Fanny Cloutier – 1 – ou l’année où j’ai failli rater mon adolescence

Le comment du pourquoi

C’est la faute de MAPS, booktubeuse québécoise à l’imagination organisatrice hyperactive. Si elle n’en avait pas parlé, je pense que je ne l’aurais jamais lu, parce que je suis une old bitch pleine de préjugés et que mon expérience « journal d’ados à la québécoise » avec Aurélie Laflamme a été juste moyenne. Mais bon, je l’ai lu, et j’ai beaucoup aimé!

De quoi ça parle

Fanny Cloutier a 14 ans, presque 15. Elle habite à Montréal, seule avec son père, sa mère étant morte quand elle avait 3 ans. Deux semaines avant le début de son secondaire 3, son exalté de père lui annonce, juste comme ça, qu’il part au Japon et qu’elle va commencer son année scolaire… à Ste-Lorette. Logée chez une tante. Dont elle n’avait jamais entendu parler. Après avoir lu que « écrire c’est hurler sans bruit », elle décide d’écrire un journal car elle en a vraiment trop sur le coeur.

Mon avis

Quel roman rafraîchissant! L’objet livre est choupi comme tout et le journal de Fanny, magnifiquement illustré, plein de petits dessins, de couleurs, de différents caractères et de polices d’écriture. Je l’ai emprunté à la bibliothèque… mais je sens que je vais l’acheter, en espérant que ce soit encore d’actualité quand the nièce sera au début de l’adolescence. C’est rose, limite que ça sent les paillettes, c’est distrayant et ça se lit tout seul. Genre, en un après-midi.

Fanny a 14 ans et elle a VRAIMENT 14 ans. Elle ne se comprend pas toujours, a une humeur… versatile et est hyper entière dans ses réactions. J’aurais tellement fait une crise de nerfs de la mort si ça m’était arrivé (on se souvient quand mes parents m’avaient FORCÉE à aller 3 semaines en Floride et abandonner mes copains au même âge… un poème). Elle en veut au monde entier, est persuadée que son père se fiche d’elle et elle va faire payer tout le monde. Mais en même temps, elle voudrait juste aller mieux.

Mine de rien, sous couvert de légèreté, on traite de plusieurs sujets importants et ma foi fort bien traités. Il y a des secrets de famille, de perte, on parle aussi de solitude, d’apparence, d’amitié et de premiers amours. C’est sweet, drôle, rythmé et j’aurais adoré ado. Je me serais sentie… comprise. Et comme adulte, ça me rend un peu nostalgique. J’ai aussi beaucoup aimé les adultes en arrière-plan, très imparfaits, qui font des erreurs, mais qui ne sont pas non plus diabolisés. Très bien fait.

Je lirai la suite avec plaisir! Vraiment.

L’évasion d’Arthur ou la Commune d’Hochelaga

Le comment du pourquoi

J’avais vu ce roman dans une liste de prix littéraire. Me semble que c’était le prix des collégiens au Québec. Et bon, en bonne nonotte qui ne lit pas les 4e de couvertures, je pensais qu’il y avait un certain rapport avec le roi Arthur… Que nenni! On est ma foi moins de Kaamelott, même s’il y a un côté parodique dans cet ouvrage.

De quoi ça parle

Imaginez un mois de mars qui dépasse les 50 jours. Imaginez un petit garçon de 10 ans qui s’appelle Arthur, et qui vit en garde partagée entre une mère ex-TS qui n’en peut plus et un père patenteux, adepte de l’antipsychiatrie (en fait, il est anti-tout), et à la définition de la responsabilité parentale… fluctuante. Un jour, Arthur va se faire péter la gueule par trois petits bums de l’école primaire fort mal engueulés et va se retrouver on ne sait trop comment à vendre des pilules et à jouer au golf sur le St-Laurent gelé, le tout au milieu d’une révolte populaire anarchiste. Je sais, ça fait beaucoup!

Mon avis

Comme je suis vieille (et un peu vieux jeu), mon côté anarchiste s’est un peu éteint avec le temps. C’est une belle idéologie, sauf que j’ai du mal à croire que ce soit possible, étant donné l’humainerie des humains. Par contre, si on sent que l’auteur est clairement du côté des révoltés et des communards, il ne les manque pas non plus! Du coup, ça passe, même si j’ai parfois eu envie de baffer le père d’Arthur et ses grandes idées.

J’ai beaucoup aimé la structure du roman, les images qui marquent, , les différents points de vue et la façon de dire, d’expliquer. On dresse ici un portrait hommage doux-amer du quartier Hochelaga, avec tous ses habitants divers et variés. Il y a une vraie critique sociale, et une critique un peu anarchiste aussi, en tirant un peu de tous les bords : policiers, école, réseaux sociaux, opinion publique, médias et même sur les anarchistes. C’est parfois un peu glauque, mais aussi assez joussif par moments tellement il y a de folie douce. Et de folie moins douce.

Le petit Arthur veut fuir les petits bums, et va atterrir dans une école désaffectée… mais maintenant occupée par des anti-société qui tentent de créer leur propre société meilleure, en marge de tout le monde, à coup de réunions, de votes et de grandes idées. Et parfois, c’est assez drôle. Disons que pour penser hors du cadre, ils l’ont! Il va devenir ami avec Barbe Bleue, un schizophrène et, sans trop comprendre dans quoi il s’embarque, va dealer des pilules!

Si j’ai aimé la critique sous-jacente et qu’à plusieurs moments, je me suis dit : le pire, c’est que ça se passerait probablement exactement comme ça, j’avoue que j’ai eu un peu de mal avec le comique de répétition (le Biveux… j’ai trouvé ça drôle la première fois) et avec le langage ordurier des petits bums, qui sont drôles au début, mais desquels je me suis rapidement lassée.

Un roman très particulier, une voix à suivre, mais si j’ai bien aimé, certains aspects m’ont fait tiquer. Et bon… pauvre Arthur, pogné avec ce duo de parents!

De pierre de d’os – Bérengère Cournut

Le comment du pourquoi

Je ne voulais pas lire ce roman. J’avais lu que ça parlait du peuple inuit et il est écrit par une allochtone alors j’avais hyper peur d’y retrouver une vision folklorique et grand n’importe quoi. Mais une amie me l’a mis dans les mains en me disant « tu-n’as-pas-le-choix ». Alors je l’ai lu… et beaucoup aimé. S’agit-il d’une voix et d’une représentation crédible? Aucune idée. J’aimerais avoir l’avis d’amis autochtones pour connaître leur avis. Mais ça m’a plu. Mais j’anticipe.

De quoi ça parle

Nous somme dans le pays du froid, dans le nord du monde, pays où l’hiver, la nuit dure des mois. Uqsuralik venait de saigner pour la première fois quand la glace se fend et qu’elle se retrouve isolée de sa famille. Avec ses chiens et une peau d’ours, elle va donc errer sur la glace et tenter de survivre dans cette nature souvent hostile mais magnifique, rencontrer des gens et partir à la recherche d’elle-même.

Mon avis

Bon, je l’ai dit en ouverture de billet… j’ai aimé ça. L’art de scrapper le suspense hein! Je ne m’attendais pas à aimer ça, et je me suis laissée prendre. Dans ce court roman, nous suivrons Uqsuralik pendant une bonne partie de sa vie. Nous la verrons tenter de survivre, chasser, trouver à manger, aller à la rencontre de la nature et des gens, jusqu’à se créer une famille. C’est l’histoire d’une vie de femme dans un univers souvent rude, peuplé d’hommes et de femmes qui vivent au rythme des longues nuits, des jours interminables, des froids meurtriers et des grands vents. Une vie de chasse, de pêche, mais aussi de chants et de légendes.

Les pages de vie s’alterment avec ces chants, à la fois rudes et poétiques. La plume est très simple, le rythme souvent haché mais l’autrice a su m’emmener avec elle dans ces maisons d’hiver où on peut presque voir les sourires poindre sur les visages burinés. J’ai d’ailleurs adhéré davantage aux chapitres plus réalistes qu’à l’éveil de l’héroïne ses pouvoirs chamaniques. Les traditions et croyances m’ont beaucoup touchée, notamment en ce qui concerne le choix des prénoms d’un nouveau né. Le personnage de Saoniq, la vieille mère, m’a particulièrement émue.

J’ai lu que l’autrice avait fait énormément de recherches pour construire son récit. En tant que néophyte de la culture inuit, cette porte ouverte sur leur mode de vie millénaire m’a réellement interpellée et je sens que je vais avoir envie de lire davantage de romans au sujet de cette culture. Nous savons qu’Uqsuralik a vécu il y a longtemps, même si ce n’est pas clairement énoncé. Cette étendue glacée est située on ne sait trop où, non plus… peut être près des terres de Baffin. Mais malgré la distance instaurée, malgré la philosophie de la vie très différente de celle de l’occident, j’y étais, dans ce bout du monde. Et j’ai versé une larmichette.

Un roman à découvrir, pour aller ailleurs et se laisser porter au gré des saisons, sans attente. À vous de voir si vous avez le goût de tenter le coup.

Le Prince – Anan #1 – Lili Boisvert

Le comment du pourquoi

En mai, j’étais dans un trip fantasy alors quand on m’a proposé de la fantasy québécoise, avec une magnifique couverture, j’ai tout de suite accepté. Sauf que bon, comme vous allez voir, ça a été un rendez-vous manqué. Très manqué. En fait, si ce roman semble avoir trouvé son public, à voir les avis lus un partout, il représente tout ce que je n’aime pas en fantasy. Oups.

De quoi ça parle

Nous sommes ici dans un univers fantasy où les femmes sont au pouvoir. Anan est un royaume prospère, dirigé par une reine ainsi qu’un sénat de femmes. Douze prêtresses veillent aussi sur le climat. Mais voilà que l’équilibre est menacé. Le royaume Inare les attaque, aidé par l’inertie d’un autre peuple limitrophe. Du coup, pour amener la terrifiante reine à ne pas céder le passage à leurs ennemis, on lui propose le prince en mariage. Pour mener l’expédition, on choisit Chaolih, capitaine extraordinaire, pour mener une mission presque impossible : délivrer le dit Prince à la cruelle reine Làépar.

Mon avis

Vous voulez la vérité? Je ne l’ai fini que parce qu’une copine à moi l’avait lu et m’avait dit que la fin était géniale. Ce n’était clairement pas pour moi et la fin de ma lecture a été fort pénible et ponctuée de grands soupirs. Voyez-vous, j’aime ma fantasy assez lente, pleine de descriptions, avec une atmosphère prégnante et des personnages remplis de contradictions. Ici, nous avons affaire à un récit très rapide, rempli d’action. Tellement rapide, en fait, que les moments qui devaient être explosifs ont été des pétards mouillés pour moi, vu que la tension s’était construite beaucoup trop vite. Genre que je me suis dit « hein? la grosse bataille est déjà finie? »

Je ne suis pas non plus fan de la plume, très directe, et pleine d’adverbes. J’ai un truc avec les adverbes, en fait. J’ai toujours du mal quand les gens parlent « sournoisement » ou regarde « méchamment ». Genre, la personne est en train de faire des menaces… je pourrais deviner que c’est méchant. Pas besoin de me dire, merci. En fait, j’ai l’impression qu’on pense que je ne pourrai rien comprendre toute seule et qu’on me prend pour une décérébrée. C’était un cas où j’avais le goût de crier « show not tell ». Ici, tout est dit, tous les motifs d’action des personnages bien précisés, le plus souvent en une petite phrase. Je n’ai jamais eu le temps de me poser aucune question, vu qu’on y répondait avant même que j’aie le temps de le faire. Et c’est vraiment un type d’écriture, avec un côté scolaire, qui ne me plait pas, du tout. Je suis capable d’inférences, imaginez-vous!

Finalement, les personnages. Que je n’ai pas vraiment appréciés parce que je ne connais qu’un aspect de leur personnalité. Ils sont tout d’une pièce, ont certes des blessures, mais on dirait qu’ils SONT ces blessures. Chaolih, le personnage principal, est THE guerrière que tout le monde admire (ou presque). Top stratège, top combattante qui trucide tous les ennemis, qui est hyper droite et qui écoute tout ce qui lui est demandé. Sérieux, à chaque fois que je lisais ses louanges dans la bouche d’un personnages, je lâchais un grand soupir. Les méchants sont vraiment méchants, pas de zone de gris, et on le martèle encore et encore.

Comme vous le voyez, ce roman n’est pas mon genre et ça a été un gros flop. J’en suis la première déçue. Ce que j’ai préféré, c’est la – magnifique – couverture. C’est dire. Je vais donc vous diriger vers le billet de Lynda, blogueuse (que je ne connais pas, je ne peux donc pas comparer nos goûts habituellement) qui a adoré.

Aromantic (love) Story – tomes 1-5 – Haruka Ono

Le comment du pourquoi

Parce que j’avais envie de mangas, que j’avais cette série au complet et que j’étais fort intriguée par le traitement du thème de l’aromantisme. La couverture dans les couleurs des drapeaux aromantique/asexuel a d’ailleurs diminué les craintes face au traitement du dit thème. Du coup, go!

De quoi ça parle

Futaba a 32 ans. Mangaka, ce qui l’intéresse, ce sont les histoires à messages sociaux bien sérieux, mais comme ça n’a jamais fonctionné, on l’a fortement poussée à tenter un autre genre : la comédie romantique de type harem manga. Tout à fait la spécialité d’une fille qui n’a jamais connu le sentiment amoureux ou le désir sexuel, n’est-ce pas! Mais bizarrement, ça fonctionne à fond même si elle-même n’y comprend pas grand chose. En même temps, deux hommes s’intéressent subitement à elle : un producteur séducteur dans la quarantaine et son jeune apprenti de 20 ans. Comme elle voudrait bien comprendre l’amour… peut-être va-t-elle se sauver moins vite qu’à l’habitude?

Mon avis

Je ne suis pas totalement convaincue par cette série manga mais je ne peux m’empêcher de me dire que juste le fait que le sujet soit traité, c’est déjà quelque chose. Je ne suis pas moi-même aromantique, ayant déjà été très amoureuse. Toutefois, pour moi, être en amour n’est pas la priorité ultime et ça me prend un temps FOU pour m’attacher aux hommes de façon romantique. Du coup, plusieurs des remarques que l’héroïne entend quotidiennement, vous pouvez vous imaginer que je me les suis prises. Tu vas finir toute seule, tu gâches ta vie, c’est triste ta façon de vivre, tu fais exprès, tu ne sais pas ce que tu manques, laisse une chance, et, le plus fréquent « tu n’es pas une vraie femme si tu n’as pas d’enfants ». Je ne pourrais donc pas juger de la qualité de la représentation. Toutefois, j’avoue la fin me faisait peur et finalement, ça va!

Futuba est donc une jeune femme qui s’est souvent questionnée sur elle-même. Elle n’a jamais été amoureuse, ça ne lui manque pas particulièrement, mais elle a tendance à fuir les hommes hétéros pour ne pas avoir à subir leurs avances. La situation est d’autant plus folle qu’elle est devenue une mangaka à succès avec une comédie romantique, alors qu’elle n’y comprend absolument rien. Si l’histoire en soi n’a rien de spécial – nous sommes dans le quotidien d’une mangaka – c’est pourtant cette partie qui m’a davantage intéressée. Les deux hommes qui craquent pour elle ne sont pas des mauvais bougres mais ils font quand même peur à l’héroïne, qui ne sait trop comment réagir face aux avances (même les pas trop lourdes). Si je ne me suis pas identifiée à l’héroïne en général, certaines de ses réactions m’ont fait un peu penser à moi ado, quand je freakais quand un mec trippait sur moi! Sa façon de tout surnanalyser, à être super efficace pour analyser tous les sentiments des autres, ça m’a bien plu.

Donc, si j’ai bien aimé que le thème soit traité, que certains comportements soient dénoncés, j’ai trouvé que le mélange narration/éducation était mal dosé. Ça m’a semblé parfois très lourd et ça brisait le fil du récit. J’ai déjà vu le tout mieux intrelacé que ça. En parallèle, on parle aussi de consentement de façon très « éducative » et si c’est important à traiter (surtout dans les mangas), j’aurais préféré que ce soit plus fluide.

Les deux premiers tomes m’ont bien plu, j’ai trouvé que la série s’essouflait avec les tomes 3-4, et j’ai bien aimé le tome 5 pour la fin, et parce que, surtout, l’histoire était davantage centrée sur sa vie de mangaka. Certains événements professionnels m’ont fait rager. Pour moi, les questionnements amoureux m’ont semblé assez longuets et un peu redondants, même si je peux comprendre que notre héroïne se cherche et que ce soit au centre du manga.

Un manga « pas mal » mais qui ne m’a pas transcendée non plus. Je serais par contre curieuse de lire d’autres romans avec des personnages aromantiques ou asexuels. Des conseils?

Felix Ever After – Kacen Callender

Le comment du pourquoi

Au début, c’était la faute à la couverture. Puis j’ai vu beaucoup de critiques très positives sur les blogs et les chaînes anglophones. Alors je l’ai pris quand j’ai eu envie de New York. Parce que c’est là où l’histoire se passe.

De quoi ça parle

Felix Love est un jeune New Yorkais trans qui, malgré son nom, n’a jamais connu l’amour. Il est étudiant dans un collège artistique et rêve d’entrer à Brown et espère réussit à avoir une bourse. Cet été-là, il est dans une école d’été, fait la navette entre l’appartement de son père à Harlem et celui de son meilleur ami Ezra. Malgré les hormones et la chirurgie, il est encore en questionnement face à son identité (comme si c’était pas suffisant d’être queer, Noir et trans) et est bouleversé quand il reçoit des messages transphobiques sur Instagram et qu’une personne malveillante, sous couvert de happening artistique, publie des photos de lui avant sa transition.

Mon avis

Non mais ce roman est EXCELLENT! Il y avait longtemps que je n’avais pas lu un si bon roman YA, qui réussit à intégrer de façon hyper efficace et naturelle des éléments éducatifs dans une histoire prenante. L’auteur est lui-même trans, ce qui rend le point de vue très crédible et les questionnements de Felix sont particulièrement réalistes et bien exprimés. Même si nous ne sommes pas passés par là, il est très facile de ressentir son angoisse, sa douleur, sa frustration. C’est loin d’être un personnage parfait, il est perdu, il fait parfois des conneries, mais il est profondément humain. Il est Noir, il est trans, il est queer, et est encore en recherche de lui-même. Il a l’impression qu’il est « too much job » pour que quelqu’un puisse tomber en amour. Et c’est parce que justement, il explore et se questionne, parce qu’il se trompe et que, justement, il a une peur bleue de se tromper, de ne pas réussir sa transition, qu’il est à ce point touchant.

Les personnages secondaires sont aussi hyper intéressants. Ezra, son meilleur ami, est génial et solaire malgré ses propres failles qu’il cache très bien. Les autres étudiants ont des visions variées, pas toujours politically correct et remplis de zone de gris. Leurs réactions nous font parfois fondre, parfois enrager. Et c’est représentatif. Il y a toutes sortes de personnes et ceci dans tous les milieux, même celui LGBTQIA+. Le milieu étudiant est très immersif, très changeant, et j’ai beaucoup apprécié. Quant aux errements et aux presque triangle amoureux, ça m’a plutôt plu. Les deux personnes auraient été crédibles… et possibles!

Si les parents ne sont pas très présents dans l’histoire, on sent toutefois leur influence et ce que ça a causé chez les jeunes. Felix doit gérer le fait d’avoir été abandonné par sa mère, ce qu’il n’accepte et ne comprend pas. Ses relations avec son père sont en dents de scie car même s’il l’a supporté dans sa transition et qu’il a payé pour la chirurgie (avec un salaire d’ouvrier), il a encore de la difficulté à utiliser son nom.

C’est un roman qui parle d’arts, d’amitié, d’amour et d’identité. Ça parle aussi de questionnements, d’évolution, du droit au bonheur et du droit à l’erreur. Ça parle de la vie d’un jeune trans à New York et des premiers émois. C’est bien fait, comme c’est du YA, tout ce qui doit être « called out » l’est et ça parle aussi de choix. Choix d’identité, d’amis, de partenaire, d’avenir aussi.

À lire pour la représentation, la voix de Felix, pour l’histoire et pour New York! Ça se lit tout seul (malgré quelques répétitions) et je le recommanderais à tous!

Chasse Royale – Deuxième branche 2-3-4 – Rois du monde #3-4-5 – Jean-Philippe Jaworski

Le comment du pourquoi

Parce que j’avais envie de retrouver les atmosphères de Jaworski. Donc petit voyage en Tardis vers la Celtique et l’âge de fer.

De quoi ça parle

Bon. Cette série, c’est compliqué. Au départ, ça devait être trois tomes mais le deuxième tome, Chasse Royale, est devenu tellement tentaculaire qu’il a dû être séparé en 4 tomes. Du coup, je vais vous parler des parties 2-3-4 du 2e tome. Donc les tomes 3-4-5 de la série, qui commence par « Même pas Mort ». Vous suivez toujours? En plus, les 4 tomes du tome 2 ont la même couverture, mais pas la même couleur. Les libraires ont tellement dû s’arracher les cheveux, c’est fou.

Donc, de quoi ça parle. Si Gagner la guerre, du même auteur, donne la parole à un assassin de la renaissance, cette série nous est racontée à travers la voix de Bellovèse, héros turon, qui fait partie des mythes fondateurs et dont l’histoire a été racontée par Tite-Live. Bellovèse est un guerrier dont l’oncle, le Haut-Roi Ambigat, a tué le père. Nous sommes au 4e siècle avant JC, les récoltes ont été mauvaises et les peuples se révoltent contre le Haut-Roi, car les dieux ne lui sont plus favorables. À la fin de sa vie, Bellovèse va raconter son histoire. Dans Même pas mort, il nous raconte un épisode du passé, son enfance, son escapade à l’île des Vieilles et ça nous permet de découvrir sa complicité avec son frère Ségovèse. Dans Chasse Royale, on est davantage dans la guerre et la révolte. Et ici, je vais vous donner mon avis sur la fin de ce deuxième tome.

Mon avis

Quand j’ai repris la lecture de cette saga (j’en étais au tome 4), je me suis vite rendu compte que ça n’allait pas le faire. En effet, il y a beaucoup de personnages et non seulement il faut se souvenir de leurs noms, de leurs allégeances (et à quel moment elles changent, parce qu’elles changent), mais aussi de toute leur lignée. Parce que, voyez-vous, on ne se contente pas de les appeler par leur prénom, mais il faut savoir aussi savoir qui est « Le fils de (insérer un nom jamais entendu de 4 syllabes, idéalement des syllabes complexes) » ou « L’ambacte du petit-fils de (insérer autre nom répondant aux mêmes critères) ». Sans compter qu’ils ont des diminutifs, ces gros barbares! Du coup, après quelques pages, j’ai bien compris que je ne m’en sortirais pas aussi facilement, et j’ai tout repris depuis le début.

Et plus je pense que j’ai encore plus aimé que la première fois. Jaworski a toujours une plume précise, riche et ciselée et l’univers, entre rêve, mythes et magie, est encore une fois hyper riche. On dirait qu’avec sa façon de raconter les choses, il réussit à chaque fois à nous transporter dans son univers, avec ses codes et ses règles. Dans ce petit univers, presque tout le monde se connaît ou s’est déjà vu. Du coup, les affrontements ont souvent un aspect très poignant.

Dans de gros deuxième tome, on sent que l’auteur s’amuse avec le rythme du récit, qui est très particulier et très variable. Chaque sous-tome a son propre thème, mais c’est quand même une façon de raconter très particulière. Je vous rappelle que le début de ce roman nous plongeait dans les batailles et les magouilles politiques. La 2e branche est super particulière. Dans la première moitié, Bellovèse traverse la moitié du pays, blessé, pendant 150 environ, mais avec moults flashbacks, nous découvrons plusieurs épisodes antérieurs, dont les rencontres avec ses ambactes. Ensuite, nous passons dans un monde de femmes, et nous faisons connaissance avec plusieurs personnages intéressants. Prittuse, femme reniée d’Ambigat est fascinante et que dire du personnage de Sacrila, que j’adore et qui, je le sens, nous réserve pas mal de surprises.

J’ai été un peu moins fan de la troisième branche, plus combattante, qui plaira davantage à d’autres que moi. Pour ma part, j’aime beaucoup les bagarres, mais disons que là, il y en avait BEAUCOUP. Et ces guerriers ne faisaient pas dans la dentelle, avec leurs trophées et leurs sacrifices aux dieux. Par contre, la 4e… génial. Il y a certes encore de grandes batailles, mais on sent venir le lien avec l’histoire mythique des deux frères. Ici, la situation est plus ou moins désespérée, le Haut Roi est introuvable, toutes les cartes peuvent être gagnantes et plusieurs loyautés sont mises à rude épreuve. Et cette fin, cette fin… J’ai une envie folle de connaître la suite!

On va juste espérer que je me souvienne assez des personnages quand elle sortira! Mais quel auteur!

Swimming Pool – Sarah Crossan

Le comment du pourquoi

Je cherchais un ouvrage pour la catégorie « poésie » pour le challenge de l’été de Booktube Québec. J’ai donc choisi ce roman en vers, vu qu’on ne peut pas faire plus « estival », n’est-ce pas?

De quoi ça parle

Kasienka, 11 ans, vient de Pologne, pays qu’elle n’aurait jamais voulu quitter. Mais elle a dû suivre sa mère en Angleterre, qui veut retrouver son mari. Elle parle mal anglais, ne connaît pas les codes, et est aussi la cible des moqueries. Le soir, elle parcourt les rues de la ville avec sa mère pour trouver son père, qui est parti sans laisser de traces, à part le nom de la ville. Le seul moment où elle se sent mieux, c’est dans la piscine, quand elle nage.

Mon avis

C’est avec ce roman en vers libre que je découvre Sarah Crossan. Il est destiné à la jeunesse et traite de l’immigration ainsi que des difficultés d’intégration de ces jeunes qui ont parfois à grandir trop vite. Kasienka a suivi sa mère. Elles vivent dans une chambre de bonne, dans un pays inconnu, et la jeune fille de 13 ans est placée avec les enfants de 11 ans, où elle en se sent pas à sa place. Sa mère est désemparée, triste, elle est partie de Pologne avec rien, et Kasienka s’en sent responsable, d’une certaine façon, même si la vie quotidienne n’est pas toujours facile.

J’ai beaucoup aimé la plume et les vers libres se prêtent très bien à cette histoire. La jeune fille est très touchante, trop mûre pour son âge mais en même temps terriblement naïve face à la vie quotidienne du collège. Ce qu’elle vit au quotidien à l’école, le harcèlement ordinaire, la relation avec sa mère, pleine de hauts et de bas, le tout est traité de façon très sobre, avec peu de mots. On a parfois le goût de secouer certains personnages mais le fait de voir Kasienka rencontrer des gens bienveillants, de s’épanouir dans la piscine et de la voir s’éveiller aux premiers sentiments amoureux fait plaisir à voir.

Certes, certains sujets peuvent sembler effleurés, mais étant donné le public cible, ça a très bien passé pour moi. C’est court, percutant, ça peut ouvrir la discussion et la voix de la jeune fille est très touchante. Comme j’ai lu partout que ce roman est celui de l’autrice que les gens ont le moins préféré, je suis maintenant fort curieuse de lire les autres!

The Vanishing Half (L’autre moitié de soi) – Brit Bennett

Le comment du pourquoi

J’ai vu ce roman sur la chaîne d’une booktubeuse noire américaine (je précise parce qu’elle est mieux placée que moi pour le recommander) qui faisait des recommandations. Ça m’a tout de suite interpellée car elle parlait de colorisme et de white passing, sujets que je ne connais pratiquement pas. Il ne m’en fallait pas plus pour le lire. Et… quel roman.

Mon avis… et je vous explique de quoi ça parle dedans.

L’histoire commence en Louisianne, à Mallard. Ce village a été fondé par un homme noir à peau claire, qui voulait vivre avec des gens « comme lui ». Du coup, des générations plus tard, dans les années 50, Mallard est un village « coloré », mais quand on y passe, on ne dirait pas. La clarté de la peau est valorisée et moins on a « l’air » noir, mieux c’est. Déjà là, ça fait réagir, non? En grande inculte de la question, j’ai été soufflée de voir ça. « Dark » est une insulte à Mallard.

Dans ce village grandissent deux jumelles inséparables, Desiree et Stella, très belles, très claires de peau. Un jour, elles vont disparaître. Quelques années plus tard, Desiree revient avec une fillette à la peau très sombres, presque bleutée… et Stella est devenue blanche. Quelque part, on ne sait où.

C’est un roman qui nous raconte Desiree et Stella, certes, mais aussi leurs filles, qui ont grandi dans deux univers contraires. Jude, la fille de Desiree, a eu une enfance pas facile en raison de sa couleur de peau et Kennedy n’a aucune idée de son héritage noir. Nous verrons donc ces familles sur deux générations et nous pourrons observer comment leur identité, ou le déni de leur identité a influencé leur vie. Desiree et Stella m’ont toute les deux beaucoup touchée, ayant toutes deux perdu une partie d’elles-mêmes, par choix ou non. Stella est riche et oisive, mais elle joue un rôle perpétuel, ment sans cesse et a dû tout laisser derrière elle. Desiree est à la recherche de sa soeur et prisonnière de la ville qu’elle voulait tant quitter. Quant aux jeunes filles, leur quête d’indentité et leur volonté de se trouver elles-mêmes est hyper touchant.

C’est un roman poignant, avec des personnages attachants dans leur souffrance. J’ai eu les larmes aux yeux à plusieurs occasions et la construction qui nous balade à travers trois décennies m’a énormément plu. Ça parle de famille, de secrets, mais aussi de racisme et d’opportunités à travers les années. Le fait de « devenir blanche » ne m’aurait jamais effleurée, jusqu’à ce que je comprenne ce que ça signifiait à l’époque. Les opportunités, la façon dont la société les traitait… Et juste ça, c’est terrible. Un roman qui ouvre les yeux, très bien écrit et qui démontre très bien et à répétition que, peu importe leurs choix, les personnes noires dans les années 60 n’avaient pas les mêmes chances.

Un excellent livre, et je lirai le premier roman de l’autrice, c’est certain. À lire! Il il paraît le 19 août aux éditions Autrement!

La petite Russie – Francis Desharnais

Le comment du pourquoi

Parce que le titre m’intriguait… et que je me demandais bien ce que les épinettes faisaient dans la Petite Russie, à Paris… le tout écrit par un québécois!

De quoi ça parle

Comme vous pouvez vous l’imaginer, ça n’a rien à voir avec le quartier parisien du 13e! Cette BD illustre plutôt les colons de l’Abitibi, surtout ceux de Guyenne dans les années 40-50, une paroisse coopérative au nord d’Amos, où les décisions sont prises entre les colons et où l’entraide est omniprésente. Genre que de loin, ça peut ressembler au communisme. De là le nom de la BD.

Mon avis

J’ai été agréablement surprise par cette bande dessinée, non seulement quand j’ai découvert le thème, mais aussi par le côté hommage et par toute l’admiration qu’on sent de la part de l’auteur pour ces hommes et ses femmes qui sont partis au bout du monde pour avoir leur terre, ou du moins une vie meilleure. Le protagoniste principal est Marcel Desharnais. Lui, le bois, c’est pas son fort. Il veut cultiver la terre et avoir une famille, mais pour y arriver, il est prêt à bucher. La coopérative, il y croit. Donner la moitié de son salaire? Aucun problème. Il est convaincu que la force du nombre vaut le coup. Sa femme embarque dans l’aventure et à travers leur aventure, nous pourrons vivre l’histoire du à travers les années 40 à 60, avec tout ce que ça implique d’influence de monsieur le curé, de durs travaux, pas toujours bien récompensés. La vie est dure en Abitibi. Les colons sont à la merci des moustiques, du feu, des compagnies forestières, de la météo et des décisions du gouvernement qui ne tiennent que très peu compte de la réalité de ces hommes et de ces femmes.

Dans ce roman, il y a des hommes courageux, mais aussi des femmes fortes, qui tentent de faire entendre leur voix dans la communauté. On vit avec eux les hauts et les bas de leur quotidien en tant que famille, mais aussi de toute la communauté, aux prises avec des intérêts différents. Pas facile de vivre en coopérative sur le long terme. Les chemins se séparent parfois.

Cette BD m’a fait découvrir une réalité que je ne connaissais pas vraiment et dont je n’avais que vaguement entendu parler. L’Abitibi, c’est quand même loin de chez nous et si j’y suis déjà allée, j’avoue peut connaître son histoire.

Une très belle BD, toute en noir et blanc, avec un trait assez simple, qui m’a beaucoup plu. À découvrir!