Madame Hayat – Ahmet Altan

Je continue dans la sélection du prix des libraires du Québec. Bon, au rythme où je publie mes billets, le prix va être fini depuis loooongtemps quand ils vont paraître mais croyez-moi, je les ai tous lus fin février/début mars. Ah oui en aparté, il a gagné le Fémina Étranger. Ça veut dire qu’il a plu, non?

De quoi ça parle

Nous sommes dans un pays qui ne sera jamais nommé mais qui ressemble un peu à la Turquie, pays de l’auteur. Il a d’ailleurs écrit ce roman en prison, si je ne m’abuse.  Fazil, le personnage principal, était riche mais ne l’est plu. En un claquement de doigts, il se retrouve désargenté, boursier et sans moyens. Pour se faire des sous, il sera figurant dans un spectacle d’effeuillage et c’est à cet endroit qu’il va croiser Madame Hayat, femme libre et fascinante. Il croisera aussi Sila, jeune femme de son âge qui se retrouve aussi en situation précaire. Un actionnaire de son père aurait fait un truc qui aurait déplu au gouvernement et Pouf! Disparue la fortune et la renommée. C’est à travers ces deux femmes qu’il va découvrir l’amour… mais pas que, le tout à travers un pays qui glisse dangereusement sur le totalitarisme. 

Mon avis

J’ai beaucoup lu sur la Turquie il y a quelques années, après avoir visité le pays. Du coup, voir les dérives d’un tel gouvernement m’a énormément touchée. Cet arrière-plan de changement social, la glissade vers la dictature et la répression sont très bien dépeints et notre personnage principal va devoir devenir un homme dans ce monde où il a perdu tous ses repères. Son ancre? La littérature. Et c’est à travers de nouvelles rencontres qu’il va devoir choisir quel adulte il sera. 

Autour de lui, les gens de sa pension. Certains sont militants et excentriques, d’autres ne feront que passer et au milieu d’eux, une fillette. Les relations qui se tissent lentement, la confiance qui se gagne petit à petit et dans une bulle dorée, à l’extérieur, il y a Madame Hayat. Je me suis questionnée à savoir s’il s’agissait de la version mature de la manic pixie dream girl mais si elle a certes une influence sur le personnage principal, elle a beaucoup plus de profondeur que ça. Elle incarne certes la vie, la liberté, mais elle a une vraie personnalité et se moque gentiment des lubie de Fazil. Elle sait une quantité phénoménale de choses, mais pas nécessairement le cursus scolaire habituel et, surtout, elle en a vu d’autres. En tant que lecteurs, nous n’en entrevoyons que des bribes mais ce sont justement ces petits morceaux volés qui vont qu’elle est une vraie personne et pas seulement un fantasme. 

J’avoue que mon départ a été un peu lent. J’adorais la plume mais je me demandais clairement où ça s’en allait. Le personnage principal n’était pas toujours évident à appréhender. Par contre, une fois dedans, j’étais dedans. Ça parle de découverte de l’amour, de perte de libertés, de choix déchirants et de littérature. Le contexte social fait froid dans le dos, la façon dont le pays va perdre pied est très réaliste. Une lecture à la fois dure et lumineuse et une plume que je veux absolument relire.  

6 Commentaires

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  1. Ce titre est dans la sélection de lectures autour de la Méditerranée de ma librairie préférée, il me manquait un avis extérieur pour me décider. Voilà qui est fait !

    1. J’ai été agréablement surprise. Je croyais que j’allais avoir affaire à une manic pixie dream girl/woman mais le personnage de Mme Hayat est plus étoffée que ça. Les aspects sociaux sont top.

  2. Il est dans ma wishlist et ton avis me conforte dans mon envie de le lire.
    J’ai envie de lire davantage sur la Turquie, as-tu un livre, un auteur à me conseiller?

    1. De Turquie, j’adore Elif Shafak. Je n’ai jamais été déçue à date.

  3. Quel billet élogieux.

    1. J’ai vraiment beaucoup aimé. Surtout quand on sait ce qui est arrivé à l’auteur.

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