Je lis toujours Gaëlle Nohant avec plaisir sans pour autant savoir à quoi m’attendre. En effet, son style et son approche varient d’un roman à l’autre. Entre L’ancre des rêves, Légende d’un dormeur éveillé et ce roman, on passe d’un univers à l’autre, même quand certains thèmes se rapprochent. On s’entend, le Dormeur Éveillé reste mon préféré (c’est pour moi un gros gros coup de coeur) mais j’ai passé un bon moment avec ce roman-ci.
De quoi ça parle
Irène est archiviste à l’International Tracing Service, grand centre est le plus grand centre de documentation sur les persécutions nazies situé dans un petit village allemand au passé nazi. Elle y est arrivée par hasard dans les années 90 et y a trouvé sa place, se laissant emporter par ses dossiers alors que sa vie personnelle ne comporte que son fils depuis son divorce avec son mari allemand.
En 2016, nouvelle mission. Restituer les objets du centre aux descendants des déportés. De modestes objets parfois qui ont leur histoire et leurs secrets. Ici, un Pierrot de tissus et un médaillon la feront plonger dans deux destins bouleversés.
Mon avis
J’aime toujours autant la plume de Gaëlle Nohant. Ici, elle se fait accessible, souvent terre à terre malgré le sujet, tout en réussissant à glisser occasionnellement certaines images qui m’ont vraiment touchée. Plus simple que le roman sur Desnos, mais très agréable à lire, simple, précis. J’avoue avoir eu du mal au début. Si l’ITS m’a fascinée (et m’a fait faire de nombreuses recherches, on ne se refait pas), je suis restée assez éloignée d’Irène tout au long du roman et ce sont plutôt les personnages secondaires qui m’ont touchée. Eva, Wita, Lazar sont des personnages marquants, qui sont restés humains malgré l’indicible mais dont une partie d’eux-mêmes a été détruite par toutes ces horreurs.
Je ne connaissais pas du tout cet institut Arolsen, qui encore aujourd’hui reçoit des milliers de demandes de partout à travers le monde. Des gens qui sont à la recherche de leur passé et de celui de leurs parents. Un institut qui a été un peu balloté par les autorités internationales parfois laxistes mais qui a survécu grâce à des employés impliqués, souvent des anciens déportés (du moins, c’est ce que dit le roman et je n’ai pas vérifié cette partie). Juste imaginer ces objets, ces traces… je me souviens de l’atmosphère de Terezinstadt ou d’Auschwitz et c’est un peu ce que l’autrice réussit à nous faire ressentir à certains moments. Se souvenir de ce qui est arrivé, comprendre que ces gens ont été jeunes, qu’ils avaient la vie devant eux, les revoir des années plus tard… bref, c’est la partie qui m’a le plus marquée.
La réflexion sur la mémoire, sur l’importance de se souvenir de ces crimes et sur les répercussions qu’ils ont eus sur les générations suivantes reste pertinente et essentielle encore aujourd’hui. Ces destins, ces questions qui restent, des gens qui ont choisi de refermer certaines portes derrière eux pour survivre, le désarroi de leurs enfants qui eux, n’ont pas toutes les clés. Certains veulent savoir, d’autres non, et ces descendants ont réussi à me toucher.
Irène moins. Je ne saurais trop quoi dire à son sujet d’ailleurs, ni au sujet de son fils. Ce qui m’a intéressée à son sujet était surtout l’histoire de son mariage et de sa relation avec Eva. Ici, la plume n’est jamais larmoyante, les scènes sont fortes et Gaëlle Nohant n’ajoute aucun pathos inutile. Les Kaninchen de Ravensbrück entre autres… ouf!
Une lecture que je recommande et qui met l’accent sur les petites victoires, les petites rébellions dans une horreur sans nom.