Crimes à la librairie – dirigé par Richard Migneault

Crimes à la librairieLe 12 août, pour l’opération « achetez un livre québécois », j’ai acheté deux trucs et ce recueil de nouvelles est l’un de ceux-là.   Vu que Richard, qui a eu l’idée folle de ce recueil, est un blogueur que je suis depuis presque la création de son blog (il est ici… à visiter!), je ne pouvais pas manquer ça!

 

L’idée : demander à 16 auteurs de polars québécois de pondre une nouvelle sur le thème : Crime à la librairie.  Un peu décalé parce que bon, dans la librairie, un crime… à part dans l’univers de Dame Agatha (ou dans Cluedo… avec le chandelier), c’est assez rare.  Du moins, à la quantité de temps que je passe dans ces lieux de perdition… j’espère!

 

16 nouvelles, 16 auteurs… 16 univers différents.  C’est parfois un peu déstabilisant de passer de l’un à l’autre,  Mais j’avoue que globalement, même si j’ai évidemment préféré certaines nouvelles à d’autres, c’est fort réussi.  Et ça atteint doublement son but vu que même pour les nouvelles sur lesquelles je n’ai pas trippé, j’ai le goût d’en lire un peu plus de l’auteur.  Le thème est traité de plusieurs manières, dans différents contextes.  Petites librairies, bouquineries, grandes chaînes mercantiles…  tout y passe.  Mafia, folie, chasses aux trésors, hommage à Hercule, il y en a pour tous les goûts.  Des portraits au vitriol sont dressés au sujet de certaines pratiques du milieu littéraire, on se balade dans différents pays mais c’est surtout au Québec que se passent ces différentes histoires.  J’ai un gros faible pour celle de Martine Latulippe, noire à souhaits.   Mon coup de coeur du recueil.  Mais si j’avais à faire un top 3, je pense que j’en serais totalement incapable.  J’ai fini par en nommer… 7!  Pas tout à fait le but de l’exercice, n’est-ce pas.  (Pour faire simple: celles de Patrick Sénécal, Robert Soulières, André Jacques, Mario Bolduc et Geneviève Lefebvre)  Celle de Martin Michaud m’aurait aussi beaucoup plu… sans le dernier paragraphe!

 

Certaines nouvelles m’ont semblé trop simples, on sent que certains auteurs ont l’habitude de développer davantage.  Et si ça nous donne une bonne occasion de découvrir, pour quelques uns, leur personnage récurrent, ce n’est pas toujours facile d’entrer comme ça, au milieu du récit, et de tout bien saisir.

 

Ajoutons les courtes biographies de chaque auteur à la suite de chaque nouvelle où l’on nous parle de leur style et nous avons un portrait de cet ouvrage, qui donne envie de touuut lire de la littérature policière québécoise, qui est loin d’être un sous-genre.  Ces portraits sont fort bien faits et très intéressants.

 

À découvrir.  Sincèrement.

À la conquête de la haute ville – Fanette #1 – Suzanne Aubry

Li3077_CV_Fanette 1.inddOh, une série historique québécoise de commencée.  Vous voyez, je n’abandonne pas l’idée d’en trouver une qui me plaise vraiment!  Est-ce que ce sera celle-là?  Je ne sais pas, j’avoue.  Toutefois, même si j’ai des bémols, j’avoue qu’il y a des éléments qui me plaisent bien, et que ça semble prometteur.

 

Fanette, l’héroïne du roman, a 7 ans au début de l’histoire.  Elle habite en Irlande avec ses parents et ses frères et sœurs.  Son, nom, c’est Fionnualà.   C’est la famine et ils prendront le bateau pour se diriger vers le Québec, terre promise.  Ce sera surtout une traversée pénible… et Grosse Ile à l’arrivée.

 

Au Québec comme ailleurs, plusieurs paysans et habitants ont pris de jeunes orphelins irlandais sous leur aile, après la grande famile des années 1840 quelque.  Il y a d’ailleurs des souvenirs de ça à quelques endroits dans le Vieux Québec.   C’est l’histoire de l’une d’elle qui nous est contée.  Une de celle qui a – finalement – eu de la chance. Et avec son histoire, c’est aussi toute une époque de la ville de Québec qui revit.  Avec la Basse Ville et la Haute Ville, la petite rue Sous-le-Cap (j’adore cette rue) et le grand escalier casse-cou.   Quand nous la quitterons au terme de ce premier tome, ce sera une jeune femme avec beaucoup de cran, qui tente de se remettre de trahisons parfois bien involontaires et de souvenirs difficiles.  Et on sent que son histoire ne fait que commencer.

 

D’abord, j’ai choisi cette série parce que ces irlandais qui sont arrivée ici m’intriguent.  J’avais lu un peu sur le sujet et j’avoue ne rien avoir appris de nouveau mais j’ai aimé ce contexte, j’ai aimé retourner en arrière et le climat de la ville, ses particularités… c’est très vivant et réussi.

 

Mon principal reproche, ce sont les personnages qui ont très peu de teintes de gris.   Des gros méchants qui seront là pour menacer le bonheur des gentils, il y en aura quelques uns hein.   Je me plais à espérer que les personnages gagneront en profondeur dans les autres tomes (parce qu’il y en a 7).  Je ne suis pas tombée amoureuse de la plume directe et simple (j’ai une préférence pour les trucs un peu plus évocateurs, mais ça, c’est personnel) mais elle ne m’a pas fait sacrer (comme c’est souvent arrivé dans dessagas romans historiques) ce qui est toujours ça!

 

Je lirai la suite.

Parce que je l’ai hein…  faut pas chercher à comprendre pourquoi j’achète tant de trucs!

 

Québec en septembre 2014

Je suis là – Christine Eddie

Layout 1Je dois l’avouer, il est très rare que je fasse des beaux yeux et que je lance des cris du coeur pour lire un roman mais cette fois, admettons-le, je l’ai fait.   Non seulement c’est Christine Eddie (celle qui nous a donné les magnifiques Carnets de Douglas et Parapluies) mais le thème du roman m’interpellait particulièrement, étant donné mon travail.

 

J’aimerais pouvoir vous dire de le lire, tout simplement.  Et que vous m’écoutiez, comme ça, sans raison.  Juste parce que je vous le dit.  J’aimerais que vous découvriez Angèle sans rien savoir, que vous appreniez à la connaître sans à priori.  C’est que dès le départ, on sait qu’un « tir groupé d’infortunes l’a prise pour cible ». J’aimerais que vous puissiez entrevoir sa personnalité lumineuse, son humour, sa féminité, sa résilience.  J’aimerais que vous compreniez pourquoi elle habite à cet endroit.  Pourquoi elle ne peut voir ses filles que de temps en temps.  Pourquoi elle ne peut pas leur dire qu’elle les aime, même si elle déborde d’émotion et d’amour pour ses petites poulettes.

 

Je vous dirais aussi que la plume de Christine Eddie sert superbement cette histoire, la saupoudrant d’espoir et de délicatesse.   Je vous dirais que c’est une histoire touchante, une histoire toute pleine d’humanité, d’entraide, de petits-grands moments et de microscopiques miracles.

 

Si ça vous suffit, arrêtez de me lire et allez rencontrer ce personnage et de son monde,  en train de se reconstruire, ce redéfinir.

 

Sinon, je pourrai vous laisser entrevoir qu’Angèle n’a même pas mon âge.  Qu’elle vit dans une résidence pour personnes âgées depuis presque 4 ans.  Que son mari ne peut la voir sans pleurer. Qu’elle communique lentement, très lentement à l’aide des yeux et d’un alphabet.  Qu’elle est prisonnière dans un corps qui ne l’écoute plus mais qu’elle est là! Tellement là, enfermée en elle-même.  Qu’elle reste la même, ou presque.  Et qu’elle ne peut serrer ses jumelles de 4 ans dans ses bras quand elles voltigent autour d’elle et sèment le bonheur dans la résidence.

 

Loin d’être larmoyant, il y a énormément de positivisme dans l’histoire, qui est inspirée d’une amie de l’auteure, qui  présente un locked in syndrome.  C’est une histoire pleine de vie, bien campée à Shédiac, petit village des maritimes.  Et je vous la recommande fortement.

 

Québec en septembre 2014

 

Ailleurs… le billet de Jules, de Topinambulle

La porte du ciel – Dominique Fortier

la porte du cielAussi bizarre que ça puisse paraître, je n’avais jamais lu de roman de Dominique Fortier.   Je n’ai d’ailleurs aucun souvenir d’avoir acheté celui-là ce qui, à défaut d’être étonnant, est plutôt révélateur.  Mais j’ai un vague souvenir d’avoir VOULU l’acheter après avoir entendu parler d’une des inspirations de l’auteur, les célèbres courtepointes de Gee’s Bend.  Vous ne connaissez pas?  Fouinez un peu, vous allez voir, elles sont magnifiques!

 

Le roman s’ouvre sur deux fillettes.  L’une est blanche est l’autre est noire.  Nous sommes dans le sud des États-Unis, deuxième moitié du 19e.  L’esclavage existe encore et le Docteur McCoy, pour faire un grand geste altruiste, achète celle qui s’appellera Eve et qui cause des problèmes à sa plantation où elle est esclave depuis qu’on a vendu sa mère à on ne sait qui.   Elles vont grandir, l’une avec un statut clair, l’autre, beaucoup moins.  Entre servante et amie d’Eleanor (la jeune fille blanche), elle ne sait trop où est sa place.

 

Il est difficile de parler de ce roman car comme les courtepointes dont elle s’est inspirée, Dominique Fortier tisse ici un patchwork de moments passés et actuels, de personnages tout plus ou moins prisonniers de leur société et des attentes que celle-ci a pour eux.  En toile de fond, la guerre de Sécession, guerre fratricide, guerre d’idéaux, dont les répercussions se font encore sentir de nos jours (vous ne me croyez pas?  Allez juste voir la carte électorale aux États-Unis, juste pour rire…).  Dans le sud, le racisme, ce n’était même pas une question, mais un mode de vie.   C’était ancré dans les moeurs.  Et si la guerre a aboli l’esclavage, elle n’a pas aboli le racisme pour autant, même 150 ans plus tard.

 

C’est d’un personnage à l’autre, d’une maison à l’autre que l’auteur nous fait témoins des petites et des grandes trahisons, de la vie de ceux qui sont restés derrière, des violences ordinaires et des grands espoirs… et des désillusions.  Et, étrangement, cette narration fragmentée, qui passe du je, au tu, au il, forme un tout étrangement cohérent, malgré des parties qui détonnent, qui frappent, et dont nous ne comprenons l’impact que lorsque nous reculons pour avoir une vue d’ensemble de la construction étrange et belle que nous avons pu lire.

 

Une plume sobre et évocatrice, une construction audacieuse, des silences parfois assourdissants, une auteure qui nous laisse souvent inférer des sentiments plutôt que de nous les décrire et un certain hommage à ces femmes qui prenaient leur liberté là où elle leur était permise et qui criaient leur douleur à leur manière.  Dans des courtepointes.

 

Ailleurs…  les billets de Venise et Anne

Le silence des femmes – Thérèse Lamartine

Silence-des-femmes.jpgEn ouvrant ce roman, j’étais certaine que ça me plairait.  Après tout, la condition de la femme, le féminisme, j’en lu de nombreux essais sur le sujet.  Je me sens concernée.  Du coup, inutile de dire que le thème et la façon de l’aborder me plaisait beaucoup.  La condition de la femme vue par un homme qui s’éveille subitement au sujet, suite à des meurtres perpétrés lors du passage à l’an 2000… comment ne pas être intrigué?

Or voilà, je crois que je préfère ce thème et ces thèses très apppuyées quand, justement, elles sont sous la forme d’essais.  Parce que je dois avouer que j’ai vraiment eu du mal à partir d’un certain point.  Question de préférence personnelle hein…  j’ai toujours du mal quand je sens qu’un auteur (de roman) veut vraiment, vraiment faire passer un message et qu’il est martelé.  L’opposante en moi se réveille.  À tout coup.  Même si à la base, je suis d’accord avec plusieurs des affirmations (pas toutes… mais plusieurs) et que l’avenir des femmes et des jeunes filles me fait parfois peur.  Et que certaines situations, considérées presque normales, font frémir.

Brian, le personnage principal, est psychanalyste à New York.  Sa vie va basculer le 1e janvier 2000.  Ces meurtres, et surtout, le coupable, va l’amener à se remettre en question, en tant qu’homme mais aussi en tant que psychanalyste.  Il épouse donc la cause de la condition féminine.  La première partie nous parle de sa démarche en tant qu’homme, de son parcours, de ses questionnements.  Pourquoi tant de violence, tant de haine envers les femmes?  Pourquoi on ferme les yeux?  Pourquoi les mères acceptemnt que leurs filles aient un tel traitement?   Et cet aspect m’a plu.  J’ai aimé m’attacher à ces personnages.  Puis, soudain, l’impression qu’ils ne sont plus que des marionnettes en spectacle illustrer la thèse de fond.  La finale m’a à moitié réconciliée parce qu’elle a de  risqué et d’inattendu mais j’aurais préféré un propos plus nuancé… et un résultat plus nuancé aussi (oui, je sais, je réutilise le même mot… suis pas écrivaine, moi!)  J’ai peur que ce choix de positions extrêmes, même sous forme de satire (car je crois sincèrement que c’en est une… du moins, j’espère) n’influence négativement plusieurs lecteurs qui auraient pu adhérer et réfléchir de façon constructive… mais ça, c’est moi.

Ça, limite, ça aurait pu passer.  Mais mon réel problème avec le roman a été le style que j’ai trouvé lourd et surchargé d’adjectifs (répétés à quelques reprises dans le roman pour les mêmes objets… yep, j’ai une mémoire stupide.  À la deuxième « poitrine somptueuse », je me souviens parfaitement de la première, genre).  Chaque mot a été soigneusement choisi, et ça paraît.  Trop travaillé pour mon goût perso, tout en restant dans la simplicité syntaxique la plupart du temps.  Oui, je généralise, je sais.

Somme toute, c’est un roman avec des idées auxquelles il faut réfléchir, en tant que femme, mais surtout en tant qu’être humain.  J’ai été toutefois moins convaincue par la forme.  Et pour contrebalancer mon avis, je vous envoie chez La bible urbaine (qui ont beaucoup aimé l’écriture… tout le contraire de moi, quoi) ainsi que chez Voir.ca.  La bouquineuse boulimique a un avis plus mitigé.  À vous de vous faire une idée!

Champagne – Monique Proulx

ChampagneCe roman, c’est l’exemple parfait d’un très bon roman, mais qui n’était pas pour moi.  Il faut que je l’avoue, moi, tout ce qui s’approche du nature writing, j’ai souvent du mal.  J’adore imaginer les coins de paradis envahis de bêtes à 2, 4 ou 6 pattes mais souvent ça ne suffit pas pour garder mon intérêt.  Non, pour « éveiller » mon intérêt.   Parce qu’une fois que j’ai été bien dans l’histoire, j’ai apprécié, hein.  J’ai trouvé la plume magnifique et évocatrice, qui nous transporte dans ce petit paradis qu’est le lac à l’Oie, propriété de Lila Szach, vielle dame revêche aux idées bien arrêtées, prête à tout pour défendre son coin de paradis à l’écart des hommes, surtout ceux portant le nom de Clémont.

 

Nous suivons tour à tour plusieurs personnages plus ou moins écorchés qui hantent cette campagne.  Il y a Lila, qui s’est rêvée vieille sur les bords de ce lac acheté pour une bouchée de pain avec Jan, son époux maintenant disparu.  Il y a aussi Simon, le bon Simon, l’oreille attentive qui voudrait aider les gens, les réparer.  Puis arrive Jérémie, l’enfant qui s’est cru mort et qui va apprivoiser cette campagne dont il ne sait rien.   Violette est venue écrire son passé pour tenter de l’exorciser tandis que Claire trouve en ce lieu une paix bienvenue qui lui permet d’écrire ses scénarios en s’inspirant des habitants.  Ces personnages vivent côte à côte et s’entrecroisent, tissant des liens particuliers, parfois fragiles ou déroutants.

 

Le temps d’un été dans les Laurentides, pour plusieurs, la vie va être chamboulée, secouée, bouleversée.  Il ne faut pas pour autant croire que c’est un roman où l’action déboule.  Certes, il y a une histoire.  Des histoires, en fait, qui se déroulent au rythme imposé par cette nature à la fois belle et cruelle, qui est en fait le personnage principal du roman.  Les cassures, les ruptures et les épreuves de ces personnages hors-normes, parfois âpres, sont entre coupés de segments où il est question de tout ce qui compose l’univers dans lequel il évolue.  Quand on est en si grande symbiose avec la nature, un écureuil Rebelle ou un colibri devient parfois un événement.  Et bizarrement, on s’intéresse à leurs mœurs ainsi qu’à celles des insectes.  Mine de rien, j’ai appris des choses, moi, là-dedans.  Et le tout est fait très naturellement.

 

Il y a certes un message sur la cohabitation de l’humain avec la nature, sur la nécessité de la protéger, de la respecter.  C’est une ode à ce monde sauvage, sans pitié, mais magnifique, devenu trop rare.  Et c’est écrit magnifiquement.  Toutefois, pour moi, les débuts ont été difficiles et j’ai mis un bon moment à me sentir chez moi dans ce petit univers.  Était-ce l’alternance des points de vue?  Le trop plein de vert?  Je ne sais trop mais les débuts ont été difficiles et même si le lac à l’Oie avait l’air magnifique, je m’intéressais finalement assez peu à ce qui s’y passait.  Heureusement, ça s’est arrangé mai il reste que, comme je le disais au début du billet, ce n’est pas le type de roman que je préfère.  Et j’ai quand même un bémol pour l’épilogue, que j’aurais préféré absent.

 

Toutefois, je sais que cette littérature a ses adeptes et je le leur conseillerais volontiers.

 

Ailleurs… les billets de Venise, Biblioblog, Topinambulle, Suzanne et Malice (qui a adoré)

 

 

Le Christ obèse – Larry Tremblay

christ-obese.jpgOh qu’il est étrange ce roman.  Profondément dérangeant, troublant.  Au point que j’ai dû le refermer à plusieurs reprises car c’était juste too much.  Trop de violence, trop d’instabilité, trop peu de justification à toutes ces horreurs.  Juste parce que.  Et malgré tout, cette étrange culpabilité qui plane, ce doute permanent qui assaille le narrateur.

Nous avons donc affaire à roman métaphorique sur le christianisme, sur la religion, qui nous questionne et qui nous secoue.  Du moins, je crois.  Parce que j’en ai sans doute manqué quelques bouts hein… un roman qui mériterait sans doute une relecture.  Le personnage principal est Edgar, 37 ans.  Il a toujours vécu sous l’emprise de sa mère, figure essentielle de sa vie mais aussi assez froide, qui a fait disparaître un jour tous les souvenirs de son époux, décédé le jour de la naissance d’Edgar.  Relation particulière, inégale, limite malsaine, même si nous ne faisons que l’entrevoir.  Puis, après sa mort, alors qu’il est sur sa tombe, il voit une jeune femme se faire tabasser par quatre personnes, qu’il identifie au quatre cavaliers de l’apocalypse.  Pour une raison qu’il ne s’explique pas lui-même, au lieu d’appeler la police ou l’ambulance, il décide de l’amener chez lui pour la soigner.

À travers ces pages, nous verrons se tisser lentement une relation très étrange de codépendance, où les rôles sont flous et où les sentiments sont contradictoires.  La figure du Christ se superpose, se confond avec celle de la personne blessée qui souffre, qui a été maltraitée et abusée.  Graduellement, toute la vie d’Edgar se mettra à tourner autour de cette figure qui le domine, alors qu’il est lui-même le soignant, l’aidant, le pourvoyeur.  Le tout presque sans parler.    Petit à petit, nous découvrons la mère, ses sentiments contradictoires, ses actes, qui ont pu déclencher quelque chose dans la tête du petit Edgar de quelques années à peine.

Difficile de s’attacher à ce personnage.   Difficile de le comprendre, car il est en constante opposition avec lui-même, se présentant tour à tour comme une personne rationnelle, qui se questionne et une personne dérangée, qui doute de sa santé mentale et qui s’auto-justifie avec une logique qui lui est propre.  Des actes horribles nous sont racontés avec une froideur et une distance incroyable et c’est cette combinaison qui m’a parfois fait manquer de souffle.  Et quand on y pense un peu et qu’on fait certains parallèles, qu’on se repose vraiment certaines questions qui sont soulevées par rapport à la religion, au christiannisme, ça secoue encore plus.  Et on est ramenés à la question initiale… pourquoi la souffrance du Christ vaut-elle plus que la nôtre?  Et toute cette foutue culpabilité judéo-chrétienne, qui nous fait douter de nous en premier lieu, de notre bonté ou encore de nos droits…  Ce roman, avec toutes les horreurs qu’il contient (sérieux… comment voulez-vous que ça finisse bien), a le mérite de faire réfléchir et de nous offrir une métaphore ma foi fort réussie.

Même si je ne peux pas dire que j’aie eu une lecture… agréable et pétillante de joie!

Ailleurs… le billet de Jules

La mort de Mignonne et autres histoires – Marie-Hélène Poitras

mort de mignonneC’est quand des copines participantes à ce mois thématique ont décidé de lire Griffintown de l’auteur (que j’ai beaucoup aimé) que j’ai déterré ce recueil de nouvelles de ma pile.  Écrit en 2005, « La mort de Mignonne et autres histoires » est donc antérieur de plusieurs années au roman que je viens de citer.  Toutefois, nous voyons déjà poindre les thèmes et les décors que nous retrouverons plus tard dans le roman.

 

Ces nouvelles s’articulent autour du thème de la perte de l’innocence et des illusions.  Des personnages un peu trop purs pour leur monde trash, que ce soit des animaux ou des humains.  Et on ne parle pas de pureté « parfaite »…  juste d’une certaine naïveté qui clashe avec la réalité parfois glauque, parfois cruelle, parfois vide aussi.    Si j’ai trouvé le recueil un peu inégal, quelques nouvelles m’ont davantage marquée.   La nouvelle titre, « la mort de Mignonne » est très poétique, enlevée mais triste aussi.  On  y retrouve le monde des chevaux (on sent que l’auteur les connaît et les aime), des calèches mais aussi celui de l’adolescence qui se cherche (et qui se déçoit), sur fond de musique grunge.   Le discours d’une ado à sa petite soeur de 7 ans qui grandit  est très touchante et l’histoire de la jeune top modèle trop vite aux devants de la scène est percutante.  Toutefois, ma préférée reste celle du cachalot échoué qui rassemble tout un village.

 

Une plume travaillée (des fois, juste un petit mini-peu trop à mon goût à moi) mais surtout des images très fortes, qui sortent un peu de nulle part mais qui laissent une impression durable au lecteur, parfois par leur incongruité, d’autres par leur signification (ou du moins celle qu’on lui prête).    Une agréable lecture, malgré quelques nouvelles qui m’ont moins touchée.

Dans le quartier des agités – Jacques Côté

Dans-le-quartier-des-agites.jpgCe roman, je l’ai retrouvé dans ma pile.  Comme ça.  Suite aux suggestions de Richard, j’ai vu qu’il conseillait vivement le 3e tome de la série.  Du coup, j’ai lu le premier.  Pour arriver au 3e.  Un jour.

Cette série de romans policiers est basée sur des personnages réels.  Un personnage réel, en particulier : le Docteur George Villeneuve, qui a été surintendant de l’asile (c’était le terme hein…) St-Jean-de-Dieu à Montréal (ancien nom de l’hôpital Louis H, qui est l’actuel institut universitaire de santé mentale de Montréal, situé dans le coin du métro Radisson) ainsi que médecin légiste à la morgue de Montréal.   Ce médecin de formation avait aussi une passion pour la médecine légale et il tenait – pour vrai – des carnets plus ou moins lisibles.  Personnage parfait pour cette série « Les cahiers noirs de l’aliéniste », où ce personnage réel vit des drames tout à fait fictifs. Du moins, je pense qu’ils sont tout à fait fictifs!

Nous rencontrons donc ce médecin à la fin de ses études, pendant l’année qu’il passera à Paris, à étudier sous le docteur Valentin Magnan.  Je vous préviens tout de suite, il y a touuuut plein de personnages réels dans ce roman.  Si vous avez un peu de connaissances dans le domaine, c’est clair que vous avez entendu ces noms quelque part.  Certains ont du mal avec ça mais moi, j’adore.   De plus, on sent que l’auteur s’est donné la peine de faire une réelle recherche, pour réussir à nous faire ressentir l’atmosphère de l’époque ainsi que l’état de la psychiatrie de l’époque. Toute cette partie est fort bien réussie.  J’ai adoré assister à ces conférences et faire des recherches sur les sujet/personnages évoqués.  Il faut dire que la maladie mentale m’a toujours intriguée au plus haut point.

Il y a autant de contexte historique que d’intrigue policière dans ce roman.  Si l’intrigue est assez simple, il est clair que ce n’est pas le but principal de nous faire nous balader sur de fausses pistes.  Il s’agit plutôt de nous faire entrer dans l’esprit d’une personne clairement dérangée et d’explorer sa façon de penser.   La mise en place?  Un meurtrier coupeur de nattes sévit à Paris.  Et arrive, sur le porche de l’asile, un homme avec justement… une natte dans sa poche.  Tient-on le coupable?  Le Docteur Villeneuve n’en est pas du tout certain, même si l’opinion publique – et les faits – parlent contre lui.   Entre les préparations de congrès, les conférences sur l’entomologie médicale et l’étude duc crâne humain, le docteur va suivre « son » suspect et entrer dans son quotidien.  À ses risques?

On a ici une écriture très simple, qui ne m’a pas transcendée.  Le personnage principal est aussi un peu trop « bien sous tout rapport » mais on sent aussi la crainte du pouvoir religieux en place (si la soeur en charge décide qu’il n’est pas assez bien moralement, il perd sa job hein… pas plus compliqué que ça).  De plus, j’aurais apprécié un peu plus de profondeur et de nuances chez certains personnages.  Mais somme toute, c’est un bon roman policier historique et je lirai forcément les deux autres tomes, qui nous ramènent à Montréal.

Ailleurs… le billet de Richard

Pourquoi cours-tu comme ça? – Collectif

pourquoi cours-tuJe vais vous faire un gros aveu.  Dans mon milieu de travail, je ne serai jamais branchée, jamais « in », jamais dans la gang qui a Compris.

 

Voyez-vous… je déteste courir.

 

Sans joke.  Je peux faire 3 cours d’aérobie de suite en sautant comme une folle, taper des talons en flamenco sans relâche, faire du vélo et du vélo… et vite malgré l’ancêtre qui me sert de bécane!  Mais courir???  Oh my… je déteste ça.  J’ai essayé hein… dans la recherche d’un sport polyvalent et pas trop cher.  Mais c’était un calvaire pour moi et j’étais limite contente de ne plus pouvoir courir en raison de périostites à répétition.  C’est dire comment je n’aime pas ça.

 

Et au boulot… tout le monde court.  Tout le monde bouffe santé.  On les voit partir sur l’heure du dîner et revenir exaltés.   Et ils en parlent tout le temps!  Vous savez, ma collègue a gagné le marathon de Montréal chez les filles l’an dernier.  Du coup, c’est un gros sujet de conversation au-dessus de mes sandwiches achetés… et de leurs salades composées (j’exagère… mais je suis celle qui a les pires lunchs de l’hôpital, je pense).

 

Bref, je ne ferai jamais partie de la gang des coureurs.  L’aspect « temps » me dérange.  En fait, je ne suis pas du tout compétitive.  Même contre moi.  Encore moins contre moi, en fait! Du coup, j’avais un peu peur en recevant ces nouvelles.  Mais à ma grande surprise, j’ai sérieusement bien aimé et j’ai dévoré ce court recueil (pas tout à fait 200 pages) en une petite soirée.  C’est que oui, il y a la course.  Il y a les rituels de la course.  Mais il y a aussi ce qui se cache derrière.  La peine d’amour, le besoin de contrôle, la remise en forme, l’exutoire, l’amour du sport… bref, autant de motivations que de personnages.  Et ça, ça m’a plu.  Voir l’humain derrière le sport.  C’est que nous sommes des bestioles fascinantes!

 

J’ai aimé le mélange de plumes et de styles différents, dont certains qui sont bien reconnaissables.  En fait, ces recueils de nouvelles à plusieurs auteurs, sur un même thème, me plaisent beaucoup.  Ca permet d’exploiter à fond quelque chose sans tomber dans la redite et la monotonie.  Ici, on nous promène de plume en plume, de sujet en sujet.  Du jeune qui se fait intimider et qui découvre que, définitivement, il court vite à la femme qui veut se vider la tête après une peine d’amour, en passant par le fils qui court pour sa mère, la dame qui fait de la course un gros party d’amis et celui qui court pour courir, tout simplement, on a là un vase éventail de sujets.

 

Je ne les décrirai pas toutes mais un petit mot sur mes préférées, quand même!  Un gros coup d’émotion pour la nouvelle de Julie Gravel-Richard, avec tout plein de sourires aux références antiques.  Une tension très bien maîtrisée pour celle de Florence Meney, dont j’aime définitivement la plume.  Une folle envie d’écouter The Clash après avoir lu celle de Michel Jean qui nous raconte Leslie et Jean-Nicholas, qui se rencontrent au début de l’âge adulte.  Finalement, celle de Patrice Godin m’a preeeeeesque fait comprendre comment quelqu’un peut aimer courir.  Presque.  Et elle donne à réfléchir, en plus!

 

Un recueil que je conseillerai à tous mes amis coureurs, sans faute.  Parce qu’avouons-le… les parties qui m’ont le moins accrochée sont quand même celles… qui décrivent les sensations éprouvées à la course!

 

Fidèle à moi-même hein!

 

Ailleurs… le billet de Jules.