Coeur-d’Amande – Yasmina Khadra

Ce n’est pas mon premier roman de Yasmina Khadra. J’ai surtout lu ses romans très durs sur le Moyen Orient et on m’avait dit que celui-ci était différent. Eh boy qu’ils avaient raison!

De quoi ça parle

Nestor a la trentaine. Il habite Barbès avec sa grand-mère qu’il aime plus que tout et qui a de plus en plus besoin d’aide. Il vient de perdre son boulot de vendeur et connaît tout le monde dans le quartier. Nestor a été abandonné à quelques jours par sa mère qui était dégoûtée par sa « difformité », le nanisme (je ne sais pas quel type, alors on va se limiter à ça, vu qu’il se désigne lui-même comme étant un « nain »). Sauf que sa grand-mère ne va pas bien… et que les médecins semblent croire qu’il ne peut plus s’occuper d’elle.

Mon avis

J’ai vraiment eu du mal à reconnaître Khadra dans ce roman. On est loin des hirondelles de Kaboul, mettons. Imaginez un feel good, à Paris, pleins de bons sentiments, avec un côté un peu rough and tough et plusieurs personnages. Un genre de « La vie devant soi », mais moins bien écrit et sans la voix d’enfant?

Vous l’aurez compris, ce n’est pas mon roman préféré de l’auteur. Le feel good, les leçons de vie, la beauté dans les difficultés… j’ai l’impression d’en avoir trop lu et ça m’intéresse somme toute peu. Les petites leçons de morale… ce n’est pas pour moi. Ce roman sera donc vite lu, vite oublié.

Pourtant, il y a des thèmes que j’aime beaucoup. La différence, l’amitié, la solidarité, les found family… ça aurait pu me plaire. J’ai aussi aimé Nestor, qui ne s’en laisse pas conter et qui est tout sauf limité à sa taille, à tel point qu’on l’oublie. Par contre, même si je peux comprendre certaines de ses réactions, j’ai toujours du mal avec l’injustice et la condescendance. Je n’aime pas lire ça, même si c’est réalise. Et l’arrivée d’un certain personnage qui vient saccager sa vie avec une attitude tellement « entitled » (désolée… je ne trouve pas d’équivalent français) m’a mise dans tous mes états. Non mais la b… Et l’attitude des autorités! Même si c’est peut-être réaliste, je n’éprouve aucun plaisir à lire ce genre de choses, surtout quand le personnage principal refuse de faire ce qui pourrait l’aider.

La relation d’amitié qui se bâtit de manière un peu forcée mais qui devient vraie devient touchante à mesure que l’histoire évolue. J’ai aussi beaucoup aimé la fin de l’histoire, la solidarité de quartier… mais c’était trop peu trop tard et peut-être trop prévisible.

Bref, pas mauvais, mais pas mémorable. Pour moi.

Finlay Donovan knocks’em dead – 2 – Elle Cosimano

Des fois, on a besoin d’un peu de léger-léger. J’ai donc pris le tome de de Finlay Dovonan, qui sort bientôt en français sous le titre de « Qui veut tuer mon ex-mari ». J’avais beaucoup aimé le premier donc je me suis dit qu’un moment avec cerveau en option, ça ne conviendrait parfaitement!

De quoi ça parle

Nous retrouvons donc Finlay, autrice de romans d’aventure remplis de smut dans une nouvelle aventure.  Imaginez-vous qu’elle et sa fidèle babysitter Veronica sont tombées sur un forum « pour femmes » qui semble servir de front pour tueurs à gages. Et imaginez-vous que Finlay y voit le nom de son ex, Steven, qui réclame davantage de visites avec leurs enfants. 

Comme Finlay a très peur pour sa progéniture, elle va tenter de régler le problème. 

Mon avis

Entendons-nous, ce deuxième tome reprend exactement la recette du premier. Nous sommes dans le même contexte complètement loufoque, où l’héroïne prend systématiquement les mauvaises décisions sans nécessairement se remettre en question ou encore apprendre de ses erreurs. Non comment a-t-elle pu se mettre dans ce pétrin!

J’ai assez peu à apporter à mon premier billet sur cette série. C’est loufoque, déjanté, avec des accents de Stephanie Plum, mais en  plus politically correct.  Les personnages sont certes stéréotypés mais ils sont attachants, un peu foufous, et il ne faut pas chercher quelque crédibilité que ce soit. Entre le flic sexy, le futur avocat, la babysitter mystérieuse et aussi cinglée que son employeuse, les parents qui veulent la matcher et la mafia locale, on a de quoi faire. 

Ceci dit, j’ai quand même préféré le premier tome. On ne se réinvente pas tant dans ce tome 2 et c’est un peu plus fouillis. Ceci dit, avec une telle « enquêtrice », ce n’est pas étonnant.  Je lirai le 3e tome parce que je l’ai mais je souhaite tout de même un peu de renouveau. Tout de même, c’est une chouette série de cosy mystery!

Les guerriers de l’hiver – Olivier Norek

Ce n’est pas un roman que j’avais repéré dans cette rentrée littéraire. Toutefois, quand je l’ai vu en nomination dans tous les prix, je me suis dit que peut-être que j’étais en train de manquer quelque chose… donc je l’ai lu.

De quoi ça parle

Le 30 novembre 1939, l’URSS a envahi la Finlande, pays pacifique et fier de son indépendance somme toute récente. Merci Staline. Contre toute attente, David va résister face à Goliath et à son déluge de troupes. Un tireur d’élite va se démarquer du lot : Simo Häyhä. Et c’est entre autres son histoire que nous allons découvrir.

Mon avis

Pour apprécier cette histoire, il faut aimer les romans de guerre. Nous sommes sur le champ de bataille et dans les tentes de commandement du début à la fin de l’histoire. Je ne déteste pas les récits de guerre mais j’avoue les préférer quand on sort au moins occasionnellement des tranchées! Du coup, mon avis doit être tempéré par ces considérations.

Là, vous allez vous dire que j’ai détesté, ce qui n’est pas le cas. C’est une bonne lecture qui m’a fait découvrir un pan de l’histoire que je ne connaissais pas du tout. Je ne savais rien de cette invasion ni de la façon dont s’y était pris Staline. Et certaines parties sont tellement enrageantes! Avec l’invasion récente de l’Ukraine, impossible de ne pas faire de lien. Norek réussit à nous faire ressentir toute l’horreur de la guerre, toute la stupidité des commandes qui sont données, d’un côté comme de l’autre. Les soldats russes sont envoyés se faire tuer comme des pions, les officiers ont plus peur de Staline que des ennemis et du côté finlandais, il est clair depuis le début que tout est perdu d’avance.

Nous avons ici un texte très cinématographique. On s’y croirait. De nombreuses anecdotes sont véridiques et Norek a effectué un vrai travail de documentation poussé pour nous offrir ce récit. Le personnage de Simo Häyhä, homme ayant réellement vécu, sniper génial dont les conseils sont encore utilisés de nos jours. Il est parti du village de Rautjärvi avec ses amis, pour un probable exercice. Ils ne reviendront pas tous. Des petits groupes comme eux, il y en avait des milliers dans toutes les guerres. Chacun aurait pu être le sujet d’un roman. Et impossible de penser que ce n’est pas la même chose de l’autre côté.

Les pages se sont tournées toutes seules, ça ne fait pas aimer les Soviétiques et ça plaira certainement aux amateurs de romans de guerre. C’est bien construit, ça semble trop fou pour être vrai mais le tout est ma foi bien réel. Une bonne lecture pour moi, dont je retiendrai surtout les histoires d’amitié déchirantes.

Jour de ressac – Maylis de Kerangal

J’ai choisi de lire ce roman pour l’autrice. Je sais que j’aime sa plume et sa façon de me faire ressentir les choses. Est-ce que ça a fonctionné cette fois-ci? Oui et non.

De quoi ça parle

La narratrice de cette histoire est une voix. Doublage, livres audio. Un jour, elle reçoit un appel du Havre, ville où elle a grandi. Un cadavre a été retrouvé avec son numéro de téléphone dans les poches et elle doit y revenir pour répondre aux questions de la police. Ce retour au sources va l’amener à revisiter son passé.

Mon avis

J’ai du mal à me positionner par rapport à ce roman. J’ai aimé chaque moment que j’ai passé dans ces pages. C’est bien écrit, la plume est évocatrice et l’autrice réussit à en faire surgir la ville du Havre à plusieurs époques, avant et après les bombardements de la 2e guerre mondiale.

Nous avons donc un personnage qui doit faire un retour en arrière et qui explore ses souvenirs qui arrivent par vagues, tout comme le ressac dont il est question dans le titre. Nous faisons des allers-retours dans son adolescence et parfois dans sa vie d’adulte, entre les questions des policiers et sa tentative de reconnaître cet homme dont elle ne croit pas connaître l’identité. Mais peut-être que…

Le seul souci dans tout ça, c’est que le ressac ne va jamais nulle part. Et si j’ai apprécié chaque moment passé dans ce roman, je suis arrivée à fin en me demandant s’il ne m’en manquait pas la moitié. J’ai eu du mal à comprendre cet interlude dans la vie du personnage principal. Du mal à en comprendre l’intérêt pour moi, lectrice. J’aurais aimé un peu plus de réponses ou alors des déferlantes mieux ciblées. Entre un amour d’adolescence, le baptême d’un bateau et le présent, je n’ai pas réussi à faire tous les liens. Ce qui a fait que je suis clairement restée sur ma faim quand j’ai tourné la dernière page.

Une lecture en demi-teinte, donc, même si j’ai une envie folle de revisiter le Havre. L’écriture est très visuelle et la ville est peinte de teintes de gris variées et vivantes à la fois. Je relirai clairement l’autrice.

Attends-moi Tristan – Mélanie Minier

J’ai rencontré l’autrice, Mélanie Minier – avec qui je ne suis pas parente soit dit en passant – lors de la journée du 12 août. J’ai été tout de suite intéressée par ce roman car l’un des personnages est autiste et ceux qui connaissent un peu mon travail comprendront tout de suite le comment du pourquoi!

De quoi ça parle

Mélody est forcée de déménager chez sa grand-mère au Lac-St-Jean. Ça ne va pas très bien à la maison et elle va devoir intégrer une nouvelle école, se faire de nouveaux amis. Elle rencontre d’abord Tristan, voisin de son âge et personne autiste, souvent intimidé par le groupe populaire de l’école. D’abord prise à partie par ces mêmes jeunes, elle va intégrer leur groupe… sauf qu’elle, elle l’aime bien, Tristan. Que va-t-elle choisir?

Mon avis

Nous avons donc ici un roman jeunesse qui fait très jeunesse et que j’ai beaucoup aimé. Genre, middle grade, même si les personnages sont un peu plus vieux que ça. Ça explore certes la différence mais aussi les relations du secondaire, la famille et l’intimidation. C’est doux et sensible et très bien adapté au lectorat visé.

Nous avons donc une jeune fille qui se sent différente et qui n’entre pas dans le moule. Son parcours scolaire n’a pas été de tout repos et sa mère a un nouveau chum avec qui elle ne s’entend pas du tout. Son nouveau mode de vie est bien différent : avec sa grand-mère, elle doit aider à la ferme… elle qui n’est pas tout de suite attirée par les giga-cochons! Puis, elle va rencontrer Tristan, qu’elle aime bien mais que ses nouveaux amis intimident. Disons que peu importe ce qui arrive, elle va avoir besoin de courage.

J’ai beaucoup aimé le regard sur l’autisme. Tristan est un jeune neuroatypique de haut niveau, avec ses particularités mais il est très attachant. Certains ont mentionné que c’était un peu didactique par rapport à l’autisme mais entendons-nous, c’est Tristan qui l’explique. Avez-vous déjà entendu un autiste qui s’intéresse à la neurodivergence expliquer l’autisme, vous? Je ne pense pas que ce soit exagéré dans le roman!

Comme je le disais, c’est un roman jeunesse. Du coup, ça va à vitesse grand V, il y a beaucoup d’action et les personnages ont des évolutions radicales. Parfait pour tenir les jeunes lecteurs en haleine. J’ai beaucoup aimé la façon dont Mélody considère les besoins de Tristan ainsi que ce qui est dit des relations familiales, avec tout ce qu’elles comportent d’embuches, surtout à l’adolescence. Et la finale en apothéose m’a bien plu également… même si j’aurais aimé que certains aient une bonne leçon!

Tout me revient maintenant –

C’est à cause du titre que j’ai lu ce roman. Cette chanson-là, je l’adorais dans le temps. Grandiloquante à souhaits. Alors je l’ai lu, et j’ai bien fait.

De quoi ça parle

En 2003, Colin a 17 ans. Il travaille dans un magasin de bebelles à Ste-Foy et avec sa best, Eugénie, il attend l’autobus, parle sur MSN, traîne au centre d’achats et a Céline Dion comme mode de vie. En secret ou presque. À 17 ans, quand on aime les garçons et Céline, on se pose forcément la question : être ou ne pas être fake?

Mon avis

Ce roman jeune adulte a été pour moi une très bonne surprise. C’est à la fois drôle et poignant mais c’est surtout très chou et un peu doudou. Colin a un gros kick sur un garçon et ne sait pas vraiment comment s’y prendre ou comment le prendre. Il a une meilleure amie, tente de comprendre qui il est et passe ses dimanches avec sa boss à la boutique de bebelles. Bref, il est en secondaire 5 et l’avenir, c’est pour bientôt.

C’est un roman qui se lit tout seul. C’est très vintage 2003, avec les expressions de l’époque et l’ambiance du secondaire de l’époque. Un p’tit peu après moi, certes, mais bon. L’école est remplie de Guillaume et de Catherine, il y a des populaires, une rejet aussi et les réflexions que se font Eugénie et Colin me semblent assez justes et assez adolescentes aussi. Je crois que ça peut faire du bien à plusieurs adolescents qui se sentent hors du coup. Ceux qui ne se sentent ni des Catherine ni des Guillaume et qui ne savent pas trop comment se positionner par rapport à ça. Ça normalise beaucoup de choses, c’est positif même si ce n’est pas parfait et c’est également réaliste. J’ai beaucoup aimé la fin également.

Mon seul bémol – et c’est mon pet peeve personnel, je le sais – c’est le sort et la vision des gens au sujet des femmes célibataires sans enfants. On dirait que je suis tannée que ce soit toujours la même histoire. Genre, pas d’avenir pis un fardeau pour tout le monde. J’aimerais ça, pour une fois, être représentée autremenet. Juste une fois! Je pense être la seule que ça a dérangée dans tous ceux qu il’ont lu par contre.

Ceci dit, je recommande. Aux ados et aux anciens ados.

Dents de Fortune – Fanie Demeule

Je suis fan de ce que fait Fanie Demeule. Entendons-nous, peu importe ce qu’elle écrit, je vais le lire. J’aime sa façon de nous faire ressentir l’angoisse, l’obsession, de nous amener avec elle dans les méandres de l’âme humaine. Du coup, quand je prends un roman de Fanie Demeule, j’ai des Attentes. Avec un grand A.

Imaginez ma déception quand j’aime bien… mais sans plus? C’est ça.

De quoi ça parle

Laurena est née aux Îles de la Madeleine, au début du 20e siècle. En 1930, elle décide de partir pour Montréal, ce qui signifiait à ce moment de faire des adieux à des gens vivants. Elle laisse sa famille derrière elle et arrive dans la grande ville pour avoir l’espoir d’une vie meilleure car rien ne va plus chez elle.

Mon avis

Fanie Demeule s’est inspirée de l’histoire de sa grand-mère pour écrire ce roman et sans doute a-t-elle voulu respecter son histoire, ce qui explique peut-être pourquoi l’histoire semble parfois aller dans toutes les directions sans aller au bout de ce qui était amorcé. Vous savez, quand on a l’impression qu’il y a beaucoup de fusils accrochés au mur mais qu’ils ne tirent jamais (hello Tchekov)? Normal dans une vie, direz-vous. Tout ne se tient pas, tout n’est pas lié. Mais j’aurais aimé autre chose dans un roman.

Cette histoire se lit comme un roman historique, mais écrit au présent. Si vous aimez les romans historiques, peut-être celui-ci vous plaira-t-il. Je n’ai pas détesté, loin de là. C’est très bien écrit, certaines images sont magnifiques. J’ai aussi beaucoup aimé les passages en italique au début des parties. Il y avait aussi énormément d’éléments intéressants, j’aimais où ça s’en allait… et oups, ça partait ailleurs. On dirait que les fils ne sont pas tous noués… et si habituellement j’aime bien que l’auteur laisse la place au lecteur, ici, j’aurais aimé que ce soit creusé davantage, exploré davantage. Les dents. La femme aux cheveux blonds (même si je pense avoir compris). L’impact de certains épisodes. On aurait dit que je restait extérieure aux sentiments des personnages. On me disait les choses mais je ne le ressentais pas, tout s’est terminé trop rapidement… et je suis déçue parce que je ne m’attends pas à ça avec Fanie Demeule.

Bref, c’est une rencontre un peu ratée et je suis consciente que mes attentes élevées – et spécifiques – ont quelque chose à voir avec mon ressenti. Fanie Demeule est partie d’une histoire vraie et on sent que cette histoire la fascine. Une grand-mère ayant tout laissé derrière elle, qui a un rapport étrange avec les îles qui l’ont vue naître et qui n’aime pas beaucoup en parler, ça intrigue. D’ailleurs, la première partie m’a plu, avec la vie aux îles, la difficulté d’échapper à son destin et à sa lignée ainsi que le contexte social difficile. Il m’a juste manqué la touche « Fanie » pour en faire une très bonne lecture.

Il faut qu’on parle de Kevin – Lionel Schriver

Ce roman a rejoint ma pile en 2008. Il était hyper populaire à ce moment et je me suis dit que c’était du tire larme. Genre, James Patterson. Pourquoi me suis-je fait cette idée? Je ne sais absolument pas. Mais ce que je pouvais être loin du compte.

De quoi ça parle

Eva Khatchadourian est la mère de Kevin Khatchadourian. Ce même Kevin qui a assassiné 9 personnes de sang froid à son école. C’est à travers les lettres qu’elle écrit à Franklin, son mari avec qui elle n’a plus aucun contact, le père de Kevin.

Mon avis

Ce roman est dérangeant. Profondément dérangeant. Il est certes question d’un meutre de masse mais il s’agit surtout d’un roman qui parle de maternité, de maternité qui ne va pas de soi. Nous avons donc la voix d’Eva et son point de vue tout au long du roman. Peut-on s’y fier? Pas certaine. Elle n’est pas facile à aimer, en tout cas. Personne n’est facile à aimer. Eva est une femme de carrière, américaine qui méprise un peu les États-Unis, elle voyage beaucoup, écrit des guides de voyages et a beaucoup de succès. Sauf qu’un jour, elle décide de se lancer le défi de la maternité. Comme ça.

Entendons-nous, ce n’est pas nécessairement une bonne raison. Et Eva va le payer. Dès la naissance, Kevin refuse son sein, refuse tout d’elle. Et ça ne va pas s’améliorer. Avec Eva, le petit garçon est apathique, souvent méchant mais avec son père, il devient le petit homme presque parfait. Et cette situation rend la lecture terriblement malaisante. Au départ, Eva m’énervait. Puis, tout le monde m’a énervée (les gnagnagna de Kevin… arghhhhh…) et finalement, je ne pouvais plus supporter Franklin, même si on ne peut lui reprocher de ne pas avoir essayé avec Kevin. Et je ne pouvais pas comprendre l’attitude d’Eva à son égard. Non mais il était HORRIBLE avec elle. La maison! Sa façon de la traiter! Pendant toute la première partie, je me disais « c’est bien fait. Très bien fait. Bien écrit. Mais je ne suis pas certaine que j’ai du fun ». Toutefois, passé le premier tiers du roman… je ne pouvais plus le lâcher. C’était une lecture très inconfortable. Tellement que j’ai dû le reposer à plusieurs reprises. Le moins qu’on puisse dire, c’est que ce roman a eu un réel impact sur moi.

La question qui se pose ici, c’est bien entendu celle de l’inné vs. de l’acquis. Kevin est certes un sociopathe mais pourquoi? Est-il né ainsi? Son attitude est-elle le fruit du rejet initial de sa mère à son égard? La réponse est suggérée, certes, mais jamais clarifiée. Choisira-t-on de croire Eva?

Et oui, j’ai été secouée à la fin. Et non. J’aurais pu, mais non. Je sais, je ne suis pas claire, mais je fais exprès. Disons que les denières 50 pages rendent le tout encore plus poignant. Qui est Kevin? Fait-il semblant? Y a-t-il moyen de le récupérer?

Bref, un roman fort, bien écrit, profondément dérangeant… tentez si vous avez le coeur bien accroché. Disons que ça ne donne pas vraiment envie d’avoir des enfants.

Maquina – Lula Carballo

C’est par Instagram que j’ai entendu parler de ce roman sinon, je ne crois pas que ce soit un roman vers lequel je me serait nécessairement dirigée. Voyez-vous, un casino, c’est un peu pour moi ma version personnelle de l’horreur. Trop d’informations, trop de bruits, de lumières… je deviens physiquement mal à l’aise. Du coup, je me serais tenue loin… mais j’ai essayé!

De quoi ça parle

Une jeune femme qui tente de se libérer de l’héritage familial décide de travailler dans un casino. Elle va rapidement être fascinée par une joueuse en particulier – elle lui parle, d’ailleurs – et découvrir à son tour l’obsession.

Mon avis

Ce roman est particulier. Vraiment. J’ai d’ailleurs mis un moment à entrer dans l’histoire, probablement en raison de la fameuse atmosphère « casino », qui m’intéresse somme toute assez peu. J’ai commencé à accrocher davantage à l’arrivée de la fameuse dame, celle qui fascine, qui prend toute la place et qui mènera à son tour la narratrice vers l’obsession.

Ce roman est, je crois, de l’autofiction, L’autrice nous a déjà offert Créatures du hasard qui parlait de la passion du jeu de sa grand-mère et, si je ne m’abuse, la mystérieuse Mme B. a eu son pendant dans la vie réelle. Et s’il est difficile pour le lecteur de comprendre cette passion pour cette dame qui donne si peu mais qui vit devant sa machine, j’ai aimé plonger dans les méandres de l’esprit de la narratrice qui ne comprend pas non plus dans quelle spirale elle est entrée alors qu’elle juge parfois l’univers du casino. Sauf Mme B, dame du début soixantaine qui dépense sans compter dans une machine à sous à thème égyptien.

C’est donc cet aspect qui m’a plu. J’ai aussi aimé la construction, par courts fragments qui nous laissent souvent sur notre faim, comme une machine à sous qui ne paye pas si souvent. J’ai également apprécié le côté méta du roman, la réflexion sur l’écriture et la création. Une lecture agréable, un plume qui se lit bien, mais je me demande si je m’en souviendrai dans quelques semaines…

Et je ne pose la question : me serais-je positionnée de la même façon si un protagoniste masculin avait agi de la même façon?

On m’a jeté l’oeil – Anya Nousri

Cette année, avec d’autres lecteurs, nous essayons de lire tout ce qui a été publié au Québec en roman adulte. En groupe, of course. Et celui-ci était bien aimé alors j’ai tenté le coup

De quoi ça parle

Une jeune femme tente de se définir alors qu’elle grandit entre Montréal et l’Algérie, tout en tentant d’échapper à une malédiction dont elle croit être victime.

Mon avis

« Meurs, mais ne fornique pas »!

Comment se construire quand on est plurielle, déchirée entre plusieurs cultures et que notre mère nous dit un truc pareil?

C’est dans un kaléidoscope de fragments que nous plongeons dans l’univers de la protagoniste. Elle est souvent en colère mais comme on lui a jeté l’oeil, elle essaiera de s’en libérer, aidée par sa tante qui tentera sortilèges et rituels magiques de la culture algérienne (ou nord-africaine) pour l’en purifier.

Une véritable exploration de la multitude des cultures, une tentative de réconcilier des traditions qui cohabitent difficilement en une même personne. C’est féministe, écrit dans une langue… que dis-je une langue… une multitude de langues! On ne comprend pas tout, certaines scènes font réagir. Certes, il y avait un peu trop de sexe pour moi, mais pour la découverte, pour le goût d’ailleurs, pour la voix et les traditions intergénérationnelles, ce roman est clairement à découvrir.

Je crois que j’avais déjà lu quelques uns des textes… mais peut-être suis-je mélangée! Ça se pourrait. Ceci dit, cette année, il me semble que j’ai lu plusieurs textes au sujet du clash des cultures chez les personnes ayant des racines multiples et je trouve toujours cette exploration intéressante.

Toutefois, je suis consciente qu’ici, ce n’est pas pour tout le monde. La langue utilisée peut parfois surprendre et plusieurs seront rebutés, selon moi. Pour ma part, à part quelques expressions en franglais qui m’ont fait me sentir vraiment « vieille cr… », j’ai adhéré!