Présentation de l’éditeur (mal traduite par moi)
« Voici le journal de Cassandra Mortmain; le récit extraordinaire de la vie avec son extraordinaire famille. Premièrement, il y a son père excentrique. Puis sa soeur Rose – très belle, vaniteuse et qui s’ennuie – et sa belle-mère, Topaz, un modèle d’artiste qui aime communier avec la nature. Finalement, il ya Stephen, très beau et amoureux fou de Cassandra.
Dans le château en ruine qui est leur demeure, Cassandra raconte les événements avec une honnêteté caractéristique, alors qu’elle essaie de composer avec ses propres sentiments. »
Commentaire
Il y a parfois de ces romans dans lesquels on s’imprègne totalement, qui nous transportent dans leur petit univers et avec lesquels on vit réellement le temps de quelques jours. C’est ce qui m’est arrivé avec ce livre jeunesse, écrit en 1949. J’ai étiré les dernières pages pour les faire durer le plus longtemps possible et j’ai refermé le livre avec un sourire aux lèvres qui ne voulait pas s’en aller. C’est tout à fait le genre d’atmosphère un peu vieillote et surranée qui me plait énormément et qui me transporte toujours.
L’histoire se passe entre deux guerres, je dirais les année 1930, dans la campagne anglaise. Bien évidemment, notre héroïne est de son temps, bien différente des adolescentes d’aujourd’hui, très naïve d’une certaine façon mais aussi parfois bien sage d’une autre… Elle est rêveuse, veut devenir écrivain et écrit son journal en désespérant de ne pas écrire des poésies grandioses ou de ne pas être Jane Austen ou l’une des soeurs Brontë. Sa voix est terriblement attachante alors qu’elle nous raconte son histoire, en tentant d’être la plus honnête possible, même quand c’est difficile, même quand elle se ment à elle même ou qu’elle fait preuve d’une mauvaise foi « sooo endearing ». Et malgré un côté « vieux sage », elle n’en reste pas moins une adolescente mélodramatique, qui découvre l’amour romantique et idéalisé en passant peut-être à côté de la vie.
C’est encore une fois un roman de passage à l’âge adulte (j’aime ce thème… je pense que c’est un peu évident, hein!), un roman où Cassandra, parfois exaltée, parfois désespérée apprendra à laisser derrière elle son enfance et où elle aura à tourner des pages. J’ai été très touchée par plusieurs de ces rites, de ces dernières fois. Je suis toujours touchée droit au coeur, dans la vie comme dans la littérature, lors de ces « dernières fois » complètement lucides, où la personne sait que c’est un adieu. Certains de mes copains pourront en témoigner, d’ailleurs, mais ça, c’est une autre histoire!
L’histoire, donc, est divisée en trois livres, pour trois parties… Cassandra et sa famille sont carrément ruinés. Son père est un écrivain complètement « bloqué », sa belle-mère fait ce qu’elle peut et Rose, la soeur aînée, vit très mal cet état. Le château est presque vide, ils n’ont presque rien à manger et le seul qui apporte quelque chose à manger est Stephen, le jardinier, qui ne fait pas « réellement » partie de la famille, en fait. La première partie met ce décor en place, dans la prose d’une jeune fille qui se veut poète, qui est fascinée par la beauté et par les paysages, et qui rage de ne pouvoir les mettre en mots comme elle le voudrait. Puis leur propriétaire meurt et arrivent deux de ses héritiers, deux frères. Oui, vous voyez tout de suite la ressemblance. C’est d’ailleurs parfaitement assumé et précisé dans le roman, truffé de références littéraires (que j’aime) et poétiques. Il y a beaucoup d’autres ressemblances avec les romans d’Austen, d’ailleurs, sans pour autant être du copier-coller tant le style et le ton sont différents. Pas d’ironie mordante ou de critique de la société ici, mais plutôt un ton sincère et des passages qui m’ont fait éclater de rire tant ils créaient des images dans ma tête. Les réflexions de Cassandra me font terriblement penser à celles que j’avais lorsque j’étais une adolescente tout aussi – sinon plus – mélodramatique qu’il m’était impossible de ne pas m’y attacher.
Si l’intrigue tarde un peu à se mettre en place, j’ai quand même tout aimé dans ce roman. Les descriptions, les états d’âme, les contradictions, les folies de la famille, les personnages (Stephen… soupir…). Oui, c’est parfois invraisemblable mais je prenais tout avec un sourire. J’ai aimé l’évolution du ton du journal de Cassandra, qui passe de vrai journal d’ado à un « presque roman », avec des chapitres. J’ai aimé avoir eu envie de lui crier quoi faire, j’ai aimé me souvenir de ce que j’étais à l’époque où j’avais cet âge et où j’étais terriblement « old fashioned » dans mes pensées (citation, ici… quelqu’un se reconnaîtra!).
Un château qui devient presque un personnage à part entière tellement il est présent, un écrivain qui oscille entre la folie et le génie (en se foutant complètement de sa famille ceci dit… Un pire Mr. Benett), une belle-mère qui aime communier nue avec la nature, une vielle tour délâbrée, des références littéraires (le chat s’appelle Abelard et la chienne Héloïse, si ça peut vous donner une idée), des rites de Midsummer, des premiers amours, une barbe récalcitrante…
Bref, un coup de coeur! Un réel roman doudou, malgré son côté doux-amer (un doudou-amer, donc… je me sens des éclairs de génie lexical, ce soir!)… Mais j’aime ce qui est doux-amer!