Dans le cadre de ma future vidéo sur les romans « vintage », on m’a dit que s’il manquait une autrice à ma liste, c’était Winifred Holtby. Ce roman a été publié en 1936, après la mort de l’autrice, qui se décrivait elle-même comme féministe, parce qu’elle n’avait tout simplement pas le choix. Of course, le féminisme des années 30, je suis curieuse!
De quoi ça parle
Nous sommes dans les années 20-30 dans le Yorkshire. Sarah Burton est une femme qui approche de la quarantaine (ou au début de la quarantaine, je ne sais plus) et elle arrive dans la petite ville fictive de South Riding pour prendre le poste de directrice de l’école secondaire du coin. Elle a des idées bien établies, elle est célibataire (mais a quand même un coeur d’artichaut) et fera connaissance avec le conseil municipal de l’endroit : Robert Carne, gentleman farmer conservateur avec une épouse souffrant de maladie mentale, Joe Astell, un socialiste qui veut changer les choses et Mrs. Beddows, première femme échevin de la ville. Et c’est tout ce petit monde que nous allons suivre, alors que des projets immobiliers se profilent à l’horizon.
Mon avis
Voici donc un roman très particulier, assez difficile à décrire de façon à intéresser les gens. Et c’est dommage parce que j’ai passé un bon moment de lecture dans cette petite communauté sur le fil du changement. De plus, c’est vraiment chouette de voir ce que pouvait être le féminisme à cette époque: différent du nôtre mais quand on voit les problèmes et les réalités auxquelles les femmes étaient confrontées, on comprend bien pourquoi il était nécessaire de passer par là. Déjà, Sarah est une femme indépendante, qui sait faire entendre sa voix et obtenir ce qu’elle souhaite. Le tout alors que le rôle de la femme dans la société est très cadré (bref, tu te maries, tu as des enfants, et du t’occupes de ton homme) et il est d’ailleurs intéressant de voir deux dénérations de femmes fortes différentes… mais il y a 90 ans. Bien entendu, il faut s’attendre à des discours de l’époque. Ce qui était progressiste, ce pour quoi les femmes doivent se battre, à l’époque actuelle, les gens qui tenteraient de faire passer ces messages se feraient traiter de Boomer! Mais ça n’empêche pas que ce sont des vrais combats féministes. Et ça, c’est hyper intéressant.
C’est donc l’exploration de ce petit microcosme qu’est un conseil de ville. Mrs Beddows est d’ailleurs basée sur la mère de l’autrice, qui a occupé le rôle d’échevin. Et si vous avez déjà été sur un CA, peu importe la taille… c’est TELLEMENT ça. Toutes les magouilles, les jeux politiques, les petites et grandes manipulations… c’est d’un réalisme assez fou. Même si ça se passe il y a de nombreuses années. De plus, on est à un tournant dans le Yorkshire. Le monde des propriétaires terriens s’effondre, le système (complètement dépassé) n’est plus fonctionnel mais n’empêche que les personnes concernées ne sont pas tous des salauds. Et c’est cette dichotomie qui rend le roman intéressant. Les socialistes n’ont pas tous des bonnes intentions, mais certains en ont et rien n’est tout blanc ou tout noir. En parallèle, nous rencontrons aussi des villageois qui gravitent autour de tout ça, notamment une famille très pauvre dont la fille aînée voudrait échapper au destin qui semble tracé pour elle ainsi qu’un couple qui s’installe pour exploiter une auberge. Le projet immobilier qui se profile va influencer leur avenir et toutes les répercussions des magouilles sont fascinantes à observer.
Ceci dit, le rythme est lent et le charme du roman tient dans la vision de la société campagnarde ainsi que dans l’atmosphère que l’autrice réussit à créer. Pas de rebondissement de folie, mais un vrai portrait d’une époque en transition. Des destins pas toujours, on est loin de la romance cute, même si on sent poindre les sentiments de Sarah. Un bon moment de lecture et des personnages dont je me souviens! Je les ai -presque – tous trouvés attachants, dans toute leur imperfection.