Pourquoi lire un roman post-apocalyptique ayant été écrit en 1995? C’est la faute d’Emily Fox, booktubeuse québécoise mais dont la chaîne est en anglais, qui l’avait mis dans ses favoris genre… deux ans de suite? Il fallait, donc.
De quoi ça parle
Elles sont quarante, enfermées dans une cave, gardée par quelques hommes qui ne les regardent pas, ne leur parlent pas. Elles ne peuvent se toucher, se cacher. La plus jeune d’entre elles est arrivée enfant et n’a aucun souvenir de sa vie d’avant tandis que les autres lui transmettent le souvenir flou d’autres vies, d’enfants, de maris.
Et un jour, un événement va arriver et tout va changer. Mais que reste-t-il du monde d’avant?
Mon avis
Mais quel roman! Mais quel roman!
Il y avait longtemps que je n’avais pas été aussi retournée par un texte, encore moins par un texte de SF, très court qui plus est. Mais ce livre… je vais avoir bien du mal à en parler. C’est un condensé d’humanité, de réflexion, limite de philosophie, le tout à travers le regard de jeune protagoniste qui était enfant lors du début de l’emprisonnement et qui nous raconte son existence.
C’est le regard de cette femme qui ne pense pas comme nous, qui n’a rien connu d’autre et qui s’adapte différemment à la situation dans laquelle elle se trouve. Elle n’a pas à faire de deuil de la vie d’avant, de ses espoirs et n’a que ce qui est devant elle. Elle semble parfois détachée et c’est ce ton face aux événements qui rend le texte si poignant. J’ai été très touchée à de nombreuses reprises à cause de ces petites phrases lancées comme ça, comme si de rien n’était. Bouffées d’émotion à répétition.
Je ne spoile pas trop en mentionnant qu’à un moment, les femmes vont sortir… mais je ne vous dirai pas ce qu’elles vont trouver. Toute cette deuxième partie est d’une force… Impossible de ne pas réfléchir et de se demander ce que nous on aurait fait à sa place, comment on aurait réagi. Bref, on réfléchit sur la signification de vivre ou de survivre, de ce que c’est qu’être une femme quand on perd ses repères.
Magistral. Exellente science fiction, du moins de la SF comme je l’aime et qui pourra plaire même à ceux qui ne sont pas trop SF. Maintenant, je veux que tout le monde le lise.
19 Commentaires
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Oui ! Mon avis de l’époque (2016) :
« Je ne lui souhaitais pas de mourir : mais comment lui aurais-je souhaité de vivre ? »
Yue Yin avait pensé à ce roman en lisant mon avis sur « Avant » de Vassilis Alexakis, elle me l’a aussitôt offert (merci mille fois !) et la sensation de lecture est en effet similaire : voici un roman qui plonge son lecteur dans un abîme de questions, tout au long de sa lecture, et qui offre la même fascination, la même impossibilité de le lâcher.
La vie était normale quand soudain elle s’est arrêtée : personne ne se souvient avec précision de ce qui s’est passé, tout au plus des bribes de sensations, des cris, des flammes, le milieu de la nuit et puis pouf, plus rien jusqu’au réveil dans une cage, sans ouverture vers l’extérieur. Elles sont 39 femmes, aucune ne se connaît « d’avant », plus une fillette. Elles sont surveillées nuit et jour par 3 gardiens experts en maniement de fouet pour empêcher tout contact physique et toute agitation. On ne leur demande rien, on ne leur dit rien, elles ignorent où elles sont, pourquoi, ce qui les attend. La narratrice n’a aucun souvenir d’une vie en dehors de la cage, elle était une très jeune enfant sans doute avant et a grandi dans cette cage, sans aucun contact ni amour. Elle est étrange, au sens premier du terme, et elle sera la seule survivante pendant un laps de temps, des années après que les autres se seront éteintes…
Est-on un être humain quand on est seul ou plus exactement, peut-on se construire sans altérité ? Tout est étrange dans ce roman et pourtant il donne des réponses, à la situation elle-même (mais sans jamais rien expliquer réellement) et aux interrogations de la narratrice (que l’on partage évidemment). A son instar, on comprend vite que se poser une question EST une réponse, dans la mesure où c’est neuf, où cela sort de la routine asphyxiante. Mais à son contraire on laisse affleurer l’émotion, et c’est un morceau plutôt tragique, tout ça (avec plein de choses mêlées, des touches comme ça postapo ou Robison Crusoé ou SF ou encore psychanalyse, que du bon !).
« Ce dont on se souvient compte-t-il moins que l’activité de se souvenir ? »
« Elles étaient toujours aussi promptes à rire et je commençais à comprendre que ce n’était pas de la sottise ou de la futilité, mais un moyen de survivre. »
« – Savoir sert à savoir ! Parfois avec ce qu’on sait, on peut faire, mais ce n’est pas l’essentiel. Je veux savoir tout ce qu’il y a à savoir, pour rien, pour le plaisir. »
« En fait, je me dis que j’avais été hypocrite et, comme je n’avais personne à qui mentir, je découvrais qu’on peut mentir à soi-même, ce qui me sembla très étrange. La compagnie me manquait-elle donc plus que je ne le croyais, que je fisse de moi une autre, un témoin, fût-ce pour le tromper ? Je restai longtemps sur cette pensée, mais je ne voyais pas comment la développer davantage. »
Auteur
Comme d’habitude, tu en parles mieux que moi. Et c’est tellement ça… se poser la question est une réponse en soi. Ce point de vue est tellement original, tellement tragique. J’ai adoré.
Ah cuné 🥰🥰🥰🥰
Aaaahhh cuné 🥰 joie de te lire 🥰
Auteur
Ca m’a tellement fait plaisir aussi!
Un roman que je veux lire depuis longtemps, mais je ne l’ai pas encore fait.
Auteur
Tente le coup… sérieux, il en vaut la peine.
Comme toi, il m’a emballée ! J’avais conclu mon billet en évoquant une « amplitude envoûtante »…
Auteur
Tellement. Il y avait longtemps qu’un roman ne m’avait pas fait me sentir ainsi.
je n’en avais pas encore entendu parler alors pourquoi pas me laisser tenter ?
Auteur
Sérieusement, c’est une expérience!
J’avais adoré, enfin non. Été fascinée serait plus juste et 10 ans après c’est un livre qui me revient toujours en tête à des tas d,’occasion. J’aime beaucoup l’autrice d’ailleurs notamment son bouquin qui fait référence a Barbey d’Aurevilly le bonheur dans le crime je crois
Auteur
Le titre, Yue? Du truc avec Barbey?
Je ne suis pas trop SF (voire pas du tout), mais après avoir lu ton avis si enthousiaste, je note ce titre. Et qui sait, il pourrait me plaire.
Auteur
Il ne faut pas avoir peur du vide… mais j’ai été bluffée.
Ouiiiii !!! Et quelle grande dame des lettres belges, Jacqueline Harpman !
Auteur
En plus, j’ai réalisé que j’avais un autre romans d’elle dans ma pile, offert par Manu et Nikki il y a des années! Je vais le lire maintenant.
je viens de le finir mon billet arrivera plus tard , mais vraiment ce genre de roman ce n’est pas du tout pour moi, mais comment diantre un tel roman peut plaire , toutes mes amies blogueuses disent dans leur billets qu’il ne faut surtout pas dévoiler la fin ; alors comment peuvent elles aimer un roman qui n’a aucune fin.
C’est prenant mais sur le vide d’une vie et je n’ai guère envie de creuser sur la signification, ce serait trop horrible
Auteur
Oh je vais aller lire ton billet. J’ai été tellement remuée, tellement brassée, que je n’ai pas pu en sortir. J’ai trouvé la fin tellement crève-coeur, c’est fou. Et oui, c’est horrible… vraiment.