Didier, la 5e roue du tracteur – Ravard / Rabaté

Le comment du pourquoi

C’est Noukette qui en a parlé il y a quelques semaines et quand j’ai vu le nom de Rabaté, et qu’en plus, il était à ma bibliothèque, je n’ai pas hésité.

De quoi ça parle

Didier a 45 ans et il est certain qu’il se meurt, et que jamais il n’aura connu le grand amour. Du coup, son médecin, en plus d’une crème pour les hémorroides, lui remet une adresse… celle de Meetic.

Mon avis

On pourrait penser à un remake de L’amour est dans le pré (que m’dame Angéla Morelli m’a fait découvrir il y a quelques années… je ne sais pas si je dois l’en remiercier) mais non, finalement. L’album, en quelque 80 pages, nous amène dans la ferme où Didier habite avec sa soeur, qui en a un peu marre de lui parce qu’il est plus rêveur et romantique que fermier, dans le fond. Par exemple, la BD s’ouvre sur une scène où au lieu de ramener le tracteur dont sa soeur a besoin d’une vente aux enchères… il ramène le fermier dont la fermer a dû être liquidée parce que bon, pauvre homme, quand même!

J’ai beaucoup aimé la palette de couleurs pastel, les dessins mignons comme tout, ce qui n’empêche pas d’avoir, en arrière plan, la réalité pas toujours facile des agriculteurs. J’avoue avoir trouvé ça plutôt drôle de voir ce pauvre Didier inscrit sur Meetic alors qu’il n’a définitivement pas le tour avec les femmes. Bon, ok, avec les gens en général. Ça ne nous amène pas nécessairement là où on l’aurait cru, ça fait sourire, et j’ai passé un très bon moment de lecture.

Le trait et le ton s’accordent à merveille, il y a tout plein d’humour, de clins d’oeil et on s’attache tout de suite à ces personnages. Bref, une belle découverte!

C’Était ma BD de la semaine… toutes les BDs chez Stéphie!

L’Arbre-Monde – Richard Power

Le pourquoi du comment

Parce que Richard Powers. Rien de plus à ajouter.

De quoi ça parle

Comment résumer ce foisonnant roman? Allons-y simplement… il s’ouvre sur les Racines, une série de neuf nouvelles qui présentent neuf personnages, qui semblent n’avoir aucun lien entre eux, sauf la présence d’arbres d’une façon ou d’une autre dans leur vie. Puis, dans le Tronc, ils vont se croiser et s’entrecroiser… ou pas, avec comme objectif de sauver ces arbres millénaires qui sont abattus sans scrupule. Finalement, dans les Cimes, on les voit redescendre vers une vie normale et les Graines nous parlent de ce qu’ils vont léguer, ensuite… en quelque sorte. En résumé. Très résumé.

Mon avis

Je n’ai aucune objectivité quand il s’agit de Richard Powers. Me plonger dans l’un de ses romans signifie à chaque fois plusieurs heures de plaisir de lecture. Il réussit à mélanger habilement science et fils narratifs et avec moi, ça fonctionne toujours, toujours, toujours. Soit, ces livres demandent de l’attention et de l’énergie. Ce n’est pas une lecture « détente ». Parfois, pendant la lecture, on voit des longueurs, juste pour comprendre à la fin que non, c’était nécessaire, finalement. Et ici, lire ça alors que la « gratte » de la ville a sauvagement trucidé mes cèdres en déneigeant, ça a été violent!

Je me souviendrai de ce monde riche, plein de vie, cette forêt qui parle, communique, ces arbres qui se protègent et s’envoient des messages. C’est fascinant et cette fascination culmine dans ce roman lorsque deux personnages habitent un grand séquoia, un Arbre-monde, en bonne et due forme. Mais je me souviendrai aussi de l’arbre des Hoel qui pousse en fast forward dans un album photo, de Neelay, qui tente de réinventer la vie dans son fauteuil roulant, de Patty la plante qui ose la première parler des arbres comme d’êtres communiquants ainsi que d’Olivia, qui après être morte une fois, entendait les voix des arbres.

Un roman écologique, qui nous fait à la fois voir l’humain comme un parasite et qui nous fait réaliser à quel point nous sommes petits à l’échelle de l’évolution… mais qui nous laisse quand même sur une note d’espoir. Il y a une réelle réflexion sur l’effet de groupe, sur les gens qui, soudainement, comprennent des choses et décident de se battre pour elles. Nous sommes certes avec des écologistes extrémistes, mais les véritables héros, ce sont ces arbres qu’ils veulent sauver, pour lesquels ils se battent contre des forces qui les dépassent. Entendons-nous, il m’a presque fait pleurer (pour vrai) la disparition du châtaigner d’Amérique.

Un roman-monde, qui grouille de vie, de personnages auxquels on s’attache (plus ou moins), profondément imparfaits, qui font des erreurs à la tonne, mais qui ont un vrai projet. Impossible de ne pas réfléchir à l’avenir de notre planète et à élargir notre vision de l’écologie. Bref… je n’ai peut-être pas autant aimé que « Le temps où nous chantions« , qui fait partie de mon top 10 à vie, je pense… mais j’ai quand même beaucoup, beaucoup aimé! À découvrir.

L’apparition du chevreuil – Elise Turcotte

Le comment du pourquoi

Parce qu’il fait partie de la liste préliminaire du prix des libraires du Québec… et bon, parce que c’est Elise Turcotte!

De quoi ça parle

C’est l’histoire d’une femme. D’une femme écrivaine. Nous sommes après l’époque de #Agressionnondénoncée mais avant #MeToo. Harcelée sur les réseaux sociaux pour des propos féministes, elle a peur, se sent envahie et décide de s’enfuir une semaine dans un chalet, au milieu de nulle part, sans révéler son but à personne. Elle part sans téléphone, loin de l’internet où elle se cache derrière ses statuts de 15 lignes, où elle ne révèle qu’une partie d’elle-même. Là, elle veut se libérer. Du net, certes, mais aussi libérer sa parole. Écrire l’indicible, ce qu’on tait, qu’on normalise.

Mon avis

Je sors de ce roman chamboulée. Je sais, pourtant, hein… mais ce roman, portée par la magnifique écriture délivrée de notion de temporalité d’Elise Turcotte, m’a fait réagir comme je ne l’aurais pas cru possible. J’ai dû reposer mon livre pour reprendre mon souffle à plusieurs moments. Là, dans cet univers de neige, la menace plane, d’abord abstraite et je ne crois pas que j’aurais pu supporter plus longtemps cette oppression, ces souvenirs cruels qui remontent petit à petit.

Ici, les personnages n’ont pas de nom. Il y a Elle, la psychologue. La soeur, le frère, le beau-frère, la mère, le père. De l’autre côté, il y a la narratrice, celle qui parle toujours trop, qui est toujours un peu marginale et qui culpabilise bien malgré elle. L’histoire familiale qui nous apparaît petit à petit est terriblement violente, insidieuse. Et, malheureusement, beaucoup plus fréquente dans notre que ce qui apparaît au premier abord.

C’est un roman de parole libérée, mais aussi de l’après. Des remarques, de ce que subissent les victimes après avoir parlé. Pas seulement de la part de l’agresseur, mais aussi de leurs proches. Cette obligation au silence, à l’inaction « pour ne pas envenimer les choses » ou « ne pas provoquer » pèse sur la narratrice. La menace, dans la tempête blanche, est bien réelle, mais c’est sur le chemin qui a emmené les personnages là où il sont que l’on s’attarde. Sur la manipulation, sur l’éloignement volontaire, l’aliénation de la famille. Et avec ce roman où tout est poussé à l’extrême, nous pouvons à nouveau réfléchir sur ce qui est accepté dans notre société, ce qui est considéré comme « normal ».

Je me considère comme féministe. Je crois fermement à l’égalité entre les hommes et les femmes mais j’ai assez rarement été confrontée à du masculinisme crasse comme celui qui est décrit dans le roman. Je n’ai pas non plus tendance à analyser toutes les situations avec le filtre du féminisme… le devrais-je?

Bref, un roman marquant, porté par une plume magnifique, hachée, très visuelle, et un thème principal qui apparaît petit à petit. Bouleversant.

Éditions Alto – 160 pages

Open Bar – Fabcaro

Le comment du pourquoi

Parce que chez mes collègues de la BD de la semaine, tout le monde ou presque vénère Fabcaro.

De quoi ça parle

À chaque page, une blague. Fabcaro porte un regard acéré sur la société actuelle et ose aborder plusieurs sujets qui fâchent.

Mon avis

Je pense que pour vraiment, vraiment, vraiment aimer Fabcaro, il faut être français. Ou habiter pas loin. Ou connaître la France et ses petit travers. Ayant passé plus d’un an de ma vie en France, j’ai pu rire à gorge déployée à certaines pages, mais sinon, je n’aurais strictement rien compris. Parce que, même si on parle la même langue, la réalité québécoise est quand même bien différente ici. Les retards des trains (les trains? quels trains?) ne sont pas quelque chose qui fait partie de notre vie et si nous avons nos délires bien pensants et nos travers, ils sont un peu différents. Du coup, je ne suis vraiment pas certaine que ça va parler à tout le monde ici.

Ceci dit, on y retrouve une critique pertinente d’une part de la société, qui juge, tente de faire partie de la clique et est dans le paraître. Ça va droit au but, c’est drôle et, parfois, on reconnaît certaines personnes, ce qui accentue encore le fou rire. Et pour le train… ceux qui connaissent mes aventures avec les trains comprendront que je n’ai pas pu m’empêcher de rire à gorge déployée. La game de Uno super loud, avec le père qui se choquait quand il perdait en prime, je l’ai déjà vécue. En pire.

Bref, beaucoup d’absurde, de déjanté, avec le trait typique de Fabcaro, que j’aime bien sans être pour autant fan ultime comme la plupart des gens que je côtoie. Bien aimé, très rapide, mais très ancré dans une culture en particulier. Amis québécois, qu’en avez-vous pensé?

Ah oui… j’avais lu tellement d’extraits ici et là sur le net que je me suis demandé, à certains moments, si je ne l’avais pas déjà lu, cet album. Mais bon, Goodreads fait dire que non!

C’était ma BD de la semaine!

Les silences (Quand on n’a que l’humour) – Amélie Antoine

Le comment du pourquoi

Sérieux? Aucune espèce d’idée. Je l’ai vu dans ma pile (aucune idée de la raison pour laquelle il y était d’ailleurs) et je l’ai lu. Yep, ça commence sur des chapeaux de roue, cette chronique. Je me sens paaaaassionnante, ce soir!

De quoi ça parle

Edouard Bressan est l’humoriste le plus célèbre de France. Ce soir, le 31 mars 2017, c’est la soirée la plus importante de sa carrière. Un show au stade de France, en direct à la télé. Salle comble. Sauf que derrière ce clown à la vie parfaite, à la carrière parfaite, se cache un homme rongé par les regrets et l’anxiété, qui n’a presque plus de relations avec son fils et qui est profondément seul.

Mon avis

J’avais lu des critiques dithyrambiques au sujet de ce roman (où va le « y » dans ce mot… on dirait que je me pose la question à chaque fois…) et du coup, je m’attendais à une bombe. Une vraie de vraie bombe. Et, vous l’aurez deviné, j’ai passé un bon moment de lecture mais d’explosion, il n’y a pas vraiment eu. C’est bien construit, c’est bien pensé, les personnages sont fouillés, mais c’était ma foi assez prévisible et surtout beaucoup trop « guimauve » à certains moments de la deuxième partie. Oui, j’ai un coeur de pierre.

Le roman est divisé en deux parties distinctes. Pour ne rien spoiler, je ne vais surtout parler que de la première, mais je vous dirai quand même que la seconde donne le micro à Arthur, le fils d’Édouard, qui a avec lui une relation très tendue… mais revenons à notre Édouard. Il est au stade de France et se prépare à faire THE show. Il est pris dans ses souvenirs et dans ses angoisses et d’un chapitre à l’autre, nous sommes baladés de l’enfance d’Édouard au spectacle actuel, où le célèbrissime humoriste, avec son air blasé et sa marinière, va faire, encore une fois, vibrer son public.

J’ai beaucoup aimé cette première partie et le portrait de cet humoriste bien caché derrière ses blagues et sa légèreté. On sent que pour lui, faire rire, c’est thérapeutique, c’est tout ce qu’il sait faire et le premier titre est très révélateur à cet effet, même si bon, à cause de ça, j’ai chanté du Jacques Brel pendant toute la journée! L’humour est pour Édouard une bouée de sauvetage car non seulement il traîne de lourds secrets de son enfance, mais dans sa vie, ça dérape. Son mariage est terminé et le fauteuil réservé pour son fils reste désespérément vide. Derrière le champagne et les paillettes, il y a de l’anxiété, une profonde solitude et surtout, une lassitude immense face à cette façade dans laquelle il ne se reconnaît plus. J’aime beaucoup les alternances passé-présent (même si les répétitions de phrases m’ont énervée plus qu’autre chose), qui permettent de mieux comprendre comment il en est arrivé là.

C’est une histoire de famille, l’histoire d’une relation père-fils ratée malgré les efforts, d’une personne qui ne réussit pas à passer par-dessus les manquements de son père et qui en est resté profondément amer et marqué. L’histoire d’un drame qui a marqué l’enfance, d’un syndrome de l’imposteur visiblement non-résolu malgré les apparence et d’un homme qui n’a jamais réussi à se pardonner.

Là, vous vous dites… mais ça a été quoi son problème, à elle, pour dire qu’il n’y a pas eu de feu d’artifices? La deuxième partie, qui m’a semblé un peu too much par moments. J’ai trouvé l’idée super bonne, j’ai aimé le changement de ton, de perspective, mais, sans trop en dire, ça m’a semblé « trop ». Aussi, je trouve que nous, lecteurs, n’apprenons pas grand chose de nouveau dans cette deuxième partie. Quelques trucs, des précisions… mais bon, c’était longuet pour moi. J’ai quand même eu un visage en tête tout au long de ma lecture… que je ne peux pas révéler au risque de trop en dire!

De l’autrice, j’ai préféré Raisons Obscures… que j’ai lu, mais dont la chronique est partie en fumée avec mon ancien ordi. Je suis encore frustrée quand j’y pense!

L’avez-vous lu?

Le collectionneur d’horloges extraordinaires – Laura Gallego Garcia

Le comment du pourquoi

Parce que je voulais lire en espagnol et que c’est le seul livre que j’avais. Je pense que c’est pas mal ça!

De quoi ça parle

Jonathan est un jeune américain de famille aisée en vacances en Espagne avec son père et sa belle-mère. Son père – qui croit que tout lui est dû – est fort fâché quand il voit que l’une des attractions touristiques, un musée d’horloges, est fermé. Toutefois, la rencontre avec le propriétaire et la visite de la collection aura des conséquences désastreuses: sa belle-mère est prisonnière de l’une des horloges, son père est dévasté et Jonathan, tout seul, doit récupérer une horloge très spéciale, cachée dans la ville, pour la sauver.

Mon avis

J’ai lu un roman en espagnol. Un roman COMPLET en espagnol. Bon, il faut savoir que je ne parle pas l’espagnol et que je ne l’ai jamais appris à l’école. Du coup, c’est un EXPLOIT pour moi! Vous ne voulez même pas savoir le temps que ça a pu me prendre. (Et là, je ne sais pas si ça paraît, mais je suis en train de courir après les louanges et les félicitations… please humor me!)

C’est donc un roman destiné à un public très jeunesse, du vrai « Middle grade ». Nous avons droit à un récit de balades entre les mondes, à des êtres intemporels, et à un garçon a une seule nuit pour obtenir quelque chose que d’autres cherchent depuis des siècles. Bien entendu, tout va vite, les sentiments évoluent vite, certains résultats et coïncidences sont inespérés, mais on se laisse surprendre par le récit et il m’a suffisamment accrochée pour avoir envie de poursuivre, même en devant chercher un mot sur cinq. Les péripéties s’enchaînent (bon, ok, c’est parfois un peu répétitif, entre autres pour les chiens) mais au final, l’histoire est originale et le dénouement n’est pas convenu. Il y a une mythologie différente et intéressante, limite que j’aurais aimé davantage de développements dans l’histoire car il y avait selon moi quelque chose de plus mystérieux, de plus épique, à faire avec cette idée.

Un très agréable roman pour la jeunesse, que je ferai avec plaisir lire à mes neveux (mais en français). En tant qu’adulte, on apprécie l’originalité et la découverte de la cité antique, avec ses ruelles et ses coins sombres. Il y a certains retournements de situation intéressants (que j’espérais, en fait… du coup, j’étais contente), beaucoup d’action… bref, j’ai vraiment bien aimé!

Et bon… J’AI LU UN ROMAN EN ESPAGNOL!!

Non mais!!

Le bal des folles – Victoria Mas

Le comment du pourquoi

Parce que je l’avais vu partout. C’est rare que je choisis mes livres de cette façon, mais j’étais tellement « out of it » question lecture que j’ai pris le livre en avant sur le présentoir de la bibliothèque!

De quoi ça parle

Ce court roman nous raconte l’histoire de femmes qui vont se croiser à la Pitié-Salpêtrière, ou Charcot, le grand Charcot, soigne les folles et les hystériques à la fin du 20e siècle. Eugénie, jeune fille de bonne famille internée par son père car elle parle aux esprits, va croiser la route de Geneviève, l’infirmière, de Louise et de Thérèse, deux autres pensionnaires. Un regard sur le monde de la psychiatrie de l’époque, où les « folles » étaient paradées, des classes ouvertes au fameux « bal des folles ».

Mon avis

J’ai aimé ce roman. J’ai passé un bon moment de lecture. Pourtant, je n’arrivais pas à écrire un billet cohérent, qui mettait en lumière adéquatement mon malaise par rapport à ce livre, en lisant un billet sur le blog de Krol. Je n’ai pas compris le choix d’Eugénie, jeune spirite, comme personnage principal. Je m’attendais à lire un moment fouillé et tout en teintes de gris sur le traitement des femmes à l’époque, avec un côté féministe. Et j’ai eu un roman sur fond de surnaturel, qui n’était selon moi, pas du tout nécessaire et qui met en avant certains aspects (Eugénie qui prouve aux gens qu’elle parle VRAIMENT aux esprit) au détriment de ce qui m’aurait, moi, davantage intéressée. Le fameux bal, entre autres, qu’on parle du ballet quotidien à l’intérieur des murs de la Salpêtrière ou encore celui où les pensionnaires sont « montrées » aux bourgeois. Bref, même si j’ai passé un bon moment, même si j’ai conseillé ce livre à quelques amis, il y a eu un aspect « survolé » qui m’a dit que c’était « Bien ». Bien, mais pas excellent.

Ceci dit, l’autrice permet de lever le voile sur le traitement des femmes à l’époque. Des femmes réellement atteintes de maladies mentales, il y en avait à la Pitié. Mais il y avais aussi des femmes trop libres, trop fortes ou encore trop blessées par la vie pour leurs familles ou leurs maris. C’était ma foi fort simple d’accuser sa femme ou sa fille d’hystérie pour s’en débarrasser. De plus, les « traitements », ma foi fort particuliers, font vraiment peur mais on évite de tomber dans la dichotomie « les bons » et « les méchants ». La science était ce qu’elle était, bien dictée par les croyances et les moeurs de l’époque et on nous montre plusieurs personnes persuadées de faire la « bonne » chose dans le traitement des patientes. Même si ça nous semble, à nous, complètement aberrant.

Malgré mes bémols, l’histoire demeure percutante et je m’en souviens plusieurs mois après, ce qui me permet de terminer mon billet. La situation reste en mémoire et le sort de ces femmes est parfois bouleversant. Certaines scènes d’amphithéâtre, d’hypnose ou de convulsions sont marquantes. De plus, on évite le manichéisme car pour plusieurs de ces femmes, la Salpêtrière est un refuge, presque une chance. Ceci dit, le thème reste d’actualité car les femmes qui refusent d’entrer dans le moule doivent, encore aujourd’hui, se justifier et faire leur place. Ne serait-ce que pour ça, ce roman vaut la peine d’être lu. En plus, il se lit tout seul!

La petite patrie – Grégoire / Rocheleau

Le comment du pourquoi

Parce que j’avais lu des billets dithyrambiques… et que c’est chez La Pastèque.

De quoi ça parle

Basé sur le roman du même nom de Claude Jasmin (bien connu ici) publié dans les années 70, cette BD retrace les chroniques d’un quartier de Montréal dans les années 40, alors que la guerre commence et que la menace de la conscription plane.

Mon avis

J’ai lu le roman de Claude Jasmin il y a un moment et j’ai même regardé la série étant petite. C’était la mode des reprises à ce moment-là. Du coup, j’ai été ravie de retrouver l’atmosphère du Villeray des années 40 dans les pages de cette bande dessinée. C’est à travers le regard de Tit-Claude, alors un gamin qui joue à la guerre et qui rêve de patins à roulettes, que s’offre à nos yeux ces rues populaires de Montréal, où le p’tit Jésus règne en maître, où on tombe amoureux, où on écoeure le chinois qui tient la blanchisserie ou le guenilloux de la rue. C’est profondément ancré dans les valeurs de l’époque et si la société, en arrière plan, change, nous réalisons que les enfants d’aujourd’hui et les enfants de l’époque ont ma foi des préoccupations assez simillaires. Avant, ça jouait à la guerre dans la rue et maintenant, sur Fortnite. Bref… plus ça change…

Cette BD est un véritable voyage dans le temps. J’aime bien le dessin de Julie Rocheleau sans en être une folle adepte, mais je l’ai trouvé plus abouti dans Betty Boob, BD réellement solaire. Le choix des couleurs et la mise en lumière de certaines parties de l’image par la palette de couleurs m’a par contre beaucoup plu. Il y a une vraie unité un peu fanée dans cette bande dessinée.

Ceci dit, est-ce que la BD apporte vraiment quelque chose de plus au roman de Jasmin? Je ne sais trop car ce dernier était pour moi beaucoup plus fort. Par contre, j’ai passé un bon moment de lecture et je garderai en mémoire la citation d’ouverture de St-Exupery « On est de son enfance comme on est d’un pays »…

Tous les billets chez Moka!

Et c’était ma BD de la semaine!

Dans son silence – Alex Michaelides

Le comment du pourquoi

Pendant le temps des fêtes, j’ai fait le tour des blogs pour me donner des idées. Et on m’avait dit que celui-ci était bien… et surprenant! Du coup, je l’avais… pis je l’ai lu!

De quoi ça parle

Il y a quelques années, une femme, peintre célèbre, a tué son mari, photographe, lui aussi célèbre. Jusqu’ici, rien d’anormal. Sauf que depuis ce meurtre, Alicia n’a jamais reparlé. Jamais un mot. Elle est depuis des années en institution, au Grove, où elle se mure en elle-même.

Théo est quant à lui psychothérapeute. L’un de ceux qui est devenu psy pour se guérir lui-même et qui nous l’avoue d’emblée. Depuis cet événement, il est fasciné par Alicia et son histoire et s’est donné pour mission d’être celui qui la fera parler. Il va donc appliquer au Grove afin de briser le fameux silence…

Mon avis

Je n’avais pas tout vu venir.

Y croyez-vous? Je n’avais pas tout vu venir. Du moins, pas dès le départ. Même que j’ai été longue à la détente. Du coup, je suis toute excitée, vous pouvez vous imaginer! Ceci dit, peut-être que de gros lecteurs de ce type de roman vont trouver ça banal mais moi, j’ai tourné les pages à toute allure… assez pour le finir en une soirée. Le genre de roman qui se dévore. À tel point que j’ai aucune idée de la qualité de plume, ça peut vous donner une idée. Je sens donc que cette chronique va être d’une profondeur épatante (vous la sentez, l’ironie, hein?)

Nous sommes donc dans un roman psychologique, un roman noir, où nous sommes avec Théo Faber. Il est psychanaliste, il est ambitieux et surtout, il souhaite par dessus tout sortir Alicia, jeune artiste autrefois pleine de vie, de ce silence dont elle ne s’est même pas départie au tribunal. Petit à petit, on se laisse prendre par sa quête, on découvre avec lui l’évolution d’Alicia, sa personnalité, ses fêlures et, tout comme lui, on voudrait qu’elle réussisse à surmonter ses démons.

Et plus l’histoire avance, plus nous, en tant que lecteur, l’anxiété monte, on commence à douter de tout le monde et à se demander ce qui a vraiment pu se passer ce fameux soir. L’atmosphère est très réussie, très dense, la construction est originale et m’a énormément plu. Un petit bémol « crédibilité » (non, mais il ne s’occupe QUE d’un patient, dans cet établissement? Ils n’ont pas les mêmes critères de productivité que nous) et il m’a peut-être manqué une petite étincelle à la toute fin, mais de façon générale, cette lecture a été fort prenante, très cinématographique. On croirait voir les plans et les travelings!

Comme je disais, je ne sais pas pantoute si c’est bien écrit… mais ça a été pour moi un excellent divertissement! Et dans ma bouche à moi, ça n’a rien de péjoratif. Je conseille, donc.

La femme révélée – Gaëlle Nohant

Le comment du pourquoi

Parce que c’est Gaëlle Nohant. Je trouve assez fascinante sa façon de se renouveller à chaque roman, j’aime sa plume… alors bien entendu, je n’ai pas hésité.

De quoi ça parle

Le roman s’ouvre à Paris sur une femme qui se fait appeler Violet Lee. Violet a fui et a tout abandonné. Son mari de qui elle a peur mais surtout Tim, son fils. Nous sommes dans les années 40, elle n’a averti personne. Elle est juste partie, a pris le bateau et a débarqué à Paris, avec sa petite valise, ses bijoux dans le double fond.

Élevée par un père sensible aux droits sociaux et à l’égalité, Violet, derrière son appareil photo, porte un regard très tendre et personnel sur ce qu’on ne veut habituellement pas voir. Les pauvres, les déshérités, ceux qui ont tout perdu. À Paris, elle va arriver dans l’effervescence de St-Germain-des-prés et des boîtes de jazz, faire la connaissance de gens de qui elle va tomber amoureuse, tout en ayant, au fond du coeur, la terrible douleur d’avoir laissé son fils derrière elle.

Mon avis

Bien sûr que j’ai aimé! La plume de Gaëlle Nohant est très belle, d’une fluidité riche, très cinématographique. C’est assez fascinant de voir comment elle réussit à recréer à la perfection à la fois le Chicago des années 60 et le Paris des années 40. Elle dresse un portrait de femme crédible, qui évolue réellement, avec tours et détours, pour se révéler enfin. La Violet du début n’aurait pas pu accomplir ce qu’elle a fait dans la dernière partie. Elle n’y aurait même pas songé.

J’ai eu besoin de réfléchir à la fin de ma lecture. Besoin d’y repenser. Les deux partie distinctes m’avaient un peu laissée « en manque »… j’aurais voulu être témoin de cette évolution, la voir aimer… et je me trouvais projetée complètement ailleurs, ayant l’impression d’avoir perdu le fil quelque part… puis j’y ai repensé. Et il était là, le fil rouge. Plus petit au départ, présent par brins un peu épars, ils se nouent probablement dans la partie qui ne nous est pas contée, pour apparaître finalement lors du retour à Chigago.

J’ai lu le roman avec la trame sonore (trippante) en arrière-plan, et on sent toute la recherche derrière cette apparente facilité. On y parle de photographie humaniste, de regards portés, d’inégalités sociales, des ghettos et des magouilles pour que ces inégalités demeurent. On y parle de révolte et de combats, de Bob Kennedy et des droits civiques, mais aussi de jazz, de légèreté et d’amours, au pluriel. C’est d’ailleurs à ce dernier aspect que j’ai le moins accroché, bien que j’ai aimé le fait que Violet ne soit pas – vraiment – la femme d’un seul homme. Quoique… non, en fait, les amours ne m’ont pas convaincue. C’est d’ailleurs le principal reproche que je fais au roman.

Un roman très évocateur, avec un vrai souffle et une plume magique, qui a réussi à créer en moi des images fortes. Selon moi, il n’a pas la force de « Légende d’un dormeur éveillé » (qui est,dans ma tête, un chef d’oeuvre, rien de moins), mais il est plus facile d’accès, nous emporte et nous donne l’impression d’avoir vécu avec les personnages des morceaux de l’Histoire. J’aurais juste aimé voir un peu plus des années 50-60!