Heureux les heureux – Yasmina Reza

De Yasmina Reza, je n’ai lu que du théâtre à date.   Et même si ce roman choral n’est pas du théâtre, il demeure très très théâtral, avec des scènes à la fois ordinaires et grandioses de personnages qui pètent les plombs.   Très « film français ».  Mes copains québécois comprendront!  Je dois avouer que je l’ai écouté en audio, avec plusieurs comédiens, et que ça le faisait.  Je ne suis pas certaine si j’aurais autant aimé à l’écrit, avec tous ces « je dis »… mais vu la narration, le ton et les intonations, j’ai aimé le style, la construction, même si à la fin, je me suis quand même demandé… mais pourquoi tout ça?

Il y a certes un lien mais il m’a manqué un petit quelque chose de plus rassembleur pour bien comprendre l’importance de nous faire passer du temps intime avec des personnages souvent très secondaires.

Mais je m’explique.

Chaque chapitre donne la parole à un personnage, presque à la façon « stream of consciousness ».  On vivra avec lui un moment de sa vie, important ou pas, spectaculaire ou pas, mais qui nous en dira long sur qui il est, au fond.   Et petit à petit, on forge les liens.  On se remet en contexte… il y a quelques « Ah oui! » de révélation et on emboîte petit à petit les pièces du casse-tête.   C’est moderne dans le ton, mais jamais décousu.  On m’aurait toutefois présenté le roman comme un recueil de nouvelles que j’aurais aussi adhéré à cette vision.

J’aime beaucoup le roman choral en général.  Ici, malgré le titre, personne n’est réellement heureux.  Sauf un, peut-être… et il est enfermé!  Certains moments sont drôles, d’autres sont pathétiques, certains sont émouvants.  De certains personnages émane une telle dose de cynisme et d’insensibilité… ça fait un peu froid dans le dos.

Malgré tout, c’est un roman très particulier qu’il vaut, selon moi, la peine de découvrir!  Surtout si vous aimez ce type de construction.

Petit Escargot Rouge – Rascal

Cet album a été le fou rire du soir!  Je l’ai lu entre la boîte à malle et la maison et j’ai franchement éclaté de rire – à la grande surprise des voisins – juste avant d’ouvrir la porte.

 

C’est l’histoire d’un petit escargot très lent.  Une seule phrase dans tout l’album!  Mais pour ce petit escargot, il s’en passe des choses!  Il voit le monde!

 

Avec le graphisme en noir et blanc (la seule touche de couleur est le petit escargot), tout en contrastes, les petits cherchent le fameux escargot qui se promène sur le mur, vers la maison, dans la forêt.  Pour ma part, je l’ai utilisé pour travailler le lieu avec les enfants, au présent et au futur.    Mais c’est surtout avec les petits petits qui l’ont aimé et qui se sont amusés à nommer ce qu’ils voient, souvent en partie.   C’est un plaisir de les voir s’éclairer quand il trouvent l’escargot!

 

Bref, une seule phrase… mais aucun doute, on comprend le sens de lentement!

Melvile – 1- L’histoire de Samuel Beauclair – Romain Renard

Quel bel album!  Je me demande juste comment j’ai pu passer à côté depuis tout ce temps. . C’est que ce n’est pas une nouveauté.  Ce premier tome est sorti en 2013.

Melvile est un village imaginaire, qui a beaucoup de choses en commun avec la forêt québécoise.   Bon, certes, les personnages parlent « français-de-France », mais les images, les paysages… même les poteaux électriques… tout me parle.  Limite que je m’y sens chez moi.    À Melvile se balade a également un frisson magique, légendaire, L’atmosphère de la BD est une totale réussite.

 

Samuel Beauclair est écrivain mais un écrivain en panne.  Il a écrit un premier roman mais refuse obstinément de rappeler son éditeur ou ses créanciers   Dans l’ancien bureau de son père, écrivain célèbre mais décédé alors que Samuel était enfant, il tente de se retrouver lui-même, alors que l’ombre de son paternel célèbre pèse lourdement au-dessus de lui.

 

Ayant un besoin pressant d’argent, il répondra un jour à une petite annonce pour repeindre une maison et il finira par se lier d’amitié avec David et sa soeur, les propriétaires.  Des portes qu’il avait bien fermées vont devoir se rouvrir…

 

Le graphisme de la bande dessinée est juste ce que j’aime.   En peu de texte, juste avec le visuel, on nous transporte dans les années 80, dans cet endroit un peu magique.  Il y a un flou presque onirique dans certains aspects du dessin, les émotions sont palpables et j’ai vécu avec Sam cette remise en question, cette crise de la trentaine (ou quarantaine), ce face à face avec lui-même.

 

Il y aura trois tomes… et le 2e est déjà sorti.  Je le lirai officiellement!  Et vite à part ça!

 

C’était ma BD de la semaine et c’est Stephie qui recence le tout!

Éloi et le cheval de joie – Roxanne Turcotte/Maxime Lacourse

Pour cet album, Roxane Turcotte est partie des images.  Un album à l’envers, un peu comme ceux qui ont été publiés par le musée des beaux arts.   Les images avant, celles de Maxime Lacourse, un artiste québécois contemporain.   Et à partir des oeuvres, intérieurs et oeuvres équestres surtout, on a créé un joli conte où un petit garçon et son cheval veulent semer la joie dans le monde, à tous ceux qui en ont besoin.

 

J’ai eu peur à la première page.  Peur de la grandiloquence ou de l’abondance bons sentiments dégoulinants.  Pour vous donner une idée, les yeux ce velours baignés d’amour… ça m’a inquiétée…  Pourtant, non.  Le texte n’est jamais lourd mais juste poétique.  Les mots sont choisis mais ils restent accessibles, du moins pour mes 6-8 ans.   L’idée de donner à chacun ce dont il a besoin, et que ce n’est pas pareil pour tout le monde, me plaît beaucoup.

 

Mais mon coup de coeur reste quand même l’oeuvre picturale.  C’est doux et triste à la fois… toujours avec une note d’espoir.  Ces regards indirects, ces fonds texturés, ces tristesses infinies avec des notes d’espoir.  Ça m’a énormément plu.  Et l’idée de faire découvrir l’art aux jeunes ne peut que m’enthousiasmer!

 

Un ode aux rêves et à l’imagination dans notre monde, souvent violent.

Une jolie découverte.  Tout à fait mon genre, finalement!

Oranges are not the only fruit – Jeanette Winterson

C’est sur la chaîne Youtube de Jen que j’ai entendu parler de ce roman jeunesse.   Elle mentionnait qu’à son adolescence, ce roman l’avait sauvée pendant la découverte de sa bisexualité.   Comme j’aime bien lire des romans sur les différentes facettes du passage à l’âge adulte et de la découverte de soi, quand je l’ai vu dans la biblio d’une copine, je l’ai emprunté.  Et je l’ai lu.  Of course hein.  Sinon je n’en parlerais pas ici!

 

Ce qui se passe dans ce roman est tellement loin de ce que j’ai vécu que j’ai eu du mal à bien m’identifier au personnage.    Jeannette a grandi dans le nord de l’Angleterre, dans une famille très religieuse.  Fanatiquement religieuse.   Leur vie tourne autour de l’église.  C’est tellement exagéré que c’en est drôle (je l’imagine à la radio amateur… this is kindly light, this is kindly light… my god…).  Et sachant que c’est autobiographie, on ne peut que compatir.  Toutefois, Jeannette Winterson en parle avec beaucoup d’humour ici, en anglais (sérieux, cette entrevue est géniale).  Elle y dresse un portrait de sa mère complètement déjanté!

 

Jeannette, alors adolescente, a eu sa vie toute tracée pour elle par sa famille et son milieu.  Elle suit cette route… jusqu’à ce qu’elle tombe amoureuse.   D’une femme.  Ce qui n’entre pas du tout dans les plans de sa mère, qui la veut missionnaire ou preacher.  Son éducation religieuse et sa façon de mettre la religion partout (normal, elle ne connaît rien d’autre) est hilarante et totalement incomprise de tout le monde.  Ceci donne lieu à des situations complètement folles mais aussi très tristes, d’une certaine façon.

 

Ce roman, c’est l’histoire d’une jeune fille qui décide de suivre sa voie à elle.  Elle est drôle, intelligente, souvent frondeuse et parfois impertinente et apprend à accepter qui elle est dans une situation complètement folle, une société, une grande famille, qui la considère comme damnée, une fille pour qui il faut prier.  Et c’est sa découverte de cette autre possibilité qui nous est racontée ici.

 

Je pense que si j’avais lu le roman ado, j’aurais aimé davantage.  Dans le cas présent, j’ai bien aimé, mais je me suis sentie plutôt loin de l’histoire et des problématiques de l’héroÏne, aussi sympathique soit-elle.

Dessine-moi un petit prince – Michel Van Zeveren

Non mais avouez!  Comment résister à  un titre pareil?  Et à une couverture si mignonne?  Je suis fan de ces lignes épurées, de ces dessins simples avec des personnages super expressifs.  C’est vraiment agréable de voir toutes les émotions passer sur le visage de Petit Mouton!

 

À l’école, il y a un autre Petit Mouton qui sait super bien dessiner.  Il sait dessiner un superbe Petit Prince.  Mais notre petit mouton à nous est nul en dessin.  Il ne sait RIEN reproduire.   Il va donc voir sa maman… sauf que petit mouton ne retient pas des voisins!

 

Cet album est vraiment mignon.   Il nous parle de créativité, il nous parle aussi d’unicité et de confiance en soi, même quand on part avec une prise dans certains domaines.   Maman enseigne à voir le monde différemment, à porter son attention sur les petites choses.  Et bon, quand on regarde avec le coeur… on voit les choses différemment, non?

 

Hommage à l’imagination, aux efforts et à la merveilleuse capacités des enfants à s’émerveiller devant tout!  J’aime d’amour!

 

Merci L’école des loisirs!

 

Vague d’albums… en vidéo!

 

Dans les prochaines semaines, vous verrez beaucoup d’albums sur le blog.  D’habitude, j’en présente un chaque dimanche mais là, ce sera plus… 4 par semaine.  Du coup, j’avais envie de vous en parler un peu, de vive voix.  Parce que j’aime parler des albums.

 

Ici, je voux parle donc de:

 

C’est donc… la première partie de trois\

Et ça dure 12 minutes.  Lucky you!

Meuh où est Gertrude? Benoit Dutrizac/Bellebrute

Ce sont les illustrations qui m’ont fait choisir cet album.  C’est plus fort que moi, des animaux rigolos, je ne résiste pas.  Rajoutez à ça des jeux de mots, qui me rappellent deux copains à moi qui en faisaient à toutes les deux phrases… tout à fait ce genre… et je suis vendue!  J’ai beaucoup aimé cet album!

 

Le petit veau est triste : il ne sait pas où est sa maman.  Et comme maman vache est une pro des devinettes et des jeux de mots, les animaux de la ferme décident de le faire rire… en faisant un gros party de devinettes!  Ah oui!  Ils en profitent aussi pour s’agacer (s’étriver?  se moquer) les uns les autres.

 

  • Pourquoi le mouton a-t-il puni son agneau?
  • Parce qu’il a fait des bêeeeeetises!

 

Que font la poule et le coq quand ils se voient?

Ils se bécotent-cot-cot-cot!

 

Vous voyez le niveau?  J’adore.

Oui, je sais.  Il m’en faut peu pour rire comme une folle.  Question blagues, j’ai 4 ans d’âge mental.  Ça doit être pour ça que j’ai autant de fun à devoir jouer avec des enfants en guise de boulot!

 

Pour ma part, je l’ai utilisé pour reconnaître des syllabes et des « petits mots » dans les grands.  On a aussi regardé « les mots qui se ressemblent ».    Avec d’autres cocos, on a plus travaillé le « pourquoi c’est drôle » (l’un m’a dit que c’était drôle parce que je riais et parce que je faisais une drôle de face en riant… no comment!)  et ça a permis de faire un pont entre la forme du mot et sa signification.

 

Mais ces images! J’adore!

Les animaux sont vriament mignons et en plus, elle sont pleines de détails qui font rire les enfants.  Spéciale dédicace qu petit poussin caché dans le pantalon du cochon… un coco a failli s’étouffer!  Il y a aussi beaucoup d’originalité dans le traitement des images, avec des absurdités (mais que fait le cochon dans l’arbre!) et beaucoup d’images d’action à décrire.  J’aime énormément les images dont on peut parler.  Ça permet d’utiliser les albums à plusieurs fins différentes.

 

Une maman m’a chicanée par contre… son coco a un peu TROP aimé les blagues… et les raconte toute la journée.  Gage de succès, non?

 

Merci Fonfon!

 

 

L’Assommoir – Émile Zola

Rien ne m’arrête. J’ai lu le 7e tome des Rougon-Macquart.  Mais je dois avouer qu’après de telles émotions, après avoir été en colère pendant les trois quarts du roman, j’ai besoin d’une pause.  Et j’espère franchement que le prochain est moins lourd.

 

Nous sommes donc à Paris.  Et nous sommes quelques années avant les événements du Ventre de Paris car Claude Lantier est encore enfant.  C’est l’histoire de sa mère, Gervaise, fille d’Antoine Macquart et soeur de Lisa (celle du Ventre de Paris).  Gervaise s’est laissée séduire par Lantier, a eu deux enfants de lui, ils sont montés à Paris… et Gervaise a bien dû réaliser que Lantier était un total salaud quand il l’a plantée là après avoir pris tout l’argent et l’avoir copieusement insultée.

 

Pourtant, Gervaise est honnête et travailleuse.  Elle est blanchisseuse, propre et elle sait bien qu’elle doit se tenir loin de l’alcool, y ayant été initiée très tôt par sa mère.  Elle va se remarier à Coupeau, tout aussi travailleur qu’elle.  Puis un jour, il va avoir un accident.  Et tout va basculer.

 

C’est à la descente aux enfers de Gervaise et de sa famille que nous assistons, impuissants et de plus en plus enragés.  C’est un roman qui est profondément ancré dans son époque, ce que j’ai dû constamment me marteler en tête tout au long de ma lecture, que j’ai dû refermer à plusieurs occasions.  C’est une plongée dans le monde ouvrier, dans ses misères  et ses pièges.   Dans ces pages, nous vivons avec eux leur quotidien: travailler, réussir à ramasser assez de sous pour manger et payer le loyer.  Ou pas.  Gervaise n’a pas des aspirations très élevées : avoir un coin pas trop sale, travailler, manger du pain, ne pas être battue.  Et même pour ça, ce n’est pas gagné.  Comme vous pourrez le voir.

 

Ce qui marque dans le roman, c’est la condition de la femme à l’époque, totalement dépendante de son mari, même quand le dit mari ne fout rien à part se saouler la gueule et dépenser l’argent qu’elle gagne.   Et la battre au passage. C’est aussi la méchanceté ordinaire, le cruauté du petit monde qui nous est présenté.  On sent que Zola n’est pas particulièrement en amour avec ses personnages.  Ils sont dé-tes-tables.  On ne peut faire confiance à aucun des habitants de l’immeuble où habitent les Coupeau, à commencer par la belle-famille de Gervase, les Lorilleux.  Leur principal plaisir?  Insulter « la banban » et se faire une fête quand il lui arrive quelque chose de mal.  Quant aux concierges, ils suivent l’argent… comme plusieurs autres d’ailleurs.

 

Un roman sur les ravages de la misère et de l’alcoolisme.   Un roman lourd, dur.

La plume de Zola n’est toujours pas ma préférée (mais qu’est-ce qu’il peut répéter des expressions!) mais ça ne me choque plus comme au début.   Une chose est certaine, il réussit comme personne à nous transporter dans ses univers… et, dans mon cas, à me faire enrager!

 

 

Où est ma maman? – Julia Donaldson/Alex Scheffler

Le Gruffalo, c’est un classique.  Du coup, quand on m’a proposé de lire celui-là et que j’ai vu le thème et les illustrations, je n’ai pas hésité.  Comment résister à cette jungle luxuriante!

 

C’est donc l’histoire d’un petit singe qui a perdu sa maman.  Il se croit perdu quand un papillon va décider de l’aider à la retrouver.  Il va donc la décrire, et le faire assez bien d’ailleurs.  Mais pourquoi le petit papillon est-il toujours aussi mélangé?!?!

 

En tant qu’orthophoniste, j’adore décrire les ressemblances et les différences.  Travailler les réseaux sémantiques, quoi.   Du coup, cet album est parfait pour ça.  On explore quelques animaux de la jungle, en les décrivant et en faisant des liens entre eux.    On explore rapidement les différences entre eux ainsi que les ressemblances.  Mais si ça ne suffit pas de dire que maman singe a une queue qui peut s’enrouler (et que papillon mélange avec un serpent) et qu’elle aime bondir (quoi?  une grenouille?), que va devoir dire le singe?

 

Les cocos ont beaucoup ri des erreurs du petit papillon et au moins deux ont eu des yeux émerveillés quand ils ont compris POURQUOI le papillon était aussi loin du compte!  Ceux qui sont habitués aux devinettes m’ont bien mentionné que « le papillon, il ne s’occupe pas de TOUS les indices »!  Un m’a proposé de jouer avec lui pour bien lui apprendre (ce qui nous a fait mourir de rire, sa maman et moi).   Bref, il y a tout plein de choses à exploiter, ça fait rire les enfants et ça permet d’ouvrir sur plusieurs autres activités du même genre.

 

Ajoutons à ce contenu un texte rempli de rimes, une initiation aux dialogues et des images colorées, attrayantes et remplies de détails.   On est transporté dans la jungle, les couleurs sont vibrantes et les personnages très mignons.  Bref, ça me plaît et ça plaît aux cocos.

 

Que demander de mieux?

Merci Gallimard Jeunesse!