Arsenic and Adobo – Mia P. Manansala

J’avais envie de cosy mystery et comme nous étions en plein « Lisons l’Asie », j’ai choisi celui-ci, écrit par une autrice originaire des Philippines. On va s’entendre, je ne pense sincèrement pas poursuivre la série, qui va bientôt être traduite en français.

De quoi ça parle

Lila Macapagal retourne dans sa petite ville après une rupture pas facile. Elle retrouve donc sa Tita Rosie qui a justement besoin de son aide pour sauver son restaurant. Sauf qu’un vilain critique (qui est, en plus, l’ex de Lila) vient encore de sortir une chronique dévastatrice sur le restaurant… dans lequel il revient toujours pourtant. Le problème? Il va mourir. Juste après une prise de bec avec Lila.

Mon avis

Déception pour moi que ce premier tome d’une série qui connaît un certain succès. Dommage car la couverture très pétante me plaît beaucoup mais du texte, j’ai aimé… la première page. Tout le reste m’a semblé terriblement brouillon. Ça allait dans tout les sens et j’ai eu l’impression, tout le long du récit, que l’intrigue servait à décrire de la bouffe, alors que ça aurait dû être l’inverse. En plus, c’est toujours la même bouffe! Bref, je me suis strès rapidement lassée, j’ai levé les yeux au ciel… ce n’était pas pour moi.

Pourtant, la Calendar Crew (trois tantes wannabe matchmakers appelées April, May et June) a un vrai potentiel comique. En tant qu’enquêtrices, disons qu’elle sont plus efficaces pour donner un bon spectacle que pour résoudre quoi que ce soit… quoique…

Ceci dit, rien d’autre ne m’a convaincue. Les accusations sont totalement injustes, sans être pour autant originales ou même recherchées. C’était purement manichéen et l’enquête ne m’a pas passionnée. De plus, on jurerait que le but de tout le monde, c’est de garder Lila dans sa petite ville d’enfance. Comme si c’était mal de partir, de choisir autre chose. Biais culturel? Peut-être. Mais je ne comprenais absolument pas cette obsession limite culpabilisante pour la protagoniste.

Déception donc. L’une des rares de 2023.

Le grand feu – Leonor de Recondo

Je n’avais jamais lu Leonor de Recondo. Quelle plume! Et c’est à un concept « lisons les favoris des booktubeurs » que je dois ma découverte!

De quoi ça parle

Nous sommes en 1699 quand Ilaria Tagianotte naît dans une famille de marchands d’étoffes, à Venise. Elle n’est qu’un bébé quand sa mère la place à la Piéta pour qu’elle apprenne la musique et qu’elle devienne une voix angélique.

C’est donc entre ces murs qu’elle va grandir, qu’elle va devenir copiste pour LE Vivaldi, se faire une amie et qu’elle va découvrir la passion de la musique.

Mon avis

Entendons-nous, la plume de Leonor de Recondo est magnifique. Poétique mais accessible, on entend la musique et je suis presque certaine que l’autrice est musicienne. En effet, elle réussit merveilleusement à traduire l’émotion que la jeune Ilaria ressent, comment les couleurs et les émotions se transforment sous l’archet de son violon. Les descriptions de Venise vue par les yeux de cette jeune fille qui ne sort jamais sont presque magiques. Ça donne le goût d’y retourner!

J’ai beaucoup aimé l’amitié qui se tisse entre Ilaria et Prudenzia, jeune fille riche qui fréquente la Piéta en dilettante. Elle lui ouvre une fenêtre sur le monde et c’est aussi par le biais de cette amitié que la jeune fille va un jour rencontrer Paolo, frère de Prudenzia, qui est tombé amoureux d’elle au premier regard.

La Piéta a vraiment existé et il semblerait que Vivaldi y ait réellement enseigné. J’avoue que j’aurais aimé davantage de Vivaldi mais jusqu’à la toute fin, j’ai beaucoup aimé ma lecture. L’évocation des premiers émois, de l’amour qui embrase, le tout était très bien fait. Toutefois, je dois avouer que la finale du roman m’a vraiment déçue. J’aurais aimé que ça se termine autrement, limite que j’étais un peu insultée. Ça gâche un peu mon souvenir de lecture, ce qui est dommage car sincèrement, l’écriture vaut le coup.

La petite fille – Bernard Schlink

Je suis fan de l’écriture tout en subtilité de Bernard Schlink. Lire ce roman était donc une évidence. Une belle évidence.

De quoi ça parle

Kaspar est libraire à Berlin. Septuagénaire, il va un jour retrouver sa femme Birgit, morte dans une baignoire. Il était originaire de RDA et elle de RFA, elle s’était sauvée en Allemagne de l’Ouest pour l’épouser, laissant son passé derrière.

À sa mort, il va devoir se plonger dans ses écrits et réaliser que sa femme a laissé derrière elle un bébé lors de sa fuite. Prêt à accueillir cette petite fille, il va se heurter à des différences d’idéologie qui vont rendre la rencontre difficile.

Mon avis

Ce roman représente tout ce que j’aime chez Schlink. Il porte un regard lucide sur son pays sans pour autant peindre ce portrait à la truelle. Malgré certaines évidences, certaines horreurs, tout est en teinte de gris, le ton est toujours adroit et la plume de l’auteur nous permet de comprendre les différents personnages, si loin de nous soient-ils.

Nous rencontrons donc un homme et une femme qui sont en couple depuis des années mais qui pour autant ne se rencontrent jamais vraiment. Et Kaspar ne se doutait pas à quel point. Il la savait blessée, auto-destructrice, souvent imprévisible mais en lisant ses papiers après sa mort, il découvre un aspect de son épouse qu’il ne soupçonnait absolument pas.

Le récit de Birgit est fascinant. Une vie, deux regards. Et Kaspar est bouleversé.

Puis vient la recherche, puis la rencontre. Rencontre avec une jeune fille qui a grandi dans une Allemagne révisionniste, un milieu Völkish d’extrême droite, qui vit dans l’illusion de la grandeur du 3e Reich. Elle idolâtre des bourreaux nazis et a été élevée dans ces certitudes, La relation qui se noue n’est pas simple, pleine d’incompréhension, d’amertume souvent. C’est petit à petit que Kaspar va tenter d’ouvrir son esprit sans grands discours, à l’aide de l’art et de la musique.

Je n’avais entendu parler que de loin des Völkish, qui tiennent leurs enfants loin de plusieurs sources d’information et qui les gavent de faussetés en leur disant que ce sont les autres qui mentent. Difficile de ne pas réagir à cette lecture, à ne pas réaliser à quel point l’Histoire a pu blesser tous les êtres. Sigrun, la fameuse petite fille, semble presque irréelle tant elle est hors de son époque et Kaspar se sent vaciller, ébranlé par tant de certitudes.

L’histoire d’une rencontre, certes, mais surtout des portraits de gens qui ont souffert. Un très beau roman.

Monica – Daniel Clowes

Je dois avouer que j’ai demandé cette BD après qu’elle ait gagné le prix à Angoulème. Je ne suis pas certaine que je serais allée vers elle autrement, n’étant pas super fan du graphisme. Mais j’ai tenté le coup… et je suis perplexe.

De quoi ça parle

À travers cette série d’histoires reliées entre elles, nous allons découvrir l’histoire de Monica, femme en quête de ses origines. Entrecoupée d’autre choses… mais avec un lien! Que je n’ai pas trouvé si clair que ça non plus.

Mon avis

Ici, je me vois obligée d’embrasser mon inculture. Je ne suis pas certaine de comprendre ce que l’auteur a voulu faire dans cette BD qui mélange les genres : guerre, SF, post-apo, horreur, tranche de vie… tout y passe. Je comprends l’hommage aux pulps et autres genres populaires. Je comprends qu’il y a de liens – parfois ténus – avec l’histoire de Monica. Ceci-dit, en raison des nombreux intermèdes, j’ai eu beaucoup, beaucoup de mal à m’attacher à Monica et je me fichais un peu de ce qui pourrait bien lui arriver.

Ceci dit, le cheminement du personnage principal pourrait être intéressant. Abandonnée par sa mère, de père inconnu, elle se demande d’où elle vient et le cheminement n’est pas banal. Bon, les histoires de secte, très peu pour moi, j’avoue. Mais on voit bien le côté sombre des années 70, du flower power et de la vie de bohême. On voit aussi les soldats qui reviennent du Viet-Nam démolis et – un peu – ce qu’il advient d’eux. Elle est paumée, seule au monde, elle se protège comme elle peut, surtout après un épisode assez Twilight zone pendant lequel elle discute avec son grand-père mort. Et bref, ça va un peu déraper.

La BD est un vrai melting pot de différents genres en BD. Je ne connais pas assez le domaine pour faire tous les liens nécessaires avec la culture pop des années dont il est question mais je n’ai pas vraiment compris la plus value d’ajouter toutes ces sous-histoires. Et le pire, c’est qu’en roman, ça aurait pu parfaitement passer. Je dois aussi avouer que demeure très peu fan du style graphique, ce qui n’a sans doute pas aidé à mon appréciation.

Une déception, donc… et le sentiment d’être passée à côté de quelque chose ou encore d’avoir perdu quelques points de QI depuis la semaine dernière!

C’Était ma BD de la semaine. Tous les billets chez Moka

Beau diable – Jean-François Caron

Je suis fan de la plume et du talent de conteur de Jean-François Caron. Du coup, je ne pouvais pas résister à cette couverture magnifique, surtout sachant que j’aurai affaire à un conte. J’aime les contes!

De quoi ça parle

Dans un village québécois, dans un bar, un homme prend le micro et nous raconte le moment où raconte. Il raconte l’histoire d’un Beau Diable à sept têtes pour tenter de rassembler les morceaux de sa vie éclatée par le deuil.

Mon avis

Ça commence par une voix… la sienne.

Difficile de parler de cette novella sans trop en dire tout en vous donnant envie d’entrer dans cette histoire fantasque et fantastique. Du terroir moderne. Parce que ce texte, c’est surtout une voix, une parlure qui sonne vrai. Le narrateur nous parle à nous, lecteur, comme on s’adresserait à une foule, dans un petit bar, entre deux bières. Et à partir de là, d’une digression à l’autre, nous cheminons dans cette forêt de mots qui nous présente des personnages hauts en couleurs et plus vrais que nature.

Ceci dit, ce texte parle de deuil et de reconstruction. Le narrateur vit dans les bois et panse ses plaies. Il va rencontrer une jeune femme un peu sorcière, revoir des amis et se rapprocher de la belle propriétaire du bar qui l’écoute inlassablement. Je vous laisse découvrir son cheminement mais cette histoire a tout du conte… c’est un conte, en fait. Un hommage à la culture orale et à ce qui plane dans nos souvenirs des anciens raconteux. Bref, j’adore.

Lisez Jean-François Caron

All’s well (Tout est bien) – Mona Awad

De Mona Awad, j’ai lu et bien aimé « Bunny », qui m’avait laissée perplexe sur le coup, mais dont je garde un excellent souvenir. Du coup, quand j’ai vu ce roman dans les favoris de Jeannot se livre, j’ai décidé de m’y plonger… et j’ai l’impression que l’impression que va me laisser ce roman va ressembler à celle de Bunny. Mais je m’explique.

De quoi ça parle

Miranda est metteur en scène dans une obscure université. Ancienne actrice, elle a vu son univers s’écrouler après une chute de scène qui l’a laissée dans un état de douleur chronique incapacitante. Elle peut à peine bouger et prend tellement de médication qu’elle vit dans un univers à part. Cette année, elle tient à monter All’s well that ends well, une pièce de Shakespeare moyennement populaire alors que ces étudiants voudraient Macbeth. Alors qu’une mutinerie se prépare, Miranda va faire une rencontre qui va bouleverser sa vie.

Mon avis

Quand j’analyse ce roman et que j’y repense, je n’ai rien à lui reprocher. Rien. Tout est pensé, planifié. Les thèmes qui sont abordés le sont intelligemment, tout dans l’écriture nous fait ressentir ce que ressent le personnage principal, il y a des jeux narratifs intéressants et Shakespeare. Il y a aussi un narrateur qui n’est pas fiable, des incursions fantastiques, des métaphores et des personnages qui perdent pied. Tout. Ce. Que. J’aime.

Tout.

Et pourtant, je ne peux pas dire que j’ai apprécié ma lecture. J’ai ressenti un réel malaise pendant une grande partie du roman. Tout le début, quand nous rencontrons Miranda, m’a donné du mal à respirer tant la douleur était omniprésente, tant elle prenait toute la place. Et je suis certaine que c’est voulu. Car quelqu’un qui souffre, ça dérange. Et quand c’est une femme, on dirait que c’est encore pire. C’est que Miranda est à la fois isolée dans sa douleur mais celle-ci influence toutes ses relations. Entre les médecins et les thérapeutes qui ne la croient pas, qui lui disent que c’est dans sa tête, et ses amis qui n’en peuvent plus d’en entendre parler et qui se demandent si elle n’en met pas un peu, rien ne va pour Miranda. Elle EST cette douleur et personne ne la comprend. Et comme elle est actrice, nous aussi, comme lecteur, on se questionne.

C’est hyper bien fait. Mais ça devient long et oppressant… et finalement, on bascule et c’est à ce moment que mon intérêt a été éveillé. Sur scène, c’est All’s well mais dans la vie de Miranda, c’est Macbeth. Miranda s’identifie à ce personnage étrange et mitigé qu’est Helen et soudain, cette pièce, c’est sa vie. L’aspect conte de fées est exploité ainsi que le thème de la transformation, les possibilités que ça amène. Bref, Miranda va rencontrer trois hommes étranges… et elle va changer.

Entendons-nous, Miranda n’est pas un personnage agréable. Être dans sa tête n’est pas si simple. Elle s’imagine les pensées des autres et même après sa transformation, elle n’est pas plus aimable et elle prend des décisions ma foi… discutables. Cette partie permet d’explorer l’effet de la transformation sur l’entourage et la relation entre Miranda et Grace est particulièrement intéressante. Que se passe-t-il quand celle qu’on a connue « mal » est soudain euphorique. Qu’est-ce que ça change dans la dynamique de la relation? Bref, tout était intéressant.

Sauf que j’ai quand même trouvé ça longuet. Malgré les références, les images et la finale brumeuse.

Bref j’ai bien aimé, la réflexion que le roman apporte est intéressante… mais pour l’expérience de lecture, c’est un cas de « c’est pas lui, c’est moi »!

Martin Eden – Jack London

Tout le monde me dit depuis des années que je DOIS lire Martin Eden. Mais vu que j’ai l’esprit de contradiction, je ne l’avais toujours pas fait. Par contre, vu que je l’avais mis dans ma pile Ultime 2023 (dont j’ai lu 11 livres sur 12, je le rappelle… n’oubliez pas d’applaudir), il a fini par être lu. Mais qu’est-ce que j’attendais.

De quoi ça parle

Martin Eden est marin. Peu éduqué mais intelligent, il va un jour sauver un jeune homme riche d’une bagarre (ses poings, ça, il sait s’en servir) et être invité chez lui en guise de remerciement. À ce moment, il va rencontrer la soeur du jeune homme, Ruth, de qui il va tomber éperdument amoureux. Dès lors, il n’a qu’une ambition, s’élever à son niveau.

Mon avis

Non mais quel roman!

On dit que Martin Eden est l’alter ego de Jack London, qu’il a mis beaucoup de lui-même dans ce personnage. Deux constats.

  1. Jackie ne se prend pas pour du 7up flat
  2. Il ne devait clairement pas être au top de sa forme quand il a écrit ce roman

Toutefois, j’ai adoré. J’ai vibré, j’ai réfléchi, je me suis souvent fâchée contre les personnages mais j’étais investie dans ce roman. Totalement. Martin est parfois enrageant tant il est convaincu de sa propre brillantitude mais on souffre tout de même avec lui car les désillusions s’enchaînent et ce dans tous les domaines.

Martin est un être fort intelligent, autodidacte, loin des poncifs de l’époque et des classes bourgeoises. Beaucoup de Nietzche dans sa façon de penser et nous pouvons en constater les forces et les limites dans le cheminement de Martin. Il veut écrire, mais à sa façon, selon ses propres règles. Nous avons donc droit à une vraie critique sociale – certes très appuyée – particulièrement du milieu de l’édition. Il faut croire que le copinage ne date pas d’hier! Jack vit une réelle frustration et se sent trahi, lésé, par tout ce système qui ne veut pas lui faire de place.

Autre angle d’approche, les classes sociales et la situation du transfuge de classe dans ce monde hautement codifié. Voir Martin tenter d’étudier, de s’élever… et de réaliser finalement qu’il a dépassé ceux à qui on voulait tant ressembler. Cette compréhension de leur insignifiance et de leur ignorance de cette insignifiance fait presque mal. Parce qu’ensuite, où va-t-il aller? Que fait-on quand on ne sait que nous ne serons jamais accepté dans une classe mais qu’on ne fait déjà plus partie de l’ancienne? Bref, c’est déchirant.

Ok, le traitement des femmes doit être replacé dans son époque, même si sérieusement, Ruth est tellement nouille et persuadée de sa propre importance que ça fait peur! Mais l’évolution du personnage de Martin est émouvante et fait presque mal. Il y a un vrai souffle dans ce roman. Un livre qui parle de livres, d’écriture… ils avaient raison, c’était pour moi.

Un jour, ma fille a disparu dans la nuit de mon cerveau – Stéphanie Kalfon

C’est sur un live de Séverine de Ilestbiencelivre, que j’ai entendu parler de ce roman. Le phénomène m’a intriguée donc je l’ai lu. Et ce que ça peut être dérangeant.

De quoi ça parle

Le jour de ses 8 ans, Nina disparait. Nuit d’inquiétude insoutenable pour ses parents. Soulagement indicible quand elle est ramenée au petit matin. Toutefois, pour Emma, la mère, cette trève est de courte durée. En fait, elle en est certaine, la petite fille qui est revenue n’est pas la sienne.

Mon avis

Quelle aventure déstabilisante que la lecture de ce roman. Dans ce cas précis, je ne connais rien à ce dont il est question alors tout est littérature. Et en termes de littérature, c’est ma foi fort réussi.

Nous sommes donc avec Emma, une femme qui perd pied. La petite fille qui est revenue, pour elle, ce n’est pas sa Nina. Elle ne la reconnaît pas. Elle a la même allure, la même odeur, mais ce n’est pas la sienne. Une copie. Tout de suite, elle est « l’autre », « l’enfant »… mais pas Nina. Elle part donc dans une quête éperdue pour retrouver sa fille, pour retrouver cet amour maternel qu’elle ne ressent plus. Que s’est-il passé? Quelle est la relation entre maternité et amour maternel? Cette émotion qu’on dit indescriptible…

Le roman nous fait voir le point de vue d’Emma, de son mari qui est exaspéré et impuissant ainsi que celui de la fillette qui tente tout pour gagner l’amour de sa mère. Et ça brise le coeur. Impossible de ne pas être remué, de ne pas se demander l’impact qu’aura cet événement sur le déceloppement de cette enfant qui n’en demandait pas tant. Tous les points de vue sont crédibles et même s’il est difficile de compatir avec Emma, impossible de ne pas perdre un peu pied avec elle tant la confusion est prégnante. On a le goût de secouer Emma mais, surtout, on est dans l’incompréhension la plus totale.

Une lecture déstabilisante mais que je recommande.

Ceci n’est pas un fait divers – Philippe Besson

La petite histoire avec ce roman, c’est que je l’ai pris au salon du livre parce que j’étais carrément déguisée en ce roman. Mon chemisier et la couverture… c’était PAREIL. Du coup, il fallait que je le prenne. Et en plus, j’aime la plume de Philippe Besson. Il n’y avait plus qu’à le lire.

De quoi ça parle

Un jour, un jeune homme de 19 ans reçoit un appel de sa soeur Léa, 13 ans.

« Papa vient de tuer maman »

Ces mots font voler son univers en éclat et font de lui une victime collatérale. Dans ce roman, nous suivrons leur évolution suite à ce drame qui bouleverse leur vie.

Mon avis

Pour que ça ne passe pas entre moi et Philippe Besson, il faudrait vraiment qu’il se plante. Vous ne serez donc pas surpris d’apprendre qu’encore une fois, ce roman a été une réussite avec moi. J’apprécie sa sensibilité qui ne tombe pas dans la sensiblerie ou dans le tire larme, malgré les thèmes lourds, surtout ici où il est question de féminicide.

Qu’arrive-t-il aux enfants quand un père tue une mère? Quand une ado de 13 ans est témoin indirect? Comment ne pas se sentir dépossédé et aussi un peu coupable, quand ils réalisent qu’au fond, ils ne sont pas vraiment surpris? Philippe Besson explore ici l’après, par le regard du grand frère qui sent sa petite soeur lui échapper et qui a perdu ses repères et son avenir. De la stupeur du départ, on le sent évoluer vers la peine, la colère avant d’amorcer la reconstruction, comme il peut. J’ai trouvé très intéressant le traitement qui est fait de la culpabilité du jeune homme qui était absent et qui n’a pas agi avant. Va donc s’ensuivre une enquête interne et externe pour comprendre. Non seulement la mécanique du couple, mais aussi celle des gens qui gravitaient autour d’eux. Auraient-ils pu voir? Faire quelque chose?

Besson traite de nombreux aspects, autant psychologiques que pratiques qui font suite à ce drame. C’est sobre, pudique mais aussi poignant. Ce roman est inspiré d’un fait réel. Pour nous, c’était un fait divers (ou plutôt un fait de société) mais pour les survivants, la vie doit continuer alors que plus rien n’est pareil. Voir les autres continuer comme si de rien n’était est déchirant pour le narrateur. Le sentiment d’ambiguité par rapport au père, qu’ils ont aimé, va rendre la suite des choses encore plus difficile.

Pendant ma lecture, j’aurais peut-être aimé un peu plus de profondeur dans le traitement du personnage de Léa, la petite soeur. Toutefois, a posteriori, je comprends le point de vue choisi par l’auteur. Cette dernière partie aurait tout de même pu être davantage développée, même en gardant le même point de vue.

Une très bonne lecture.

Ça – Stephen King

Me croyez-vous si je vous dis que je n’avais jamais lu Ça? J’avais fait quelques sursauts avec le film étant jeune et depuis, je n’avais jamais osé. Là, je l’ai fait. Et j’ai drôlement bien fait.

De quoi ça parle

Octobre 1957, Derry, Maine. George Denbrough, 6 ans, est tué alors qu’il jouait avec un petit bateau de papier fait par son grand frère Bill. L’été suivant, Bill et quelques autres enfants mis à l’écart à l’école sont témoins d’événements surnaturels et se rassemblent pour former le « Loser’s club », qui souhaite arrêter l’entité qu’ils surnomment « Ça » et qui tue des enfants.

Vingt-quatre ans plus tard, le club se voit rappeler une de leurs promesses d’enfants : celle de revenir à Derry si « Ça » revenait. Et étrangement, des enfants commencent à mourir dans cette ville à l’aura mauvais.

Mon avis

Stephen King a un vrai don pour faire exister ses personnages. Du moins, à chaque fois, ils deviennent réels pour moi et ses histoires fonctionnent. Je déteste les films d’horreur (parce que je n’aime pas sursauter) mais en littérature, j’aime beaucoup, tant que les aspects horrifiques ont un aspect symbolique. Et je suis pas mal bonne pour en trouver un, la plupart du temps. Dans ce cas, il y a certes du surnaturel mais cette énorme fresque nous parle surtout du passage à l’âge adulte, de celui qui implique de ne pas pouvoir retourner en arrière, de devoir fermer une porte.

Pennywise (ou Grippe-Sou dans la VF… je préfère Pennywise, je l’avoue), s’attaque aux peurs des enfants et il apparaît à chacun sous une forme différente, celle qui réussit le plus à les effrayer. Certes, c’est parfois un peu gore, mais ce n’est jamais gratuit et toute cette histoire explore les traumas de l’enfance, leurs répercussions à l’âge adulte, ainsi que le pouvoir de la mémoire et de l’oubli. Dans cette histoire, les enfants devenus adultes sentent qu’ils doivent revenir, terminer quelque chose pour tourner la page et passer à l’étape suivante. C’est ce parcours qui m’a le plus touchée dans ce roman, davantage que les scènes d’horreur qui font tout de même mouche et qui réussissent à faire stresser la petite peureuse que je suis. C’est que King réussit particulièrement bien à créer des atmosphères et, entendons-nous, les égoûts de Derry, c’est quelque chose.

Derry, c’est tout les horreurs qui se cachent derrière les façades parfaites de certaines petites villes. Certe, Pennywise fait peur et perpétue des horreurs mais la véritable terreur vient de ce qu’on vécu les enfants : familles, violences, vie scolaire difficile… bref, ce qui a fait d’eux des Losers en premier lieu. Certains ont vécu certains événements qu’ils ont tenté d’étouffer dans leurs inconscients et à les voir adultes, on voit parfaitement à quel point ils ne s’en sont pas encore sortis. Tant qu’ils ne reviennent pas.

Je dois avouer avoir préféré la partie où ils étaient enfants. Le thème de la perte de l’innocence en est un qui me touche énormément. Par contre, le deuxième moment narratif n’est pas ennuyant pour autant et plus on connaît les enfants qu’ils étaient, plus on comprend les adultes qu’ils sont devenus et plus on s’attache. Quant à « La scène », on m’avait avisée et je n’ai pas été perturbée pour autant. Était-elle obligatoire? Peut-être pas. L’allusion préalable aurait peut-être été suffisante, avec peut-être une réalisation commune de cet épisode oublié. Mais même si selon moi il n’était pas nécessaire d’en dire autant, elle n’était pas non plus glauque. Le contexte l’était mais pas ce qu’on ressenti les jeunes. Bref, dans mon cas, ça a tout de même passé.

Bref, une excellente lecture. Il est assez rare que des personnages demeurent avec moi suite à une lecture mais ça a été le cas ici. Quel plaisir d’en revoir quelques uns dans 22.11.63! Un roman qui va rester.