Je vais commencer par un aveu. Si je connais la condition des femmes en Afghanistan et dans plusieurs pays du Moyen Orient, j’évite généralement de lire trop de fiction à ce sujet. Je sais. Mais je ne SAIS pas. J’ai tellement de mal à croire à la condition des femmes dans plusieurs pays, au 21e siècle… et câline que ça fait mal. Et que ça met en ta…
Ce roman est très fort et je sens que je vais m’en souvenir longtemps. Nous rencontrons deux femmes, à presque un siècle d’intervalle, dont les destins se font écho. Rahima est la troisième d’une famille de cinq filles. Son père travaille pour un seigneur de guerre, Abdul Khalik et se bat contre les Talibans. Il oublie les horreurs de son travail avec de l’opium. Sa mère est à la maison et dans son petit village, les femmes portent la burka et doivent obéissance à leur mari ou leurs frères. Elles n’ont rien à elles et ne sont pas maîtres de leur destin.
Ah oui, je n’ai pas précisé… c’est l’histoire qui se passe au 21e siècle. Comme la famille n’a pas de fils, pour éviter le déshonneur, elle sera élevée comme un garçon et sera une bacha posh. Elle vivra donc une partie de son enfance en garçon. En parallèle, sa tante, bossue, célibataire et considérée comme folle au village, va lui raconter l’histoire de son arrière arrière grand-mère, sa Bibi Shekiba.
Bien entendu, le procédé peut sembler un peu lourd car le récit s’échelonne sur plusieurs années dans la vie de Rahima. Toutefois, cette partie de l’histoire est également passionnante et nous ramène au début du 20e siècle, dans un petit village afghan. Shekiba a été brûlée à 2 ans, dans un accident. Elle porte malheur. Ici, aucune compassion pour le handicap. Il est ouvertement moqué, raillé. Shekiba, forte et travaillante, sera offerte en cadeau, trimballée un peu partout. On cherchera à s’en débarrasser. Jusqu’à ce qu’elle se retrouve, presque par hasard, à se travestir pour devenir garde du harem d’Habibullah Khan, émir d’Afghanistan.
Les deux voix m’ont fascinée et la plume de Nadia Hashimi sert parfaitement son récit. On y traite de l’oppression par les hommes, de la condition féminine qui devient un fardeau dans cette société dans laquelle elles n’ont des droits qu’en façade. La tradition prévaut sur la loi. Le traitement réservé aux protagonistes, l’injustice, les injures… ça brise le coeur. Et ce qui fait le plus mal, c’est de voir d’autres femmes devenir complices de cette oppression, avec parfois plus d’acharnement que les hommes. Le climat est sombre, violent, anxiogène, jusque dans les plus petites actions quotidiennes. Comment savoir si chaque parole ne nous sera pas reprochée? La belle-mère de Rahima, hautement antipathique, reproduit par mimétisme, tradition ou vengeance, les des comportements qu’elle a elle-même vécus et qui l’ont blessée.
C’est percutant, bouleversant, ça nous ouvre les yeux sur une réalité très loin de la nôtre et qui nous est souvent difficile même à imaginer. Ça parle de la condition de femme, de tradition, d’identité, de genre et de domination, le tout dans un décor magnifiquement dépeint, qui donne soif. Un roman qui m’a passionée, qui m’a fait passer par toute la gamme des émotions et qui m’a souvent coupé le souffle…
À lire.