Le comment du pourquoi
Une copine m’avait dit qu’il fallait que je lise ce roman… et il était en audio à la bibliothèque. Il ne m’en fallait pas plus!
De quoi ça parle
Gabriel est prêtre dans un petit village. Un jour, une femme en confession. « Vous allez être appelé pour bénir une femme morte à l’asile. Entre ses jambes, il y aura les cahiers. Les cahiers de Rose. »
Et dans ces cahiers, il y a Rose et son histoire, l’histoire d’une adolescente qui a été vendue par son père au maître de forge, dans un espoir fou (et malsain) de sauver sa famille de la misère. Et à partir de là, l’existence de Rose va glisser dans l’horreur.
Mon avis
Comment dire… ce roman est terrible. Je l’ai écouté en audio et j’ai mis un grand moment avant de le terminer car parfois, c’était juste trop. Trop d’horreur, trop de méchanceté, de cruauté. C’est un roman très fort, très dur, qui m’a mise dans tous mes états. Ai-je aimé? Je ne sais pas trop si on peut dire qu’on a « aimé ». Ceci dit, j’ai été marquée par ce récit et je sens que la voix de Rose résonnera longtemps dans ma tête.
Rose a quatorze ans quand elle est vendue comme servante dans ce grand domaine un peu en ruine. Quand elle arrive, toute perspective de vie normale s’effondre alors que le maître de forge l’accueille avec sa mère, « la vieille », qui trouve à redire sur tout et qui exige une parfaite obéissance. Son rôle semble clair : faire le ménage, préparer les repas, surtout ne pas aller dans la chambre de madame, la femme du maître, qui est malade. Elle croit qu’elle est capable de s’en sortir, elle a l’habitude de l’avoir dure. Mais pourquoi Edmond, l’homme à tout faire, lui dit-il de fuir?
Elle va vite comprendre pourquoi.
Nous avons affaire à un roman polyphonique. Plusieurs personnages vont nous raconter cette histoire, Gabriel, le prêtre. Edmond, l’homme à tout faire. Onésime, le père de Rose. Mais il y a surtout Rose elle-même, qui est encore une enfant et qui a, somme toute, une voix d’enfant. Et c’est cette voix de presque enfant, touchante, un peu naïve, qui découvre les mots en lisant le journal et qui se les approprie, qui fait toute la force de ce roman. Nous sommes il y a un p’tit bout de temps, dans un mode rural où les différences de classe sociale, c’est pour la vie, où les riches ont droit de vie et de mort et où personne ne fait rien. Parce que c’est normal. Parce qu’une « folle », ça n’a pas de droit. Parce que qui va croire une femme, de toute façon? Une servante? Impossible de ne pas réagir à la situation,. à se sentir totalement impuissants.
Certes, il y a un peu de surenchère question méchanceté et cruauté. Les méchants n’ont aucun point positif. Aucun. Ce qui se passe est terrible, et ça semble leur faire plaisir en plus. Certaines scènes sont insoutenables. Du moins, pour moi, qui suis une petite nature. Bien entendu, on voit quand même venir, si on est le moindrement attentif. Je n’ai pas eu de surprise et il y a des trucs qui sont un peu limite. Mais malgré tout, pour la voix de Rose, très orale, très simple, m’a gardée dans le récit. Son amour des mots, à un moment, est extrêmement touchant.
Juste pense que ça ne fait pas si longtemps, que les femmes pouvaient être traitées ainsi, devenir la propriété de gens, et que dans certains pays, c’est encore le cas, ça donne drôlement envie de rester, encore et toujours, profondément féministe. Tant qu’il le faudra.