Là où je me terre – Caroline Dawson

Tout ceux que je connais ont aimé ce roman. En tant que grande curieuse, j’ai donc voulu me faire mon propre avis, avec un peu d’appréhension, je l’avoue. En effet, quand il s’agit des mémoires de quelqu’un, c’est toujours un peu délicat au cas où on n’aime pas. Bon, cette précaution était seulement plus ou moins nécessaire, vu que j’ai beaucoup aimé… et beaucoup réfléchi.

De quoi ça parle

Un jour, alors qu’elle était enfant, les parents de la petite Caroline lui ont dit qu’ils partaient, qu’ils quittaient le Chili pour un lointain pays, le Canada. Elle ne sait pas trop pourquoi mais la petite fille qu’elle est va devoir passer à travers la vie de réfugiée et définir qui elle est dans un monde où elle a perdu tous ses repères.

Mon avis

Cet ouvrage nous permet de passer de l’autre côté du miroir et ainsi mieux comprendre l’arrivée au Canada de gens qui ont dû tout laisser derrière eux, non seulement leurs biens matériels mais leur emploi et leur statut social. Les parents de la fillette ont quitté la dictature de Pinochet et arrivent ici en se retrouvant devant rien. Sauf que Caroline ne sait pas vraiment ce qui se passe et vit plutôt sa vie d’enfant, mais loin de tout ce qu’elle connaît. Et comme la fillette veut plaire, veut bien faire, elle va se conformer au moule canadien, à ce qu’on attend d’elle. Être comme ces fillettes toutes pareilles qui sont à son école et qui ont toutes le même nom.

C’est un récit qu’on entend moins souvent que celui-ci. En effet, malgré les mesures mises en place par le pays où arrivent les gens, il demeure que les rapports de force demeurent, même quand ils ne sont pas toujours volontaires. Les parties du récit qui parlent de sa mère sont bouleversants car celle-ci fait des ménages – beaucoup de ménages – pour parvenir à boucler les fins de mois et permettre à sa fille d’avoir le meilleur avenir possible. Et ça fait réfléchir car on réalise l’insuffisance des programmes et des mesures pour permettre aux réfugiés de se réaliser pleinement tout en comprenant que ce n’est pas si simple. Bref, impossible de ne pas se questionner.

Ceci dit, la construction de Caroline s’effectue en reniant une partie de ce qu’elle est et qu’elle devra reconquérir petit à petit, avec des émotions conflictuelles. Jusqu’où doit-on aller pour s’intégrer dans un nouveau milieu? Je crois que c’est une question qui rejoint tout le monde et qui est magnifiée par le contexte d’immigration. C’est un récit émouvant, sensible, qui rend le lecteur profondément inconfortable et ça fait du bien d’être bousculé.

Ceci dit, la voix d’enfant est très mature pour 7-8 ans. J’avais l’impression d’un adulte qui réinterprétait ses souvenirs d’enfant alors qu’on nous disait qu’elle avait « tout de suite su » ou « réalisé à l’instant ». J’ai souvent ce problème avec les voix d’enfant. Toutefois, qui suis-je pour juger des mémoires et de la perception de l’autrice vu qu’elle nous raconte son vécu?

À tenter, donc. Pour voir les choses autrement.

Compartiment pour dames – Anita Nair

J’ai acheté ce roman en 2007, pour une lecture commune du défunt « club de lectures des blogueuses ». Bizarrement (ironie ici), je ne l’ai pas lu et il est… resté dans la maison, qui sera démolie et à laquelle je n’ai plus accès. Je l’ai donc racheté en ebook pour le lire pour Lisons l’Asie. Welcome to my life.

De quoi ça parle

Akhila a la quarantaine. Elle travaille aux impôts, elle est célibataire, pas par choix. Elle n’a jamais pu vivre pour elle-même, ayant toujours été la soeur, la fille de quelqu’un, ayant des responsabilités envers eux. Un jour, sur un coup de tête, elle décide de partir seule vers Kanyakumari, sur le bord de la mer en Inde et c’est dans l’intimité du compartiment pour dames qu’elle va poser la question qui la hante : une femme peut-elle vivre pleinement sans homme, sans être mariée?

Mon avis

Non mais pourquoi j’ai attendu si longtemps avant de lire ce roman? Je connais très peu l’Inde, que ce soit par sa culture ou sa littérature et ce roman nous ouvre les yeux sur la condition des femmes dans ce pays. Qu’elles soient cultivées ou sans éducation, riches ou pauvres, elles ne restent « que » des femmes et sont donc considérées comme inférieures. Toutes. Leur abnégation et leur générosité n’est que le dû des familles, des frères et la communauté est sans compromis pour celles qui osent s’écarter d’un pas de la route qui a été tracée pour elles. Le récit est à la fois triste mais recèle une note d’espoir, même si la fin ne m’a pas totalement convaincue, le personnage principal s’éloignant un peu trop du portrait que nous en avions au départ. Ceci dit, j’ai passé un excellent moment de lecture.

C’est donc un portrait de la condition des femmes au 20e siècle en Inde qui nous est tracé. Vingtième siècle car le roman a été écrit en 1999. Ce sont des femmes ordinaires, des femmes qui doivent exister par milliers en Inde. Certaines ont un destin plus dur que d’autres, mais j’ai aimé ces portraits, ces femmes qui se racontent à d’autres qu’elles ne reverront jamais. C’est parfois doux, parfois révoltant, mais les portraits sont profondément humains.

Akhila, le personnage principal, est une jeune femme vive mais opprimée par une famille brahmane aimante, croyante, traditionnelle… et misogyne. Il y a beaucoup d’humour, des remises en question et une vraie réflexion sur la condition de ces femmes, si différentes et semblables à la fois. Bref, à découvrir!

L’étrange traversée du Saardam – Stuart Turton

J’avais bien envie de lire autre chose de l’auteur de Evelyn Hardcastle et j’ai sauté sur l’occasion quand on m’a proposé celui-ci. Je l’ai ouvert sans savoir quel était le genre de l’ouvrage et savez-vous quoi? Je ne vous le dirai pas non plus. Parce que c’est vraiment cool de lire sans savoir s’il y a du surnaturel ou non dans cette histoire.

De quoi ça parle

Nous sommes au 17e, sur la lointaine île de Batavia, alors que le Saardam se prépare à prendre la mer pour Amsterdam. À son bord, le gouverneur de l’île, sa femme, sa fille, son entourage et deux prédicateurs. Dans la cale, emprisonné et isolé de tous, le célébre détective Samuel Pipps, accusé d’une sombre affaire. Le seul qui ait vraiment des contacts avec lui est Arent Hayes, son garde du corps. Quand de mystérieux signes commencent à apparaîtrent sur les voiles et que des messages se font entendre, on craint une vieille malédiction et Hayes ne peut pas toujours faire appel à son génie de patron pour l’aider à tout comprendre.

Mon avis

Voici donc un roman fort divertissant, avec un huis clos sur un bateau au 17e, un détective génial (mais enfermé), un sidekick-rédacteur-de-mémoires qui n’a pas confiance en lui comparativement au génie qui l’emploie, un gouverneur qui maltraite sa femme, sa fille trop intelligente, un équipage de malfrats, des prédicateurs/exorcistes ainsi qu’une histoire de malédiction et de vaisseau voué au désastre. Ça a un côté très Agatha Christie, vous ne trouvez pas? Comme je vous le disais d’entrée de jeu, je ne vous révélerai pas si nous avons un côté fantastique comme dans Evelyn Hardcastle mais on passe un bon moment avec cette histoire et les pages se tournent toutes seules.

Comme l’auteur le dit lui-même, il a pris certaines libertés avec la langue et le fonctionnement d’un gallion et je suppose qu’il y aurait eu davantage de monde à bord de ce navire. L’auteur prend son temps pour mettre en place l’atmosphère et pour nous faire connaître les nombreux personnages qui sont à bord. Si certains ont trouvé ces parties un peu longuettes, c’est pour ma part ce que j’ai préféré. Ces petits moments, ce bateau qui craque de partout et où le diable rôde.

Une histoire de vengeance, d’amour, de trahison, de croyances et de bateau maudit. Une histoire qui parle aussi en arrière plan de colonisation, de la chasse au sorcières (ou aux démons) et de la situation des femmes à l’époque. Sara, la femme du gouverneur, est maltraitée par son mari mais tente, à sa manière et en fonction de l’époque et des convenances, de se réaliser du mieux qu’elle le peut. Il y a un aspect féministe assez prépondérant dans le récit, autant dans le personnage de le femme du gouverneur que dans la pétillante maitresse de celui-ci, Creesjie, qui séduit pour arriver à ses fins ou encore d’Isabel, pupille du prédicateur. Et ce qui est bien dans tout ça, c’est que le tout reste tout de même assez ancré dans le 17e et ses façons de faire. Nous avons des femmes fortes mais pas non plus complètement anachroniques en fonction de leurs rôles.

Ceci dit, je reprocherais peut-être une fin un peu tarabiscotée et je me souviens que j’avais un peu le même sentiment pour Evelyn Hardcastle. Ceci dit, les pages se tournent toutes seules et l’histoire a su garder mon intérêt. Bien aimé!

Lettre à toi qui m’aimes – Julia Thévenot

C’est dans le cadre d’un vlog « lisons les favoris de booktubers » que j’ai lu ce roman, qui avait été recommandé par Alex bouquine en Prada. Le vlog aura-t-il lieu? Je n’en ai aucune idée (ouais, je suis et resterai toujours moi), mais bon, je l’ai lu, bien aimé, et je vais vous en parler.

De quoi ça parle

Pénélope est membre d’un groupe de rock et quand ils accueillent un nouveau membres, Yliès, elle réalise vite qu’il flashe sur elle. Penny, elle, elle ne sait pas et oscille entre oui et peut-être. Sauf que que quand elle elle fréquente Côme, le « oui » est très clair… et ça va lui faire réaliser qu’entre elle et Yliès, ça ne va pas être possible. Ce n’est pas ÇA…

Mon avis

Nous avons à faire à un très court roman ados au sujet d’une histoire d’amour qui n’aura pas lieu. L’originalité? Le point de vue est celui de la jeune fille qui a dit non. Celle qui a brisé le coeur d’Yliès, son ami. Ça change avec plaisir des habituels récits de ceux qui ont eu le coeur brisé et c’est rafraîchissant. Il faut savoir que j’ai souvent été celle qui était comme « ouais… je t’aime bien mais… non ». La reine du friendzoning! Du coup, j’ai beaucoup aimé lire les questionnements et les angoisses de cette jeune fille qui ne veut pas faire de mal mais qui a peut-être flirté un peu, quand même. Est-elle allée trop loin? L’a-t-elle fait marcher? Est-elle la bitch de l’histoire?

Ici, la jeune fille est profondément humaine. Elle n’est pas parfaite, se questionne et a peur de briser son groupe d’amis et de son groupe de musique. Les réactions de tous ne sont pas toujours à son goût, pas toujours agréables non plus mais ils sont surtout réalistes. La lettre qu’elle lui écrit est touchante, une lettre de non-amour. Yliès est gentil et drôle pourtant. Ils s’entendent bien. Et bon, Yliès et Pénélope, ça sonne bien, non? Mais ce n’est pas « ça ».

J’ai lu que plusieurs avaient trouvé Pénélope détestable mais moi, pas du tout. Elle m’a plutôt touchée car les sentiments, ça se contrôle difficilement. Par contre, les vers libres ont moins fonctionné avec moi, contrairement à ceux de d’autres auteurs ou autrices. Les rimes, assez peu pour moi. Bref, j’ai aimé le propos, le point de vue, mais moins la plume.

L’avez-vous lu?

Le fou et l’assassin – 3e trilogie de Fitz – tome 1

Retrouver FitzChevalier Loinvoyant et tout son petit univers, pour moi, c’est doudou. Clairement. Vous savez, quand on aime tellement un monde et des personnages qu’on leur pardonne un peu tout? C’est tout à fait ce qui arrive pour moi avec cette série, surtout quand ça implique Fitz et le Fou!

De quoi ça parle

Si vous n’avez pas lu les deux premières trilogies de Fitz, même dire de quoi et de qui ça parle, ça va vous spoiler. Vous voilà avertis.

Plusieurs années ont passé et Fitz habite maintenant à Flétrybois avec son amour d’enfance. Toutefois, étant donné son usage de l’art, ceux-ci ne vieillissent pas au même rythme et comme Molly est persuadée d’être enceinte alors qu’elle a depuis longtemps sa ménopause, Fitz et Ortie craignent pour sa santé mentale. Toutefois, quand un messager arrive et semble avoir été assassiné sur le domaine, on réalise que les ennuis de Fitz ne sont pas terminés, loin de là.

Mon avis

On va s’entendre, je suis une fan finie de cet univers. Je suis tellement attachée à ces personnages que je leur pardonne toutes leurs – fréquentes – conneries. Biaisée, donc? Tout à fait. Mais il n’y a rien à faire, quand j’ouvre l’un de ces romans, je suis totalement embarquée dans l’histoire et je ne veux que connaître la suite. Même si les persos se sont mis dans la schnoutte tout seuls! Oui, à ce point. Et dans ce tome, non seulement personne n’est parfait mais côté décisions douteuses, que ce soit chez Fitz, Umbre, Ortie, Abeille ou les autres, on est gâtés ici. Mais je crois que c’est justement ce qui fait que je les aime tellement: ils sont humains, faillibles, ne font pas toujours ce qu’ils ont prévu de faire, disent parfois des énormités et font des erreurs. Il y a certes des vrais gros méchants mais à part ceux-ci, on reste souvent dans la nuance. Et ça, j’aime.

Dans ce tome, nous avons une introduction assez lente qui nous permet de replacer les personnages et de bien comprendre ce qui s’est passé pendant les années qui ont passé depuis la fin de la 2e trilogie. J’étais comme contente de les voir un peu paisibles, pour une fois. Il y a deux parties assez distinctes, un événement marquant au tiers du roman et un dernier 100 pages qui va à toute vitesse. Et j’adore. Même si je vois les faiblesses d’écriture, même si la voix d’enfant n’est parfois pas toujours enfantine, même si les personnages ne semblent pas voir des choses qui sont évidentes comme le nez au milieu de la figure. Rien à faire, malgré la désagréable Évite, je suis accro.

Et que dire de cette fin! Ça donne envie de se jeter sur la suite.

Partie qui spoile un peu… juste un peu

Entendons-nous, même si j’aimais bien un certain personnage, je n’étais pas fâchée de sa disparition, qui permet à Fitz d’évoluer. Sa douleur, la découverte de son rôle de père, avec toutes les erreurs que ça implique, la création de son lien avec Abeille, tout ça m’a énormément plu. Ce dernier personnage, qui a plusieurs traits qui rappellent l’autisme (même si ça peut être expliqué autrement), a une vision un peu différente du monde et elle me plait bien. L’incompréhension qui l’entoure et les réactions qu’elle suscite font comprendre à quel point la différence fait peur.

Et les retrouvailles… Bref, je suis fan. Malgré tous les malgrés!

Iron Widow – Xiran Jay Zhao

J’ai lu ce livre dans le cadre d’un vlog – qui paraîtra peut-être d’ici 6 mois – car c’était le choix de Karine la bouquineuse, une booktubeuse québécoise. De toute façon, avec cette superbe couverture, je le voulais hein! Une histoire avec des méchas, basée sur l’histoire de l’impératrice Wu Zetian, avec des personnages inspirés de figures historiques chinoises, ça me parle, vous comprenez!

De quoi ça parle

Nous sommes dans un univers SF/Fantastique qui est calqué sur la Chine. L’humanité a été décimée par une attaque extraterrestre il y a 2000 ans et la guerre avec les Hunduns – des êtres de métal – dure depuis ce temps le long de la grande muraille. Les humains combattent dans des Chrysalides, d’immenses structures contrôlées mentalement par un homme et une femme. Le problème, c’est que la femme y survit rarement. Le monde en général est un univers horriblement sexiste donc tout le monde trouve ça normal.

Dans un petit village frontalier, Wu Zetian décide de s’engager dans cette armée afin de venger sa grande soeur. Sauf que lors de son premier combat, à la stupéfaction de tous, elle survit.

Mon avis

Je suis la voix discordante parmi les éloges en ce qui concerne ce roman. J’ai souffert. De bonnes idées, un univers à la Pacific Rim, la Chine, une femme forte et enragée mais une réalisation qui est loin de m’avoir convaincue.

Avant de me tomber dessus, je suis féministe. Les idées, ça va. Mais la manière de les faire passer… J’ai eu l’impression qu’on mettait l’histoire au services des idées au lieu du contraire. C’est très « in your face », très appuyé, c’est répété, répété, répété… j’avais compris la première fois, en fait. L’univers est vraiment sexiste. Les femmes sont vendues en mariage ou à l’armée, n’ont pas de droits, ne sont là que pour être au services des hommes, qui ont tous les pouvoirs. Si elles meurent, on s’en fout. Zetian a raison d’être en cr… Sauf que le roman m’a semblé une succession de commentaires et d’insultes sexistes et de Zetian qui sort une réplique hyper féministe et actuelle. Tout. le. long. Il y a très peu de nuances, il y a des bons et des méchants et pas vraiment d’entre deux. Et ça je n’aime pas. Assez pour faire voler le roman. Alors que j’étais fondamentalement d’accord avec les idées présentées.

Mon autre problème? Le développement de l’héroïne. Elle est plus forte que tout le monde, n’a pas besoin d’apprendre, elle sait. Personne ne lui a montré comment diriger ces monstres d’acier avec son esprit mais elle est meilleure que tout le monde. Elle a toutes les meilleures idées, réussit à les réaliser, a de l’influence, certaines scènes sortent d’un peu nulle part (la scène avec An Lushan… c’est comme… what!?!?) et surtout, surtout… aucune femme n’est bien, sauf elle. À un moment, j’ai eu le goût de hurler. Tous les hommes sont des salauds, sauf deux. Bref…

Le world building est très peu développé, l’écriture est basique… Je me suis dit à un moment donné que la seule chose qui pourrait sauver le truc, ce serait… (insérer le truc en question) et à la fin, c’est ce qui est arrivé. Ça ne veut pas dire que je vais lire la suite mais bon, nous verrons.

Grosse déception donc, vu que j’avais d’énormes attentes. D’accord avec les idées, mais tout le reste ne m’a pas plu. J’ai eu l’impression d’avoir un mix entre en cours de féminisme 101 et des leçons de morale, en plus d’être prise pour une conne, vu qu’on avait besoin de tout me dire 20 fois. Voix discordante, vous disiez? C’est limite drôle. Ceci dit, de nombreuses amies ont a-do-ré. Vous pourrez vous faire votre propre idée!

Mukbang – Fanie Demeule

Vous reprendrez bien un peu de Fanie Demeule? Toujours, n’est-ce pas! Et celui-ci commence comme si de rien n’était… mais quel ouvrage. J’en ressors complètement « chouquette », comme dit ma nièce!

De quoi ça parle

Kim Delorme ne s’est jamais sentie aimée et intégrée dans sa famille. Sa vie est sur internet, ses passions sont les jeux vidéos et les réseaux sociaux. Dès qu’elle le peut, elle part pour sa future carrière : youtubeuse professionnelle. Elle va par la suite découvrir l’univers des mukbangs, ces vidéos où des gens ingurgitent de grandes quantités de nourriture.

Mon avis

J’ai été sincèrement, mais sincèrement par surprise par ce roman. Le début monte en puissance et juste au moment où je commençais à me dire que ça devenait un peu longuet, ces histoires de bouffe (il faut dire que je venais de faire une soirée poutine avec mes neveux et que j’avais d’avance un peu mal au coeur), il se passe un truc, la perspective change… et je n’ai pu le refermer avant de l’avoir terminé. C’est tellement ancré dans notre époque, tellement révélateur de l’obsession des réseaux sociaux et de la popularité que ça fait mal. Kim, l’héroïne, est perdue et ne sait pas qui elle est pour elle-même, tant qu’elle est « quelqu’un » pour des milliers de gens qu’elle ne connaît pas. Et c’est tellement triste, surtout qu’elle le voit, le vide derrière ses yeux et son sourire.

Extrêmement dérangeant, la glissement s’effectue et l’isolement s’installe. Encore une fois, le thème de l’obsession est très bien exploité par l’autrice et si la caricature peut être humoristique au départ, on réalise rapidement qu’il n’y a rien de drôle dans la situation. On part de petites vidéos youtube lisses qui se prennent au sérieux, toutes en petits surnoms pour les abonnés, en phrases bien-être qui ne veulent rien dire et en mises en scènes : l’univers du paraître et de l’artificiel. Puis, soudainement, le mukbang. Et la dérape.

Comme lectrice, j’ai ressenti un grand malaise mais également, bien malgré moi, le sentiment d’urgence de Kim et le déplacement des priorités vers le virtuel. Tout ça sans comprendre comment on peut en arriver là. Pour le moins déstabilisant, surtout qu’en trame de fond, on entend s’agiter les profiteurs. La deuxième partie nous permet de comprendre comment on a pu en arriver là et nous rencontrons d’autres personnages qui gravitent autour de Kim. Ceux-ci ont été impliqués dans son histoire et quand on réalise, quand on comprend… c’est encore une fois extrêmement dérangeant.

Si j’ai regardé les codes QR au début de ma lecture, j’ai rapidement abandonné pour ne pas interrompre ma lecture. Je dirais que ça se lit très bien sans mais bon, je manque peut-être de quoi et je ne le sais pas!Ceci dit, un vrai portrait de la cyberdépendance qui nous fait réfléchir aux conséquences sur nous-même et sur les gens qui nous entourent.

Lakesedge – Lyndall Clipstone

Dans ma grande sagesse, je me suis dit « c’est le mois de la fantasy, pourquoi ne pas en profiter pour lire les romans reçus dans mes box YA ». Le tout juste après avoir eu envie de jeter un livre par la fenêtre. Pas. Une. Bonne. Idée. J’ai encore une fois failli arrêter après 100 pages. Mais j’ai continué. Parce que je suis psychorigide. Et j’ai quand même bien fait car la fin m’a davantage plu que le début.

De quoi ça parle

Violeta et son petit frère Arien ont très jeunes perdu leurs parents et ont été recueillis par une femme très pieuse, qui réagit très mal au fait que le petit Arien ait des rêves étranges, qui semble liés au Mal. Elle le punit assez violemment et Violeta a voué sa vie à le protéger. Un jour, lors d’une cérémonie au village, Arien est repéré par Lord Sylvanan, qui décide de l’emmener à Lakesedge, son dommaine corrompu, sur le bord d’un mystérieux lac. Bien entendu, Violeta va les suivre pour s’assurer qu’il ne lui arrive rien.

Mon avis

Faisons ça simple : atmosphère réussie, idée de base intéressante mais personnage principal in-sup-por-ta-ble. Ici, nous avons donc comme progatoniste la fille-qui-veut-protéger-tout-le-monde-quitte-à-se-sacrifier. Tout le temps. C’est toujours la même histoire, elle a des réactions incompréhensibles et j’ai eu le goût de la secouer pendant une grande partie du roman. Elle croit qu’elle seule – alors qu’elle n’a aucune expérience avec la « corruption » – peut sauver tout le monde et fait systématiquement le contraire de ce qui lui est suggéré. Un bout d’un moment… *eyeroll* En fait, tous les personnages sont un peu insipides et clichés. On a l’impression que l’autrice voulait cocher certaines cases, sans que ça apporte quoique ce soit à l’histoire. Et la relation amoureuse principale… je ne comprends pas du tout ce qu’ils aiment l’un de l’autre. Mon préféré était… le méchant.

Quant à l’histoire, elle avait plein de potentiel, mais on dirait que nous restons en surface et que nous ne comprenons pas vraiment ce qu’est la fameuse corruption. Les premiers trois quarts se traînent en longueur et la toute dernière partie comporte davantage d’action et de moments qui font très gothique, très creepy. On a l’impression que ça s’arrête au milieu d’une scène mais personnellement, ce type de fin m’aurait suffi. J’aurais même pris un peu plus sombre. Mais ça, c’est moi.

Toutefois, je suis fan de l’atmosphère, du manoir délabré où des voix résonnent et que le lac semble vouloir engloutir. Mais c’est quand même pas mal tout ce qui m’a plu. Dommage car l’univers avait du potentiel. Je pense que je vais me diriger vers autre chose que du YA parce que je pense que j’en ai pas mal mon voyage!

Anima – Wajdi Mouawad

Dans le challenge « Lisons l’Asie », il y avait une oeuvre d’un auteur libanais au programme. J’ai presque triché en choisissant Wajdi Mouawad, d’origine libanaise ayant longtemps vécu au Québec et résidant maintenant en France. Je ne connaissais pas vraiment l’auteur, à part par son théâtre et – oh my… – quel choc! Mais sérieux… QUEL CHOC!

De quoi ça parle

À Montréal, Wahhch Debch découvre un jour le cadavre de sa femme, sauvagement assassinée. Il n’a alors cesse de poursuivre cet homme dont il connaît l’identité mais qui semble insaisissable pour la police. C’est que ce choc réveille des souvenirs d’enfance qu’il croyait oubliés et une question le hante : si on ne trouve pas le coupable, serait-ce lui-même qui a commis cette horreur?

Mon avis

Comme je le disais d’entrée de jeu, ce roman a été un choc. Extrêmement déstabilisant, dur et violent, nous allons assister à la descente aux enfers d’un homme qui perd pied et qui veut comprendre, sans savoir comment il va réagir quand il va arriver face à face avec cet homme. Une quête de compréhension des événements mais aussi une quête de soi pour cet homme né au Liban, heureux dans son couple, qui voit son quotidien se dissoudre suite à ce traumatisme.

Nous assistons donc à une course poursuite à travers l’amérique, en passant par la réserve de Kahnawà:ke et des petites villes perdues des États-Unis, sans trop savoir qui traque qui. La particularité de la narration est que nous n’avons jamais accès aux pensées du personnage principal vu que toute l’histoire est racontée par des animaux qui vont le croiser ou le suivre. Les points de vue sont donc très particuliers, influencés par ce que vit l’animal et son rapport aux hommes. J’ai adoré cette façon de faire, qui donne une vraie originalité au récit, qui est de ceux qui marquent et qu’on n’oublie pas. Chaque animal a sa voix et certains m’ont fait pleurer. Moi.

Deux petits bémols. Je ne veux pas spoiler – et c’est peut-être moi qui ai manqué un truc – mais il y a tout de même une coïncidence assez grosse au centre de tout ça. Si vous l’avez lu, j’aimerais en discuter. Y a-t-il un lien que je n’ai pas vu? Sinon c’est quand même assez énorme. De plus, une scène de sexe était selon moi un peu inutile et pour ceux que la violence animale dérange, il y a une scène en particulier impliquant des chiens… eh boy! Mais le tout s’insère bien dans l’atmosphère glauque, violente et dérangée du roman et presque tout est là pour une raison.

Ceci dit, c’est un roman qui frappe et qui dérange. Une exploration de l’animalité de l’homme, un retour aux instincts de base, qui porte à réfléchir sur la cruauté des animaux, dont l’humain, souvent le pire d’entre eux. Difficile de dire qu’on a « aimé » une telle histoire, un tel degré d’horreur et de trauma mais décidément, une vraie qualité littéraire. Virtuose, mais clairement pas pour tout le monde.

La mer verticale – Freschi/Urbinati

Quand on m’a proposé cette BD, je n’ai pas pu dire non. La couverture, le thème de l’anxiété et des crises de panique, tout me plaisait dans l’idée de base de cette BD. Je l’ai lue dans un moment de très grande anxiété, justement et je n’avais AUCUN souvenir de ma première lecture. Cest donc après l’avoir relue que j’écris ce billet.

De quoi ça parle

India, fin vingtaine, est institutrice et elle adore son métier. Toutefois, son quotidien n’est pas toujours rose car elle doit composer avec des crises de panique ainsi qu’avec le regard des autres sur sa condition.

Mon avis

J’aurai un avis en demi-teinte sur cet album. Nous sommes en présence d’un thème important, dont il faut parler et qui me touche personnellement. Du coup, je ne peux m’empêcher de comparer l’histoire qui nous est présentée avec mon vécu. D’un côté, qui suis-je pour juger de l’expérience de quelqu’un d’autre (je n’ai pas réussi à trouver si les auteurs vivent avec ce trouble) mais de l’autre les « solutions » qui fonctionnent et qui ne fonctionnent pas sont tellement contraires à tout ce que j’ai vécu moi-même que j’ai eu du mal à adhérer à une partie du récit.

Tout d’abord, j’ai beaucoup aimé le dessin, le jeu des couleurs entre les moments où les crises de panique prennent le dessus, sombres, et anxiogènes et la vie quotidienne, davantage dans les tons pastels. J’ai aimé les métaphores, la sensation d’étouffement et de perte de contrôle qui ressort à travers les planches. De plus, la BD met le doigt sur les « petites choses » du quotidien qui font que c’est difficile, autant pour la personne anxieuse que pour l’entourage. C’est que la problématique prend une place énorme dans le quotidien, autant quand les crises se produisent qu’entre celles-ci. Quand sera la prochaine?

Toutefois, la réaction des parents et des collègues est tellement énorme et tellement loin de ce que j’ai vécu personnellement que j’ai eu du mal à y adhérer. Se faire traiter de « sale p*te » en raison de crises de panique? Se faire agresser et se faire dire qu’on est « gonflée » de prendre une médication en public? Comment les gens savent-ils pour quoi sont ces pilules? Bref, c’était gros. De plus, si je peux comprendre une partie de la façon de dealer de l’héroïne, les conseils qu’elle se donne à elle-même sont exactement ce que j’ai tenté de faire avant d’accepter un suivi médical ou psychologique et qui n’ont pas fonctionné. Et tout ce qu’elle rejette comme étant inutile est ce qui a fonctionné pour moi. Toutefois, je suis parfaitement consciente que chaque personne est différente et qu’il n’y a pas qu’une seule façon de faire. Mais c’était loin de moi qui ne suis pas très « psycho pop ». Pas que ce soit mauvais, ce n’est juste pas « moi ». Ceci dit, ce n’était clairement pas à propos de moi non plus!

Une histoire nécessaire, parfois poétique et souvent touchante. À vous de voir si vous connectez ou pas!