Gagner la guerre – BD – Tomes 2-3-4 – Jaworski/Genet

Ceux qui me suivent le savent, j’adore Gagner la guerre de Jaworski. Avant de me lancer des tomates, JE SAIS. C’est basé sur l’Italie de la renaissance (ou dans ce bout là), ce sont des histoires où les mecs sont les héros, il ne faut pas trop chercher les femmes, il y a une scène de viol assez horrible dedans. Je sais. Mais depuis le début, certes, Benvenuto est drôle mais ce n’est pas un gentil. C’est clair depuis la page 1. Il tue, vole, trahit à foison, sans remort aucun et il évolue dans un univers patriarcal. Il faut le savoir. Mais on est en fantasy adulte et rien à faire, j’adore toutes ces magouilles et ce monde où il n’y en a pas un pour rattraper l’autre. Du coup, la BD, c’était évident que j’allais la lire.

De quoi ça parle

Je crois vous en avoir un peu parlé en intro mais je peux vous renvoyer à mon billet sur le tome 1 (qui est mystérieusement disparu de chez moi) ou sur le roman pour avoir des détails. Mais il y a une guerre avec le royaume de Ressine, la guerre sera gagnée, comme le titre le précise, mais après la guerre, les magouilles ne sont pas finies.

Mon avis

J’aime me replonger dans cet univers. Est-ce que j’aimerais autant si je n’avais pas lu le livre avant? Soyons franche, probabement pas. Le format BD oblige un déroulement rapide des événements, se focalisant surtout sur les éléments violents et nous coupe de ce qui est le plus intéressant : les pensées tordues, rétrogrades mais aussi intelligentes et drôles de Benvenuto qui reste fidèle à lui-même. On l’a un peu dans la BD mais beaucoup moins que dans le roman et si dans ce dernier on n’excuse pas le côté sans scrupule du personnage principal, on peut au moins mieux saisir son schème de pensées.

Toutefois, si vous avez lu et aimé le roman, je suis pas mal certaine que vous aimerez les courses poursuites sur les toits, les duels, les regards de côté et les magouilles des différents personnages illustrées dans la série de BD (il reste un tome à sortir). On comprend facilement l’histoire, Benvenuto et Leonido Ducatore sont machiavéliques à souhaits, tout le monde a une idée derrière la tête et ça se sent. Je suis toujours aussi fan des plans des villes et des paysages. J’ai le tome 2 en noir et blanc et la double page d’ouverture… c’est tellement magnifique!

Ceci dit, l’histoire est complexe et il faut être attentif à qui est qui pour bien saisir les détails et l’ampleur des trahisons diverses et variées. Ici, ça va vite (notamment pendant la période d’exil), nous n’avons pas droit aux suppositions diverses et variées de Benvenuto et il faut s’accrocher pour bien comprendre les buts des différentes factions politiques de Ciudalia. Mais comme je savais d’avance, j’ai passé un bon moment et j’ai enchaîné les trois tomes dans la soirée. Je lirai clairement le dernier. Clairement.

C’était ma BD de la semaine

Tous les billets chez… cette semaine

Pax et le petit soldat – Sara Pannypacker

Encore cette année, le Pumpkin Autumn Challenge nous invite à lire des romans automnaux. Cette année, il faut lire/commencer une duologie. Et en plus, ça se passe dans la forêt alors ça passe parfaitement.

De quoi ça parle

Le père de Peter doit partir à la guerre et il amène son fils chez son grand-père, à 500 km de là. Le seul souci, c’est que Peter a un renard et son père ne veut surtout pas « imposer la bête » à son grand-père. Il va donc devoir libérer Pax, son renard, dans la nature. Toutefois, il réalise vite qu’il doit le retrouver et décide de parcourir le pays à travers bois afin d’y arriver. Pax, quant à lui, doit apprendre à survivre dans la nature et à rencontrer les autres membres de son espèce.

Mon avis

Je ne m’attendais à rien en ouvrant ce roman. En fait, je l’ai choisi non seulement pour le côté duologie mais en raison de la couverture dessinée par Klassen. Je ne m’attendais clairement pas à pleurer à la première scène. L’autrice reste volontairement vague sur l’espace et le temps. On ne sait trop quand se déroule le récit, ni où, et il y a juste assez de références modernes pour que les jeunes puissent se sentir concernés. Genre, nous ne sommes clairement pas au Moyen Âge.

J’ai beaucoup aimé l’histoire, surtout du côté de Peter, qui va faire des rencontres au cours de sa quête et ainsi apprendre à se découvrir lui-même. J’ai toujours un faible pour les passages à l’âge adulte en période trouble. On a une très belle évolution du personnage et on comprend petit à petit les blessures du jeune homme, le tout fait très intelligemment. C’est d’ailleurs ce que j’ai préféré dans ce roman : on fait confiance au jeune lecteur, tout n’est pas prémâché. La plume est très jolie (j’ai juste un souci avec l’utilisation d’un mot… je vais devoir aller valider dans la VO pour bien comprendre) et les deux voix, très distinctes et différentes, tiennent en haleine. Peter va-t-il retrouver son renard. Et Pax, lui, va-t-il survivre dans la forêt alors qu’il n’a jamais mangé autre chose que des croquettes?

On y rencontre de beaux personnages, l’atmosphère est réussie et quand nous sommes avec le renard, nous nous trouvons à penser en renard, en utilisant les sens différemment. Ça parle d’amitié, d’ouverture à l’autre, de responsabilité et d’affection entre l’humain et l’animal. Les illustrations sont très belles et permettent de bien s’immerger dans l’univers.

Une très belle lecture donc et une agréable surprise. Je lirai le tome 2… pour le challenge de l’an prochain.

Bienvenue Alyson – J.D. Kurtness

J’ai lu cette nouvelle il y a quelques mois. J’ai écrit un billet. Et j’ai oublié de le publier, probablement en raison de toutes mes récentes aventures. Donc, voici cet avis. Mes réponses aux commentaires risque d’être… imprécises. Je m’en excuse d’avance. J’avais donc choisi cette nouvelle car j’avais bien aimé ce que j’ai lu de cette autrice innue auparavant (sa nouvelle dans Wapke… j’avais adoré). C’était un peu une valeur sure.

De quoi ça parle

Je ne vais pas trop en dire car nous parlons ici d’une nouvelle de 40 pages. Nous sommes donc dans ma région à moi, près d’Alma, quand Francine, une cinquantenaire, disparaît dans la forêt, quelque chose de plus grand semble se déclencher.

Mon avis

Bâtir toute un univers SF en quelques pages, c’est tout un défi. Ici, l’autrice réussit à mettre en place une atmosphère inquiétante et on sent rapidement que ce qui commence comme une disparition isolée va rapidement prendre des proportions beaucoup plus grandes… et inquiétantes.

J’ai beaucoup aimé l’idée derrière la nouvelle ainsi que le côté nature, forêt. Je suis fan de l’écriture de l’autrice, de son humour et de sa façon de juxtaposer les scènes pour nous amener là où elle veut. Lire une telle nouvelle en contexte de pandémie, ça fait un peu peur mais pas que. Une genre de béatitude pandémique.

Ceci dit, comme souvent pour les nouvelles, surtout en SF, c’est que j’en aurais pris plus. Plus de construction, plus de philosophie sous-jacente, plus de développement des personnages… bref, j’aurais pris un roman, ce qui fait que je suis un peu restée sur ma faim! Ce qui n’était pas le but visé par l’auteur mais, si jamais elle a envie de pondre quelque chose de plus long… je suis preneuse. Mais genre, immédiatement!

Le chat qui voulait sauver les livres – Sôsuke Natsukawa

Non mais comment on résiste à un tel titre et une telle couverture quand on aime les livres? C’est simple, on ne résiste pas. On le demande et on le lit. Toutefois, je le dis d’emblée, ça n’a pas été la lecture du siècle pour moi.

De quoi ça parle

Le jeune Rintarô Natsuki vient de perdre sa seule famille proche, son grand-père, avec qui il habitait dans une très belle librairie d’occasion. Alors qu’il s’apprête à partir vivre avec une tante éloignée, il a la surprise de voir surgir de nulle part un chat qui parle et qui va lui demander sa force pour sauver les livres.

Mon avis

Ce thème avait tout pour me plaire. Habituellement, quand il est question de livres qui parlent de livres, j’adhère. Imaginez : une librairie chaleureuse remplie de belles éditions, avec l’odeur du thé. Que demander de plus? Je comprends parfaitement que ce roman a trouvé son public et qu’il ait été traduit dans 36 langues mais avec moi, il a raté sa cible. J’en retiendrai quelques jolies phrases disséminées ici et là… mais c’est à peu près ça.

Je reproche surtout à ce roman un certain élitisme, une certaine façon de voir la lecture et la littérature qui ne me rejoint pas. Entendons-nous j’adore les classiques, j’adore relire mes livres, voir le monde avec un autre regard que le mien. Toutefois, j’aime aussi être divertie et je crois sincèrement que chacun peut bien lire ce qu’il veut, comme il le veut. J’ai donc été dérangée par certains aspects des messages qui sont transmis, à grands traits, en enfonçant certaines portes ouvertes.

Avant de me dire que j’ai manqué l’aspect « fable » et que je suis passée à côté des métaphores, don’t worry, je les ai vues. Je les ai juste trouvées faciles et je comprends qu’il s’agit de l’amour des livres, de ce qu’ils nous font ressentir et comment ça se répercute dans nos vies. J’ai compris ça. J’ai juste trouvé ça un peu donneur de leçons.

Finalement, j’ai trouvé la plume trop simple, manquant de grâce. J’ai eu l’impression de lire une plume destinée à un public jeunesse, où tout . Les missions résolues avec quelques mots, bref, il m’a manqué de substance, malgré le thème du deuil qui est en arrière-plan.

Ceci dit, je suis un peu le mouton noir car je ne lis presque que des bons commentaires au sujet de ce roman. À vous de voir!

Le choeur des femmes – BD – Mermillod / Winckler

J’ai lu le roman de Martin Winckler il y a quelques années et il m’avait beaucoup marquée à l’époque. Les violences gynécologiques, la médecine des femmes, c’est un sujet que je ne connaissais absolument pas avant cette lecture. J’ai donc eu un peu peur d’une adaptation BD mais je dois avouer que c’est ma foi très réussi. Mais je m’explique.

De quoi ça parle

Jean veut aller en chirurgie. Couper, drainer, idéalement pour des opérations compliquées. L’aile des femmes, non merci. Dans sa tête, c’est le département des plaintes et elle, le contact avec les patients, ce n’est pas son fort. Efficacité, efficacité, efficacité. Quand arrive son assignation avec le Docteur Karma pour son dernier stage, disons que ça ne fait pas son affaire et lui, il n’a aucune envie d’endurer l’interne qui ne veut rien savoir pendant six mois. Ils font donc un pacte. Une semaine. À sa manière à lui. Et ensuite, Jean sera libre de rester ou de partir.

Mon avis

Au départ, nous avons un roman, avec une vraie histoire en trame de fond mais qui se veut aussi un commentaire sur les violences gynécologiques, la piètre qualité des soins de santé pour les femmes et le sexisme dans la médecine en général. Ok, surtout. Ça se veut surtout ça. Mais avec une vraie histoire. Vous comprenez donc pourquoi je me demandais comment ce serait adapté en BD. Et sincèrement, c’est une réussite. Aude Mermillod réussit à nous faire nous attacher aux personnages mais aussi à nous présenter des entrevues et des portraits de femmes en tant que personnes. Même si on est en gynéco, on parle de la personne et non de ses parties génitales.

La BD traite donc de mysoginie, de sexisme, du corps de la femme, de sa diversité et de son évolution. Il y a aussi une réelle discussion sur le traitement des femmes en médecine. Le Docteur Karma refuse les diktats de plusieurs de ses confrères/conseurs et aborde ses patientes avec bienveillance et humilité. « Racontez-moi », demande-t-il. À travers la BD, nous allons mieux comprendre son cheminement vers le médecin qu’il est aujourd’hui. Et sérieusement, on vous a déjà fait vous déshabiller au complet pour un examen gynéco? Sérieux? J’ai failli tomber en bas de ma chaise.

Le parcours de Jean, jeune médecin en quête de performance, est particulièrement intéressant. Ce personnage est tout sauf uni-dimentionnel et son évolution est passionnante. J’étais – encore une fois – toute bouleversée à la fin. Une véritable leçon, que je recommande à tout le monde.

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 La Dame n°13 – José Carlos Somoza

J’avais mis ce roman dans mon challenge ABC… 2007. Et je l’ai finalement lu 15 ans plus tard. Non mais y a-t-il quelqu’un qui est vraiment surpris? En fait, je l’ai redécouvert en déménageant ma bibliothèque suite au glissement de terrain car, avouons-le, j’avais totalement oublié son existence.

De quoi ça parle

À Madrid, un jeune professeur poète et une prostituée qui viendrait de Hongrie font le même mystérieux et horrible rêve : un manoir, des meurtres, un mystérieux aquarium aux reflets verts. Quel lien y a-t-il entre ces cauchemars et les treize Dames, les treize sorcières du verbes, qui ont fait de la poésie la plus cruelle des armes?

Mon avis

Non mais pourquoi ai-je attendu si longtemps avant de lire ce roman? Nous sommes clairement dans le registre de l’horreur, entre fantastique et réalisme magique et si les descriptions de tortures ne vous font pas peur, il faut que vous lisiez cette histoire. Il y a du trigger ici!

Je suis toujours fan de ces ambiances nébuleuses où les personnages nagent dans l’inconnu, où il faut accepter de ne pas tout comprendre ou alors de comprendre plus tard. Les coïncidences s’expliquent et la machination dans lesquelles nos personnages, fort différents d’ailleurs, sont pris malgré eux, sans grand espoir de s’en sortir vivants, est terrifiante. J’ai été passionnée par ces 550 quelque pages qui se lisent toutes seules et qui m’ont fait un peu peur. Nous sommes entre rêve et réalité et l’idée de la puissance des mots, de la poésie qui devient une arme qui peut torturer et détruire, sans que personne ne puisse rien y faire. Le références aux mythes, aux muses sont omniprésentes et fonctionnent parfaitement.

Un récit certes un peu gore mais une réflexion hyper intéressante sur le pouvoir des mots et une construction qui fonctionne. Pas de révélation qui nous fait tomber en bas de nos chaises mais une découverte de la réalité petit à petit, bien rythmée. C’est onirique, insolite, terrible et fascinant. J’ai adoré la plume, adoré l’atmosphère, c’était la lecture dont javais besoin à ce moment-là!

Non mais des muses! Des poèmes! Juste pour ça, il faut tenter!

Jackaby – William Ritter

Pour la fameuse vidéo « Ennéagramme » (qui, on se le rappellera, n’est toujours pas tournée), je devais lire un roman qui, selon certains, plaisent à mon type particulier (le 5). Dans la liste, il y avait celui-ci. Que j’avais dans ma pile. Je me suis dit que c’était un signe.

De quoi ça parle

Nous sommes en 1892 et Abigail Rook vient de mettre le pied à New Fiddleham, New England. Toute fraîche débarquée du bateau transatlantique, elle doit trouver un emploi rapidement et elle répond à une annonce chez Jackaby, détective de l’inexpliqué. Il va – un peu à contrecoeur – la prendre avec lui en marge d’une enquête qui, il en est persuadé, implique des créatures surnaturelles. Sauf que, bien entendu, personne ne veut le croire.

Mon avis

Des fois, on a besoin de ça. Vous savez, ce genre d’enquête surnaturelle qui ne casse pas trois pattes à un canard, qui comporte des meutres mais qui a des côtés hyper choupinou? Ben voilà. C’est ce que je recherchais et c’est ce que j’y ai trouvé. Nous sommes donc à la fin du 19e siècle avec une femme bien née et qui a décidé d’aller faire de la paléontologie et qui arrive (un peu malgré elle) dans une petite ville où elle ne connaît personne. Je l’ai bien aimée, cette jeune femme frondeuse, qui ne voit pas l’extraordinaire comme Jackaby mais elle remarque l’ordinaire, ce qui n’a l’air de rien. Elle est entre autres en charge de documenter les enquêtes de son patron, homme fantasque, pas toujours délicat mais fort intéressant. Ça vous rappelle un autre duo? Voilà. Donc, of course, j’ai bien aimé.

L’enquête n’est pas hyper originale mais j’ai surtout aimé l’atmosphère un peu glauque, un peu victorienne (mais aux États-Unis) ainsi que les créatures surnaturelles, parfois démoniaques mais aussi souvent basées sur le folklore d’un peu partout. Et ça c’est chouette. Certaines sont limites mignonnes et les références, les références! Je ne résiste jamais à un roman truffé de références et je crois que c’est ce qui fait que je lirai la suite. Aussi, si ce premier roman était surtout centré sur la découverte de l’univers (j’adore la maison de Jackaby… j’en veux une pareille) et sur l’ajustement d’Abigail dans ses nouvelles fonctions, j’espère que l’histoire va s’étoffer dans les prochains tomes.

Agréable.

Les frères Karamazov – Dostoïevski

On va commencer par éclaircir les choses. J’aime Dosto. J’aime ses grandes diversions philosophico-religieuses, son exploration en profondeur de l’âme humaine et de la Russie de son époque. Mais ÉCOUTER « Les frères Karamazov » en audio (36 heures, je pense), ce n’était peut-être pas l’idée du siècle. Pas pour la longueur… mais tous ces noms, tous ces patronymes, tous ces surnoms! On va juste dire que j’ai mis un moment pour m’y retrouver!

De quoi ça parle

Fiodor Pavlovitch Karamazov a trois fils : Dmitri, exalté, déchiré entre vice et vertu; Ivan, athée, intellectuel et matérialiste; Alexei, idéaliste et très croyant. Il a aussi engendré un bâtard, gentiment appelé Smerdiakov. Fiodor est un homme profiteur, un peu vulgaire, il désire la même femme que l’un de ses fils et semble prendre un plaisir fou à se jouer d’eux. Sauf qu’un jour, il va mourir.

Mon avis

Ce roman a plus de 1000 pages. Et oui, il y a un meurtre. Oui, il y a un procès. Toutefois, ce roman, ce n’est clairement pas que ça. Comme souvent chez Dosto, le propos dépasse largement l’histoire principale et il s’agit ici de dépeindre la Russie de l’époque, avec ses différents idéaux dépeints par les fameux frères. C’est une époque qui se cherche, qui se questionne, tant sur la religion, la philosophie, que sur l’amour et les classes sociales et tous ces aspects sont explorés (parfois longtemps) dans ce gros roman qui nous oblige à tenter de comprendre l’esprit de cet âge. Tout au long du roman, on retrouve ce questionnement sur l’existence de dieu et sur son importance dans la construction de l’âme humaine, sur sa morale ainsi que sur la notion de liberté. La vision de l’auteur est d’ailleurs très claire du début à la fin.

Chaque personnage est fait de multiples facettes, surtout les trois frères, qui sont davantage que leur apparence première. Ils traversent différentes épreuves qui les changent et suscitent questionnements, culpabilité et noeuds au cerveau. Dmitri, qui incarne pour Dosto la vraie âme russe est guidé par ses pulsions mais n’est pas pour autant dénué de morale et il fascine. Exalté, explosif, c’est celui qui m’a le plus accrochée. J’ai aussi bien aimé plusieurs personnages secondaires parfois tristes mais parfois des caricatures assez drôles et assez justes.

La partie la plus connue, le procès, est souvent dramatique mais avec des touches de comédie qui fait ressortir les travers de plusieurs. On a le goût de les secouer, de leur crier leur mauvaise foi et de leur ouvrir les yeux car nous, nous savons. Rageant!

Ce roman devait être la première partie d’une oeuvre plus large, la seconde devant se centrer sur Aliocha, le benjamin. Sincèrement, j’aurais aimé savoir ce que Dostoïevski lui réservait, mais ce roman était toutefois bien assez long comme ça. Car oui, longueurs il y a, il faut l’admettre. Toute la vie du starets Zosime, entre autres… ouf! Mais c’est un auteur que je lirai et relirai encore. Du grand Dosto!

L’atelier des sorciers – Tomes 1-2-3-4 – Kamame Shimahama

Je me suis remise à cette série à cause de ma nièce. J’avais lu le tome 1 il y a quelques années mais ma nièce a tellement aimé cette série qu’elle m’a menacée de ne plus me donner de bonbons si je ne la poursuivais pas. Du coup, j’ai lu les 4 tomes que j’avais à la maison.

De quoi ça parle

Coco a toujours été fascinée par la magie et quand elle était petite, on lui avait offert un mystérieux livre magique ainsi qu’une baguette. Un jour, elle voit quelque chose qu’elle ne devrait pas voir, fait des expériences et un malheur survient. Elle n’aura de cesse que de réparer son erreur, aidée par un sorcier qui enseigne aux jeunes apprenties… sauf qu’elle n’est pas née dans une famille de sorciers et n’est qu’une ignorante!

Mon avis

Non mais c’est mignon comme tout, ce manga! La choupitude, version magie, avec des vrais dangers, un méchant qui rôde sans qu’on comprenne trop pourquoi il agit comme il le fait. Et qui n’aime pas une histoire de magie et de sorcellerie! Ici, il y a une magie un peu particulière, à plusieurs aspects et où la puissance n’est pas seule responsable de la réussite du sort. Et c’est très chouette de la découvrir. Attention, c’est jeunesse! Mais même pour une adulte, je crois que ça peut facilement devenir une série doudou!

Nous avons donc une fillette très naïve comme personnage principal, qui s’émerveille de tout ce qui est magique et de tout ce qu’elle découvre. Elle ne se fait pas confiance (avec raison) et se compare à toutes celles qui étudient avec elle et qui ont, elles, grandi avec la magie. Chacune est très différente : l’une veut aider, l’autre veut prouver quelque chose et une dernière veut faire les choses à sa manière. Le professeur est un ancien enfant terrible et on sent qu’il y a encore beaucoup à découvrir sur l’univers. Il y a plusieurs aventures, chaque tome a des rebondissements et la mystérieuse confrérie qui semble cibler Coco est fort intrigante.

Une série que je conseille autant pour les adultes que pour les jeunes. C’est vraiment cute, les traits sont fins, les dessins agréables et détaillés. Coco est très drôle, l’univers semble riche et il y a clairement des finales pour nous tenir en haleine. Je conseille!

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Babel – An arcane History – R.F. Kuang

Ce roman était LE roman dont j’avais hâte à la sortie. Si j’avais fini et posté le tag de début d’année que j’avais filmé, c’était « my most anticipated new release ». J’ai adoré les deux tomes lus de La guerre du Pavot et là, elle nous proposait un Dark Academia avec, comme toile de fond, l’anticolonialisme. Il me le fallait. Et je l’ai lu dès sa sortie.

De quoi ça parle

Robin Swift est un jeune orphelin né à Canton dans les années 1820. Suite à la mort de sa famille, il est emmené en Angleterre par un riche professeur où il sera formé en latin et en grec afin de pouvoir intégrer la célèbre et puissante Babel, l’académie de traduction d’Oxford. À cet endroit, non seulement on étudie, mais on est aussi responsable de graver l’argent, qui permet à l’Empire britannique de magnifier sa puissance. Ce monde utopique se révèle toutefois traître car nous sommes en plein colonialisme, les guerres de l’opium planent et nos protagoniste se retrouvent à la merci d’un univers qui a besoin d’eux, mais qui ne les accepte pas.

Mon avis

Ce roman c’est… quelque chose. J’étais certaine que ce serait dans mon top lectures de l’année avant de l’ouvrir mais j’ai eu des ups and down. Mais je m’explique. Sans spoiler. Du moins j’essaie.

Nous sommes donc dans un univers qui ressemble au nôtre. Certes, il y a l’argent (le métal… pas la monnaie) qui donne du pouvoir à l’aide de mots traduits en divers langages, mais c’est notre monde. Et la problématique qui y est décrite est réelle. Nous sommes en pleine époque coloniale, l’empire britannique est prêt à tout pour conserver son luxe et son pouvoir et il considère toutes les autres nations comme inférieures. Donc, s’en servir sans scrupule, aucun souci. Nous avons donc un commentaire de premier plan sur le colonialisme mais aussi sur l’industrialisation et le capitalisme. Impossible de le manquer. C’est « in your face » dès le début et c’est répété maintes et maintes fois. Le racisme, à cette époque, c’était terrible et certains passages sont très difficiles à lire. Le professeur Lovell, le « gardien » de Robin est un être… immonde. Et le pire, c’est qu’il représente sans doute assez bien ce que les riches anglais de l’époque devaient penser. Bref…

J’ai adoré le début du roman. Le personnage de Robin et son évolution est fascinante et sa vision très naïve du monde nous permet presque de croire à l’utopie que semble être Babel, avec ces gens de toutes les nations travaillant ensemble. J’aurais aimé que cette illusion soit gardée un peu plus longtemps, j’aurais aimé y croire moi aussi mais je comprends le choix de l’autrice. Ceci dit, les parties qui se passent à l’université, les dissertation sur la langue, le langage, la traduction… j’ai tellement aimé. J’y ai retrouvé cette idée que chaque langue a sa couleur, sa texture et que traduire, c’est trahir. Les explications étymologiques étaient fascinantes, les cours… bref, la partie que certains ont trouvé plus « académique » a été ma préférée de tout le roman. Le système avec l’argent m’a passionnée, justement parce qu’il fait appel à ce qu’on « perd » à la traduction, ce qui reste pris entre deux langues. L’atmosphère de l’université est très bien retranscrite. J’aurais aimé « voir » davantage des interactions positives entre nos quatre personnages principaux plutôt que simplement me les voir expliquées. Ici, on voit surtout les discussions par rapport au racisme mais assez peu les autres. Je crois que le côté « found family » aurait été plus fort – et plus tragique – si on avait assisté à davantage de scènes. Mais je pinaille.

Si je me doutais de comment le tout allait tourner, ce n’est pas plus facile à lire pour autant. La fin nous sort de cet univers douillet et nous emmène ailleurs, où il y a davantage d’action et de violence (en même temps, c’est RF Kuang, il fallait s’y attendre). Dans cette partie, on nous noie littéralement dans le message, avec lequel, soit dit en passant, je suis totalement d’accord. Mais c’est beaucoup de redites et il y a peu de zones de gris. Entendons-nous, dans la situation du colonialisme, il n’y a pas à en avoir. Mais il y a assez peu de place pour la rédemption et les différences interindividuelles. Ça laisse aussi très peu d’espoir au « vivre ensemble », c’est profondément déstabilisant et ça fait réfléchir.

Et parlons langage. Dans un roman qui y accorde autant d’importance, j’ai trouvé particulier de retrouver une façon de parler du racisme très 2020… dans le Oxford de 1830. Les termes utilisés, les thèmes et façons de voir les choses sont très actuelles et font assez anachroniques dans cet univers. Ceci dit, je ne suis pas assez connaissante sur le sujet pour bien connaître les discours contre le racisme de l’époque et dans un univers fantastique, l’autrice peut bien faire ce qu’elle veut. Toutefois, la manière d’en parler était particulière étant donné le contexte.

En résumé, une très bonne lecture qui fait cogiter et qui pourra plaire aux amateurs de romans denses et sombres de l’univers académique, qu’on écorche au passage. C’est savant, bien documenté et argumenté et j’ai été complètement immergée dans l’histoire. Il faudrait que je finisse The Poppy War maintenant.