Je vous avertis tout de suite, je ne vais pas réussir à vous parler de ce roman.
Il me dépasse. Et de loin.
Je ne vais même pas réussir à résumer ce monument, cet énorme roman de 1376 pages (quand même) que j’ai recommencé à la seconde même où j’ai tourné la dernière page. Un roman où tout s’enchaîne, où l’intertextualité est partout et où le lecteur a un vrai travail à faire pour trouver des réponses. Ses réponses. C’est magistral, monumental, il y a un réel souffle et une écriture, une construction virtuoses. Rien de moins.
Est-ce pour tout le monde? Absolument pas. Je le conseillerais aux lecteurs qui aiment se poser des questions, qui aiment être baladés d’une histoire à l’autre, qui aiment trouver (voire même inventer) des liens et des symboles un peu partout. Des gens qui se fichent un peu de ne pas avoir toutes les réponses, qui aiment chercher un peu, se creuser la tête. Devenir un détective dans la lecture quoi. Et dans ce roman, tout le monde cherche. On cherche quelque chose, quelqu’un, une réponse, une explication.
Mais je m’explique un peu. 2666, ce sont 5 livres. Cinq histoires qui se répondent subtilement l’une à l’autre. Le premier, « La partie des critiques », on rencontre quatre universitaires spécialistes d’un auteur allemand un peu obscur du nom de Benno von Archimboldi. Cet homme écrit des livres un peu cryptiques, un peu décousus et dans lesquels ces connaisseurs voient des merveilles. Toutefois, on ne sait rien de lui. Un peu comme Pynchon. Les quatre critiques, dont les relations sont fluctuantes et particulières, en ont assez de tourner autour de l’oeuvre et veulent en savoir davantage sur leur grand homme. Ce qui, finalement, les mènera au Mexique, à Santa Teresa, ville frontière avec les États-Unis où semble peser une ombre terrible sur les femmes.
Brusquement, deuxième partie, celle d’Amalfitano, rencontré dans la première. Professeur de philosophie espagnol qui travaille à Santa Teresa avec sa fille. C’est ici à une lente descente vers la folie à laquelle nous assistons. Puis, troisième partie, celle de Fate, un journaliste afro-américain qui fait un reportage sur un match de boxe entre un mexicain et un « frère ». Il va donc être amené à Santa Teresa et son oeil externe va découvrir ce monde corrompu, mysogine, où les femmes sont assassinées de façon assez horrible, sans que le coupable ne soit arrêté. Il sera donc mêlé à tout ça, alors qu’il va chercher à élucider ces meurtres. C
La quatrième partie, la plus lourde (et celle que j’ai trouvé la plus dure à lire), c’est la partie des crimes. C’est cash, c’est descriptif, il y a un nombre incroyable de détectives et d’inspecteurs, l’enquête est décousue (voire même « pas cousue du tout ») et j’ai été fâchée, tellement fâchée dans cette partie, par ces enquêtes bâclées, par le peu d’intérêt porté à ces centaines de femmes disparues, assassinées et violées. Des enfants, des fois. C’est horrible, factuel. Je dois avouer que j’ai trouvé cette partie longue et que j’ai eu besoin de fréquentes pauses. Mais on dresse un portrait assez fou de cette partie du Mexique. Le pire de tout ça? C’est basé sur des faits réels. Ceux de Ciudad Juarez.
Finalement, la dernière partie est celle d’Archimboldo (l’auteur adulé du début… faut suivre… et beaucoup mieux que ça, même) où nous suivons l’existence de cet homme né en Allemagne en 1920, qui a fait la guerre et qui s’est mis à l’écriture. Cette partie se dévore et, un peu partout, nous voyons se tisser des liens. La finale nous ramène au début… et ces juste génial.
Je sens que je radote. En fait, je SAIS que je radote. Mais quand, comme moi, on voit tout et on remarque tout, une telle lecture, c’est long. Parce que je suis retournée au moins 200 fois ailleurs dans le roman pour m’assurer que oui, c’est un clin d’oeil, un lien, qu’il y a une notre d’intertextualité là-dedans. Ces moments d’illumination… j’adore! C’est un livre qui parle des meurtres, certes, et qui ne donne pas de réponse (moi je dirais « we all did it »… et croyez-moi, je ne spoile rien) mais c’est aussi un roman sur l’écriture, sur la lecture, les responsabilités collective, la guerre, les travers du monde, le sens de la vie et tout le reste (réponse page 42??…. désolée, je délire!)
C’est riche, c’est foisonnant… et je sens que je n’en sortirai pas de sitôt! Et non, je n’ai pas tout compris. Et oui, on pourra dire qu’on est laissés sur un point qui ne semble pas final, que ça va dans tous les sens (j’adooore les digressions… mais c’est moi) et que c’est touffu. Je comprendrais qu’on se lasse. Mais moi, j’ai trouvé ça magistral.
Cuné a été aussi ébouie que moi tandis que Cachou a été très déçue.
Et c’était mon premier Pavé de l’été!