Les yeux de Mona – Thomas Schlesser

C’est bien entendu l’idée de l’art et d’avoir un petit cours d’histoire de l’art qui m’a fait choisir ce roman. Et c’est d’ailleurs cette partie que j’ai aimé dedans. À croire que je me connais hein!

De quoi ça parle

Mona a dix ans. Un jour, dans sa cuisine, elle va perdre la vue. Comme ça. Soudainement. La crise va passer et avec l’ombre de la cécité qui pèse, son grand-père Henri décide de lui montrer une oeuvre par semaine, question de lui faire voir la beauté avant qu’il ne soit trop tard.

Mon avis

J’ai souvent lu des avis dithyrambiques sur cette oeuvre, traduite dans plusieurs langues et écrite par un historien de l’art. Quant à moi, je comprends le processus et l’idée de l’auteur : vulgariser l’art à travers une conversation accesible et le regard naïf d’une enfant. Cette partie était passionnante. Si je trouvais ça très basique au départ comme exploration de l’art, le choix des oeuvres est selon moi très judicieux, alternants le très connu et des oeuvres moins connues d’éminents artistes, Je l’ai écouté avec les oeuvres sous les yeux et j’ai adoré les descriptions, les propositions d’analyse, tout en pouvant rechercher les détails dont nous parlait. Bref, toute la partie apprentissage est très chouette et je recommande sans crainte à tous ceux qui ont envie d’en apprendre davantage au sujet de l’art et de l’histoire de l’art. Le tout est bien situé dans l’époque et dans les divers courants artistiques… donc, très bien fait.

Par contre, le reste… je ne sais pas. Certes, la relation entre le grand-père et sa petite fille est belle mais je n’ai pas cru à cett enfant trop parfaite, si intelligente, si spéciale. J’ai donc eu du mal à être touchée par son histoire. J’ai eu tout au long du roman l’idée que l’histoire était faite pour mettre les oeuvres en avant et non l’inverse. Un accessoire, quoi. Du coup, je suis restée extérieure, j’ai très rapidement vu de quoi il s’agissait et je n’ai pas ressenti l’émotion que la plupart des gens ont vécue à cette lecture. Il y a des secrets de famille, des non-dits, mais c’est très gros et un peu cousu de fil blanc. J’ai aimé chercher la particularité de « la petite voix » par contre!

Chaque chapitre se ressemble par sa structure. Une visite au musée, une description de l’oeuvre, une discussion et une petite « leçon » à la fin, le tout entrecoupé de scènes du quotidien de Mona et de sa famille. Le côté « morale », vous le devinez, m’a moins plu et je ne suis pas très fan des leçons de vie mais – miracle – je n’ai pas été harassée non plus, contrairement à d’habitude. Alleluia! Bon, les applications de la si extraordinaire Mona m’ont fait lever les yeux au ciel… mais je pense être très seule de ma gang!

À lire si vous avez envie d’un petit cours d’histoire de l’art!

La Cité des nuages et des oiseaux – Anthony Doerr

J’avais beaucoup aimé « Toute la lumière que nous ne pouvons voir », lu il y a plusieurs années. J’avais repoussé la lecture de celui-ci because beaucoup de pages mais j’ai été ravie de retrouver cette plume et cette vision du monde. Je vais tout de suite vendre mon punch, j’ai beaucoup, BEAUCOUP aimé.

De quoi ça parle

De la Constantinople du XVe siècle jusqu’à un futur lointain où l’humanité joue sa survie à bord d’un étrange vaisseau spatial, les personnages que nous allons rencontrer seront unis par un mystérieux manuscrit, La Cité des nuages et des oiseaux, texte de la Grèce antique dont il ne reste que des fragments et qui va fasciner.

Mon avis

Ce roman a le potentiel de faire partie de mon top 2024. Rien de moins. Il a en effet tout pour me plaire. Une narration qui saute d’une époque à l’autre, des personnages touchants et, surtout, un texte étrange qui a traversé les siècles et qui touche des vies, peu importe le passé de chacun d’entre eux. Des livres dans un livre, c’est pour moi.

Ce texte parle avant tout du pouvoir de la littérature et de la fiction. De sa capacité à redonner espoir et à garder en vie quand plus rien n’a de sens. Ça parle également de mémoire et de transmission, le tout dans le contexte d’un monde qui part en ruines.

Nous suivrons donc Anna, brodeuse à Constantinople. Omeir, jeune homme bulgare dont tout le monde a peur en raison d’une fissure labiale et qui va suivre le sultan pour aller assiéger la ville, bien que ce ne soit pas son choix. Zeno, jeune homme du milieu du 20e sièce qui se sait gay et qui va partir combattre en Corée pour se prouver quelque chose. Seymour, jeune ado dans les années 2010, probablement neuroatypique, qui s’engage pour l’environnement suite à la disparition de sa chouette, Ami fidèle. Et Konstance, fillette vivant à bord d’un vaisseau spatial parti découvrir le nouvel habitat de l’humanité.

Le lien qui les relie? Cette fameuse histoire qui fait rêver. Cette fameuse Cité des nuages et des oiseaux. Ils sont touchants chacun à leur manière et l’histoire de Zeno m’a particulièrement touchée. Ce personnage est génial. La situation de Konstance est aussi déchirante et j’ai dévoré ce roman en quelques jours. Vous savez, quand on veut VRAIMENT y revenir constamment. Les 800 pages se tournent toutes seules et je me suis surprise à de nombreuses occasions à me dire « mais j’aime donc ben ça »! J’adore la plume de l’auteur, évocatrice et agréable à lire. Une histoire « pleine de mots », comme le dirait une amie à moi. Mais des mots qui transportent, remplis d’images et de thèmes récurrents.

J’ai tout aimé. Mais l’idée de la littérature, du partage de la littérature qui permet de guérir, ça me parle. Vraiment.

Coup de coeur pour moi

Vandales – Chris Bergeron

J’ai beaucoup aimé Valide et Vaillante, les précédents opus de Chris Bergeron, qui sont aussi les deux premiers tome de cette série. Lire ce tome était donc une évidence.

De quoi ça parle

Il est ma foi fort difficile de vous dire de quoi ce tome parle sans spoiler complètement le début de l’histoire, ce qui serait dommage car j’en recommande la lecture.

Ce que je peux vous dire, c’est que qu’il FAUT avoir lu les premiers tomes pour bien apprécier ce roman.  Nous retrouvons donc les personnages de Valide et Vaillante, cette fois dans un univers toujours dystopique, limite cyberpunk…  et que nous allons encore plus loin dans la réflexion et dans la SF!

Mon avis

Je suis assez fan de la plume de Chris Bergeron. Quand je lis l’un de ses livres, je suis toujours certaine de trouver un récit intelligent, bien écrit et souvent drôle. C’est d’ailleurs exactement ce que nous propose ce roman.

Nous suivons ici les deux principaux personnages des tomes précédents. L’astronaute Andrea Chang, qui erre dans l’espace après le décès de son amoureuse, sera contactée par Valide un drôle de mélange entre une ancienne IA et un humain.  Genre une AI TDAH.  Ou sur l’acide. Au choix. J’adore les élucubrations et les divergences de Vaillante qui m’ont souvent fait rire et c’est encore une fois plein de références. Mes références. Du coup, j’aime.  Quand à notre personnage du premier tome, disons que tout n’est pas au beau fixe. Il a un peu viré le monde à l’envers voyez-vous. Et les autorités veulent le lui faire payer. 

Si je dois avouer avoir un peu moins aimé que les deux premiers tomes (Vaillantes étant mon préféré du lot), j’ai tout de même passé un bon moment de lecture avec ce livre. J’étais un peu moins attachée aux personnages et m’en sentais un peu plus lointaine. En fait, juste le fait d’être dans l’espace m’angoisse profondément. Ceci explique peut-être cela.  Ceci dit, j’ai beaucoup aimé la finale, presque mystique. 

Encore une fois, l’autrice réussit à nous faire voir que, comme toujours, dans tous les systèmes dystopiques, ceux qui sont laissés pour compte sont encore et toujours les populations plus vulnérables.  Valide, ex-AI, explore maintenant ses sens et l’hybride cherche sa place dans ce monde, tout en tentant d’éviter le retour de David, qui cherche à standardiser l’humanité en général, en rabotant tout ce qui peut un peu dépasser du cadre policé qu’il souhaite établir. Ou donc s’en va l’humanité?

Bref, une autrice que je vais continuer à suivre!

Prendre son souffle – Geneviève Jannelle

C’est ma mère qui m’a mis ce livre dans les mains après sa lecture. If you know, you know!

De quoi ça parle

Anaïs a rencontré Éden, l’amour de sa vie. Le grand amour, le vrai, celui qui permet tous les rêves. Il mord dans la vie et veut profiter de chaque moment. Mais une ombre plane et cette ombre a un nom : Ataxie de Friedreich.

Pour Anaïs, la question ne se pose pas. Ils vont vivre ça ensemble. Sauf que…

Mon avis

Jusqu’à deux pages avant la fin, ce roman était une très très bonne lecture. Et là, catastrophe (et je pense que je suis une bibitte étrange parce que tout le monde a adoré), je n’ai pas aimé la fin. Mais vraiment pas. Et quand ça arrive dans un roman qui avait du potentiel pour être marquant, je devient frustrée! C’est ce qui m’est arrivé avec ce roman et au moment d’écrire ce billet, j’ai décidé que cette fin N’EXISTAIT PAS! Et soudainement, je suis fort satisfaite.

Ce roman nous raconte un couple où Anaïs, la femme, parle à son homme Éden et lui raconte leur couple, vu par ses yeux à elle. On y voit leur rencontre, leur folie à deux… et petit à petit, la maladie prend le pas et va les changer tous les deux. C’est donc l’histoire d’un homme trahi par son corps et de celle qui l’aime, avec tout ce que ça implique.

*inside* Oui, je sais. Je sais. Et si vous savez, vous savez aussi. *fin de l’inside*

J’ai trouvé cette histoire très touchante, très sensible et nuancée. C’est bien fait, le traitement de la maladie, des deuils successifs, des réactions possibles et pas toujours faciles à comprendre… tout m’a semblé très juste et certaines phrases m’avaient été dites presque mot pour mot par des aidantes naturelles que j’ai cotoyées. C’est sensible, profodément intime et la voix d’Anaïs est sans pudeur envers ses propres sentiments. Entre amour, peine, désespoir et frustration, elle va voir dépérir son amoureux sans rien pouvoir faire et sans même pouvoir parfois le soutenir. Parce qu’il ne le souhaite pas. Parce que lui aussi est en colère et souffrant et qu’il souhaite conserver une certaine normalité.

Ce parcours du combattant, on ne le voit pas souvent, surtout pas à cet âge. Les maladies dégératives impliquent une succession de deuils, sans pause, sans répit. C’est souvent triste, parfois désespérant et ce texte révèle le quotidien de ces gens pour qui cette ombre qui plane fait partie de leur vie. La maladie change les gens. Comment se définir pendant? Après?

Bref, tout est bien.

Mais je bug sur la fin. J’aurais aimé autre chose. L’idée était intéressante, en plus. Mais pas ça. Ceci dit, je suis pas mal seule et isolée si je me fie aux notes et aux commentaires. Tout le monde a adoré. Un roman que je recommanderais tout de même, donc!

La traversée des Sangliers – Zhang Guixing

C’est la couverture qui m’a vendu ce roman. Ça et l’idée du réalisme magique transposé au Bornéo du milieu du 20e siècle. Non, mais comment puis-je résister à ça.

De quoi ça parle

Nous sommes à Bornéo, dans l’actuelle Malaisie. Dans le village du Bouk aux Sangliers, Dans ce village entouré par la jungle, les gens vivent au rythme des légendes locales, entre des villageois opiomanes et des enfants portant des masques de yokai. En 1941, ce n’est pas une horde de sangliers qui va déferler sur le village mais plutôt une horde de Monstres. L’armée japonaise débarque… et tout va basculer

Mon avis

Imaginez un tableau du Douanier Rousseau, châtoyant et plein de vie, se faire massacrer par un sabre Muramasa. À plusieurs reprises. C’est l’impression que ce roman touffu et foisonnant m’a laissée. Entendons-nous, c’est un roman qui demande de l’attention et de l’énergie. Il a presque 800 pages et j’ai mis près d’une semaine à le lire. En effet, j’ai mis un moment à comprendre qui était qui au début de l’histoire et après l’arrivée des Japonais (qui agissent ici vraiment comme des Monstres), je devais souvent le reposer parce que c’était trop violent pour moi. Je suis parfois une petite nature!

J’ai particulièrement aimé à quel point ce roman nous transporte dans un univers sensuel, où le lecteur est plongé dans la le Vivant avec un grand V. Nous sommes dans une jungle luxuriante et l’auteur porte une attention à chaque odeur, chaque brut, chaque mouvement, chaque surprise que peut réserver une feuille ou une pierre. J’étais immergée dans le côté sauvage de cette île. De plus, les légendes locales sont omniprésentes, de même que le côté oral des histoires qui nous sont racontées. Il y a des thèmes récurrents, des mots récurrents (dont celui de l’urine… j’ai compté 60-70 occurences!), les personnages sont identifiés par quelques caractéristiques qui sont répétées à chaque fois que nous en parlons et ça donne un rythme très particulier à la lecture. Comme l’odeur d’urine ne m’excite pas particulièrement, j’ai soupiré occasionnellement, j’avoue!

Par contre, la plume… j’ai adoré. C’est châtoyant. La narration nous balade du passé au présent, l’histoire est racontée comme une légende et les images suscitées étaient terriblement vives et insenses. Et les Monstres… lire à leur sujet, réaliser leur cruauté était presque épuisant. Ils étaient partout, ne reculaient devant rien, l’auteur n’est pas tendre avec ses personnages. Aucun d’entre eux. J’étais presque essouflée et j’ai dû arrêter à de nombreuses occasions. Je manquais de souffle.

Certes, ça aurait pu être un peu moins long. Un peu moins de répétitions aurait pu fonctionner tout autant. Mais c’est un roman fort, entre réalisme magique et illusions reliées à l’opium… je ne recommanderais pas à tout le monde. Mais pour moi, c’était très bien!

Le portrait de mariage – Maggie O’Farrell

Non mais elle n’est pas trop jolie, cette couverture en VO? Je suis très fan du style d’illustrations qui illustre très bien une partie du récit, même si la couverture VF est aussi très jolie.

De quoi ça parle

Italie, 1560. À l’âge de 15 ans, la jeune Lucrezia de Cosimo de Medici épouse le duc Alfonso de Ferrare. Un an plus tard, elle était morte. Selon l’histoire officielle, elle serait décédée d’une fièvre putride mais il court des rumeurs selon lesquelles son mari l’aurait assassinée.

Cette partie-ci est une vraie histoire.

Mon avis

J’aime beaucoup la plume de Maggie O’Farrell. Elle réussit toujours à créer des atmosphères riches et à m’entraîner dans les diverses époques qu’elle me fait visiter. Ici, elle réécrit l’histoire de la jeune duchesse de Ferrare, inspirée à la fois par le portrait de Lucrezia attribé au Bonzino et par le poème « My last duchess » de Robert Browning. Que s’est-il réellement passé?

Entendons-nous, O’Farrell précise avoir pris des libertés avec les dates et les personnalités de l’époque. Il s’agit d’une réinterprétation, autant de l’histoire que de la personnalité de la jeune duchesse… mais quelle réinterprétation. J’ai passé un très bon moment de lecture. Ce n’est pas un coup de coeur mais un bon 4 étoiles. Nous la rencontrons très jeune et apprendrons à la connaître alors qu’elle est passionnée par la nature, par ses fabuleux détails, mais surtout par la peinture, pour laquelle elle est douée. C’est d’ailleurs ce regard qu’elle porte sur le monde et que l’autrice nous décrit qui m’a particulièrement plu dans cette lecture, qui est fort sensuelle. On ressent la pluie sur notre peau, on peut sentir la douceur (ou la raideur) des tissus et la délicatesse de la nature. Il faut aimer les descriptions car l’une des grandes forces de ce roman. Pour moi qui adore les descriptions, of course!

Ce roman nous permet également de bien comprendre la vie des femmes à l’époque. Éduquées pour faire joli dans les salons, certes, mais surtout pour être vendues à un mari à qui elle doit obéir et pour à qui elle fera un héritier. Idéalement deux. Leur avis? Non-nécessaire. Et non désiré dans le cas de Lucrezia. Elle va rapidement réaliser que son mari n’est pas celui qu’elle croyait et se sentir en danger, ce que nous ressentons rapidement avec la narration alternée à un an d’intervalle. Les relations de cour contribuent à rendre l’atmosphère terriblement oppressante.

Une réinterprétation vraiment bien faite et une lecture que j’ai beaucoup aimée.

La part de l’océan – Dominique Fortier

Je ne passe jamais à côté d’un texte – ou d’une traduction – de Dominique Fortier. J’aime sa plume, sa sensibilité. Et quand elle parle d’oeuvres et d’écrivains, j’aime encore davantage!

De quoi ça parle

Herman Melville est en pleine écriture de Moby Dick quand il fait la connaissance de Nathaniel Hawthorne, personnage qui va le fasciner et qui aura une influence majeure sur sa vie et son roman. À partir de lettres, Dominique Fortier retrace ce moment de création mythique, tout en créant un parallèle avec sa création personnelle, également teintée d’échanges et de rencontres quasi-mystique.

Mon avis

Je n’ai jamais lu Moby Dick. Son nombre de pages – et le fait que j’aie un peu mélangé le tout avec Jonas dans la baleine – m’a toujours fait reculer. Vous pouvez vous imaginer que j’ai maintenant une envie folle de m’y plonger. Je suis certaine que ma lecture serait plus riche maintenant que j’ai lu cet ouvrage.

Herman Melville a certes une certaines réputation quand il se met à Moby Dick mais il habite une maison pas pratique avec son épouse et ses enfants. Son voisin n’est nul autre que Nathaniel Hawthorne, auteur établi, homme pour qui il va ressentir une passion qu’il ne comprend pas et qui va prendre toute la place.  Et cette obsession, on la ressent grace au talent de Dominique Fortier, à ses mots et à l’intelligence de ses choix narratifs. 

À chaque texte que je lis de cette autrice, je ne peux que j’extasier devant sa poésie et son lyrisme, qui réussit à me transporter sans jamais avoir l’air de trop essayer. Elle nous transporte dans ses univers pour nous ramener vers son processus créatif, le tout de façon parfaitement fluide et intégrée.  Dans ce roman particulier, j’ai préféré me retrouver avec Melville et Hawthorne mais j’ai tout de même été intriguée par l’homme-poème qui fascine la narratrice et intrigue la lectrice que je suis. Le côté impossible, la souffrance, les espoirs déçus, les parallèles sont faciles entre les deux parties du texte. 

Et que dire du personnage de Lizzie, la femme de Melville, que l’autrice a presque inventé mais qui est tellement touchante. Ses mots jetés sur le papier, sans balises, comme dans un souffle, m’ont touchée et ont réussi à me rappeler sans enfoncer le clou toutes ces femmes qui n’ont pas eu l’opportunité de dire ce qu’elles auraient pu dire par manque de temps, d’éducation, ou simplement parce que ça ne se faisait pas.  Le désir de liberté, d’autre chose, m’ont frappée de plein fouet. 

Bref, un autre excellent roman de l’autrice. J’ai toujours l’impression  que chaque image, chaque objet prend forme et prend toute son importance sous sa plume. Je ne peux que le recommander si vous avez aimé ses romans sur Emily Dickinson.  

Luxée – Laurence Provencher

Quand on m’a proposé ce roman, j’ai tout de suite été intriguée par la quatrième de couverture proposait : une jeune fille qui croit présenter un trouble dissociatif de l’identité. Je ne pouvais pas résister.

De quoi ça parle

Cléopâtre est persuadée d’avoir un dédoublement de personnalité. Et de plus, elle croit que « l’autre » est celle qui a tous les talents. Pas facile de réussir dans l’école privée et élitiste qu’elle fréquente, tout en tentant d’être à la hauteur des attentes de sa mère.

Mon avis

J’avais prévu de lire quelques pages de ce roman… et je l’ai pratiquement fini en une soirée. Une soirée de semaine en plus. Et ça ce n’était pas prévu.

Nous avons ici une mère et sa fille qui devient graduellement une jeune femme et qui est avant tout à la recherche d’elle-même alors que ses fondations sont instables. Les personnages intéressants et nuancés, une jeune fille qui n’arrive pas à répondre aux attentes et qui se croit atteinte d’un trouble dissociatif et une mère exigente dans sa propre souffrance.

J’ai bien aimé l’humour et surtout la jeune Cléopâtre qui voudrait tellement être « mieux » et performer davantage. Elle ne comprend absolument pas pourquoi elle « en reperd » avec le temps. Ça parle de relations mère-fille, des ambitions que l’une transfère sur l’autre, des histoires de famille ainsi que de santé mentale… mais je ne vous dirai pas tout à fait de quelle façon. Les chapitres alternent de mère en fille et chacune d’entre elle est crédible même si on a parfois le goût de les secouer. La fin m’a aussi beaucoup plu… et je suis bien contente qu’on soit allés là.

Bref, une lecture que je recommande, hautement lisible et très intéressante.

Un soir d’été – Philippe Besson

J’hésite rarement à lire Philippe Besson. J’aime sa plume et il réussit à rendre l’autofiction juste parfaite pour moi. Parce que si vous me suivez un peu, vous savez que j’ai parfois du mal et que je me sens facilement voyeuse. Ça n’arrive jamais avec Besson. Alors je l’ai lu

De quoi ça parle

Ils étaient six, cinq garçons et une fille. C’était l’été, à l’île de Ré, c’était les années 80. Et un soir, tout va basculer.

Mon avis

Philippe Besson revient ici sur un épisode qui a profondément marqué son adolescence. Nous savons d’emblée qu’un drame a marqué cet été qui devait être farniente, soleil et amourettes. Je ne vous dirai pas quel est ce drame, même s’il sera compliqué de vous expliquer pourquoi ce n’est pas un coup de coeur sans le faire. Bref, je m’explique.

Quand j’ai commencé le roman, j’étais certaine que ce serait un coup de coeur. Ça avait tout pour me plaire. On avait l’atmosphère des années 80, sans réseaux sociaux, sans téléphones… mon enfance et mon adolescence, quoi. On était ensemble, sans rien faire. Le temps passait différemment. Mais peut-être était-ce seulement l’enfance… allez savoir. On ressent cette langueur, le soleil, les petites activités qui prennent une grande importance. Il y avait aussi une grande nostalgie qui me plait toujours. Yeah, I’m that kind of girl.

Bref, l’atmosphère était fabuleuse.

Par contre, à partir du dérapage… il m’a manqué quelque chose. Mon ami Sylvain Démenti l’a adoré et nous en avons pas mal discuté. Je suis d’accord avec son opnion, sur le côté réaliste de la chose, le côté parfois anticlimatique. Littérairement, ça le fait et je comprends pourquoi le traitement choisi par l’auteur. Toutefois, dans mon cas, il m’a manqué un petit quelque chose pour être chamboulée et marquée.

Comme d’habitude, on parle de l’homosexualité de Besson et des impacts sur le quotidien. Les relations douces amères entre les ados m’ont aussi semblé très réalistes. Je relirai l’auteur. Of course!

Noir deux tons – Sébastien Gagnon / Michel Lemieux

Je veux lire ces auteurs depuis le salon du livre du Saguenay l’an dernier, où l’un des auteurs a gagné tous les prix. J’ai donc pris celui-ci car il était éligible pour le roman du gala québécois

De quoi ça parle

Nous sommes au Lac-St-Jean, avec deux cinquantenaires qui vont être appelés à faire la couverture de toitures dans un quartier huppé d’une petite ville. Ils vivent un peu reclus du monde et ont bien loin dans leur derrière le « beau monde » de la ville. Disons que leur présence dans le quartier va faire réagir.

Mon avis

J’avais entendu de très bons avis sur ce roman et ces auteurs. Par contre, après 3 pages et quart, j’aurais pu vous dire que ce n’était pas pour moi. Je n’aurais peut-être pas dû le terminer, même s’il est vrai que les deux hommes m’ont apparu un peu plus sympathiques et touchants à la fin. Un peu.

Nous sommes donc avec deux personnages qui sont restés dans leur époque. Ils n’ont clairement pas suivi l’évolution des idées. J’ai donc rapidement eu l’impression (ne tapez pas) d’avoir affaire à deux vieux réacs qui se foutent éperdument des autres et des lois. La vulgarité du propos et de la narration a presque eu raison de moi. C’est fou, mon affaire. On dirait que les propos vulgaires passent hyper facilement en anglais mais dans ma langue maternelle, beaucoup moins.

Sur la quatrième, on parle de lutte des classes. Certes, mais c’est fait sanszone de gris. Tous les semi-bourgeois (sauf peut-être un personnage) sont des cons finis et même si c’est parfois drôle (les tenues vestimentaires, entre autres), ça ne m’a pas suffi. René est certes drôle dans son je-m’en-foutisme mais c’est aussi un con fini qui trempe son engin dans tout et n’importe quoi.

Je ne suis clairement pas la cible pour cette histoire, même si j’ai bien ri (un peu jaune quand même) à la folie de la finale et souri à l’affection qui lie ces deux beaux frères tout croches. Entendons-nous, on ne fait pas dans la nuance, voir les bourgeois manger une go aux mains de l’incorrigible René est un peu jouissif mais je ne suis pas fan des jokes de gars et du côté un peu vulgaire. Call me princesse!

Le roman a clairement beaucoup plu autour de moi. C’est juste un rendez-vous semi-manqué pour la lectrice que je suis.