Rue Duplessis – Jean-Philippe Pleau

Je ne pense pas que j’aurais lu ce livre sans ma mère. Elle a entendu dire qu’il était très populaire et a donc eu envie de le lire. Donc je l’ai emprunté à la bibliothèque sans attente.

De quoi ça parle

Jean-Philippe Pleau est né d’un père analphabète et d’une mère qui n’est pas allée à l’école longtemps. Ils vivaient dans un quartier populaire, d’une paye à l’autre, avec tous les préjugés de l’époque et plus particulièrement de cette classe sociale qui n’a pas eu les mêmes opportunités et qui ne les cherche pas nécessairement.

L’auteur est devenu animateur à la radio de Radio-Canada. Le grand écart avec le milieu d’où il vient. Il devient donc un transfuge de classe, étranger partout. 

Mon avis

Ce roman, c’est l’histoire d’une déchirure, d’une migration culturelle. L’auteur est allé à l’université, a côtoyé Serge Bouchard et parle de philosophie à la radio. Radio-Canada, ce n’est pas la classe moyenne. Genre, je suis allée à l’université, je suis née dans cette classe et je serais complètement décalée d’arriver là. L’auteur y est débarqué avec ses expressions truculentes et ses zones d’ombre et d’ignorance. Et ce n’est pas simple. On sent immédiatement que cet ouvrage est le fruit de longues réflexions et qu’il s’est remis en question à de nombreuses occasions. Ici, pas de victimisation mais des faits. Et une mise en relief des différences de classe, même ici, même maintenant. Entendons-nous, l’auteur a mon âge. Donc, très très jeune, n’est-ce pas!

L’auteur nous parle de son parcours, nous abreuve d’anecdotes sur son enfance et les défis quotidiens qu’ont amené son transfert de classe sociale. Si l’auteur a parfois un regard extérieur sur ses parents, sa famille, son milieu, on sent son profond amour pour ses parents sans pour autant romantiser cette esistence qui a été la sienne. Il jette son oeil de sociologue sur son milieu, explique certains comportements, certains préjugés et nous remet en pleine face que même hors du 1%, on ne nait pas tous avec les mêmes opportunités.  On sent également la souffrance, l’omniprésence de cette question pour l’auteur qui ne se sent plus chez lui « nulle part », étranger à son milieu actuel et à son ancien milieu. 

Entendons-nous, avec le travail que j’exerce, j’ai dû lire sur la vulnérabilité sociale, sur les inéquités ainsi que sur la pauvreté. Je n’ai donc pas « appris » en lisant ce texte. Je l’ai commencé en me disant que c’était un peu enfoncer des portes ouvertes. Sauf que j’ai continué. Certes, certaines références sont répétitives mais l’auteur réussit à vulgariser les concepts et à rendre les choses accessibles à tout le monde. Il raconte l’histoire de ceux qui n’ont pas toujours de voix, ceux qu’on ne voudrait pas voir.  Et, surtout, qui ne réussissent pas à toucher la « moyenne » quand ils prennent la parole. 

En lisant ce texte, j’ai reconnu certaines personnes, pas nécessairement de ma génération. Et, étrangement, si j’avais fait le lien avec les gens avec qui je travaille, je n’avais jamais transposé au reste de ma vie. Et, surtout, on en a parlé. Longtemps. Avec plusieurs personnes. Un roman qui ouvre la discussion, qui crée des conversations, je ne peux que recommander. 

2 Commentaires

  1. pour les perspectives de réflexion et discussions ouvertes, pourquoi pas!

  2. Pour la vulgarisation de certains concepts, pourquoi pas.

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