle, fille belle et chouchoutée de tous, dont la famille est prête à tout pour la gâter. Ça parle de secrets de famille, de mystères mais aussi du sacrifice, thème que je retrouve souvent dans les romans japonais de l’époque.

Bref, c’est court et je recommande!

A Study in Drowning – Ava Reid

J’ai reçu ce roman dans une box. Comme tant d’autres. Et, of course, je ne l’avais pas lu. Et si je l’ai finalement choisi, c’est pour une vidéo « je lis les favoris de… ». Oui, je sais. Des fois, il faut que j’aie un petit coup de pied au c… !

De quoi ça parle

Effy a toujours été fascinée par LE grand auteur de son pays, Emrys Myrddin. Son roman Angharad est son livre de chevet et elle le sait par coeur. Elle aurait voulu étudier en littérature mais ce collège étant interdit au femmes, elle a dû opter pour l’architecture, qui ne l’intéresse que moyennement. Toutefois, elle aperçoit une annonce et se voit proposer la possibilité de redessiner le manoir de Myrddin. Elle sera donc ravie de partir au bout du monde, au pays des légendes, mais va rapidement réaliser que le dit manoir est rempli de mystères… et y réside aussi un certain Preston Héloury, étudiant en littérature qui avait emprunté – ô sacrilège – tous les livres sur Myrddin. Et en plus, imaginez qu’il est du pays ennemi et qu’il laisse supposer que Myrddin n’était pas l’homme dont l’histoire semble se souvenir.

Imaginez la suite!

Mon avis

On m’avait vendu ce roman comme un Dark Academia avec accents gothiques. Entendons-nous, oui, le roman commence dans une université mais on est loin du typique Dark Academia. Gothique, par contre, certainement. La grande maison en ruines exerce clairement une emprise sur les habitants, l’atmosphère venteuse et pluvieuse est prégnante, il y a clairement des non-dits et des légendes d’impliqués. Bref, j’ai beaucoup aimé toute la première partie pour cette raison.

Ce que je n’ai pas encore mentionné dans ce billet, c’est que nous sommes dans un monde fantasy assez basic. Deux pays en guerre, celui de l’héroïne semblant le pays envahisseur. La mythologie la plus présente est celle des fae et le fameux roman de Myrddin parle d’une femme qui va réussir à aimer et à tuer le roi des Fae. Sauf que ce fameux roi, Effy le connaît bien car elle le voit depuis son enfance et elle le combat à coups de pilules roses. Facile d’imaginer pourquoi elle se passionne pour cette histoire. Ceci dit, Effy n’est pas agréable pour autant. Ses propos font réagir, même si on comprend un peu par où elle est passée.

Nous sommes ici dans une Romantasy, encore une fois. Un univers somme toute simple, pas très élaboré et servant surtout de décor pour l’histoire d’amour et de découverte de soi de l’héroïne. L’intérêt amoureux me plait bien avec son côté pédant mais assez terre à terre. Ajoutons à ça les mystères livresques qui ont fait que j’ai quand même apprécié une grande partie de ma lecture. Ça se lit très rapidement, l’histoire est prenante mais pour moi, la seconde partie est moins intéressante que la première. La résolution vient trop rapidement, les énigmes ne sont pas très énigmatiques et même si j’ai apprécié le but, l’exécution m’a moins convaincue.

C’est donc une lecture en demi-teinte mais je n’ai pas détesté, alors que me connaissant, ça aurait pu arriver. Si vous aimez les romantasy un peu gothiques, avec un folkore fae et des accents féministes, ça peut être pour vous!

Moi qui n’a pas connu les hommes – Jacqueline Harpman

Pourquoi lire un roman post-apocalyptique ayant été écrit en 1995? C’est la faute d’Emily Fox, booktubeuse québécoise mais dont la chaîne est en anglais, qui l’avait mis dans ses favoris genre… deux ans de suite? Il fallait, donc.

De quoi ça parle

Elles sont quarante, enfermées dans une cave, gardée par quelques hommes qui ne les regardent pas, ne leur parlent pas. Elles ne peuvent se toucher, se cacher. La plus jeune d’entre elles est arrivée enfant et n’a aucun souvenir de sa vie d’avant tandis que les autres lui transmettent le souvenir flou d’autres vies, d’enfants, de maris.

Et un jour, un événement va arriver et tout va changer. Mais que reste-t-il du monde d’avant?

Mon avis

Mais quel roman! Mais quel roman!

Il y avait longtemps que je n’avais pas été aussi retournée par un texte, encore moins par un texte de SF, très court qui plus est. Mais ce livre… je vais avoir bien du mal à en parler. C’est un condensé d’humanité, de réflexion, limite de philosophie, le tout à travers le regard de jeune protagoniste qui était enfant lors du début de l’emprisonnement et qui nous raconte son existence.

C’est le regard de cette femme qui ne pense pas comme nous, qui n’a rien connu d’autre et qui s’adapte différemment à la situation dans laquelle elle se trouve. Elle n’a pas à faire de deuil de la vie d’avant, de ses espoirs et n’a que ce qui est devant elle. Elle semble parfois détachée et c’est ce ton face aux événements qui rend le texte si poignant. J’ai été très touchée à de nombreuses reprises à cause de ces petites phrases lancées comme ça, comme si de rien n’était. Bouffées d’émotion à répétition.

Je ne spoile pas trop en mentionnant qu’à un moment, les femmes vont sortir… mais je ne vous dirai pas ce qu’elles vont trouver. Toute cette deuxième partie est d’une force… Impossible de ne pas réfléchir et de se demander ce que nous on aurait fait à sa place, comment on aurait réagi. Bref, on réfléchit sur la signification de vivre ou de survivre, de ce que c’est qu’être une femme quand on perd ses repères.

Magistral. Exellente science fiction, du moins de la SF comme je l’aime et qui pourra plaire même à ceux qui ne sont pas trop SF. Maintenant, je veux que tout le monde le lise.

L’Enragé – Sorj Chalandon

En fait, le comment du pourquoi est assez simple. Je lis pratiquement tous les Chalandon. Pas à leur sortie, certes, mais j’aime cet auteur. Du coup, il n’est pas surprenant que j’ai eu envie de lire ce roman.

De quoi ça parle

Nous sommes dans les années 30, à Belle-Ile en Mer. Jules Bonneau (comme l’anarchiste et criminel, mais ça ne s’écrit pas pareil) est incarcéré à la Colonie pénitencière. Une prison pour enfants où se côtoient voleurs de pommes, petits caïds et orphelins qui n’ont absolument rien fait. La mère de Jules est partie, son père l’a remis à ses grands-parents qui ne s’en occupent guère et ils se font un plaisir de l’envoyer en colonie quand il commet un méfait. Et dans cette prison, la Maltraitance avec un grand M, à la limite de l’esclavage.

En 1934, lors de la fameuse révolte des enfants, 56 jeunes ont fait le mur. Cinquante-cinq ont été rattrapés. Sorj Chalandon se glisse dans la peau de la Teigne, le fameux Jules, le 56ème.

Mon avis

Encore une fois, ce roman a été pour moi une réussite. Je connaissais vaguement l’existence des ces prisons d’enfants et je me doutais bien que ce n’était pas joyeux. Je n’avais peut-être pas compris à quel point les populations de ces colonies étaient disparates. Enfants turbulents, hyperactifs et vraies graines de criminels s’y côtoyaient, dans une atmosphère d’oppression et de mauvais traitements. Même ceux qui n’étaient pas vraiment méchants le deviennent. Enragés. C’est la seule façon de survivre et d’avoir l’impression de garder un certain contrôle. C’est un peu ce qui est arrivé à Jules. À la Teigne. Il vit les poings fermés et il est difficile de saisir les mains tendues de cette façon.

En 1934, il va s’évader, avec le petit Loiseau, victime idéale. Et lui ne sera pas repris. L’autre oui.

L’auteur est clairement dans la peau de son personnage qui ne sait pas comment dealer avec les rares mains qui lui sont tendues. Il a tout vécu, il a été trahi par tous et l’attitude des villageois suite à l’évasion est… oh my… c’est une violence inouie. Et si on sent l’évolution de notre personnage principal, cette brisure au fond de lui reste béante et il reste avec des accès de rage, parfois difficiles à contrôler. J’ai beaucoup aimé que Chalandon s’éloigne de lui-même et de son histoire. Ici, on est ailleurs. Et les pages se tournent toutes seule. C’est violent, coup de poing, impossible de ne pas réagir. Bref, une très bonne lecture.

Ah oui! On croise un certain Jacques au détour d’une page. Un poète en visite. Qui va dénoncer en poésie. Vous pouvez vous imaginer de qui il s’agit. Bien entendu, un peu de politique, des gens qui refusent de plier et Chalondon est très talentueux pour décrire ces mains rudes qui se tendent et qui finissent par se serrer. Nous sommes ici dans un monde dur, un monde de marins qui en a vu d’autres. Certaines scènes en mer et au petit bar du coin sont très frappante et on sens la confiance se bâtir petit à petit.

J’ai donc beaucoup aimé. Et je lirai encore le prochain Chalandon. Of course!

Sillage – Joanne Richoux

Ce roman était dans les favoris de Nana Oups, booktubeuse, en 2023. Et dans mon trip « je lis les favoris de… », j’ai choisi de tenter le coup. En plus, on m’avait dit que c’était une réécriture du Parfum de Suskind.

De quoi ça parle

Jade a 19 ans quand elle arrive à Paris de sa Bretagne natale, où elle habite avec sa grand-mère. Son but? travailler en parfumerie. Elle a un Nez, avec un grand « N » et elle a déjà un emploi à la boutique Alice Caprices… et se verra peut-être offrir une chance insoupçonnée.

Mon avis

J’ai vraiment eu une lecture en deux temps avec ce roman. D’abord, pendant toute la première partie, je me demandais vraiment dans quoi j’étais tombée. Et certes, elle avait un bon nez et travaillait dans une parfumerie mais on était à des UNIVERS du parfum. En effet, pendant une grande partie du roman, nous avons droit à une jeune femme qui découvre la vie parisienne, qui tombe amoureuse – trop amoureuse – et qui va être déstabilisée, tout en tentant de se faire une place.

Un roman YA ou NA classique, quoi. Avec des descriptions de parfums. De « jus » comme on le répète – souvent… très souvent – dans ce roman. Et il s’adonne que la fin de semaine où j’ai lu ce roman, une copine m’avait expliqué en long et en large les vertus de sa nouvelle passion : les jus verts. Du coup, j’avais l’impresson que je buvais les divers « jus » mentionnés dans Sillage. J’imagine que ce soit être le terme utilisé en parfumerie mais il m’a énervée! C’était plus fort que moi.

Bref, au milieu du roman. j’ai failli abandonner. En fait, si j’avais eu un autre livre avec moi pendant mon weekend à Québec, ça aurait été un DNF. Et ça aurait été dommage parce que quand Jade dérape, là, ça devient intéressant.

Certes, nous ne sommes pas au niveau du Parfum, les odeurs proposées sont omniprésentes mais disons… plus agréables que celles qui sont proposées par Suskind. Rien de dégueulasse ici. Certes, on aurait pu aller un peu plus loin dans la folie mais cette deuxième partie veut le coup. Là, on plonge dans la douleur de Jade qui a perdu ses ancrages et qui, quand elle a l’occasion de créer sa propre fragrance, SON parfum, va complètement perdre pied. C’est une femme blessée, errante, qui se retrouve dans des situations ambiguës dans lesquelles elle ne se dépêtre pas. Disons que ses choix… surprennent.

Une plume souvent hachée, particulière. Si elle ne m’a pas du tout touchée dans la première partie où pour une québécoise, c’était très « langage des jeunes Français en France » – normal, direz-vous, c’est logique étant donné le contexte – j’ai par contre beaucoup aimé son évolution dans la seconde partie de l’histoire, où le regard sur la situation change. Bref, ça valait le coup de continuer… mais j’aurais aimé que l’action commence beaucoup plus tôt et que le mystère puisse durer plus longtemps.

Demi-teinte donc. Mais une plume qui m’intrigue beaucoup.

Humus – Gaspard Koenig

J’ai choisi de lire ce livre car il est dans les finalistes « hors-Québec » pour le prix des libraires du Québec. Je dois avouer que je suis un peu trop stressée par rapport à l’avenir de nos sociétés pour avoir pleinement envie de lire sur les vers de terre et sur l’agriculture, mais j’ai tout de même franchi le pas. Et je vous en parle.

De quoi ça parle

Arthur et Kevin se sont rencontré en école d’agronomie et ont connecté autour d’une conférence sur les vers de terre. Arthur est éduqué, il vient d’un milieu aisé tandis que Kevin est fils de milieu populaire, de parentstoujours prêts à faire leurs valises pour aller ailleurs. Tous les deux deviennent inséparables et se mettent en tête de changer le monde, un ver de terre à la fois, en suivant deux voies totalement différentes.

Mon avis

Je ne suis pas certaine que ce roman était fait pour moi au départ. Je ne connais rien de rien à l’agriculture et à ses enjeux et on pourrait me faire passer n’importe quoi, n’importe quelle théorie fumeuse. Du coup, je ne vais clairement pas me prononcer sur la valeur de quelque position que ce soit et l’avis qui suivra est juste un avis de lectrice.

Je dois avouer que toute la première partie du roman m’a assez peu interpellée. La relation entre les deux garçons m’intéressait, Kevin étant un garçon qui fascine tout le monde, Arthur y compris. Bref, on nous présente l’importance des vers de terre pour la santé des terres agricoles, on nous explique les théories qui sous-tendent leurs futurs projets et sincèrement… 40 pages m’auraient suffi. J’avais compris : il faut changer quelque chose dans la façon de gérer nos cultures, on consomme n’importe comment et on s’en va tout droit dans le mur.

Arthur, qui s’en veut un peu d’être bobo, va tenter de ressuciter la terre familiale, étouffée par les engrais chimiques. Il croit à la décroissance et, en ayant tout appris dans les livres, il décide de devenir agriculteur bio, en pleine Normandie. Entendons-nous, ça ne va pas être évident. Le naïf Kevin, quant à lui, a pris l’ascenseur social et avec une partenaire d’affaire, il passe d’un petit projet de vermicompostage à une start-up de folie qui permettra de mieux gérer les déchets et de ne pas changer de mode de vie. Bref, dualité.

Dualité aussi dans les backgrounds des deux personnage principaux, dans les modes de vie ainsi que dans leurs choix. C’est très « de notre temps » et pour les écoanxieux, disons que ce n’est pas simple. Les deux verront leurs idéaux se fracasser au réel et au deux tiers du roman, l’histoire prend une toute autre tournure. À partir de ce moment, j’ai trouvé le tout plus intéressant, plus prenant et les pages se sont tournées toutes seules, malgré l’écriture qui n’a rien de transcendant. J’aime que ça dérape d’aplomb.

Par contre, par contre. J’aurais pu pardonner les clichés. Mais le traitement des femmes? Sérieusement, c’est malaisant. Elle sont toutes d’une pièces, sexualisées, mais c’est tellement turn off… le sexualité des vers de terre est décrite de façon plus sensuelle. Philippine, c’est une caricature, elle est détestable, hypocrite, opportuniste. Et elle ose dire qu’elle veut « réussir par elle-même ». Ceci dit, c’est certainement assez représentatif de certaines situations, qui planent bien au dessus de mes sphères. Quant aux autres femmes, ce n’est guère plus reluisant. Elle sont… des éléments de décor.

Bref, un avis mitigé. De bons côté, surtout dans la démesure des événements qui vont arriver et dans l’ampleur du désastre, mais un début un peu boiteux et des femmes… ouf, on n’en parle même pas!