Le choeur des femmes – BD – Mermillod / Winckler

J’ai lu le roman de Martin Winckler il y a quelques années et il m’avait beaucoup marquée à l’époque. Les violences gynécologiques, la médecine des femmes, c’est un sujet que je ne connaissais absolument pas avant cette lecture. J’ai donc eu un peu peur d’une adaptation BD mais je dois avouer que c’est ma foi très réussi. Mais je m’explique.

De quoi ça parle

Jean veut aller en chirurgie. Couper, drainer, idéalement pour des opérations compliquées. L’aile des femmes, non merci. Dans sa tête, c’est le département des plaintes et elle, le contact avec les patients, ce n’est pas son fort. Efficacité, efficacité, efficacité. Quand arrive son assignation avec le Docteur Karma pour son dernier stage, disons que ça ne fait pas son affaire et lui, il n’a aucune envie d’endurer l’interne qui ne veut rien savoir pendant six mois. Ils font donc un pacte. Une semaine. À sa manière à lui. Et ensuite, Jean sera libre de rester ou de partir.

Mon avis

Au départ, nous avons un roman, avec une vraie histoire en trame de fond mais qui se veut aussi un commentaire sur les violences gynécologiques, la piètre qualité des soins de santé pour les femmes et le sexisme dans la médecine en général. Ok, surtout. Ça se veut surtout ça. Mais avec une vraie histoire. Vous comprenez donc pourquoi je me demandais comment ce serait adapté en BD. Et sincèrement, c’est une réussite. Aude Mermillod réussit à nous faire nous attacher aux personnages mais aussi à nous présenter des entrevues et des portraits de femmes en tant que personnes. Même si on est en gynéco, on parle de la personne et non de ses parties génitales.

La BD traite donc de mysoginie, de sexisme, du corps de la femme, de sa diversité et de son évolution. Il y a aussi une réelle discussion sur le traitement des femmes en médecine. Le Docteur Karma refuse les diktats de plusieurs de ses confrères/conseurs et aborde ses patientes avec bienveillance et humilité. « Racontez-moi », demande-t-il. À travers la BD, nous allons mieux comprendre son cheminement vers le médecin qu’il est aujourd’hui. Et sérieusement, on vous a déjà fait vous déshabiller au complet pour un examen gynéco? Sérieux? J’ai failli tomber en bas de ma chaise.

Le parcours de Jean, jeune médecin en quête de performance, est particulièrement intéressant. Ce personnage est tout sauf uni-dimentionnel et son évolution est passionnante. J’étais – encore une fois – toute bouleversée à la fin. Une véritable leçon, que je recommande à tout le monde.

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 La Dame n°13 – José Carlos Somoza

J’avais mis ce roman dans mon challenge ABC… 2007. Et je l’ai finalement lu 15 ans plus tard. Non mais y a-t-il quelqu’un qui est vraiment surpris? En fait, je l’ai redécouvert en déménageant ma bibliothèque suite au glissement de terrain car, avouons-le, j’avais totalement oublié son existence.

De quoi ça parle

À Madrid, un jeune professeur poète et une prostituée qui viendrait de Hongrie font le même mystérieux et horrible rêve : un manoir, des meurtres, un mystérieux aquarium aux reflets verts. Quel lien y a-t-il entre ces cauchemars et les treize Dames, les treize sorcières du verbes, qui ont fait de la poésie la plus cruelle des armes?

Mon avis

Non mais pourquoi ai-je attendu si longtemps avant de lire ce roman? Nous sommes clairement dans le registre de l’horreur, entre fantastique et réalisme magique et si les descriptions de tortures ne vous font pas peur, il faut que vous lisiez cette histoire. Il y a du trigger ici!

Je suis toujours fan de ces ambiances nébuleuses où les personnages nagent dans l’inconnu, où il faut accepter de ne pas tout comprendre ou alors de comprendre plus tard. Les coïncidences s’expliquent et la machination dans lesquelles nos personnages, fort différents d’ailleurs, sont pris malgré eux, sans grand espoir de s’en sortir vivants, est terrifiante. J’ai été passionnée par ces 550 quelque pages qui se lisent toutes seules et qui m’ont fait un peu peur. Nous sommes entre rêve et réalité et l’idée de la puissance des mots, de la poésie qui devient une arme qui peut torturer et détruire, sans que personne ne puisse rien y faire. Le références aux mythes, aux muses sont omniprésentes et fonctionnent parfaitement.

Un récit certes un peu gore mais une réflexion hyper intéressante sur le pouvoir des mots et une construction qui fonctionne. Pas de révélation qui nous fait tomber en bas de nos chaises mais une découverte de la réalité petit à petit, bien rythmée. C’est onirique, insolite, terrible et fascinant. J’ai adoré la plume, adoré l’atmosphère, c’était la lecture dont javais besoin à ce moment-là!

Non mais des muses! Des poèmes! Juste pour ça, il faut tenter!

Jackaby – William Ritter

Pour la fameuse vidéo « Ennéagramme » (qui, on se le rappellera, n’est toujours pas tournée), je devais lire un roman qui, selon certains, plaisent à mon type particulier (le 5). Dans la liste, il y avait celui-ci. Que j’avais dans ma pile. Je me suis dit que c’était un signe.

De quoi ça parle

Nous sommes en 1892 et Abigail Rook vient de mettre le pied à New Fiddleham, New England. Toute fraîche débarquée du bateau transatlantique, elle doit trouver un emploi rapidement et elle répond à une annonce chez Jackaby, détective de l’inexpliqué. Il va – un peu à contrecoeur – la prendre avec lui en marge d’une enquête qui, il en est persuadé, implique des créatures surnaturelles. Sauf que, bien entendu, personne ne veut le croire.

Mon avis

Des fois, on a besoin de ça. Vous savez, ce genre d’enquête surnaturelle qui ne casse pas trois pattes à un canard, qui comporte des meutres mais qui a des côtés hyper choupinou? Ben voilà. C’est ce que je recherchais et c’est ce que j’y ai trouvé. Nous sommes donc à la fin du 19e siècle avec une femme bien née et qui a décidé d’aller faire de la paléontologie et qui arrive (un peu malgré elle) dans une petite ville où elle ne connaît personne. Je l’ai bien aimée, cette jeune femme frondeuse, qui ne voit pas l’extraordinaire comme Jackaby mais elle remarque l’ordinaire, ce qui n’a l’air de rien. Elle est entre autres en charge de documenter les enquêtes de son patron, homme fantasque, pas toujours délicat mais fort intéressant. Ça vous rappelle un autre duo? Voilà. Donc, of course, j’ai bien aimé.

L’enquête n’est pas hyper originale mais j’ai surtout aimé l’atmosphère un peu glauque, un peu victorienne (mais aux États-Unis) ainsi que les créatures surnaturelles, parfois démoniaques mais aussi souvent basées sur le folklore d’un peu partout. Et ça c’est chouette. Certaines sont limites mignonnes et les références, les références! Je ne résiste jamais à un roman truffé de références et je crois que c’est ce qui fait que je lirai la suite. Aussi, si ce premier roman était surtout centré sur la découverte de l’univers (j’adore la maison de Jackaby… j’en veux une pareille) et sur l’ajustement d’Abigail dans ses nouvelles fonctions, j’espère que l’histoire va s’étoffer dans les prochains tomes.

Agréable.

Les frères Karamazov – Dostoïevski

On va commencer par éclaircir les choses. J’aime Dosto. J’aime ses grandes diversions philosophico-religieuses, son exploration en profondeur de l’âme humaine et de la Russie de son époque. Mais ÉCOUTER « Les frères Karamazov » en audio (36 heures, je pense), ce n’était peut-être pas l’idée du siècle. Pas pour la longueur… mais tous ces noms, tous ces patronymes, tous ces surnoms! On va juste dire que j’ai mis un moment pour m’y retrouver!

De quoi ça parle

Fiodor Pavlovitch Karamazov a trois fils : Dmitri, exalté, déchiré entre vice et vertu; Ivan, athée, intellectuel et matérialiste; Alexei, idéaliste et très croyant. Il a aussi engendré un bâtard, gentiment appelé Smerdiakov. Fiodor est un homme profiteur, un peu vulgaire, il désire la même femme que l’un de ses fils et semble prendre un plaisir fou à se jouer d’eux. Sauf qu’un jour, il va mourir.

Mon avis

Ce roman a plus de 1000 pages. Et oui, il y a un meurtre. Oui, il y a un procès. Toutefois, ce roman, ce n’est clairement pas que ça. Comme souvent chez Dosto, le propos dépasse largement l’histoire principale et il s’agit ici de dépeindre la Russie de l’époque, avec ses différents idéaux dépeints par les fameux frères. C’est une époque qui se cherche, qui se questionne, tant sur la religion, la philosophie, que sur l’amour et les classes sociales et tous ces aspects sont explorés (parfois longtemps) dans ce gros roman qui nous oblige à tenter de comprendre l’esprit de cet âge. Tout au long du roman, on retrouve ce questionnement sur l’existence de dieu et sur son importance dans la construction de l’âme humaine, sur sa morale ainsi que sur la notion de liberté. La vision de l’auteur est d’ailleurs très claire du début à la fin.

Chaque personnage est fait de multiples facettes, surtout les trois frères, qui sont davantage que leur apparence première. Ils traversent différentes épreuves qui les changent et suscitent questionnements, culpabilité et noeuds au cerveau. Dmitri, qui incarne pour Dosto la vraie âme russe est guidé par ses pulsions mais n’est pas pour autant dénué de morale et il fascine. Exalté, explosif, c’est celui qui m’a le plus accrochée. J’ai aussi bien aimé plusieurs personnages secondaires parfois tristes mais parfois des caricatures assez drôles et assez justes.

La partie la plus connue, le procès, est souvent dramatique mais avec des touches de comédie qui fait ressortir les travers de plusieurs. On a le goût de les secouer, de leur crier leur mauvaise foi et de leur ouvrir les yeux car nous, nous savons. Rageant!

Ce roman devait être la première partie d’une oeuvre plus large, la seconde devant se centrer sur Aliocha, le benjamin. Sincèrement, j’aurais aimé savoir ce que Dostoïevski lui réservait, mais ce roman était toutefois bien assez long comme ça. Car oui, longueurs il y a, il faut l’admettre. Toute la vie du starets Zosime, entre autres… ouf! Mais c’est un auteur que je lirai et relirai encore. Du grand Dosto!

L’atelier des sorciers – Tomes 1-2-3-4 – Kamame Shimahama

Je me suis remise à cette série à cause de ma nièce. J’avais lu le tome 1 il y a quelques années mais ma nièce a tellement aimé cette série qu’elle m’a menacée de ne plus me donner de bonbons si je ne la poursuivais pas. Du coup, j’ai lu les 4 tomes que j’avais à la maison.

De quoi ça parle

Coco a toujours été fascinée par la magie et quand elle était petite, on lui avait offert un mystérieux livre magique ainsi qu’une baguette. Un jour, elle voit quelque chose qu’elle ne devrait pas voir, fait des expériences et un malheur survient. Elle n’aura de cesse que de réparer son erreur, aidée par un sorcier qui enseigne aux jeunes apprenties… sauf qu’elle n’est pas née dans une famille de sorciers et n’est qu’une ignorante!

Mon avis

Non mais c’est mignon comme tout, ce manga! La choupitude, version magie, avec des vrais dangers, un méchant qui rôde sans qu’on comprenne trop pourquoi il agit comme il le fait. Et qui n’aime pas une histoire de magie et de sorcellerie! Ici, il y a une magie un peu particulière, à plusieurs aspects et où la puissance n’est pas seule responsable de la réussite du sort. Et c’est très chouette de la découvrir. Attention, c’est jeunesse! Mais même pour une adulte, je crois que ça peut facilement devenir une série doudou!

Nous avons donc une fillette très naïve comme personnage principal, qui s’émerveille de tout ce qui est magique et de tout ce qu’elle découvre. Elle ne se fait pas confiance (avec raison) et se compare à toutes celles qui étudient avec elle et qui ont, elles, grandi avec la magie. Chacune est très différente : l’une veut aider, l’autre veut prouver quelque chose et une dernière veut faire les choses à sa manière. Le professeur est un ancien enfant terrible et on sent qu’il y a encore beaucoup à découvrir sur l’univers. Il y a plusieurs aventures, chaque tome a des rebondissements et la mystérieuse confrérie qui semble cibler Coco est fort intrigante.

Une série que je conseille autant pour les adultes que pour les jeunes. C’est vraiment cute, les traits sont fins, les dessins agréables et détaillés. Coco est très drôle, l’univers semble riche et il y a clairement des finales pour nous tenir en haleine. Je conseille!

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Babel – An arcane History – R.F. Kuang

Ce roman était LE roman dont j’avais hâte à la sortie. Si j’avais fini et posté le tag de début d’année que j’avais filmé, c’était « my most anticipated new release ». J’ai adoré les deux tomes lus de La guerre du Pavot et là, elle nous proposait un Dark Academia avec, comme toile de fond, l’anticolonialisme. Il me le fallait. Et je l’ai lu dès sa sortie.

De quoi ça parle

Robin Swift est un jeune orphelin né à Canton dans les années 1820. Suite à la mort de sa famille, il est emmené en Angleterre par un riche professeur où il sera formé en latin et en grec afin de pouvoir intégrer la célèbre et puissante Babel, l’académie de traduction d’Oxford. À cet endroit, non seulement on étudie, mais on est aussi responsable de graver l’argent, qui permet à l’Empire britannique de magnifier sa puissance. Ce monde utopique se révèle toutefois traître car nous sommes en plein colonialisme, les guerres de l’opium planent et nos protagoniste se retrouvent à la merci d’un univers qui a besoin d’eux, mais qui ne les accepte pas.

Mon avis

Ce roman c’est… quelque chose. J’étais certaine que ce serait dans mon top lectures de l’année avant de l’ouvrir mais j’ai eu des ups and down. Mais je m’explique. Sans spoiler. Du moins j’essaie.

Nous sommes donc dans un univers qui ressemble au nôtre. Certes, il y a l’argent (le métal… pas la monnaie) qui donne du pouvoir à l’aide de mots traduits en divers langages, mais c’est notre monde. Et la problématique qui y est décrite est réelle. Nous sommes en pleine époque coloniale, l’empire britannique est prêt à tout pour conserver son luxe et son pouvoir et il considère toutes les autres nations comme inférieures. Donc, s’en servir sans scrupule, aucun souci. Nous avons donc un commentaire de premier plan sur le colonialisme mais aussi sur l’industrialisation et le capitalisme. Impossible de le manquer. C’est « in your face » dès le début et c’est répété maintes et maintes fois. Le racisme, à cette époque, c’était terrible et certains passages sont très difficiles à lire. Le professeur Lovell, le « gardien » de Robin est un être… immonde. Et le pire, c’est qu’il représente sans doute assez bien ce que les riches anglais de l’époque devaient penser. Bref…

J’ai adoré le début du roman. Le personnage de Robin et son évolution est fascinante et sa vision très naïve du monde nous permet presque de croire à l’utopie que semble être Babel, avec ces gens de toutes les nations travaillant ensemble. J’aurais aimé que cette illusion soit gardée un peu plus longtemps, j’aurais aimé y croire moi aussi mais je comprends le choix de l’autrice. Ceci dit, les parties qui se passent à l’université, les dissertation sur la langue, le langage, la traduction… j’ai tellement aimé. J’y ai retrouvé cette idée que chaque langue a sa couleur, sa texture et que traduire, c’est trahir. Les explications étymologiques étaient fascinantes, les cours… bref, la partie que certains ont trouvé plus « académique » a été ma préférée de tout le roman. Le système avec l’argent m’a passionnée, justement parce qu’il fait appel à ce qu’on « perd » à la traduction, ce qui reste pris entre deux langues. L’atmosphère de l’université est très bien retranscrite. J’aurais aimé « voir » davantage des interactions positives entre nos quatre personnages principaux plutôt que simplement me les voir expliquées. Ici, on voit surtout les discussions par rapport au racisme mais assez peu les autres. Je crois que le côté « found family » aurait été plus fort – et plus tragique – si on avait assisté à davantage de scènes. Mais je pinaille.

Si je me doutais de comment le tout allait tourner, ce n’est pas plus facile à lire pour autant. La fin nous sort de cet univers douillet et nous emmène ailleurs, où il y a davantage d’action et de violence (en même temps, c’est RF Kuang, il fallait s’y attendre). Dans cette partie, on nous noie littéralement dans le message, avec lequel, soit dit en passant, je suis totalement d’accord. Mais c’est beaucoup de redites et il y a peu de zones de gris. Entendons-nous, dans la situation du colonialisme, il n’y a pas à en avoir. Mais il y a assez peu de place pour la rédemption et les différences interindividuelles. Ça laisse aussi très peu d’espoir au « vivre ensemble », c’est profondément déstabilisant et ça fait réfléchir.

Et parlons langage. Dans un roman qui y accorde autant d’importance, j’ai trouvé particulier de retrouver une façon de parler du racisme très 2020… dans le Oxford de 1830. Les termes utilisés, les thèmes et façons de voir les choses sont très actuelles et font assez anachroniques dans cet univers. Ceci dit, je ne suis pas assez connaissante sur le sujet pour bien connaître les discours contre le racisme de l’époque et dans un univers fantastique, l’autrice peut bien faire ce qu’elle veut. Toutefois, la manière d’en parler était particulière étant donné le contexte.

En résumé, une très bonne lecture qui fait cogiter et qui pourra plaire aux amateurs de romans denses et sombres de l’univers académique, qu’on écorche au passage. C’est savant, bien documenté et argumenté et j’ai été complètement immergée dans l’histoire. Il faudrait que je finisse The Poppy War maintenant.

Il y a 15 ans, j’ouvrais un blogue…

… et je le baptisais en l’honneur de mon coin lecture personnel, ma verrière, où j’ai pris plaisir à lire pendant 20 ans. Quinze ans plus tard, le blogue est toujours là, avec ses hauts et ses bas mais le coin lecture, lui, n’existe plus suite à un glissement de terrain ayant eu lieu en juin. Ceux qui me suivent sur les réseaux sociaux savent, je ne vais pas trop récapituler ici, mais en gros, la maison a été démolie et j’ai eu 30 minutes pour pouvoir récupérer le plus possible du contenu de la dite maison.

Je voulais mes tableaux, mes souvenirs de voyage, mes photos… et mes livres.

Qui aurait cru qu’on pouvait sortir tant de livres par les fenêtres d’une maison en 30 minutes!

Bref, je n’ai plus de maison. Je me suis réinstallée chez mes parents pour passer l’hiver, je lis beaucoup moins que d’habitude… mais je blogue toujours. Du moins, j’essaie. Avec des niveaux de réussite très variables, limite aléatoires!

Avec le temps, j’ai vu disparaître beaucoup des mes blogs-référence mais certains sont toujours là et j’y passe encore avec plaisir, sans toujours laisser trace de mon passage. Je m’amuse avec Instagram (le temps de retrouver mes marques… je n’ai plus mon décor habituel et je suis toute perdue!), j’ose parfois me filmer en train de monologuer à propos de livres sur Youtube et je participe à des Read With Me sur Twitch… mais je n’ai encore jamais compris TikTok!

Bref, je suis toujours là. Et je suis toujours aussi éclectique.

Cette semaine, on m’a posé une question : comment choisis-tu tes lectures? Où trouves-tu tes idées? C’est simple… j’ai 15 ans de vos chroniques et billets en tête. Quinze ans à lire vos coups de coeur, à les noter, les classer, à faire des listes, à relire mes listes. Quinze ans de rentrées littéraires suivies avec assiduité, de challenges aux thèmes étranges et de swaps remplis de découvertes. Et de temps en temps, l’une de ces recommandations me traverse l’esprit… et je l’extirpe de ma pile. Voilà, c’est tout. Simple hein! Le livre hyper hypé de 2009 est devenu la trésor oublié de 2022!

Je me demande donc… et vous, avez-vous déjà lu des livres grâce (ou à cause) de moi depuis le temps? Curieuse je suis!

Comme j’ai toujours du mal à mettre un point final à ce que je fais, je serais bien étonnée de DÉCIDER d’arrêter de bloguer! Peut-être est-ce qu’un jour, ça se fera tout seul, comme je le fais de temps en temps sur la chaîne Youtube… pour mieux revenir pour une ou deux vidéos!

Bref, 15 ans.

Je m’en souhaite d’autres!

Je chante et la montagne danse – Irene Solà

Je sens que je vais avoir du mal à bien parler de ce roman qui m’a fait passer un excellent moment de lecture. Je l’ai reçu par surprise, l’attachée de presse ayant – fort bien – ciblé que ça pourrait me plaire. Et quel beau récit.

De quoi ça parle

Nous sommes dans les Pyrénées catalanes, lieux mythique qui conserve la mémoire de ses habitants, de ses drames et du temps qui passe. Roman polyphonique, avec des voix étonnantes et surtout, surtout une montagne vivante qui, elle, va perdurer.

Mon avis

Des fois, on a juste besoin de beau. C’était ce dont j’avais besoin et ce roman a parfaitement répondu à mes attentes, avec une plume magnifique et poétique, des images fortes, des voix qui surprennent et un temps qui nous file entre les doigts. Nous nous baladons d’une époque à l’autre, dans un petit village qui semble hors du temps, à l’ombre des montagnes grandioses et immuables.

Nous rencontrerons donc successivement un homme frappé par un éclair, une veuve qui a dû élever seule ses enfants dans un univers dur mais superbe, un fantôme qui ne peut cesser de rire, des champignons, un ours ou des nuages. Ceci donne une impressions de fenêtres ouvertes à différents moments dans le temps, juste pour instant, et qui nous font ressentir l’esprit du lieu qui est le véritable protagoniste de l’histoire.

Mais la plume, la plume! J’ai savouré. Imaginez ces voix saupoudrées poésie, de contes et légendes des montagnes catalanes et ça donne un tout délectable. Je conseille à tous ceux qui aiment ces récits lents, un peu oniriques, où ce n’est pas l’action qui mène l’histoire. Pour ma part, ça a été une vraie réussite.

La bibliomule de Cordoue – Lupano /Chemineau

Non mais imaginez. Cordoue, l’an 1000, un autodafé et un bibliothécaire qui veut sauver des livres à dos de mule. Comment on peut résister à ça? Moi, en tout cas, je ne résiste pas et dans ce cas précis, j’ai bien fait car non seulement l’objet-livre est magnifique mais j’ai beaucoup aimé.

De quoi ça parle

Le Calife Al-Hakam II vient de mourir et le vizir al-Mansur conseille le nouveau calife âgé de 11 ans. Certains extrémistes religieux choisissent ce moment pour faire disparaître certains livres qui contredisent le Coran. De toute façon, tout ce que les gens devraient savoir se trouve dans ce livre, non? Le bibliothécaire de Cordoue, qui contient des milliers d’ouvrages d’une valeur inestimable, décide de sauver certains de ces volumes, avec une scribe-esclave ainsi qu’un voleur de grand chemin.

Mon avis

Cette BD est basée sur des faits possiblement réels. C’est à dire que des ouvrages de la bibliothèque de Courdoue, il ne reste pratiquement plus rien. Y a-t-il eu un énorme autodafé comme dans la BD? Peut-être que oui, mais peut-être que non. C’est par contre le point de départ d’une épopée qui nous amènera sur les routes actuelles d’Espagne en compagnie de personnages improbables. Et cette aventure m’a passionnée, rien de moins. C’est intéressant, drôle, parfois absurde, mais surtout l’occasion d’apprendre énormément sur l’histoire de l’époque (le document à la fin est très très bien fait d’ailleurs. Il remet les choses à leur juste place et, entendons-nous, j’ai fait des recherches). Vous savez le genre d’aventure folle où on sent que les auteurs se sont vraiment amusés? J’adore cette bibliomule qui adore les mathématiques et qui n’en fait qu’à sa tête, j’ai éclaté de rire à plusieurs reprises.

Les protagonistes sont tous un peu des anti-héros. Entre l’eunuque amoureux du savoir, l’esclave femme noire copiste et le voleur le plus maladroit du monde, il y a de quoi faire. Un road trip version monde andalou médiéval, certes mais aussi une bande dessinée érudite, remplie de références au monde de la science mais aussi aux contes des mille et une nuits. Je suis conquise, rien de moins.

J’ai adoré la mise en couleur, la mise en page et la façon de nous faire vivre cette histoire. Ça parle de transmission du savoir et des richesse d’un monde qui n’existe plus. Ça parle de ces personnes prêtes à tout pour en sauver les trésors et les connaissances. Le propos est malheureusement très actuel, avec cette relation trouble qui existe entre la science, la littérature, la langue et les extrémismes, qu’ils soient politiques ou religieux.

Un magnifique album. À découvrir absolument.

Tous les billets chez Noukette cette semaine.

Les pénitences – Alex Viens

Je n’ai aucune idée du moment où j’ai pu acheter ce roman. Peut-être au salon du livre de Québec… mais les derniers mois ayant été mouvementés, j’ai oublié certains détails que, normalement, je n’aurais jamais oubliés. Ouais, je suis du genre à pouvoir vous dire que tel ou tel roman, je l’ai acheté à tel endroit, avec telle personne, voire même comment j’avais auto-justifié mon achat. Bref, passons.

De quoi ça parle

Jules rend visite à son père, Denis, vieux punk (que je qualifierais tout autrement) avec qui elle n’a eu aucun contact depuis 10 ans. Elle doit lui apporter une petite boîte et si ces retrouvailles ne commencent pas trop mal, la tension va monter dans un huis-clos anxiogène.

Mon avis

Ce court roman n’est pas un roman qu’on « aime ». Il met profondément mal à l’aise, c’est glauque, c’est malsain et il nous fait presque suffoquer par moments. Dès l’entrée en matière, à l’arrivée de Jules chez son père, on ressent le poids du passé. On comprend que les relations ne sont pas égalitaires et que ça risque de déraper. Et pour déraper, ça dérape.

Le vieux tabarnaque!

On comprend graduellement la nature de la relation entre la fille et son père, faite de brimades, de culpabilité, de manipulation mais aussi d’un terrible besoin de plaire et d’être aimée. Tout au long de la rencontre, l’angoisse monte et les petites choses étrange du début prennent une toute autre ampleur (les c… de pâtes!). La violence psychologique du huis-clos est terrible, presque trop pour moi par moments. C’est tellement loin de mon univers, autant par le lexique que par la façon d’agir du père… Et dire que ça existe! Je suis sortie du roman avec un profond malaise. En fait, c’est réussi parce que c’est clairement ce que l’auteurice tente de faire ressentir. Ce sentiment de perte de contrôle, d’imprévisibilité nous donne l’impression d’être une proie aux aguets et imaginer ce qu’a pu être l’enfance de Jules alors qu’elle ne savait jamais à quelles réactions s’attendre… je n’ose même pas.

J’ai particulièrement aimé le contraste entre les dialogues, très crus, vulgaires, remplis de ces mots qui veulent dire tout est n’importe quoi, et certains passages remarquablement travaillés, qui font justement l’éloge des mots qui donnent du pouvoir. On sent que cette façon de faire a été réfléchie pour bien réfléter certaines réalités. Bref, une voix à suivre car il y a un vrai souffle dans ce récit.