Je ne résiste jamais à Lovecraft et à l’univers de Cthulhu. Oui, je sais, l’auteur était raciste et xénophobe mais je l’ai lu enfant et la petite fille que j’étais n’a pas du tout interprété ses monstres comme étant une allégorie de tout ce qui est « autre ». Du coup, je reste attachée à cet univers et cette esthétique, même si je lis différemment maintenant.
De quoi ça parle
Quant à cette oeuvre en particulier, elle est basée sur sur des récits de voyage – très factuels, je suis allée vérifier- de Lovecraft à Québec dans les années 30. Les auteurs ont choisi de réinsérer ces écrits, ainsi que l’histoire du Québec, dans le Lovecraftverse. L’Histoire écrite par ceux-qui-savent, quoi!
Mon avis
Cette BD est une oeuvre d’art. En plus de vibrer pour l’univers, je suis fan du travail de Quesnel à l’aquarelle qui donne à ce roman graphique un aspect mystérieux, fantasmagorique. J’ai aimé le mélange des époques, les touches de fantastiques, les références à la pop culture de la fin du 20e (Jason, je pense à toi). L’aspect coulissé de l’aquarelle ajoute encore une petite touche de mystère, de glissement vers ce monde d’en dessous. Chaque planche est remplie de détails et je me suis prise à les admirer de longues minutes. Le texte d’Ariane Gélinas, à la fois poétique et Lovecraftien (les noms… j’ai souvent éclaté de rire), complète parfaitement les illustrations, insérant parfois l’auteur et sa vision du monde.
J’ai beaucoup aimé ici le traitement de l’autre et des monstres qui ne sont pas foncièrement méchants malgré leur aspect. Le parti pris est un beau pied-de-nez aux idées rétrogrades (même pour l’époque) de l’auteur. Ici, on voit les premières nations, les vikings, l’arrivée des Français, jusqu’à la conquête. On croise plusieurs personnages historiques et le côté fantastique de ceux-ci pourra être une bonne introduction à l’Histoire. C’est que ça accroche l’imaginaire et que le côté légendaire, plus grand que nature, est parfaitement réussi!
Bref, un album virtuose, déjanté, éclaté, et une excellente lecture. Réécrire Lovecraft à la sauce Lovecraft, il fallait oser!