Un jour de nuit tombée – Samantha Shannon

Je fais partie de ceux qui ont beaucoup aimé Le prieuré de l’oranger, mais je n’avais pas crié au génie non plus. Pour moi, c’était une longue histoire mais une histoire au rythme rapide, qui constituait une très bonne entrée en matière dans la fantasy adulte. Et savez-vous quoi? J’ai encore mieux aimé cette préquelle, que j’ai trouvée plus mature autant dans les thèmes que dans l’écriture.

De quoi ça parle

Nous sommes dans le même univers que pour Le Prieuré de l’Oranger, mais 500 ans avant, dans la période qui s’appelle The Great Sorrow (en anglais…je l’ai lu en anglais). Nous suivons donc l’histoire de personnages dans quatre différents endroits de ce monde de fantasy, alors que du plus profond de la terre, une force se réveille, faisant apparaître de mystérieuses créatures dévastatrices.

Au Prieuré, nous rencontrons Tunuva, guerrière dont la conjointe est pressentie pour prendre la tête de l’endroit. Glorian, héritière d’Inys, doit pour sa part produire un héritier pour préserver la lignée du Saint tandis qu’en Seiiki, Dumai découvre tardivement son passé… et son avenir. Entre guerres de pouvoir et invasion de wyrms, les années s’annoncent rudes.

Mon avis

Si vous avez lu le Prieuré, vous connaissez sans doute quelques éléments de cette histoire. Je ne les révélerai pas ici mais l’autrice a réussi à tisser des liens et à enrichir son univers. Nous voyons la genèse de certaines traditions tout en restant bien ancrés dans la mythologie et dans les différentes versions de l’histoire des divinités de cet univers. Il y a des dragons, des complots de cour, un vrai ennemi à combattre… et une résolution somme toute originale. Est-ce que ça va plaire à tous? Je ne sais pas. Mais moi, j’ai vraiment aimé. L’action est somme toute plus lente que dans le Prieuré, on explore davantage les personnages et il y a plus de descriptions, ce que j’ai beaucoup apprécié!

Il y a un côté « St-George et le dragon » dans cette mythologie. Du moins, certains noms rappellent certaines versions ce cette légende. Que se serait-il passé si la princesse s’était défendue? Comment l’histoire aurait-elle été racontée? On y explore les thèmes du conflit de générations et nous avons aussi des personnages plus âgés qui ont également un développement très intéressant. Ça parle de maternité, c’est féministe, c’est queer… sérieusement, j’ai adoré.

Presque tous les personnages sont attachants, tous les arcs sont reliés d’une façon ou d’une autre et, encore une fois, l’autrice explore l’évolution des histoires et des légendes selon les parties du monde et les croyances. J’ai souffert pour les personnages, je leur ai souhaité le meilleur, leur naïveté m’a parfois exaspérée, parfois fait rire. J’ai été désespérée avec eux aussi car il est surtout question de survie dans ce roman. Il y a des côtés très héroïques, d’autres beaucoup moins, on y explore la parentalité, le deuil… bref, c’est super bien fait. Ok, il faut un moment pour bien comprendre qui est qui parce qu’il y a BEAUCOUP de personnages, mais vraiment, je suis ravie d’avoir fini par sortir cette grosse brique de 1150 pages de ma pile! Je relirai avec plaisir un autre ouvrage dans cet univers.

Wind and Truth – Les archives de Roshar #5 – Brandon Sanderson

Cette chronique sera ma foi fort confuse. En effet, nous sommes tellement, mais tellement loin de la situation initiale dans cette série que tout ce que je dirai à partir de ce moment sera forcément un spoiler. Donc tenez-vous le pour dit

Spoiler pour les tomes 1-4 à partir de ce moment

Nous sommes donc au dernier tome du premier arc des Archives de Roshar. Nous savons dès le départ qu’une bataille majeure se prépare suite au contrat entre Odium et Dalinar qui, bien entendu, n’est pas si clean qu’il ne le parait. Nos personnages principaux vont partir en quête de leur destin pendant que s’écoulent les deux jours fatidiques qui les séparent du fameux défi de champions.

Mon avis

Difficile de parler d’un tome 5 en toute objectivité. En effet, ces personnages, je les aime d’amour. Je suis attachée à eux, je veux savoir qui ils sont vraiment et ce qui va leur arriver. En même temps, l’avenir de Roshar et la façon dont il est imbriqué dans celui du Cosmere me fascine. Impossible donc de ne pas apprécier ce moment passé en leur compagnie. Par contre, est-ce que c’est pour moi le meilleur tome de la série? Clairement pas. Si le premier tome avait ressemblé à ça, j’aurais clairement été moins enthousiaste. Mais ce n’est peut-être pas pour rien que, justement, ce n’était pas le premier.

Ce tome est le dernier d’un premier arc. Et, forcément, il prépare le second. Et ici, ça paraît. J’ai eu l’impression d’un tome de milieu de série, mais à la fin? De plus, les personnages principaux sont à nouveau séparés, on saute de l’un à l’autre et chacun d’entre eux – ou presque – doit livrer bataille. Ce qui fait beaucoup, beaucoup de batailles et beaucoup, beaucoup de combats. Et je dois avouer que j’ai trouvé ça long par moment. Clairement, plusieurs scènes de guerre auraient pu être condensées. Je comprends que le but était de nous faire comprendre l’intensité et le désespoir associé à ces guerres, mais je l’ai juste… un peu trop ressenti à mon goût? À la fin, nous comprenons davantage certains points de vue, certains événements, mais pendant la lecture, c’est parfois redondant.

De plus, l’arc de Kaladin… comment dire… l’auteur avait la main lourde? Si vous avez lu le tome 4, vous vous souvenez qu’il souhaitait aider les soldats perturbés par la guerre. Mettons qu’il prend son mandat au sérieux et que c’est fort redondant et pas du tout, du tout subtil. Ses tentatives sont maladroites au possible et il y a beaucoup, beaucoup trop de miracles psychologiques, disons. Je crois que c’est le côté qui m’a le plus gossée. Parce que bon, le coup de baguette magique du psy, ce n’est pas arrivé souvent. Genre, ça prend plus que 10 jours?

Ceci dit, j’ai l’air négative, mais je les ai lues avec plaisir, ces 1330 pages. Et je vais continuer la série, et je vais lire les tomes de Mistborn que je n’ai pas lus vu que je crois que ça a nui à ma compréhension à certains moments. L’utilisation de la mythologie, des dieux et des hérauts est pertinente et tout le world building est nécessaire. Mais je suis arrivée au point où j’ai besoin de mieux comprendre l’univers en général.

Est-ce une vraie fin? Oui et non. Certains personnages sont arrivés au bout de leur progression (du moins, je pense), mais je suis absolument incapable de savoir si ça finit bien ou si ça finit mal! Parce que le tout soulève davantage de questions encore et appelle clairement, clairement une suite.

Un avis en demi-teinte pour ce tome en particulier… mais une série que j’aime d’amour!

What feasts at Night – T. Kingfisher

J’avais beaucoup aimé le premier tome de cette série lu, qui était inspiré de La chute de la maison Usher. De l’horreur un peu gore, avec un personnage principal que j’aime beaucoup… c’était clair que j’allais lire la suite!

De quoi ça parle

Nous retrouvons donc Alex Easton, « Sworn soldier » d’un pays fictif d’Europe centrale. Elle (on va utiliser le pronom « elle »… mais en anglais, dans leur langue, c’est un pronom spécial « ka », qui est utilisé pour les soldats), souffre de choc post-traumatique suite à une guerre perdue d’avance. Elle retourne donc dans sa maison d’enfance où Miss Potter, dame anglaise très correcte rencontrée à la maison Usher, veut venir pour étudier les champignons. Sauf qu’à l’arrivée, le gardien du domaine est décédé de manière étrange… et les gens du village ne semblent pas vouloir dire ce qui est vraiment arrivé.

Mon avis

Avouons-le d’emblée, j’ai préféré le premier tome à celui-ci, mais j’ai quand même passé un très bon moment de lecture. En fait, j’adore la narratrice. Elle pourrait me raconter n’importe quoi et ça me plairait. J’aime énormément son autodérision, sa façon de voir les choses et de s’adresser au lecteur. Alors même si les parallèles avec le classique de Poe m’ont un peu manqué, ces quelque 150 pages ont passé à toute vitesse.

De plus, j’aime énormément la plume de l’autrice, très évocatrice. L’ambiance un peu glauque est parfaite et c’est magnifiquement écrit. Ici, nous plongeons dans le folklore semi-fictif de la contrée d’Alex, avec êtres mystérieux qui rôdent la nuit et de mystérieuses conditions pulmonaires qui mènent à la mort. L’imagerie horrifique est presque gothique, un peu gore, entre rêve et réalité. J’aurais peut-être aimé un peu plus de feux d’artifices pour la résolution, mais j’ai bien aimé le côté mystérieux et gloomy de la finale. Tous les personnages secondaire sont géniaux… même ceux qu’on a parfois envie de frapper!

Bref, des réflexions sur la guerre et le PTSD intéressantes, une bonne lecture et j’espère vraiment retrouver Alex Easton dans une autre novella!

The Deep (les Abysses) – Rivers Solomon

J’ai acheté ce livre il y a quelques années, le concept m’intrigant beaucoup. Of course, ce n’est que beaucoup plus tard que j’ai fini par le lire (sinon c’est pas drôle). Et c’était toute une expérience.

De quoi ça parle

Imaginez un univers au plus profond de l’océan, un monde où vivent les descendants de toutes les esclaves noires enceintes jetées à la mer lors de la traversée. Imaginez que dans ce monde, le poids de l’histoire et du passé repose sur les épaules d’une seule personne, un Historien. Sauf que toute cette connaissance est lourde à porter.

Mon avis

Je dois avouer que ce roman me faisait peur. C’est un thème que je trouve très dur et si j’ai lu et aimé plusieurs ouvrages sur le sujet, je dois avouer que je dois me botter les fesses pour m’y mettre. Et je ne regrette aucunement d’avoir choisi de finalement le lire.

Nous avons donc un récit onirique, poétique et très engagé qui fait réfléchir sur de nombreux sujets. Avant tout, ça parle de traumatisme intergénérationnel et de la difficulté d’accepter son histoire, le poids de son histoire. Nous avons donc un personnage principal qui souffre profondément de toute cette mémoire des ancêtres qu’iel vit et revit sans pouvoir contrôler sentiments et visions. Le tout pour empêcher son peuple, les wajinru, d’en souffrir. Mais qui est-on sans histoire? Comment se construit-on quand on ne connaît pas son passé? Et quand ce passé fait trop mal ? L’allégorie est hyper bien faite. Ça parle de solitude, de la solitude qui nous engloutit quand on arrive et qu’on doit tout reconstruire à partir de rien parce que la tradition orale a disparu. L’histoire des Noirs est d’une violence incroyable et je comprends que parfois, transposer le tout dans un univers de fantasy peut être bénéfique pour en appréhender certains aspects.

Nous avons donc Yetu, Historien.ne. Iel ne croit plus pouvoir survivre avec toute ce poids et quitte, laissant son peuple dans la souffrance. S’en suivra une rencontre avec un Two-Legs, comme les ancêtres, comme aussi ceux qui ont jeté les dites ancêtres par dessus bord. Qui sont-ils? Peut-on leur faire confiance? Et jusqu’à quel point le bien-être personnel de Yetu prime-t-il sur celui de son peuple? Nous avons un personnage en vrai conflit de loyauté, qui va évoluer au contact du monde extérieur et se découvrir davantage lui-même. Bref, ça a totalement passé pour moi. Surtout qu’on va découvrir que nous ne parlons pas d’Afrofuturisme pour rien.

Bref, une très belle plume, une lecture très courte et très atmosphérique, à lire en écoutant la musique qui a inspiré l’histoire et la légende.

Les fabuleuses aventures d’un Indien malchanceux qui devint milliardaire

En Inde, lisez indien! Oui, vous avez bien lu. J’ai terminé ce roman en novembre. Et je ne sais pas vraiment quand il sera publié, mais je sens qu’on s’éloigne un peu du dit mois de novembre. Faut pas chercher à comprendre.

De quoi ça parle

Il était fort improbable que le jeune Ram Mohammad Thomas gagne un jeu questionnaire télévisé et devienne milliardaire. À 18 ans, ce gamin des rues n’a pas traîné sur les bancs d’école. On soupçonne immédiatement une tricherie. Le jeune homme va donc devoir s’expliquer mais pour ce faire, il va devoir raconter sa vie. Parce que c’est au hasard de ses aventures qu’il a accumulé toutes ces connaissances… et il en a vu des aventures!

Mon avis

Je sais, c’est étrange, mais je n’avais jamais vu le film. Je ne l’ai toujours jamais vu d’ailleurs. Il faudrait. C’est donc après trois semaines d’immersion dans la culture indienne que j’ai débuté ce roman et malgré le côté tragico-comique de l’histoire, ce sont surtout les références à toute cette culture que je venais de découvrir qui m’ont intéressée. En effet, plus jamais je ne vais lire de romans indiens de la même façon. La vie est tellement différentes, tous les détails du quotidien sont différents, jusqu’à la façon de penser. C’est difficile à expliquer… mais tous les romans indiens que j’ai lu le sont profondément. Indiens. Et il ne pourrait en être autrement.

Je pourrais décrire ce roman en particulier comme « une bonne lecture ». Pas transcendante, pas une plume de folie, mais un héros attachant, un peu paumé, à qui il est tout arrivé. Disons qu’il ne l’a pas eue facile. Sauf qu’il ose, le jeune homme. Audacieux pourrait être son deuxième prénom. Sauf que même son nom est assez extraordinaire. Le nom du prophète, le nom de Rama et finalement Thomas… il est un beau mélange de ce qui fait la culture de l’endroit. Et en Inde, c’est important. Vraiment.

L’histoire est rythmée par les questions auxquelles il a dû répondre lors du jeu, chacune étant associée à un épisode de sa vie. J’ai bien aimé ce procédé, qui complexifie un peu la narration. Est-ce crédible? Hmmm… je serais surprise. Tout lui est arrivé. Il a croisé toutes les mauvaises personnes et rencontré tous les vices possibles et inimaginables. Un peu beaucoup too much.

Ceci dit, le côté un peu corrompu du jeu télévisé m’a fait sourire et la fin m’a tout de même étonnée.

17 ans de tops! Ai-je encore bon goût?

J’ai eu l’idée folle de de revisiter mes « Meilleures lectures annuelles » depuis l’ouverture du blog. Et ça a donné cette vidéo. Je n’avais clairement pas prévu le nombre d’heures de montage et à la fin, j’ai été trop paresseuse pour récrire tous les titres (peut-être un jour)… mais voilà, ça donne ça! Ça rappelle des souvenirs!

Le harem du roi – Djaïli Amadou Amal

Djaïli Amadou Amal est une autrice que je suis depuis ma lecture des Impatientes, il y a quelques années. J’ai tout de suite aimé le regard féministe que pose l’autrice sur la société camerounaise et avec ce roman, elle a encore réussi.

De quoi ça parle

Boussoura et Seini sont un couple moderne de Yaoundé. Il est médecin, elle est professeure de littérature. Ils sont mariés depuis longtemps, les enfants sont grands. Mais voilà. Seine est fils de roi et il est appelé à devenir lamido, gardien des traditions et de la religion. Sa femme est, bien entendu, loin d’être ravie. Mais ils s’aime et elle le suit dans sa nouvelle vie, qui implique, entre autres, des quartiers séparés et un harem. Eux qui avaient un mariage monogame.

Mon avis

Djaïli Amadou Amal a un réel talent de conteuse. Elle réussit à esquisser tout de suite des personnages crédibles, touchants, imparfaits, qui ont tous une certaine évolution. Ses romans me transportent illico au Cameroun où tout est différent, de la religion à la façon de penser. La situation des femmes, bien sûr. Surtout. Car c’est surtout de ça qu’il s’agit.

Nous verrons donc évoluer le couple et son entourage pendant de nombreuses années. Boussoura, l’épouse, va passer de l’incrédulité initiale à la révolte, en passant par toute ue gamme d’émotions intermédiairee. Elle ne devient pas soumise du jour au lendemain, tout dans la relation évolue lentement mais inexorablement. Entre les attentes de la communauté et les siennes, il y a un monde. Elle voit également son mari changer petit à petit, alors qu’il cède aux privilèges qui s’offrent désormais à lui.

Toutes les femmes de cette histoire m’ont touchée. Boussoura, certes, mais également les concubines, esclaves honorées, qui ne s’en sortent pas toujours bien. Je ne connaissais rien de l’existence de ces micro-sociétés et comme souvent, l’autrice donne une voix à celle qui en ont si peu. Ça parle de patriarcat, du poids des traditions, de l’appât du pouvoir et de la polygamie, surtout quand elle n’est pas choisie. Voir le changement graduel dans la façon de penser de Seini, l’homme qui se laisse tenter par tous les possible, est déchirant. Et j’ai adoré la fin.

Bref, un autre très bon roman de cette autrice et je vous invite à lire ses précédents.

Proust, roman familial – Laure Murat

Vous savez que entre Proust et moi, le courant passe. Assez pour que je souhaite vivement lire un essai sur l’aristocratie en lien avec son oeuvre. Et savez-vous quoi, j’ai bien fait.

De quoi ça parle

L’autrice est née dans l’aristocratie. À 20 ans, elle lit la recherche et elle a une illumination. Ce monde-là, c’était le monde de son enfance. Proust avait connu ses arrières-grands-parents. C’est donc à travers son oeuvre qu’elle va mieux comprendre le monde qui l’a forgée et qu’elle a fini par rejeter.

Mon avis

Je ne suis pas issue de l’aristocratie. Je viens d’une famille normale, bien prolétaire et tout. Du coup, l’enfance de l’autrice est aussi éloignée de la mienne que possible. Pourtant, j’ai ressenti son mal-être et sa joie d’enfin voir se jeter un éclairage sur son propre vécu. Car pour elle, l’aristocratie, c’est un peu une tentative désespérée de faire perdurer un monde qui n’existe plus et qui semble hors du temps. Proust réussit, dans sa recherche, à décortiquer cet univers, à en analyser les tenants et les aboutissants, à en faire ressortir la vacuité également. Et le conformisme. Car il ne faudrait que surtout rien ne change, ou n’apparaisse changer. La diversité sexuelle, on sait qu’elle existe, mais on fait comme si ce n’était pas le cas. Difficile de se battre et de s’émanciper quand on n’existe pas.

Je ne sais pas si j’aurais autant aimé si je n’avais pas lu la recherche. J’ai adoré les références et le juste partage entre expériences personnelles, littérature et sociologie. L’autrice, lesbienne, a fini par s’éloigner de sa famille. La différence dans ce contexte, ce n’était pas simple et Proust le démontre fort bien. Il réussit à nous montrer tout cet apparat, ces traditions, ces détails qui n’ont l’air de rien mais qui font la différence, sans oublier l’hypocrisie ambiante. La scène où l’autrice voit le maître d’hôtel placer les couverts à une distance précise, que personne ne va remarquer, mais qui donne cette « classe » supplémentaire est frappante.

Un roman sur la littérature qui répare, qui console, permet l’émancipation et donne espoir, ainsi que sur son pouvoir sur les êtres. J’ai été très touchée par la fin… et j’ai envie de relire la Recherche. Juste parce que.

Manuel de survie du sorcier frugal dans l’Angleterre médiévale – Brandon Sanderson

Quand je vois le nom de Brandon Sanderson, je n’hésite pas. Son originalité me fascine toujours et son précédent roman de cosy fantasy m’avait beaucoup plu. Je continue donc les fameux romans secrets.

De quoi ça parle

Un homme se réveille seul dans la nature, amnésique, dans un pays qui ressemble énormément à l’Angleterre médiévale. Il ne sait plus qui il est ni d’où il vient… et encore moins comment il a pu atterrir ici. Il y a bien un bout de guide, le « Manuel de Survie du Sorcier Frugal dans l’Angleterre médiévale » mais il est dans un drôle d’état suite à son transfert.

Il semble poursuivi par de mystérieux individus et va devoir s’allier à des locaux pour tenter de s’en sortir, ou du moins de comprendre ce qu’il peut bien faire là.

Mon avis

Je n’aurais jamais pensé dire ça un jour, mais j’ai été déçue par un roman de Sanderson. J’avoue que mes attentes étaient élevées et que ce n’était pas un mauvais roman. J’ai passé un bon moment de lecture, ça se lit tout seul et c’est divertissant. Toutefois, si les moments absurdes d’un Pratchett ou d’un Douglas Adams me font mourir de rire, on dirait que j’ai été moins touchée par cet humour qui, je crois, se voulaient dans cette veine. Les passages du « Guide » sont très drôles au départ avec leurs marques déposées et leurs élucubrations sans queue ni tête, mais ils deviennent vite répétitifs et un peu inutiles.

Nous avons donc un personnage qui ne sait plus qui il est et qui s’imagine, comme tout le monde, le héros de l’histoire. Sauf que l’est-il vraiment? Et est-ce que ce voyage va le faire évoluer? Nous sommes dans un univers SF où technologie et magie peuvent parfois être confondus, et notre voyageur va vite comprendre qu’il n’est pas le seul à visiter cette dimension… et qu’il risque d’y avoir des problèmes, surtout s’il ne sait pas qui sont ses alliés. Nous allons donc suivre son périple, le voir comprendre petit à petit ce qui se passe… et être un peu trimballé par les circonstances dans une espèce de course poursuite, accompagné de quelques habitants de la dite dimension. C’est chouette, mais ça manque un peu de profondeur pour Sanderson.

J’ajouterais aussi qu’à part le personnage principal qui apprend peu à peu ce qu’il est, tous les autres sont assez plats. Ils ont quelques traits caractéristiques mais ils n’ont pas les zones d’ombre que j’aime tant chez Sanderson. Pas qu’ils soient désagréables, non. Ils sont juste moins vivants.

Un bon moment de divertissement, mais, comme je le disais, pas mon préféré de l’auteur.

Le sentiment des crépuscules – Clémence Boulouque

Non mais regardez le bandeau. Zweig. Comment résister? Dans mon cas, je ne résiste pas. Vous vous en doutiez.

De quoi ça parle

Nous sommes à Londres, en 1938. Zweig, à la demande de Dali, lui présente Freud, que le peintre idéalise. Il souhaite lui montrer l’une de ses toiles, La métamorphose de Narcisse. Il semblerait que cet après-midi londonien ait vraiment eu lieu, mais Boulouque nous livre ici son interprétation.

Mon avis

La distribution de ce roman me faisait saliver à l’avance : Freud, Zweig, Dali, Gala, Anna Zweig et Edward James. Par des flux de conscience croisés, nous serons témoins d’un après-midi entre ces illustres personnages. Chacun a ses passages, ce qui permet d’éviter le joyeux mélange, mais je reste toutefois sur ma faim.

Nous sommes à la croisée des chemins. Nous sommes dans l’avant-guerre. Freud mourra en 1939 et Zweig se suicidera en 1942. L’histoire sera bientôt bouleversée et nous sentons bien cet aspect peser sur le roman. Aurais-je aimé qu’il soit plus développé?  Certes. Car malgré le casting de folie, c’est ce que j’ai préféré dans l’histoire et j’aurais aimé entendre davantage de réflexions des protagonistes principaux à ce sujet.

Mon problème?  Chacun d’entre eux est une caricature de lui-même, ce qui m’a empêchée d’adhérer complètement à l’histoire. Gala est particulièrement désagréable, Zweig profondément déprimé et Dali est dans une exégaration qu’il sait lui-même too much. C’est épuisant.  Le personnage d’Anna Freud m’a toutefois beaucoup plu et m’a paru mieux développé.

Même si c’est une lecture en demi-teinte, j’ai aimé la réflexion sur le thème de l’exil, de la dépossession et de la reconstruction qu’il implique. Mais qu’est-ce que Gala et Dali pouvaient être agaçants en ramenant toujours tout à eux! Ceci dit, c’est probablement logique étant donné les personnalités flamboyantes qu’ils semblent avoir eue. Bref, mitigée.