De temps en temps, il me prend l’envie de lire un classique. J’ai loin de les avoir tous lus, surtout les classiques du 20e siècle. Je suis donc tombée sur les Mémoires d’Hadrien, et j’ai tenté le coup. Je suis une fille comme ça!
De quoi ça parle
Nous sommes en l’an 138 et l’empereur romain Hadrien, sentant sa fin venir, relate ses mémoires au futur Marc-Aurèle, son petit-fils adoptif, qui sera un jour empereur. Il y raconte certaines épisodes de sa vie militaire et amoureuse.
Mon avis
Présenté comme ça, ça semble plate hein… mais en fait, c’est passionnant. « Je me sentais responsable de la beauté du monde », nous dit Hadrien dans ces pages. Nous faisons donc connaissance avec un homme né en Espagne, dans le grand empire romain. Il est philosophe, cultivé, pacifiste et amateur de culture grecque. Contrairement à plusieurs, il n’avait pas de politique expansionniste et il porte un regard lucide sur sa vie, sa carrière et sa mort qui approche. L’autrice a réussi à s’effacer derrière l’empereur et si elle se base sur les sources historiques, nous sommes davantage sur une exploration de la psyché de l’homme, sur ses croyances et sa vision des événements qui ont marqué son existence.
Si les diverses parties traitent principalement d’une période particulière de sa vie, nous sommes vraiment dans des mémoires et non dans une pure « autobiographie fictive ». Nous avons vraiment l’impression de lire les mots d’un homme qui se sent partir et qui jette un regard sur le passé avec ses yeux de l’homme mur, à la fois bienveillant pour le jeune homme qu’il a été mais il est également assez lucide sur les conséquences de certaines de ses actions passées. Le « je » est ancré dans cette époque, avec les valeurs et les croyances de l’antiquité. La chrétienté était alors une secte et il avait une vision assez biaisée du judaïsme (et de pas mal toutes les religions monothéistes d’ailleurs). Ses propos, malgré sa sagesse, sont biaisés et ne sont pas non plus édulcorés. Le massacre du peuple juif suite à la révolte de Bar-Kokhba est évoquée et s’il est persuadé d’avoir fait la bonne chose pour protéger son empire, le lecteur d’aujourd’hui réalise la vision des choses et la façon de faire de l’époque, ainsi que ce qui était considéré comme « le bien ». Tout le pouvoir qu’avait cet homme, c’est incroyable. Il pouvait faire naître des villes limite en claquant des doigts et sa passion pour un jeune homme, Antinoüs, a changé la destinée de milliers de personnes.
Les parties sur la guerre et les déplacements militaires n’étaient pas nécessairement mes préférées et j’ai préféré les parties plus philosophiques sur la guerre, la paix et l’art et les relations humaines. C’est aussi un récit profondément intime car face à la mort, l’homme est et demeure profondément seul. Cet être intelligent et cultivé nous apparaît très humain, malgré sa grandeur.
Un propos brillant et toujours actuel, une magnifique plume et un roman que je relirai certainement un jour.