Petite-Ville – Mélikah Abdelmoumen

Ce roman m’a été suggéré par au moins une dizaine de personnes différentes. Le thème des inégalités sociales, un monde un peu dystopique, un mélange de médias. Ça avait tout pour me plaire. Sauf que je pense que ce roman et moi avons une incompatibilité de caractère… et j’ai été souvent agacée alors que j’étais d’accord avec une grande partie du propos.

De quoi ça parle

Simon James, célèbre journaliste engagé est retrouvé mort dans le Parc de la Paix, aménagé par la mairie là où se trouvait avant la Zone, un genre de cité où étaient entassés les moins nantis et les gens vivant dans la pauvreté. Que s’est-il passé?

Mia, la soeur adoptive de Simon, est dévastée. Elle aussi a grandi dans la Zone et a été adoptée par une travailleuse sociale bienveillante. Suite à la mort de Simon, elle reçoit de curieux messages l’invitant à trouver son journal. Y aurait-il un lien avec le meurtre?

Mon avis

Comme je l’ai mentionné, ce roman et moi, ce n’était pas le match parfait. Entendons-nous, il y a dans ce roman des conversations très importantes, un point de vue qui doit être entendu. J’adhère à une grande partie de la thèse qui y est exposée. Seulement voilà. J’ai eu l’impression que l’histoire servait la thèse au lieu du contraire. Et ça a tendance à me déranger. Du coup, je ne me suis attachée aux personnages qu’à la toute fin, quand le rythme de l’histoire s’accélère. Un peu trop tard.

Et c’est dommage parce que le personnage de Mia était très intéressant. Une jeune femme intelligente, à qui on a donné une chance mais qui reste malgré tout profondément blessée et souvent dysfonctionnelle. C’est elle que j’aurais davantage aimé connaître. J’aurais aimé que les idées sous-jacentes servent son histoire alors qu’ici, j’ai eu l’impression que son histoire était un « exemple » servant à illustrer la thèse. Celle-ci est par ailleurs bien exposée, sous différents aspects.

Ceci dit, je suis consciente qu’il y a des raisons qui sont tout sauf littéraires qui m’ont fait réagir à cette histoire. La pauvreté et la vulnérabilité sociale, c’est une réalité que je côtoie quotidiennement au travail. Et je pense que ça vient me chercher personnellement quand tous les efforts pour aider un peu soient ridiculisés ou vus comme tentative d’autocongratulation. Oui, c’est parfois le cas. Oui, les programmes sont looooooin d’être parfaits et c’est bien de le dire, mais j’aurais aussi aimé des pistes de solution. Je sais, c’est beau de rêver! Encore une fois, on pourrait argumenter que « it’s not about me » et on aurait raison. Sauf qu’une lecture est une rencontre entre un texte et un lecteur. Et c’est probablement pour ça que celle-ci a été faite de hauts et de bas.

Ceci dit, nous avons ici une critique mordante de la société qui permet que les riches deviennent encore plus riches sur le dos des pauvres ainsi que de la complaisance à l’égard des dirigeants. Il y a également une réflexion sur le racisme, l’inégalité des chances et le fameux « diviser pour mieux régner » souvent utilisé par les grands de ce monde pour asseoir leur pouvoir. Et sincèrement, quand on regarde ce qui se passe dans l’actualité, ça fait peur. C’est engagé et sans demi-mesure… et ça a plu à de nombreuses personnes avec qui je partage beaucoup de favoris lecture. Ceci dit, je suis passée à côté. Et j’en suis la première déçue.

Bravoures – Witi Ihimaera

Je n’avais jamais entendu parler de ce roman (pourtant publié ne anglais au début des années 2000) avant que Floris de Flofly en lise la traduction cette année. Thématique queer, auteur Maori, c’était un go direct!

De quoi ça parle

Michael Mahana est homosexuel et Maori. Héritier d’une lignée prestigieuse, son coming out crée un tsunami dans sa famille qui lui indique pas très gentiment la porte. Sauf que son petit ami décide de le quitter et qu’il se retrouve face à lui-même. C’est alors que sa tante le contacte et pour lui raconter l’histoire de son oncle Sam dont la mémoire a été effacée de l’histoire familiale et dont il n’avait jamais entendu le nom.

Mon avis

Quel roman! Ce que j’ai pu aimer!Nous avons donc ici une oeuvre certes engagée, mais aussi très romanesque, avec des personnages émouvants, même s’ils sont parfois au bord du précipice. L’auteur a réussi à traiter de la condition queer, de la culture Maorie, de la guerre du Viet Nam ainsi que des relations compliquées, qu’elles soient familiales ou de couple. Bref, énormément de sujets, mais tous traités avec juste suffisamment de profondeur pour laisser au lecteur le soin de réfléchir par lui-même.

Nous avons certes des causes et des messages importants dans ce roman. Mais ils servent l’histoire et non l’inverse. Nous avons avons une vraie intrigue, avec des personnages complexes, remplis de zones d’ombres. C’est un roman dur et terriblement émouvant, avec un côté romantique… bref, tout ce que j’aime. Les deux histoires en parallèle se répondent à travers le temps et l’histoire de son oncle va permettre à Michael de s’émanciper, de faire entendre sa voix sans plus se cacher. Malgré les drames, il y a aussi de la lumière.

Je me suis attachée à tous les personnages, surtout ceux du passé mais aussi à Michael. L’homophobie de la communauté Maorie n’est pas passée sous silence, la beaucé et la richesse de cette culture est mise de l’avant sans pour autant être dépeinte comme parfaite. Les scènes de guerre sont… oh my… j’avoue avoir versé quelques larmes. Quelle horreur. Quelle cruauté. J’ai aimé revoir certains personnages du passé et comprendre leur évolution malgré leurs blessures et leurs souffrances.

La plume est simple, sans fioriture ni style de folie mais j’étais tellement dans l’histoire que ça ne m’a aucunement dérangée, après quelques petites maladresses de traduction. Oui, je suis allée voir la version anglaise pour vérifier. Call me crazy!

Bref, à tenter pour rager contre le père intolérant et pétri d’orgueil, contre l’ex manipulé et en colère, pour ressentir la peur des soldats et les émois d’un vrai amour, pour se perdre dans les souvenirs de ce qui aurait pu être. Adoré.

La balade funèbre de Hart et Mercy – Megan Bannen

J’ai reçu ce roman dans une box il y a plusieurs mois. Ce n’est que quand je l’ai vu dans plusieurs tops 2024 que j’ai décidé de tenter le coup. Oui, moi qui lis de la Romantasy. Une romantasy very pink indeed. Qui êtes-vous et où avez-vous mis Karine?

De quoi ça parle

Hart est ranger, un homme chargé de tuer un genre de zombies fait d’âmes errantes qui tentent d’occuper les corps de ceux qui viennent de mourir. Mercy est entrepreneuse de pompes funèbres chez Birsall et fils, tenant le fort pour son père, en attendant que son petit frère prenne la relève. Hart et Mercy se détestent.

Tous deux sont profondément seuls. Sans doute est-ce pour ça que lorsque Hart décide d’écrire une lettre « À un ami », elle atterrit chez Mercy…

Mon avis

Difficile pour moi de parler de ce roman de façon constructive. En fait, je n’ai pas grand chose à dire. C’était… pas mal? Oui, je sais, ce n’est pas un billet très constructif. C’est une romance, enemies to lovers, avec un peu de smut, mais assez soft. Ils ont tous deux la trentaine, sont indépendants et gèrent leurs propres blessures, sans pour autant tomber dans le trauma porn. Ça se lit tout seul et si j’ai eu du mal avec la plume au départ, je me suis rapidement habituée. Bref, comme je le disais, pas mal. Et pour moi, c’est déjà bien.

Ce que j’aime, en fantasy, c’est le world building, la mythologie, l’originalité de l’univers. Ici, il y a certes une esquisse de tout ça mais c’est clairement à l’arrière plan. De même, il y a une histoire et des magouilles outre la romance, mais il demeure qu’elle ne sont là que pour servir l’histoire d’amour. Nous avons donc un mélange de western, avec des cowboys tueurs de zombies armés d’arbalètes et de… You’ve got mail? Certaines scènes sont d’ailleurs presque copiées-collées sur celles du célèbre film. Êtes-vous surpris de savoir que ce sont mes préférées du livre? Si vous me connaissez un peu, vous savez certainement que si je ne suis pas fan de romance, les comédies romantiques old school passent parfaitement!

Bien entendu, je pourrais dire que je ne comprends pas vraiment pourquoi ces deux-là se détestent au départ et que certaines réactions me semblent parfois immatures. Je pourrais dire que les surnoms m’ont agacée et que la dernière partie est sirupeuse à souhaits. Mais ce n’est pas non plus catastrophique. J’ai aimé les touches d’humour et apprécié la backstory des personnages qui demeurent crédibles et qui évoluent chacun à leur manière.

Vous vous souvenez ce que j’ai dit au début? Pas mal!

Ce genre de petites choses – Claire Keegan

Ce roman a été très souvent dans les listes des meilleures lectures 2024 des booktubers et bookstagrammeurs. Il n’en fallait pas plus pour que je décide de voir si, moi aussi, je pourrais aimer.

De quoi ça parle

Irlande, 1985. Bill Furlong est marchand de charbon et la période de Noël arrive. Un jour, en allant faire une livraison au couvent local, il voit quelque chose qu’il n’aurait pas dû voir et il remettra tout en question, passé et présent compris.

Mon avis

Cet ouvrage est en fait une novella, à peine un peu plus de 100 pages. Nous y rencontrons un homme ordinaire, marié, père de 5 enfants. Il vit sans trop se poser de questions dans un village profondément catholique où tout le monde se connaît et où chacun sait rester à sa place. Pourtant, il est né d’une fille-mère ayant été rejetée par sa famille mais dont l’employeuse avait décidé de la garder et de s’occuper d’elle et de son fils. Il n’a jamais connu son père, sa mère n’ayant jamais voulu lui révéler son indentité. Bill aurait pu faire comme tant d’autres et fermer les yeux sur ce qu’il a vu dans ce couvent. Sauf que non. Bill Furlong est un homme droit.

Il est difficile, à la lecture de ce roman, de réaliser que l’histoire se passe dans les années 80. Ce qu’il s’y produit est ma foi trop réel et de tels événements sont réellement arrivés. Que de tels actes aient été commis est un fait bien connu mais la plume de l’autrice réussit à nous en faire ressentir toute l’horreur tout conservant une grande pudeur et en ne tombant jamais dans les détails sordides. C’est bien écrit et on ressent toujours l’ambivalence du personnage principal face à ce qu’il découvre. Il réalise petit à petit que plusieurs savaient.

L’atmosphère de ce petit village irlandais où tout le monde sait, où tout le monde est complice, est parfaitement réussi. Le pouvoir tranquille mais implacable de la religion. Je ne serai pas plus précise sur l’histoire car il s’agit surtout du voyage intérieur d’un homme. Nous comprenons très vite de quoi il s’agit mais là n’est pas l’important. J’ai aimé la note d’espoir, j’ai aimé le réalisme… lun très bon roman.

La ballerine de Kiev – Stéphanie Perez

Disons-le d’emblée, l’autrice n’est pas ukrainienne. Si vous ne lisez que du own voice, ça risque vous déranger. Par contre, elle est journaliste et elle a déjà visité le pays en plus de faire des recherches. Vous voilà donc avertis!

De quoi ça parle

Sviltalna et Dmytro sont danseurs étoiles à l’opéra de Kiev. Ils vivent pour la musique, pour la danse, le mouvement et cultivent la perfection de leurs corps, leur outil de travail. Sauf que nous sommes en 2022 et que bientôt, les bombes vont pleuvoir et la guerre va éclater.

Mon avis

À voir la couverture, je croyais avoir affaire à un roman YA sur la danse. Je ne l’avais donc pas repéré d’emblée avant que Mallo me dise qu’il en valait le coup et que mon idée préconçue était totalement à côté de la plaque. Comme souvent, elle avait raison! Il faut dire qu’on a souvent des goûts communs, elle et moi.

Nous sommes donc avec un couple de danseurs. Ils sont célèbres, adulés dans leur domaine. Ils ne le savent pas, mais ils viennent de danser ensemble pour la dernière fois. Nous suivrons l’homme et la femme dans leurs choix respectifs et aussi dans leurs différents parcours. Si vous connaissez un peu l’histoire de Vladminir Shklyarov, vous comprendrez rapidement où je m’en vais. C’est d’ailleurs cette expérience qui a inspiré l’un des personnage. Ces personnages sont zéro équipés pour la guerre, pour les bombes et la peur, pour les abris sous-terrains. Qui l’est, direz-vous. Mais leur vie, c’était paillettes, pointes, corps qu’on maîtrise et qu’on dompte. Leur vie c’était l’art. Et quelle place a l’art dans toute cette horreur?

Nous avons donc un roman très touchant, émouvant au possible, où la souffrance et la douleur ne nous est pas éparganée. Ce n’est pas fleur bleue, aucun faux romantisme à propos de la guerre, mais nous aurons des personnages qui devront s’élever plus haut qu’eux-mêmes. Nous vivrons les premiers mois de cette guerre qui ne finit plus, ça parle d’amour, de solidarité mais surtout de résilience. Svitlana devra se dépasser pour jeter une certaine lumière, une certaine grâce, dans des situations terribles. Tous prennent des décisions que personne ne devrait avoir à prendre. Je garderai en souvenir Tchaïkovsky, ports de bras et arabesques, mais aussi les ailes d’hôpitaux, les amputations et visites au cimetière.

Un roman fort qui humanise ces gens qui vivent dans la peur et l’angoisse, une vraie réflexion sur la place de l’art dans un monde en guerre, une très très bonne lecture.

Lettre à D. – André Gorz

J’ai lu ce roman dans le cadre de ma vidéo « je lis les favoris de… » pour 2025. Je ne connaissais pas l’auteur/philosophe alors je ne crois pas que je l’aurais pris sinon! En fait non. Je ne l’aurais clairement pas lu, soyons honnête!

De quoi ça parle

Au crépuscule de sa vie, André Gorz écrit une longue lettre à sa femme Dorine, l’amour de savie, et à travers ces pages, il va raconter leur histoire.

Mon avis

Nous avons donc ici un court texte sur l’amour, rendu encore plus poignant en sachant que l’auteur et son épouse ont choisi de mourir ensemble quelques mois plus tard.

Je ne connais pas la pensée d’André Gorz. J’aurais sans doute apprécié davantage si j’avais un peu su de qui il s’agissait. C’est une lettre d’amour certes, mais surtout une histoire de leur relation, de leur rencontre à leur mort, et de l’évolution de celle-ci. Il va parler d’elle, de son influence sur sa vie et son quotidien, tout en nous racontant leurs grands moments. Les histoires d’amour qui durent, les histoires qui parlent de personnes âgées, ça me parle particulièrement donc cet aspect m’a touchée.

Est-ce un peu autocentré? Certes. Ok, beaucoup. On rencontre Dorine avec André. Très peu de Dorine seule et on ne la connaît qu’à travers ce prisme. Il y a toutefois un acte d’humilité dans ce texte quand il revisite ses anciennes oeuvres où il ne la manquait pas! Alors que c’était plus ou moins vrai, voire même faux. Mais ce roman est un « merci », un « pardonne-moi » , un gros « je t’aime » et certains passages sont extrêmement émouvants.

Bref, une bonne lecture, une très belle plume, des moments touchants, mais un peu moins d’enthousiasme que Cornelius et Paper Palace qui m’ont donné envie de le lire.

In the Dream House – Carmen Maria Machado

Je vois ce livre dans des tops en anglais depuis plusieurs années. Habituellement, les témoignages et moi, ça le fait moyen alors j’hésitais. Par contre, ici, c’est un autre niveau! Quelle bonne lecture.

De quoi ça parle

Nous avons donc ici un témoignage/essai écrit qui relate la relation abusive que l’autrice a vécue avec son amoureuse de l’époque, la femme de la maison rêvée. Mais pas que. Et c’est génial.

Mon avis

Mais quelle excellente lecture! Je ne m’attendais tellemement pas à ça, à aimer autant. L’autrice a une plume magnifique, poétique mais accessible, elle est articulée, c’est bourré de références… tout ce que j’aime!

L’autrice et narratrice est tombée amoureuse de la femme de la Maison Rêvée quand elle était jeune adulte. Elle était plus ou moins à l’aise avec son corps et n’en revenait pas que cette femme belle, vive et intelligente l’aime, elle. La maison rêvée est celle de cette amoureuse quand, elles étudient dans deux villes différentes. Et la relation qui semblait merveilleuse, sexy as hell, pleine de moments doux et de fous rires, va basculer.

Sauf que c’est tellement plus qu’un témoignage. L’autrice s’interroge également sur la violence conjugale dans les relations queer, plus particulièrement des relations lesbiennes. Elle nous explique la difficulté à comprendre son vécu et sa propre expérience sans l’éclairage de récits antérieurs, la recherche sur les violences lesbiennes étant limitée et celle-ci étant relativement peu représentées dans la littérature et la fiction. Et ceci amène à tout un discours sur la représentation, justement. Discours que j’ai trouvé très intéressant et différent, avec un accent sur l’imperfection des personnes queer, qui fait aussi toute leur humanité.

Ce n’est jamais lourd pourtant. Jamais misérabiliste même si l’impact de cette emprise et de cette violence n’est jamais minimisée. Et quel style! L’histoire nous est racontée par courtes vignettes inspirée d’un genre particulier, ce qui interroge également sur l’importance et l’influence des clichés et des références de la pop culture actuelle. C’est donc PLEIN de références et vous savez comme j’aime les références. J’ai tout aimé de ce récit : le thème, le format, la plume et la réflexion. C’est définitivement une autrice que je relirai.

The Ministry of Time – Kaliane Bradley

J’ai lu ce roman car je l’ai vu PARTOUT dans les tops anglophones cette année. Bon, pas nécessairement dans les listes de ceux qui ont beaucoup de goûts communs avec moi, mais quand même. Je voulais comprendre la hype.

De quoi ça parle

Angleterre, dans un futur proche. Notre personnage principal est une jeune femme brittano-cambodgienne recrutée pour un projet ultra-secret du Ministère. Son mandat? Servir de guide, de pont, à un voyageur temporel arrivant droit du 19e siècle. De l’expédition maudite du Terror et de l’Erebus, plus particulièrement.

Sauf qu’entre choc des cultures et mystérieux problèmes de « hereness » et de « thereness », tout n’est pas si simple. Et probablement que le Ministère n’a pas tout dit.

Mon avis

Entendons-nous, j’aime les histoires de voyages dans le temps. Je suis super fan à la base du Wiggly-Woggly-Timey-Wimey… stuff. Je dois donc admettre que j’ai passé un très bon moment de lecture avec ce livre. Très divertissant. Juste l’idée d’avoir des gens provenant de différentes époques qui débarquent dans notre monde me plaît. J’ai beaucoup aimé la première partie, souvent drôle, qui traite de leur arrivée et de leur adaptation. J’aimais l’ambiguité du personnage principal, chargée de rapporter leurs progrès, leurs allées et venues… tout en se sentant devenir toute chose à la vue de son protégé victorien.

Il faut aussi savoir que j’ai beaucoup lu sur l’expédition du Terror, que ce soit des documentaires ou encore des romans (Du bon usage des étoiles, The Terror de Dan Simmons… que je voulais d’ailleurs relire). Donc, avoir le Commandant Graham Gore comme personnage, ça me parlait, of course. J’ai bien aimé l’évolution des relations, la finale un peu ambigue et même si la deuxième partie m’a moins interpelée, je garde somme toute un bon souvenir de lecture.

Ceci dit, entendons-nous. Il ne faut pas lire ce roman pour l’aspect scientifique ou SF… c’est presque zéro expliqué et tout ce qui est « thriller » est selon moi moins bien réussi. Par contre, la réflexion sur le colonialisme, sur les différentes façons de réagir face au racisme et surtout, sur la pluralité des regards qu’on jette sur l’histoire est hyper intéressante. Qui sont les méchants, dans tout ça? Comment l’Histoire nous regardera-t-elle dans 100 ans? Peut-on faire le mal en toute bonne foi, en étant persuadé d’être le « bon » de l’histoire? Clairement, la réponse est oui… mais j’ai bien aimé le traitement ici, qui ne nous martèle pas le message mais qui nous le propose.

Bref une agréable lecture, sans prétention, qui m’a fait passer un bon moment.

La lettre écarlate – Nathaniel Hawthorne

Je ne sais pas pourquoi je n’avais jamais lu cet auteur. Peut-être parce que j’ai du mal avec plusieurs auteurs américains du 19e. Mais après avoir lu « La part de l’océan » de Dominique Fortier, j’ai eu envie de le découvrir. Et j’ai fait ça simple, avec son roman le plus connu.

De quoi ça parle

Hester Prynne porte la lettre écarlate, pièce de tissus rouge sang sur son vêtement la désignant à toute sa communauté puritaine de la Nouvelle-Angleterre comme femme Adultère. Elle a toujours refusé de révéler l’identité du père de sa petite Pearl, fruit d’une union interdite et quand se présente à elle seule son mari que tous croyaient perdu en mer, sa situation devient encore plus difficile.

Mon avis

Quelle étrange aventure que cette lecture, que j’ai beaucoup aimée. Et – fait incongru – c’est avant tout une histoire d’amour. Incroyable non? Attention, je n’ai pas dit une romance. On n’est pas du tout dans ces codes-là. Hawthorne a écrit un roman historique, l’action se déroulang presque 200 ans avant son époque. Et il est particulièrement d’y jeter un autre regard 200 ans plus tard. Oui, je sais, j’adore analyser et lire une oeuvre dans son contexte historique. En effet, l’auteur dénonce le puritanisme, leur rigueur face aux dogmes et leurs exigences pour les humains. Ceci dit, en lisant le texte aujourd’hui, impossible de ne pas noter le profond aspect chrétien de l’oeuvre. Moins strict, certes, mais fort présent, mettant en avant et en valeur la foi et le repentir profond. Et ce côté m’a fascinée.

Ceci dit, Hawthorne a également réussi à créer un personnage de femme forte, qui tente de rester droite et digne dans sa disgrâce. Sa fille reste une enfant, un peu hors-contrôle, certes, mais une enfant. Je ne sais trop si son comportement est le signe de « quelque chose »… mais bon! J’ai aimé la voir tenter d’élever sa fille avec les meilleurs valeurs possibles et dans une profonde solitude, sans personne pour la conseiller. C’est un roman qui parle de culpabilité, de moralité et de rédemption. S’il jette un regard plus tendre sur Esther que ses comtemporains, il ne lui pardonne pas réellement ce qui, selon lui, est une grave faute.

Un texte très symbolique (assez simple, le symbolisme, avouons-le) et dans un style très « 19e siècle », c’est à dire aux phrases assez tarabiscotées, souvent longues, avec certains aspects répétitifs. Si ça dérange profondément certains, j’ai plutôt tendance à apprécier, ce qui fait, je sais, un être un peu étrange. C’est un peu mélodramatique, mais dans ce contexte, j’adore.

Bref, très bonne lecture pour moi. Mais pas pour tout le monde!

Le Dieu des petits riens – Arundhati Roy

Depuis mon périple indien, j’ai envie de découvrir davantage la littérature de ce pays. Entendons-nous, les endroits où je suis allée sont assez loin du Kerala où se passe cette histoire. Mais j’ai quand même quelques références.

De quoi ça parle

Rahel et Estha sont jumeaux. Des « faux jumeaux » mais qui n’ont qu’une seule âme. Ils vivent dans un village indien avec leur mère Amma, divorcée, leur oncle Chacko, chef d’entreprise converti au communisme pour les besoins de son portefeuille, leur grand-mère aveugle et leur petite-grande-tante Baby Kochamma, ancienne bonne soeur encore amoureuse d’un prêtre irlandais. Ils ont 8 ans quand un événement vont les séparer.

Mon avis

Ce roman, c’est tout ce que j’aime. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé : j’ai passé un superbe moment de lecture, après un petit flottement initial, le temps que je me fasse une place dans ce récit que nous abordons un peu en plein milieu. Cette narration, entre passé et présent, m’a beaucoup plu et j’ai aimé ces allers-retours alors que nous, lecteurs, nous voyons arriver l’inexorable sans rien pouvoir faire. Inexorable arrivé 23 ans auparavant. Alors que l’on nous raconte l’histoire de trois générations simultanément.

À huit ans, difficile de savoir à qui on peut faire confiance. Difficile aussi de comprendre qui on peut aimer et jusqu’où. Pour ces jumeaux, ce ne sera jamais clair. Ils se sont attachés à Velutha, jeune intouchable intelligent et drôle, qu’ils vont voir quotidiennement. Sauf qu’entre Touchables et Intouchables, toute relation n’est pas bienvenue. Ni celle-là ni aucune autre. Surtout aucune autre. D’emblée on sait qu’il va arriver un drame. D’emblée, on sait que Sophie Mol, la cousine anglaise, va mourir. On sait aussi qu’Estha sera Renvoyé-à-l’Expéditeur.

C’est certes un roman sur les inégalités sociales et sur le système de castes dont les prémisses semblent profondément ancrés dans la construction de la société indienne mamis c’est surtout le récit de la perte de l’innocence. Le jeu du langage, les mots inventés, la façon de jouer avec l’anglais des jumeaux, langue coloniale, le tout ajoute au regard parfois naïf qui est jeté sur leur monde et leur famille. Certains personnages sont détestables (non mais la petite-grande-tante) et leur façon de tenter de se sauver eux-mêmes va précipiter tout le monde dans le drame. Pourtant on voit pourquoi ils ont agi ainsi. On n’est pas d’accord, mais on comprend. Et on comprend aussi pourquoi c’était difficile pour eux d’agir autrement tellement certaines notions sont internalisées.

Bref, une excellente lecture. J’ai adoré.