Parfois, certains romans atterrissent chez moi sans que je ne sache pourquoi. Ne riez pas, je suis certaine que ça vous arrive aussi. Celui-là, je le jure, il est APPARU. Je ne savais pas du tout que je l’avais et en cherchant un roman hongrois pour le défi de mars de Madame lit, je l’ai soudain repéré, tout rouge sous une pile. Ouais, les piles de livres aussi apparaissent… il ne faut pas chercher à comprendre.
Ce roman a été publié en 1970 (et réédité en 2017, pour le 100e anniversaire de naissance de l’auteur) mais il nous raconte les aventures de Gina, une jeune fille hongroise de 14 ans pendant la seconde guerre mondiale. Élevée dans l’opulence, elle fréquente des adultes, joue la mondaine, est jolie et un peu orgueilleuse. Protégée et naïve, elle semble en savoir très peu de la guerre, même si son père est général. C’est que la Hongrie fait partie de l’Axe et qu’en apparence, tout va pour le mieux. Elle accueille donc avec un certain déplaisir (voire même un déplaisir certain) la décision de son père de la mettre en pension en raison du départ de sa gouvernante française. Il s’avère en plus que Matula, une prestigieuse école protestante aux airs de château fort (ou de prison, selon la perspective), est fort sévère et que son arrivée n’est pas de tout repos.
J’ai été un peu déstabilisée au début de ce roman. La plume est belle, agréable et soutenue mais le point de vue est d’une naïveté déconcertante à l’occasion. Je n’arrive toujours pas à déterminer si c’est un roman jeunesse ou un roman adulte avec une voix d’adolescente. Ceux qui me connaissent savent que j’adore les histoires d’école et de pensionnat alors personne ne sera surpris de savoir que ça m’a beaucoup plu et que j’ai passé un très bon moment de lecture. Entre les légendes, les coups pendables, les revanches et les amitiés, j’ai beaucoup aimé ces jeunes filles mises à l’abri du monde réel derrière ces épaisses murailles. Les adultes sont encore mieux dépeints que les jeunes filles et on ressent parfaitement l’époque et les bravoures quotidiennes de ces gens qui sont souvent pris entre leur pays et leurs convictions.
La Abigaël du titre, c’est une statue du jardin. Depuis que la célèbre Mici Horn, pensionnaire pendant la première guerre mondiale, a découvert que les mots placés dans la cruche d’Abigaël recevaient généralement une réponse… et de leur auteure de l’aide, Abigaël est une célébrité. À son arrivée, Gina, notre miss mondaine, va trouver cette histoire ridiculissime… pire encore que cette histoire de mariages pour l’année.
Ce petit monde clos est très crédible pour l’époque. Chaque petite chose prend son importance, les amitiés sont intenses, les colères aussi. Bien entendu, l’adulte lecteur comprend rapidement les motivations du père de Georgina et des autres personnages, ce qui lui donne à l’occasion l’envie de secouer tout le monde (Georgina la première) et ajoute un élément un peu anxiogène. C’est un roman que j’aurais ADORÉ lire ado, vu que j’ai toujours été fan des ambiances vintage et des aventures avec danger, amour et romantisme en prime.
Une jolie découverte et une agréable lecture.
Lu pour le défi de Madame Lit, mais je peux aussi participer au mois de l’Europe de l’Est avec ce roman!