La petite lumière – Gregory Panaccione (d’après Antonio Moresco)

Encore une fois, cette lecture est la faute du prix de libraires du Québec. Je tente toujours de lire tous les finalistes… et ici, j’ai bien fait.

De quoi ça parle

Un vieil homme décide de s’isoler dans un village abandonné. Il est seul mais le soir, il va être attiré par une petite lumière, loin dans la montagne.

Mon avis

Non mais quels dessins! Quelle beauté dans le trait. Ici, l’histoire passe surtout par le visuel et avec très peu de mots, Panaccione réussit à nous faire ressentir la solitude, la fin de la vie et la volonté de s’extraire du monde quand on n’y trouve plus sa place et que l’on s’est perdu en route.

Les planches passent du jour à la nuit presque sans transition, entre balades solitaires et une rencontre mystérieuse, entre rêve et réalité. C’est doux, nostalgique et très tendre à la fois.

Il est très difficile de parler de ce roman graphique car je ne veux rien révéler de cette petite lumière et de ce qu’elle pourrait être. Plusieurs questions restent sans réponse. Que fait cet homme si seul? Une expiation? Pourquoi le village est-il abandonné?

Bref, un moment poétique et brumeux, que j’ai beaucoup apprécé.

La leçon du mal – Yusuke Kishi

Après le Pavillon d’or, il me fallait un truc moins glauque et j’ai donc choisi celui-ci. Le pire, c’est que j’ai VRAIMENT eu cette réflexion. Comment dire… raté?

De quoi ça parle

Nous sommes dans une école secondaire japonaise et on y rencontre Hasumi Seiji, enseignant adulé de ses élève et admiré de la plupart de ses collègues. De l’extérieur, il semble parfait. Il s’occupe de ses élèves, résoud les conflits et réussit à valoriser son établissement scolaire.

Sauf que bon, Hasumi est un véritable psychopathe, manipulateur et sans empathie aucune.

Mon avis

Entrer dans la tête du personnage principal c’est… perturbant. C’est le moins que l’on puisse dire, en fait. On le découvre en tant qu’enseignant aux prises avec les magouilles de son école et on réalise petit à petit à quel point sa façon de penser est malsaine. Et ses façons de faire fonctionnent, c’est bien le pire. La lectrice que je suis est tout de suite entrée dans l’histoire, complètement renversée par la façon de penser de ce personnage pervers. C’est tellement enrageant, c’est incroyable. On apprend petit à petit à connaître les nombreux élèves et les membres du personnel… et on peut dire que tout le monde a quelque chose à cacher, ou presque. Seules trois personnes se méfient de Hasumi… et ils s’efforcent de le cacher.

J’ai lu ce roman au Japon. Je venais d’entendre parler du système scolaire, des véritables petits univers qui s’y créent ainsi que de l’importance du travail et des apparences pour plusieurs Japonais. On comprend rapidement le côté psychopathe de Hasumi mais je n’aurais jamais cru qu’il pourrait aller jusque là. Et que dire de son passé!

Pour ma part, j’ai préféré la première partie, avec sa montée en tension et la réalisation graduelle du degré de perversité de Hasumi, qui manipule tout son petit monde tel un marionnettiste machiavélique. La deuxième se transforme en film d’action, a un côté très cinématographique et je verrais très bien une adaptation manga d’ailleurs. C’est sanglant, gore, ça va vite et on a le goût d’ouvrir les yeux de tout le monde. C’est qu’il s’en sort toujours cet homme! Mais la cassure entre les deux parties m’a un peu perturbée.

Une bonne lecture donc, même si je ne suis pas aussi enthousiaste que la plupart de mes amis. Je relirai clairement l’auteur, ne serait-ce que pour voir à quel point il a l’esprit tordu.

Une chambre à soi – Virginia Woolf

J’aime la plume de Virginia Woolf. J’aime ses diversions, ses errances, sa façon de voir quelque chose de plus dans chaque petit événement de la vie. Du coup, un essai féministe, ça m’intéressait clairement.

De quoi ça parle

Cet essai est basé sur deux conférences qu’a données Virginia Woolf en 1928 au sujet des femmes et de la littérature. Selon elle, pour pouvoir écrire, une femme doit avoir 500 livres de rentes et une chambre à elle. Et elle va nous expliquer pourquoi il y a si peu d’écrits féminins à l’époque.

Mon avis

Je me suis décidée à lire ce livre après l’avis de MH la Lectrice, qui a failli mourir en le lisant car les phrases étaient trop longues et allaient dans tous les sens. J’ai commencé par l’écouter en audio et j’avoue que je comprenais pas du tout mais pas DU TOUT son avis après avoir écouté l’audio que j’avais. C’est quand j’ai ouvert le roman que j’ai compris qu’en fait, ce que j’avais écouté était un RÉSUMÉ de toutes les idées du roman. Genre, on a sorti toutes les idées claires et précises et on les a mises ensemble. Et connaissans MH, j’ai beaucoup mieux compris son avis!

Mais pour ma part, j’ai largement préféré la version complète. Je trouve que le choix narratif illustre parfaitement le propos qui tend à démontrer que le manque de succès des femmes en littérature à l’époque était dû au manque d’opportunités, aux attentes envers elles plutôt qu’à un manque de talent. Et dans sa démonstration, elle donne des exemples fictifs (avec des personnages réels… faites une petite recherche sur les 4 Mary) de femmes écrivaintes et de la réception de leurs oeuvres. C’était presque drôle par moments tellement c’était right on point.

Entendons-nous, nous sommes dans le féminisme de l’époque, écrit par une femme somme toute privilégiée. On est assez loin de l’intersectionnalité. Mais dans un monde où les femmes n’ont pas les mêmes privilèges et opportunités que les hommes, il est clair qu’il est plus difficile de se concentrer sur l’écriture d’un roman. Si on écrit dans le salon, qu’on est constamment dérangé (même quand on est assez à l’aise financièrement), que personne ne s’attend à ce que nous écrivions quelque chose de potable, difficile de garder le cours de nos pensées. De plus, à travers la vie d’autrices reconnues, on nous explique aussi comment, aux yeux de plusieurs, ce qu’avaient à dire les femmes était… moins important? Souvent en raison de leur vécu et des choses auxquelles elle a accès? Cette partie était assez fascinante pour moi.

Ceci dit, je peux comprendre pourquoi certains trouvent que le propos est noyé. Virginia Woolf reste Virginia Woolf avec son « stream of consciousness » et ses pensées qui volent et se baladent ici et là autour du thème. De plus, il y a plusieurs références qui ne sont pas faciles à saisir pour la lectrice que je suis. Par contre, elle est clairement précurseure au test de Bechdel car elle remarque déjà que dans les romans, les femmes existent la plupart du temps dans et pour le regard masculin.

Bref, des propos très intéressants, donc certains sont encore valides aujourd’hui, même s’il faut clairement les lire comme des produits de leur époque. J’aime Virginia Woolf!

Swan Song – Robert McCammon

J’avais lu la première partie de Swan Song l’an dernier mais je pense que j’étais dans ma passe blogo-paresseuse et que je n’en ai jamais parlé ici. Je vais donc parler du roman au complet vu qu’il était, initialement, un seul ouvrage. Un seul long ouvrage, certes, mais un ouvrage quand même.

De quoi ça parle

Ce roman, c’est la plus terrible histoire post-apocalyptique que je n’ai jamais lue. Écrite à la fin des années 80, je pense que j’aurais fait une crise de panique en bonne et due forme si je l’avais lue à l’époque. J’avais une peur folle des guerres nucléaires et c’est tout à fait ce qui se passe ici. Il y a eu une attaque. Les États-Unis sont dévastés et, clairement, ça va faire ressortir le meilleur et le pire chez l’homme. Le pire surtout, en fait.

Nous suivons donc plusieurs personnages principaux sur plusieurs années, à partir de la chute de la bombe atomique. Il y a Sister Creep, ancienne « Bag Lady » de New York. Josh, un ancien lutteur noir de plus de 7 pieds. Paul, qui tente de donner un peu d’espoir aux autres à sa manière. Roland, un jeune garçon qui se retrouve dans un bunker sous-terrain survivaliste avec sa famille, où il va rencontrer un certain colonel Macklin. Et surtout, il y a une enfant. Sue Wanda. Swan. Enfant spéciale, semble-t-il. « Protège l’enfant » a-t-on dit à Josh…

Mon avis

Entendons-nous, ce roman est freakant. Suite à ces explosions, rien ne va. Les gens meurent, immédiatement ou à petit feu. La terre devient stérile, la nourriture se fait rare et le monde tombe dans un était d’hiver nucléaire où tout se meurt. Deux choix s’offrent aux hommes et aux femmes : se laisser mourir ou tenter de survivre à tout prix.

Nous somme donc dans un univers où tout est permis. Il y a très peu d’espoir durant la plus grande partie du roman. Nos personnages principaux vont vivre horreur après horreur, traumatisme après traumatisme alors qu’il n’y a plus de lois et que les gens sont prêts à tout pour un bout de pain. Voir les rêves s’éteindre les uns après les autres, réaliser que l’homme est le pire animal de la terre page après page, ça fait peur. L’atmosphère est très réussie, on ressent le désespoir des personnages alors que la violence et les préjugés prennent le dessus. Tout le long de cette lecture, j’ai été oppressée en me disant : et si ça arrivait. Bref, dérangeant.

J’avais choisi ce roman pour le thème « métamorphose » car on réalise, petit à petit, que le monde et les gens changent. Une étrange maladie attaque certaines personnes dont le visage se couvrent de kéloïdes, les animaux se transforment… Quand je vous disais que rien n’allait plus.

Je trouve que ce roman réussit parfaitement ce qu’il tentait de faire. Il est bien entendu profondément ancré dans son époque, avec tout ce que ça implique en termes de préjugés et de langage. J’ai préféré le premier tome de cette duologie, qui nous fait rencontrer les personnages et découvrir leurs origines. Dans la seconde partie, j’avoue que ça devenait un peu trop sombre pour moi, parfois un peu répétitif et la toute fin est très manichéenne. Très peu de zones de gris ici et il y a également un côté christique et religieux qui m’a moins interpelée. De plus, on est parfois dans la tête de certains personnages qui n’ont en eux aucune once de bonté et c’est… désagréable. Lire certains mots à répétition nuit un peu à mon plaisir de lecture disons.

Ceci dit, c’est un roman extrêmement fort, puissant, qui nous pousse à réfléchir sur l’humanité, sur nos choix et sur notre réaction si un truc pareil arrivait. J’en garderai un très bon souvenir malgré mes bémols et je ne crois pas que je vais oublier ce roman. Jamais.

Voix, éclairs, tonnerre – Myriam A. Chancy

Ok, j’avoue, je n’aurais jamais lu ce roman s’il n’avait pas été finaliste au prix de libraires du Québec. Je ne l’avais jamais vu avant. Ceci dit, je le dis d’emblée, c’était une excellente découverte! Oui, je sais, je fais beaucoup de bonnes lectures ces temps-ci. J’ai limite l’air de ne pas dire la vérité.

De quoi ça parle

12 janvier 2010. Port au Prince. Haïti.

Un séisme de 7 à l’échelle de Richter va faire gronder le sol et bouleverser drastiquement la vie des habitants d’Haïti de tous les horizons. Dans ce roman choral, nous allons découvrir plusieurs de ces voix.

Mon avis

J’ai lu ce roman en mars. Je ne sais pas quand cet avis sera publié mais j’ai tellement d’avance que j’imagine que ce ne sera pas avant quelques semaines. Cette lecture, dans cette période trouble pour Haïti, résonne encore davantage pour le lecteur. Non mais ce peuple n’a-t-il pas assez souffert? Ce livre nous fait réaliser à quel point les vies ont été changées, à quel point il était difficile de garder espoir et à quel point il était difficile d’aider, même pour ceux qui souhaitaient le faire, bien maladroitement.

La voix que j’ai préférée reste la première, celle de Ma Lou, vendeuse au marché mais aussi un peu gardienne de la mémoire des personnes qui nous parlent dans le roman. Elle se les rappelle tous, les a tous plus ou moins connus et nous, lecteur, nous verrons petit à petit se tisser les liens entre les personnages et à travers les regards des uns et des autres, nous les verrons évoluer et les comprendrons un peu mieux. C’est que personne n’est parfait. Il y a Sonia et Dieudonné, superbe call girl et son partenaire d’affaire. Il y a le petit trafiquant qui voudrait donc qu’elle le regarde et le riche homme d’affaire qui a tout laissé derrière lui et qui ne regarde pas vraiment derrière pour voir ceux qui l’ont porté jusque là. Il y a Sara, prisonnière de sa douleur, il y a son fils, il y a la soeur de Sonia. Il y a les camps de fortune où tout le monde tente de survivre alors qu’il n’y a plus rien, alors que l’espoir se cache on ne sait où.

C’est très bien écrit, c’est évocateur, poignant et les personnages sont profondément humains malgré leur nombre et le peu de temps que nous passons avec eux. L’ampleur du désastre et le néant de l’avenir auquel ils sont confronté sont dévastateurs. C’est aussi un hommage à la résilience de ceux qui ont survécu comme ils le pouvaient et à l’entraide qui a eu lieu dans la population. Une partie de la population du moins.

C’est intense, c’est bien fait. J’ai beaucoup aimé.

Faire les sucres – Fanny Britt

Je me souvenais avoir un avis mitigé de Les maisons de Fanny Britt. Du coup, je ne l’ai jamais relue en roman adulte. Et là, je suis tombée sur celui-ci et j’ai réalisé qu’en fait, j’avais aimé « Les maisons »? Je pense que je perds la mémoire.

De quoi ça parle

Ce roman raconte l’éloignement d’un couple, celui d’Adam et Marion. Il est un chef « à la télé » et Marion, sa deuxième femme, est dentiste en banlieue. Un jour, lors de vacances à Martha’s Vineyard, Adam a un accident de surf. On accident qui va blesser une jeune fille, Célia, mais qui va le marquer pronfondément. Et à partir de ça, tout va partir en vrille.

Mon avis

Dans ce roman choral, Fanny Britt évoque avec un cynisme assez cinglant les privilèges, ceux que l’on ne s’avoue pas et nous fait assister, impuissants, à la fin d’un couple composé de deux personnes pas faciles à apprécier. En effet, les deux protagonistes sont tellements centrés sur eux-mêmes, surtout Adam, le chef célèbre qui se sent soudain dériver, qu’ils ne voient absolument pas ce qui se passe autour d’eux. Quand on est riche et privilégié, disons qu’on a plus de temps pour « penser à soi » et « réfléchir sur notre développement personnel ». Autrement, c’est plus complexe, n’est-ce pas. À de nombreux moments, j’avais envie de baffer ce personnage qui ne décode absolument pas les signes de ceux qui l’entourent (et qui s’en fiche un peu, en fait, dans toute son égocentricité) et qui n’en a que pour son propre drame personnel. Quant à Marion, son épouse, même si elle est plus « gentille » par définition, même si elle veut sincèrement aider les autres, elle n’est pas non plus toujours facile à suivre. Quoique avec cet entourage…

Bref, la force de Fanny Britt est de disséquer ces émotions, ce que les personnages disent tout haut, ce qu’ils se disent tout bas et ce qu’ils n’osent pas se dire à eux-mêmes. Nous nous baladons entre le milieu huppé (et snob) des foodies montréalais, une cabane à sucre familiale et une chorale anglophone, avec quelques petits détours par Martha’s Vineyard, dans une fabrique de confiserie familiale… avec un tout autre point de vue sur le côté « romantique » de la chose. J’aurais aimé avoir davantage de Celia, le troisième personnage, plus terre à terre, qui semble avoir compris des choses que notre couple bobo ne saisira que beaucoup plus tard. Leur relation apparaît tellement superficielle de notre point de vue.

Bref, une étude intéressante, une plume qui nous montre l’essentiel sans marteler et des personnages assez peu aimables qui nous gardent parfois à distance et avec qui il est difficile de compatif. Somme toute une bonne lecture malgré mes petits bémols.

What moves the Dead – T. Kingfisher

Quand on parle de réécriture, surtout d’oeuvres qui n’ont pas été réécrites 100 fois, je suis souvent partante. Donc, en ce qui concerne « La chute de la maison Usher » de Poe, je vote pour.  Et je vous le dis tout de suite, j’ai bien fait!

De quoi ça parle

Alex Easton est « Sworn Soldier » et a connu l’horreur à la guerre. Quand elle reçoit une lettre d’une amie d’enfance, Madeline Usher, qui lui demande de venir tout de suite car ni elle ni son frère ne vont bien, Alex débarque dans la grande maison Usher, qui est dans un état de délabrement impressionnant et semble attaquée par le lac et la végétation qui l’entoure. Et, effectivement, Madeline et Roderick sont en train de dépérir…

Mon avis

Voici donc ce qui est pour moi une excellente réécriture de la nouvelle originale. Le récit a moins de 200 pages et elle interprète de façon très intéressante La chute de la maison Usher en bouchant certains trous tout en faisant basculer le récit dans l’horreur et le fantastique.  L’écriture, bien que plus moderne que celle de Poe, réussit bien à nous faire ressentir le côté « gloomy » de la maison et de la nature qui l’entoure.  C’est lugubre, humide, poisseux. J’aime beaucoup comment certains éléments de la nouvelle sont repris : le lac que Roderick voit briller, l’attitude de la fratrie… bref, les clin d’oeil sont nombreux et bien placés. 

De plus, l’autrice place son histoire dans un pays imaginaire, avec une langue imaginaire, qui permet d’esquisser le sujet de la non-binarité sans pour autant prendre toute la place dans l’histoire. J’ai adoré son histoire de pronoms. Alex Easton, personnage qui en a vu d’autres, est hyper intéressant.e et je serai ravie de relire ses aventures dans le tome 2. J’apprécie beaucoup son humour, entre autres. Ajoutons ici deux autres personnages principaux : un médecin américain, Denton, et une femme mycologue amateure, Mrs Potter, qui sont apportent tous les deux beaucoup à cette histoire et qui éclairent très rapidement le chemin que va prendre cette histoire. Et savez-vous quoi?  Aucun souci même si on se doute de la voie qui sera choisie. C’est clairement annoncé dès le début et j’ai préféré ce livre à un autre qui a des éléments similaires.  La trame du récit est original est somme toute respecté et malgré tout, T. Kingfisher nous emmène un peu plus loin dans l’horreur. Le récit est… dérangeant!

Bref, une atmosphère réussie, beaucoup de références et un côté inquiétant prégnant du début à la fin. Une très bonne lecture. 

La version qui n’intéresse personne – Emmanuelle Pierrot

Ce roman a remporté le Prix des Libraires du Québec en mai 2024. C’était le seul de la sélection que je n’avais pas lu et dans ma tête, il était aussi bien d’être bon pour dépasser Eric Chacour ou Élise Turcotte. De plus, toutes mes copines ont adoré et ma mère a détesté. Je voulais donc savoir où je me situais par rapport à ces deux extrêmes!

De quoi ça parle

Sacha et Tom sont amis depuis l’adolescence. Ils sont toujours ensemble, ils se disent jumeaux cosmiques, ont eu une enfance assez particulière et ils ont tous les deux fichu le camp au Yukon pour vivre une vie de bums, d’errance et de partys à Dawson, petite ville du Yukon à moitié coupé du monde la moitié de l’année. Dès le début du roman, nous savons qu’un jour, ça va éclater. Et c’est à cette chute que nous allons assister dans ce roman.

Mon avis

Entendons-nous, ce roman n’aurait pas été mon choix pour le prix et ce malgré une qualité indéniable d’écriture et une construction qui avait tout pour me plaire. En fait, ce roman m’a fait me sentir vieille. Mais tellement vieille! Comme dit mon amie Josée, ce roman pue. Mais pour moi, il puait un peu trop, en fait! J’étais tellement, tellement loin du personnage principaux. Leur vie « idyllique » décrite, celle du début est carrément ma vision du cauchemar alors j’ai eu du mal à me plonger dans cette première partie, qui décrit le quotidien d’une population paumée, qui travaille quelques mois par année et qui passe ses nuits à boire, à se droguer, à fêter et à s’envoyer en l’air. Le lange est cru, il y a beaucoup de sécrétions corporelles (j’avoue avoir failli fermer le roman à la mention de « ch… » dans les casseroles car la bécosse était trop loin), ce sont des bums qui, pour la plupart, sont très bien dans leur non-conformisme et leur anarchisme, tout en étant conscient du très haut taux de suicide des alentours.

Je n’ai aucun souci avec la lenteur de l’intrigue, si ce n’est qu’ici, le tout est un peu répétitif (fêtes, drogues, délires) et la relation de Sacha et Tom est assez étrange dès le départ, même si on réalise assez rapidement que ce n’est pas nécessairement très sain tout ça. La relation la plus intime de Sacha, notre protagoniste, est avec Luna, une chienne adoptée par Tom et dont elle s’est toujours occupée. En fait, c’est probablement sa seule relation saine dans tout ce petit monde, les interactions semblent souvent très particulières et surtout basées sur les délires et les partys. Ce que Sacha ne voit pas car elle fait aussi partie de ce microcosme qui a un mode de vie hors du monde, avec une notion de « normalité » inexistante.

Ceci dit, quand ça commence à déraper, j’ai eu des échos d’un épisode désagréable de la fin de mon adolescence, alors qu’une fille a décidé de monter tout le monde contre moi sans que je ne sache jamais pour quoi. Même maintenant, je ne sais toujours pas! Mes décisions (et le fait que j’avais un très bon filet de sécurité, ce qui n’est pas le cas de la protagoniste) ont toutefois fait que ça s’est limité à être un « épisode désagréable » et que tout est rentré dans l’ordre. J’ai toutefois compris le sentiment d’incompréhension et d’impuissance quand on voit tous nos propos déformés n’importe comment et que peu importe la façon dont on s’ y prend, on ne peut PAS avoir raison. Toutefois, ici, Sacha fait tous les pires choix du monde. Selon mon échelle de valeurs à moi, of course. En plus, toute la communauté a une santé mentale assez vacillante. En fait, dès le début, ses décisions sont complètement contraires à ce que moi j’aurais fait! Sincèrement, dans toutes ces personnes, celle qui prend les meilleures décision, c’est Luna, la chienne! Il y a une bonne dose de méchanceté gratuite, de harcèlement, bref, ce roman, c’est la laideur. Mais la laideur bien écrite.

Pas totalement emballée car peut-être que ce roman n’était pas écrit pour moi mais tout de même une bonne lecture.

Le chef de Nobunaga – tomes 1-2 – Nishimura/Kajikawa

J’ai choisi ce manga sous les conseils de Sylvain Démenti – qui ne l’avait pas lu – pour le Shiny Spring Challenge de Floris. C’était totalement dans le thème et en plus, il y avait du voyage dans le temps et du Japon!

De quoi ça parle

Ken est chef cuisinier à notre époque. Au tout début du manga, nous le retrouvons toutefois à l’époque Sengoku où il atterrit sans trop savoir pourquoi et surtout sans souvenir de son passé à l’exception de ses connaissances culinaires et historiques sur l’époque. Son talent va attirer l’attention du célèbre daimyo Nobunaga, qui va le désigner comme son chef attitré.

Mon avis

Je n’ai lu que deux tomes de ce manga, que je qualifierais comme « bien… mais pas non plus fantabuleux ». En fait, j’aime beaucoup le côté historique, qui nous permettent de rencontrer plusieurs personnages importants de l’époque : Nobunaga Oda, Tokugawa Ieyasu, Toyotomi Hideyoshi ainsi que plusieurs généraux de l’époque. Quand on revient du Japon et qu’on en a entendu parler en long, en large et en travers, c’est top. Disons que je ne les mélangerai plus! Ici, Nobunaga est dépeint comme un chef de guerre puissant, sans pitié mais aussi très charismatique. C’est profondément ancré dans la culture japonaise de l’époque, on y voit plusieurs traditions et le dessin nous permet de voit le Japon imaginé de ces années-là, que j’ai aimé imaginer en me promenant des les rues lors de mon voyage.

J’ai toutefois moins apprécié le côté « nourriture ». Lucky me, j’avais mangé pas mal de mets japonais lors de mon voyage alors je comprenais un peu ce qu pouvait être innovant ou particulier. J’ai du mal à croire au rôle si important du chef dans toutes ces négociations mais je comprends l’intérêt du truc pour lier toute cette histoire. Dans ces deux premiers tomes, il n’y a pas d’explication sur la raison de sa présence et il ne semble pas vraiment perturbé. J’espère que ça va arriver plus tard dans la série mais j’aurais aimé que cet aspect soit présent plus rapidement.

Ceci dit, je vais poursuivre ma lecture au moins jusqu’au tome 6 vu que je les ai jusque là! Je pense qu’il y a 37 tomes en tout alors j’imagine que la trame va s’épaissir!

Illusions perdues – Balzac

Ce roman faisait partie de ma liste ultime de 2024. Bon, c’est d’ailleurs le seul que j’ai lu à date. Je sais, c’est fort mal parti. Et c’était aussi mon premier Balzac. Il n’est jamais trop tard pour bien faire!

De quoi ça parle

Lucien Chardon, jeune homme de province, a de grandes ambitions : il souhaite devenir un grand écrivain. Un homme d’influence. Parrainé par Madame de Bargerton, dame en vue d’Angoulême, il va aller à Paris pour tenter sa chance. Et vu le titre, vous pouvez deviner que ça ne se passera pas nécessairement bien.

Mon avis

Les Illusions perdues, ce sont d’abord celles de Lucien face au monde littéraire et à l’univers de l’édition. Mais ce sont aussi celles de sa famille face au dit Lucien et à son caractère. Car disons que le jeune homme n’est pas facile à aimer.

Quel défi pour un auteur de nous faire suivre un personnage à ce point antipathique, à ce point inconséquent et de nous garder captivés! C’est que ce Lucien prend systématiquement toutes les mauvaises décisions, il considère que tout lui est dû et il est impossible de ne pas soupirer à le voir tomber systématiquement dans tous les pièges qui sont tendus par la bonne société parisienne. Entendons-nous, je n’ai pu lire le tout d’unt traite. J’étais tellement, tellement fâchée à plusieurs reprises que je devais refermer le volume pour me déchoquer! Presque tout le monde est détestable dans ce roman, à l’exception d’Eve et David Séchard ainsi que des membres du Cénacle, cercle d’écrivains rencontrés à Paris. Lucien était jeune, naïf, certain que tout lui souriait mais jamais il ne va apprendre de ses erreurs et il va entraîner à sa suite tous ceux qui l’aiment.

Nous avons ici une dénonciation du mercantilisme du monde littéraire et de l’univers de l’imprimerie de l’époque. On y explore aussi les méandres administratifs des clercs et avocats qui ruinent leurs clients à coups de frais et procédures coûteuses et souvent inutiles. Les déboires de David Séchard avec son père (le vieux cr…) ainsi que de son entourage fait peine à lire. Non mais comment peut-on en arriver là! Balzac a le don pour créer de nombreux personnages, tous crédibles, tous définis, et à les rendre étonnament vivants. Il nous plonge dans les faux semblants, dans les codes et les hypocrisies quotidiennes et on manque d’air parfois.

Bref, une très bonne lecture pour moi. Pas toujours facile à lire car les chapitres sont longs, la prose est typique de l’époque et nous avons besoin de toute notre concentration pour bien profiter de la plume et du propos, tout en profitant de la complexité des personnages. Avec la fin (et surtout la rencontre de la fin), j’ai bien envie de lire Splendeur et Misère des Courtisanes maintenant!