Tiens, des carnets.
Là, j’entends penser ceux qui me suivent un peu et qui savent à quel point j’ai du mal avec plusieurs témoignages et à quel point je crains les « je fais donc pitié mais je suis fort et admirable ». Du coup, je n’en lis pratiquement jamais. Mais pourtant, ceux-ci, il était écrit dans le ciel que je les lirais. Même si ça parle de maladie. Parce que, j’oubliais, en plus d’avoir limite peur des témoignages, j’ai vraiment peur de la maladie. Au point où, parfois, je ne me trouve plus du tout drôle. Et mon entourage non plus d’ailleurs… mais c’est une autre histoire alors passons….
J’ai donc lu ces carnets, qui sont en fait une partie du contenu du blog « Soleil en tête », tenu par Julie Gravel-Richard pendant les mois de sa vie où elle devait composer quotidiennement avec les coups et contrecoups d’une tumeur au cerveau. Et avec cette demoiselle, je savais qu’il était impossible que ça tombe dans le misérabilisme. Et en plus, sa sensibilité me rejoint particulièrement, de même que sa plume, que j’avais déjà croisée dans Enthéos. Et en effet, la rencontre a été réussie, autant qu’elle pouvait l’être avec moi, étant donné le thème.
Julie nous raconte donc au jour le jour – ou presque – son quotidien dans des traitement de chimio. Là, on s’imagine trois cents pages de déprime. Loin de là. Même si elle garde une grande lucidité face à la maladie, aux possibilités, on sent l’espoir, la discipline, la joie de vivre poindre sous chaque mot, même les plus lourds. Et paradoxalement, on sent aussi la fragilité, la peur qui sommeille, même quand elle se pare d’habits de courage. Même avec ces mots quotidien, ces thèmes parfois prosaïques, les mots de Julie Gravel-Richard sont fluides, atteignent leur but et souvent nos coeurs. C’est que ça bouillonne derrière ces lignes. Colère, dépit, rage, joie, tristesse… c’est à travers son parcours au quotidien entre deux salles d’attentes ou campée près du téléphone à attendre des nouvelles que nous la rencontrons, toujours face à cette maladie qu’elle tente de comprendre et de démystifier. Sans jamais oublier ces petits bonheurs qui font que la vie continue. On sent qu’on a affaire à une personne, pas juste à une « malade ».
Et soudain, on regarde les dates et on réalise. C’est long. Les attentes sont folles. Les situations sont parfois incroyables (on pense au travail, entre autres). Et moi qui suis de l’autre côté de la médaille plus souvent qu’autrement et pour qui le temps court, ça remet les choses en place, en perspective. Et même si je ne suis pas dans un domaine où je joue avec la vie et la mort. C’est long une fin de semaine quand on attend.
J’ai beaucoup aimé les recherches, les manières de garder le cap, de se raccrocher, les réflexions sur son vécu. Mais surtout, j’ai aimé la façon dont elle dépeint les gens dans ses carnets. Car il transparaît partout un grand respect pour tous ces gens qui sont sur son chemin pour une raison ou pour une autre. On s’y attache, à ces gens. Et ça donne espoir. Et la preuve que même s’il faut énormément de volonté, ça se vit par le monde, ces épreuves-là. Et c’est possible d’en sortir grandi. Même si après le repos, la vie reprend son cours… aussi folle sinon plus qu’avant!
Bien entendu, l’orthophoniste en neuro en moi a sourcillé à certains détails technico-techniques (dysphasie versus aphasie, par exemple, qui ne sont pas utilisés selon l’étymologie dans le domaine médical, ou encore les fonctions exactes et précises des différentes aires « de langage ») et au fonctionnement des services ailleurs que chez nous. Mais je ne pense pas que ça sautera aux yeux de qui que ce soit. C’est souvent simplifié mais toutes les sources sont citées quand c’est plus technique. Sans pour autant être rebutant. J’aurais peut-être aimé voir davantage de Julie hors-maladie (dans ce cas, on a choisi de cibler les écrits qui allaient dans ce sens pour la publication, mais je crois me souvenir qu’il y avait d’autres types de billets), de sa famille, de la vie loin de la tumeur, même si on sait qu’elle n’est jamais loin. J’ai parfois eu l’impression qu’on ne pouvait pas réellement apprécier les passions de cette dame et qu’on se la représenterait mieux comme femme, malade ou non.
Bref, des carnets au style maîtrisé et agréables, pas déprimants du tout malgré le sujet. Des carnets intimes soit, mais dont on apprécie la pudeur.
20 Commentaires
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Je me souviens très bien de son blog mais j’avais perdu sa trace. je suis très contente de la retrouver chez toi. J’espère qu’on peut trouver son livre en France mais tu parles de carnets et je ne comprends plus très bien comment ça se présente. N’est-ce pas un seul livre?
Mango: Oui oui, c’est un seul livre, mais ce sont des entrées de blog 😉 Un peu épurées et éditées mais en gros, c’est une version papier de son blog « soleil en tête ». j’espère aussi que tu réussiras à le trouver.
J’espère aussi qu’on peut le trouver de ce côté-ci ! (Sinon je note et j’attends les salons…)
Anne: On va croiser les doigts! C’est chez Septentrion.
un livre qui semble très intéressant
Denis: C’est un récit touchant mais jamais larmoyant. Jamais. Et c’est ce que j’ai apprécié, en plus de la qualité d’écriture de l’auteur.
Pas pour moi.
Le Papou
Le Papou; Pas pour tout le monde mais sincèrement, ce n’est pas pénible du tout.
Tu me rappelles que je trade un peu trop à écrire mon billet !
Vais essayer de m’y pencher très prochainement. Il serait idéal que je puisse arriver à le faire fitter en septembre mais j’ai peu d’espoir .. à voir …
Kikine: Allez, tu vas y arriver :)))
J’ai tendance à fuir les récits de maladies/résurrection/chemin de croix et les autobio, mais pourquoi pas ? Cela dit, le sujet touche de près plusieurs de mes amies, donc, en fait, pas super tentée !
Liliba: Moi aussi je fuis normalement. Je n’aime pas le côté « plaignez-moi ». Mais ici, il n’est nullement question de ça et c’est bien écrit. Et si j’y ai survécu, tu le peux!
Pour les mêmes raisons que toi (misérabilisme), je ne suis pas fan de témoignages. Mais ce que tu écris ici m’intéresse vraiment et je vais essayer de trouver ce bouquin. Merci.
Lewerentz: Je te souhaite de le trouver. Le format blog permet de lire petit à petit et sérieusement, il y a beaucoup de positivisme.
Comme tu le décris bien ! J’ai lu ces carnets en direct et je les ai relis sous forme de livre qui forme un tout. C’est dire. Et je l’ai donné en cadeau à un ami qui peinait fait à l’après maladie. Car il y a l’après.
Pour celles qui ont perdu sa trace, Julie a eu une rechute a donc réouvert son blogue mais elle vit présentement une deuxième accalmie et reprend du collier comme enseignante :
http://soleilentete.canalblog.com/
Venise: Ca fait plaisir de la voir reprendre ses activités, n’est-ce pas.
J’avais hâte que tu parles de ce livre. C’est un de mes coup de coeur de l’été. Pour la façon dont elle transige avec cette tumeure au cerveau qui disons-le demeure à ce jour incurable.
Amiedeplume: Je suis contente que tu aies aimé aussi. Julie a toujours eu un moral d’enfer, c’est une fille qui déborde de vie. Sa façon de voir la vie est remarquable.
Un titre qui pose question, en tout cas.
Alex: Je trouve qu’il va très bien au livre.