La dernière allumette – Marie Vareille

J’ai toujours aimé ce que j’ai lu de Marie Vareille mais étrangement, je n’aurais pas lu celui-ci sans les nombreux commentaires positifs de plusieurs de mes amies lectrices. J’ai donc fini par l’ouvrir sans savoir de quoi ça parlait.

De quoi ça parle

Abigaëlle n’a pas prononcé un mot depuis plus de 20 ans. Elle est dans un couvent en Bourgogne et ses souvenirs de la vie d’avant sont flous. Elle ne peut se souvenir des événements qui ont tout fait basculer. Gabriel, son grand frère, est un écrivain et un illustrateur encensé. Et un jour, Gabriel va rencontrer la lumineuse Zoé, ce qui va inquiéter Abigaëlle, dont les pensées vagabondent entre réalité et mensonges qu’elle ne sait plus distinguer.

Mon avis

Même dans ses récits plus légers, j’aime habituellement ce qu’écrit Marie Vareille. J’ai moins apprécié « Ainsi gèlent les bulles de savon » mais sa façon de raconter des histoires me plait. Encore une fois, ici, j’ai passé un très bon moment de lecture et je crois que ce roman va plaire à une grande majorité de lecteurs et de lectrices. C’est un roman grand public, qui parle de traumatismes de l’enfance et de violence conjugale de façon claire et qui met en évidence le cycle de la violence, avec un procédé narratif très intéressant.

Nous avons donc trois narrations principales. Abigaëlle maintenant, qui se dit folle et qui a toujours « rempli les trous » de la réalité. Elle nous dit d’emblée avoir du mal à distinguer le vrai du faux et ne vit pas toujours bien les visites de son grand frère Gabriel, qui persiste à venir la voir malgré son silence. La deuxième narration est le journal d’Abigaëlle enfant. Enfant surdouée, elle commence à écrire ses pensées et révèle avec beaucoup de candeur les tourments de sa vie familiale, sous l’influence d’un père violent qui l’aime « elle » mais qui ne se gêne pas pour taper et insulter sa mère. J’ai adoré voir évoluer la prose d’Aby, très immature au départ et remplie d’erreurs de vocabulaires souvent très choupi. Elle jette un regard au départ naïf sur ce qui l’entoure et est déchirée entre l’amour qu’elle ressent pour son père et le comportement de celui-ci face aux autres membres de sa famille. Finalement, la troisième voix est celui d’un psychiatre proche de la retraite qui accepte de recevoir Mme Boisjoli dans son cabinet, venue parce que des gens sont inquiets, même si son mari n’est pas « comme ça ». Pas vraiment.

Nous avons donc ici un roman dont les pages se tournent toutes seules. La plume est très fluide et les trois voix sont très distinctes. Ici, les choses sont clairement explicitées et nulle place à l’interprétation pour le lecteur. Les mécanismes de la violence sont bien mis en évidence et toutes les idées reçues sont démontées. J’ai trouvé les parties chez le psy un peu didactiques mais je comprends pourquoi l’autrice a fait ce choix. L’évolution des perception du personnages est bien faite et on a le goût de l’encourager à chaque mécanisme de défense qui tombe. Les personnages sont bien construits, multidimentionnels et j’ai particulièrement apprécié de découvrir Gabriel petit à petit.

J’ai apprécié la justesse du ton et la diversité des points de vue sur une même problématique qui dépasse les coups donnés ou observés. On ne sombre pas dans le pathos ou le mélo malgré le côté terrible de certaines situations. Une bonne lecture.

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