Beneath the Sugar Sky – Wayward Children – 3 – Seanan McGuire

Le comment du pourquoi

Quand je commence une série j’ai l’habitude d’en lire plusieurs tomes d’affilée… et d’oublier ensuite. Je suis donc en plein trip Seanan McGuire alors je binge. Ouais, je suis comme ça. En plus, j’aime beaucoup. Ça aide.

De quoi ça parle

Les pensionnaires de Miss Eleanor West en ont déjà vu d’autres mais, tout de même, quand une fille habillée d’un énorme gâteau tombe du ciel dans l’étang, ils sont quand même surpris. Encore plus quand la fille – Rini – révèle être la fille de Sumi… décédée avant sa conception. Elle doit donc la récupérer et la ramener dans son monde avant de disparaître complètement.

Mon avis

Ok, dans les trois livres de la série, c’est tout de même celui que j’ai le moins aimé à date… tout en l’aimant beaucoup. Nous suivons donc 5 jeunes à Confection, le monde de Rini, qui ressemble franchement à Candyland. J’ai eu envie de manger des gâteaux tout le long. Même que j’ai cuisiné. Et ça, croyez-moi, c’est PAS normal!

Cora est arrivée depuis peu. Elle est grosse, en forme et vient d’un monde de sirènes. Nadya est née avec un seul bras et vient d’un drowned world. Nous retrouvons aussi Christopher et Kade (mon pref), que nous avions rencontrés dans le premier tome. Ensemble, ils vont donc tenter de faire revivre la même de Rini et de détrôner la Queen of Cakes, qui est mystérieusement revenue. J’ai bien aimé me balader dans ce nouveau monde et d’en découvrir les rouages.

Ce qui m’a moins plu, c’est quand dans les premiers tomes, il y a un côté doux-amer et aussi des pertes. Ici, le fait de voyager entre les mondes est limite trop facile, ce qui enlève presque quelque chose à la quête des autres jeunes. Ceci dit, il y a toujours beaucoup de diversité (quoique j’ai un petit bémol avec la jeune fille à qui il manque un bras qui le retrouve dans son monde…), c’est super queer, très ouvert, weird… j’aime. Et la carte des mondes… j’aimerais trop la voir. Genre que je VEUX cette carte. Et je continuerai la série. Bientôt.

Apeirogon – Colum McCann

J’avais sélectionné ce roman dans les favoris de Lisa Giraud Taylor et j’avais prévu vloguer ma lecture pour un futur concept vidéo. Heu… comment dire. J’ai rien vlogué du tout. J’ai subitement perdu l’intérêt pour la vidéo. Donc on s’entend, je ne suis pas dans ce mood pantoute. Mais j’avais quand même envie de le lire genre là, maintenant.

De quoi ça parle

Bassam est Palestinien. Rami et Israélien. Bassam est le père d’Amir. Rami est le père de Smadar. Les deux fillettes ont été tuées par le « camp adverse » dans la situation inextricable où se retrouve la population de cette région du monde, déchirée entre passé, présent, croyances et propagande. Et malgré tout, ils sont amis. Vraiment.

Ce deux hommes existent. L’histoire qui l’entoure a été romancée par l’auteur qui s’est bien entendu beaucoup renseigné sur la situation. C’est à travers ces pacifistes convaincus que nous pourront entrevoir la situation inextricable dans laquelle se retrouvent ces personnes.

Mon avis

Je connais assez peu la situation géopotilique en Israël et en Palestine J’avais pu entrevoir le tout avec les Chroniques de Jérusalem de Guy Delisle (en 2012) mais ici, on s’en va clairement ailleurs. Ce n’est pas un regard de touriste mais un regard de l’intérieur, du quotidien. De deux quotidiens, en fait. De celui d’Israël et de celui de la Palestine, si proches mais si loin à la fois. On entrevoit les check points, les patrouilles, l’occupation (qui n’existe pas selon certains), les peurs, les différences incroyables entre les deux modes de vie. Et je dis « entrevois » très consciemment car l’auteur réussit de manière incroyable à nous dresser un tableau complet et cohérent à travers des fragments, des extraits répétitifs et de très courts chapitres souvent coup de poing.

C’est aussi un récit très poignant car les deux pères sont souffrants mais ils ont transcendé cette douleur en combattant pour la paix. Tant de personnes ont perdu des gens, le quotidien est tellement rempli de petites injustices et de frustrations, c’est impossible de ne pas être touché par ce que vivent les personnages.

L’apeirogon est une figure géométrique comportant un nombre infini et dénombrable de côtés. Chaque chapitre représente l’un de ces côtés, l’une des facettes de ce conflit, de cette situation. C’est d’une finesse incroyable, d’une virtuosité extrême. Nous n’en ressortons pas avec des réponses, ni même avec beaucoup d’espoir, mais un élément de solution… et si la réponse se situait dans l’autre?

Un roman que je recommande fortement à tous ceux que le thème intéresse.

Le Chat, le Général et la Corneille – Hiro Haratischwili

Ça ne paraît pas avec mon ordre de publication étrange, mais j’ai lu ce roman en mars, dans le cadre du mois de l’Europe de l’Est. Celui-ci était dans ma pile, je l’ai donc pris sans trop savoir de quoi il s’agissait, après une discussion fort intéressante dans le chat d’un live de Séverine.

De quoi ça parle

Le roman commence avec Nura, une fille tchétchène, alors que la guerre plane. Elle a toujours vécu dans son village mais a depuis peu rencontré une dame russe qui lui fait réaliser qu’il y a peut-être plus « out there ».

Puis, flash forward plusieurs années plus tard. Nous sommes à Berlin, avec une jeune actrice (le Chat) qui sera engagée par un mystérieux Général pour jouer le rôle d’une jeune femme morte des années plus tôt. La Corneille, un journaliste, sera quant à lui le messager… Que s’est-il réellement passé en Tchétchénie toutes ces années plus tôt?

Mon avis

Voilà un roman bien dense et bien touffu comme je les aime, avec un fond historique, des personnages tout sauf parfaits et une opportunité pour moi d’apprendre. Car avouons-le d’emblée, je connais très peu les guerres tchéchènes, leurs tenants et aboutissants et ma lecture a été un peu (ok, beaucoup) ralentie par les lectures parallèles que j’ai faites pour mieux comprendre. Certains détestent ça mais moi, j’adore. J’ai donc beaucoup aimé ce gros roman.

C’est un roman qui demande du temps. On nous présente les pièces du puzzle dans tous les sens et nous comprenons petit à petit comment les assembler. Sesili (ou le Chat), qui a fui la Georgie avec sa famille, est une jeune femme déboussolée, qui tente de trouver sa place dans un monde qu’elle ne comprend pas vraiment. Elle va se retrouver prise dans cette histoire qui la dépasse et, tout comme le lecteur, être bousculée par les demandes de l’oligarche russe Orlov, à la fois mystérieux et effrayant. Quant à la Corneille, il est rongé par la culpabilité, ayant bien connu la fille d’Orlov, mais a aussi ce réel besoin de savoir ce qui s’est passé en Tchétchénie. Ces trois personnages n’étaient certes pas faits pour se rencontrer mais le voyage va être mémorable.

Ici, par contre, nous nous sommes pas dans un concept de « found family ». C’est un roman dur, qui frappe et qui fait mal. Certaines scènes sont terriblement difficiles à lire. C’est violent, on est bousculé sans toujours tout comprendre car les révélations arrivent goutte à goutte. Chaque personnage est complexe et a ses parts d’ombre. Ils sont parfois impossibles à comprendre, même quand on essaie fort, mais ils n’en sont pas moins passionnants. La guerre, les horreurs perpétrées au nom de celles-ci sur les civils, les méthodes utilisées, ceci prend une dimension très particulière quand ces citoyens des alentours sont encore aujourd’hui soumis à des traitements très peu humains.

Un roman complexe, magnifiquement écrit (ou traduit), qui demande toute l’attention du lecteur, mais que je recommande chaudement. Et cette fin! Bref, une réussite pour moi.

Football Fantaisie – Zviane

Quand je vois un pitch pareil, je ne peux pas résister. C’est que je suis madame grand-n’importe-quoi! Et bon, ceux qui ont peur, je vous rassure tout de suite, il n’est aucunement question de quelque ballon que ce soit (rond ou allongé) dans cette histoire!

De quoi ça parle

Eh boy. Quand je commence un résumé comme ça, c’est que ce n’est pas évident à raconter. L’histoire commence avec deux fillettes qui s’échappent d’un endroit étrange et qui sont poursuivies par des robots-tueurs commandés par un scientifique fou. Elles vont se retrouver dans un archipel étrange au nord de Gaspé où les gens parlent une langue étrange et font royalement ch… le reste du Canada.

Entre les aventures des deux fillettes, les flashbacks dans le passé et les élections fédérales qui révèlent politicailleries et magouilles en folie, pas question de s’ennuyer!

Mon avis

Si vous me connaissez un peu, vous pouvez vous imaginer que le côté grand n’importe quoi de cette histoire me plaît particulièrement. L’autrice a une imagination de folie et cette histoire m’a semblé une fable complètement folle qui parle certes du Canada, de langue et d’identité. Entre le savant fou, les expériences illicites pour manipuler la matière et les habitants en révolte (dont on ne comprend les mots mais clairement pas le sens qu’ils leurs donnent), c’est déjanté, délirant et très intéressant. On y trouve des références à Maurice Richard, au FLQ et (je crois) aux carrés rouges et j’adore ces petits « wink wink » à l’actualité. Zviane tape souvent dans le mille et a le don pour illustrer les dérapes et dérives de notre belle société, tout en restant dans un monde fantaisiste et en nous laissant tirer nos propres conclusions. Ça me plait davantage comme façon de faire que les leçons de morale.

Ceci dit, si j’ai aimé l’histoire, je reste moins fan du trait de Zviane et je n’adhère pas toujours à tous ses choix graphiques. Ici par contre, le code de couleurs et la ligne du temps sont bien trouvés (je rêve ou c’est la première fois qu’elle fait une BD en couleurs), c’est dynamique et le rythme est juste parfait. Cette grosse BD de 520 pages se dévorent toutes seules et j’ai pris plaisir à chercher les petits détails qui tuent. Il y a aussi clairement un jeu sur le langage/parole (scusez, dans ma tête d’orthophoniste, c’est pas pantoute la même affaire, je peux juste pas les confondre), non seulement avec la république de Banane-banane, mais avec les autres personnages qui sont presque tous un problème de parole (allergies qui rend le savant hyponasal, bégaiement ou une mystérieuse affliction qui fait transformer les /s/ en /f/) ou les enfants qui parlent avec des fautes. Sur ce dernier point, j’ai mis un moment à comprendre… ça me gossait un peu au début mais on s’habitue.

L’une de mes amies a eu un coup de coeur absolu, j’ai davantage de réserves (le personnage de la petite Annabelle m’a éneeeervée alors que mon amie l’adorait), mais c’est clairement un album à découvrir si vous aimez refermer un roman en vous disant « non mais qu’est-ce que je viens de lire là »!

C’Était ma BD de la semaine

Tous les billets chez … cette semaine

Après Céleste – Maude Nepveu-Villeneuve

Le comment du pourquoi

Ce roman est dans les finalistes pour Le prix des libraires du Québec 2022 et je me suis mis en tête de tous les lire. C’est donc pour ça que j’ai lu ce roman, que je n’aurais pas eu tendance à prendre autrement, because le thème. J’aurais manqué quelque chose. 

Et pour la joke, ma mère et moi avions demandé le MÊME roman en MÊME temps à la bibliothèque sans le savoir… et je me suis ramassée à prendre les deux en même temps à la biblio, sous les yeux ébahis du bibliothécaire, à qui j’ai dû expliquer, quand même. Parce que ça avait l’air un peu bizarre! 

De quoi ça parle

Dolores vient de perdre un enfant. Un enfant qui n’était pas né. Elle est retournée, comme ça, dans son village d’enfance au bout du monde, où elle va retrouver sa voisine âgée qui a une jambe dans le plâtre, et rencontrer sa petite voisine d’en face, 8 ans, qui tourne en rond seule chez elle. 

Mon avis

Ce que j’ai pu aimer ce court roman! Pourtant, ce n’était pas gagné. Le thème de la maternité, de la grosesse, me touche somme toute assez peu mais la plume de l’auteur, la façon d’aborder la peine, le deuil et ce désir fou d’enfant étaient juste parfaites. Charmée je suis. 

Dolores se noie dans le chagrin. Ce n’est pas la première fois, pourtant, mais ce n’est pas plus facile pour autant. Elle a fui, fui en arrière parce que les villages d’enfance sont un peu magiques. Ça aurait pu être gnan gnan mais il n’y a rien de développement personnel ou de psycho pop dans tout ça, malgré la voisine qui ressemble à une fée marraine et la fillette émerveillée malgré son chagrin à elle et le petit oiseau à soigner. C’est terriblement juste, les sentiments de Dolores apparaissent en montagnes russes, sans jamais pouvoir prévoir ce qui va la faire exploser ou ce qui va lui permettre de guérir. 

C’est un beau roman qui parle de deuils, de notalgie. Deuil péri-natal, certes, mais aussi de rêves d’enfance, d’amitié, de relations telles qu’elles qu’elles ont déjà été. Dire adieu à l’avant, et accepter que les choses changent et ne se passent pas toujours comme prévu. Certaines phrases sur les souvenirs m’ont touchée droit au coeur, le réalisme magique renforce le côté conte, c’est sensible, touchant et plein de finesse. 

Une autrice que je relirai officiellement. Un presque coup de coeur1

Les survivants – Alex Schulman

C’est après vu Séverine très retournée à la lecture de ce livre que j’ai décidé de me lancer dans ce court roman. Et c’était tout à fait sérieusement pour moi.

De quoi ça parle

Benjamin, Pierre et Nils retournent dans la fermette de leur enfance pour disperser les cendres de leur mère. À travers des flashbacks, nous comprendrons petit à petit leur dynamique ainsi que ce qui s’est passé lors de ce fameux jour, le jour de l’indicent.

Mon avis

J’aime beaucoup les histoires d’enfance et de fratrie, les récits qui nous font entrevoir les événements fondateurs d’une vie. Ce roman était donc fait pour moi. Carrément.

Nous avons une construction éclatée, entre passé et présent à rebours. Très bien faite, très maîtrisée. Ce roman est très ancré dans la nature, on se croirait projeté en Suède. Toutefois, malgré certaines scènes qui rappellent l’innocence de la couverture, le roman est très sombre. Nous avons une famille dysfonctionnelle, des réactions parentales imprévisibles qui rendent les enfants très insécures, comme s’ils marchaient tout le temps sur des oeufs. On sent de l’amour et de la rivalité et on voit les adultes qu’ils sont devenus. Les parents sont blessés, certes, mais aussi alcooliques et souvent maltraitants sans toujours s’en rendre compte.

Si je n’avais pas vu la réaction de Sève, je pense que j’aurais été surprise mais là, j’avais quand même compris certains éléments de l’histoire. Mon côté devin. J’ai aussi trouvé la finale un peu rapide. Par contre, c’est un roman auquel on repense suite à la lecture et une histoire qui, en très peu de pages, crée une amosphère familiale étouffante et prenante. C’est fascinant de voir comment le passé peut conditionner le présent et à quel point un événement dont ne reparle jamais peut avoir de répercussions.

Bref, un roman que j’ai beaucoup aimé!

Les ombres filantes – Christian Guay-Poliquin

De tous les romans québécois sélectionnés pour le prix des libraires du Québec, c’est celui qui me faisait le plus peur. En fait, j’avais lu « Le poids de la neige« , bien aimé, sans ressentir l’enthousiasme de 95% des lecteurs. Si l’auteur est formel sur le fait que ce n’est pas une trilogie, le personnage reste le même que dans les deux autres tomes, tout de même. Et tout ce qui est nature writing et post-apocalyptique, ce n’est pas ma tasse de thé normalement. Et pourtant…

De quoi ça parle

Un homme marche dans la forêt. Il tente d’atteindre le camp familial à travers les bois alors qu’il n’y a plus d’électricité et que les hommes sont aussi dangereux que les éléments de la nature. Et sur sa route va surgir, de nulle part, un petit garçon. 

Mon avis

Est-ce que c’est juste moi ou il y a un côté « Le petit Prince » dans ce roman?  Ce petit garçon blond qui sort de nulle part, qui pose des questions mais qui ne répond pas toujours quand on lui en pose… et qui ne dit pas toujours la vérité non plus… Bref, je pense que c’est cette référence, ainsi que les clins d’oeil aux romans survivalistes modernes, qui ont fait que, finalement, c’est clairement mon préféré de l’auteur. 

Nous sommes toujours dans cette écriture au « je », un peu hachée, aux phrases courtes. Toutefois, l’auteur réussit à merveille à nous faire ressentir la forêt, à faire ressortir en nous tout l’imaginaire de la forêt, autant son côté fabuleux que cauchemardesque. Toutefois, il y a un but à tout ça : le camp familial, où tous les oncles, tantes et quelques cousins sont réunis. Sauf que la famille, ce n’est pas toujours simple, surtout quand les générations se côtoient. Et vivre ensemble, ça devient vite étouffant. 

Ce côté post-apocalyptique, ce retour à la terre aux causes qui restent fort mystérieuses, c’est étrangement réaliste et ça fait réfléchir. A-t-on tous besoin de la même chose? Peut-on repartir à neuf? L’homme est-il vraiment un loup pour l’homme? 

Une autre belle lecture pour ce Prix des libraires du Québec. Franchement, j’aime beaucoup la sélection de cette année. 

FastForward – Robert Pasternak

Cet ouvrage, paru chez Moelle Graphik, est décrit comme une histoire complète en soi. C’en est probablement une. Mais pour moi, c’est davantage une oeuvre d’art. Lire cet album, c’est accepter de perdre ses repères et de ne pas chercher à tout comprendre. Dans mon cas, je n’ai clairement pas tout compris. Genre, vraiment pas. Étrangement, ça ne m’a du tout dérangée et ça n’a aucunement nui à mon plaisir de lecture.

C’est que chaque planche fascine. J’ai passé de longues minutes sur chaque page, faite de couleurs franches et de formes géométriques. L’auteur joue sur les classiques 12 cases, avec divers thèmes et variations sur un même thème. On passe de la terre à l’espace, les personnages de notre histoire côtoient les robots et les astéroïdes. Certes, l’histoire est accélérée mais la lecture ne l’est absolument pas. Pour apprécier, il faut prendre son temps, observer chaque page et chaque planche et, parfois, avoir l’impression de comprendre quelque chose et de discerner un pattern ou une thématique. Entendons-nous, je ne connais pas l’oeuvre de Robert Pasternak alors dès que je croyais « voir » quelque chose, je faisais limite une danse de la joie mais juste me casser la tête pour trouver ue possible signification me poussait à réfléchir. Oui, ça m’arrive, des fois!

Ceci dit, il faut aimer l’abstraction et les motifs hallucinants et géométriques. Comme j’adore, c’était gagné d’avance dans mon cas. J’ai vu plein de choses… quant à savoir si ce sont les bonnes, c’est une autre histoire! Si la couverture vous plaît et que vous avez envie de voir près de 100 pages du même genre, allez-y sans crainte!

Cette confusion sera superbe – Martin Talbot

La réception de ce roman a été pour moi une surprise mais le thème m’a tout de suite intepellée et je l’ai lu dans la journée. Ça n’arrive clairement pas souvent alors ça valait la peine d’être mentionné. Mais bon, l’art, la poésie… ça me parle!

De quoi ça parle

1972, la poétesse Huguette Gaulin s’immole par le feu devant l’hôtel de ville en criant « Vous avez tué la beauté du monde ».

De nos jours, Sarah est une jeune actrice en plein questionnement, Benoit est réalisateur et travaille sur un film au sujet de Gaulin tandis que Daniel, son frère ayant une santé mentale fragile, passe ses journées à la grande bibliothèque à lire et annoter des ouvrages. Tous ces personnages vont revisiter, à leur manière, l’oeuvre de la poétesse.

Mon avis

Les livres qui parlent de livres ou d’art, je ne résiste jamais. Un roman choral en plus, c’était clairement pour moi et, effectivement, ça a été un très bon match avec la lectrice que je suis. Nous avons donc un court roman où l’auteur, par petite touches, nous permet certes d’entrevoir la vie de cette poétesse dont nous connaissons surtout la triste fin (merci Plamondon), mais aussi de réfléchir sur le sens de son oeuvre, sur la santé mentale, la famille et l’art en général. À travers ma lecture, j’ai eu l’impression d’ouvrir quelques fenêtres ouvertes sur des moments de la vie des personnages pour comprendre leur mal-être et leur relation à l’art en général.

Chaque portrait est émouvant mais celui de Benoit m’a particulièrement touchée. L’auteur réussit à merveille à décrire l’amour mais aussi l’incompréhension et l’épuisement induit par les éternels recommencements de son grand frère. Ces portraits m’ont tellement rappelé des conversations avec un ami qui a vécu une situation semblable… Ceci dit, ces portraits sont mis en relation avec la vie et l’oeuvre de la poétesse Huguette Gaulin, alors que le cinéaste (dans le roman) et l’auteur (du roman) tentent d’imaginer ce qui a pu la mener à poser ce geste d’éclat.

Le roman est parsemé d’extraits de l’oeuvre d’Huguette Gaulin, que je connaissais somme toute assez peu, à l’exception d’une ou deux phrases. Sa poésie est un peu surréaliste et pas si facilement accessible. J’ai toujours cru que j’y trouverais un fort message écologique mais s’il est là, je ne l’ai pas nécessairement bien cerné. La plume m’a beaucoup plu et la scène finale, avec un côté très cinématographique, était super bien construite.

Bref, une réussite pour cette nouveauté. Je pense sincèrement que j’étais la bonne lectrice pour ce roman!

La fille d’elle-même – Gabrielle Boulianne-Tremblay

Le comment du pourquoi

Yep, encore un roman pour le prix des libraires du Québec. Celui-ci, j’aurais fini par le lire, ne serait-ce que pour la subline couverture. Non mais elle n’est pas trop belle?

De quoi ça parle

Ce roman est une auto-fiction, écrite par l’autrice et actrice trans Gabrielle Boulianne-Tremblay. Nous allons la suivre de l’enfance à l’âge adulte, alors que tout le monde la prend pour un garçon alors qu’elle sait, elle, dans le fond d’elle-même, qu’elle est une fille. 

Mon avis

Le roman s’ouvre sur un manifeste, celui de personnes trans, qui fait réaliser à tous ce que c’est, au quotidien, d’être trans. Et là, j’ai eu peur. Parce que si j’aime bien lire des écrits engagés, revendicateurs, quand je lis des essais, j’aime un peu moins quand c’est le cas dans des romans. Il faut aussi savoir que je ne connais que deux personne trans et que les deux sont plus vieux que moi. Leurs combats et leurs opinions ne rejoignent pas nécessairement tout ce qui est exprimé dans ce manifeste d’ouverture. Ayant vécu récemment une engueulade assez intense entre deux amis (le cis traitant le trans de transphobe – ce qui est possible – le tout finissant par un téléphone jeté dans une toilette…), je n’ai toutefois aucunement l’intention d’élaborer sur le sujet vu qu’en plus, je ne suis pas la mieux placée pour en parler. 

Mais revenons au roman, très bien écrit, souvent poétique, avec une plume très évocatrice. Nous rencontrons une jeune fille, jamais nommée, qui vit dans un petit village de Charlevoix, au bout du chemin. Elle a un grand frère protecteur, un père absent qui travaille sur la Côte-Nord et une mère qui fait son possible. Pas toujours doux et compréhensif, le possible. Disons qu’au quotidien, la vie n’est pas facile. 

J’ai beaucoup aimé toute cette première partie, pendant l’enfance et l’adolescence. Les vignettes sont des instantanés, qui font vivre sous nos yeux cette petite fille, qui ne comprend pas pourquoi elle ne pourrait porter de talons hauts ou encore porter des robes ou jouer aux barbies. Elle est très touchante avec sa colère et son incompréhension des stéréotypes de genre imposés par la société. J’ai beaucoup aimé ses histoires d’amitié, ses premiers émois, c’est très sensible mais dur à la fois. La famille est clairement dysfonctionnelle, ça ne va pas du tout. C’est vraiment la partie que j’ai trouvée la plus intéressante. J’avais peu lu à propos de cette partie de la vie d’une personne trans. 

J’ai moins apprécié la dernière partie, le début de l’âge adulte, probablement parce que j’avais davantage lu de récits de ce genre. Le personnage principal est tellement différent de moi, réagit tellement différemment, que j’ai eu davantage de mal à comprendre à son ressenti, notamment par rapport au sexe. Toutefois, l’autrice réussit à rendre son alter-ego profondément touchant, profondément humain avant tout. Sa souffrance est palpable, même quand elle vit sa transition. Le regard des autres est pesant et on a mal quand on voit s’effriter sa relation amoureuse. 

Un beau roman, qui ne m’a touchée de façon inégale, mais un roman nécessaire pour mieux comprendre. Un récit d’apprentissage, un passage à l’âge adulte pas facile.  J’ai apprécié la petite lumière qui pointe au milieu de toute cette souffrance et la possibilité de beauté, même après des parcours difficiles et différents.