Présentation de l’éditeur
« Nous avons dû prendre l’univers en main, mon frère et moi car un matin un peu avant l’aube papa rendit l’âme sans crier gare. Sa dépouille crispée dans une douleur dont il ne restait plus que l’écorce, ses décrets si subitement sombés en poussière, tout ça gisait dans la chambre de l’étage où papa nous commandait tout, la veille encore. Il nous fallait des ordres pour ne pas nous affaisser en morceaux, mon frère et moi, c’était notre mortier. Sans papa, nous ne savions rien faire. À peine pouvions-nous par nous-même hésiter, exister, avoir peur, souffrir ».
Commentaire
Oh my god, quelle claque que ce livre. Tout de suite en l’ouvrant, on lit les mots qui composent la présentation de l’éditeur. Tout de suite, on entre dans l’univers de deux enfants, complètement dépourvus par la mort d’un père tyrannique, torturé par le passé, qui les a fait grandir complètement à l’écart du monde dans un domaine en ruines. Ils n’ont aucun repère, aucune idée de ce qui est réel et de ce qui est fantasmé. Ils ont une vision du monde étroite et déformée, l’ayant vu seulement par les yeux de leur père et par les livres, appelés des dictionnaires. Ces deux enfants sont totalement différents et suite à la mort du père, alors qu’ils devront composer avec cette nouvelle liberté dont ils ne savent que faire, ils réagissent chacun à leur manière.
Il convient de ne pas trop en dire sur ce livre. Le récit que nous lisons est celui de l’un des deux adolescents, celui qui se dit « le secrétarien », l’intellectuel. Il nous raconte, comme ça, comme si nous avions les mêmes repères que lui, comme si nous savions de quoi il parle. Et à mesure que des bribes de l’histoire se révèlent, nous restons là, bras ballants et bouche ouverte, horrifiés. Du moins, dans mon cas, c’est qui s’est passé. Parce que ce roman et à la fois très poétique mais également terrible.
Le narrateur n’a pas la langue dans sa poche. Il utilise un langage cru, vulgaire, n’a aucune idée de ce qui se dit ou pas et de ce qui se fait ou pas. Complètement coupé du monde – il n’a jamais eu le droit de sortir du domaine – il raconte son quotidien et ses petites horreurs qui sont pour lui banales, dans une langue qui n’appartient qu’à lui. Ce langage artificiel qui façonne sa vision du monde est l’un des éléments les plus marquants pour moi dans ce roman. La voix est profonde et naïve à la fois, en assenant les vérités à la tête du lecteur comme si de rien était. De là la claque.
Bref, un roman très fort, que j’ai lu d’une traite et qui m’a laissée carrément sans voix. C’est terrible. Terrible mais magnifique.
64 Commentaires
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Je me souviens encore très bien du choc que j’ai eu en le lisant, Terrible et magnifique c’est tout-à-fait çà. En plus j’ai une soeur jumelle, alors tu imagines, c’était assez scotchant pour moi. J’en ai lu un autre par la suite de l’auteur, que j’ai nettement moins aimé.
Aifelle: Ah oui, j’imagine quel choc ça a dû être. J’ai vraiment été marquée, je l’ai lu en apnée tellement j’étais terrifiée par tout ça.
Ce livre est dans le TOP 3 des livres de ma vie, je suis RAVIE que tu aies aimé !!! (grâce à toi, je commence bien la journée:)
J’ai lu tous les autres livres de l’auteur et je te les recommande tous (sauf la suite de « La petite fille.. » – oui y’a une suite – c’est une pièce de théâtre, et une suite qu’il n’aurait pas dû écrire, je n’ai pas accroché à « L’aquitement » non plus mais le reste de ses romans, c’est du TRES bon).
Cryssilda: J’aime recevoir une claque littéraire de temps en temps. Je ne savais pas qu’il y avait une suite mais je trouve que le roman se suffit très bien à lui même. Vraiment il est terrible.
Vu ton billet et les commentaires qui suivent, il est impossible de laisser ce titre de côté !
Marie: IL faut se préparer à une lecture qui secoue, disons. Ce n’est pas une « belle » histoire mais c’est une histoire très forte.
Livre lu moi aussi sans être aussi enthousiaste que toi et Cryssilda. Mon billet est ici :
http://livresdemalice.blogspot.com/2007/09/gatan-soucy.html
J’avoue que c’est un livre intéressant, donc peut-être que je le relirai une autre fois.
Alice: J’irai voir ton billet. C’est un livre que j’ai trouvé très très dur, surtout de voir comment toute cette horreur est considérée comme « normale », comment le personnage ne voit absoluement rien de la réalité.
Ah j’en ai lu du bien partout et j’avais bien l’intention de le lire un jour mais j’ai un doute tout à coup, vais-je supporter s’il est question d’enfants ?
Yueyin: Sérieusement, je ne sais pas si c’est nécessairement pour toi, vu que tu n’aimes pas nécessairement les histoires terribles. Ce n’est pas gore, mais bon, ce n’est pas très gai non plus. Vraiment pas. Faudrait voir. Il y a un côté qui t’intéresserait mais l’ensemble, j’ai des doutes.
Tout simplement un des livres de ma vie… je crois que je ne remettrai jamais de cette lecture…
Ys: C’est un livre qu’on n’oublie pas en tout cas. Je l’ai refermée abasourdie, carrément.
Et bien… je n’ai jamais entendu parlé ni du roman ni de l’auteur… mais visiblement il ne faut pas passer à coté… et puis j’aime les claques littéraires alors on devrait bien s’entendre…!
Sandy: Si tu aimes les claques alors ça peut te plaire, je pense. Ça en a vraiment été une énorme pour moi.
Un de mes premiers livres québécois, totalement par hasard… Et qui m’a tellement sonnée que je n’ai jamais rien lu d’autre de l’auteur, trop peur!
Mo: Je comprends. Je ne sais pas si je vais relire l’auteur tout de suite, en tout cas. Je vais me remettre comme il faut avant.
Drôle de hasard ! Je viens moi aussi de finir ce roman qui pourtant est sorti il y a des années ! Bravo, tu as réussi à en dire moins que moi !
Pour moi aussi cette lecture a été comme une claque. C’est franchement quelque chose !
Isabelle: Je vais aller voir ton billet. Je ne sais pas si j’en dis assez mais j’ai essayé d’être la plus vague possible vu que tout se découvre petit à petit, par le biais de commentaires anodins. Et oui, quelle claque.
Un des grands romans québécois !
Je me rappelle de toutes les émotions provoquées par cette lecture … Un livre choc !
À lire absolument pour découvrir une partie de la littérature du Québec et un auteur de talent !
Richard: Impossible de rester insensible pour moi. En le finissant, je ne trouvais simplement plus mes mots.
Je ne crois pas que j’ai envie de lire ce roman. Je n’aime pas trop de ce genre d’histoires, ça me fait penser au Jardin de ciment de Ian McEwan.
Manu: Il y a eu des comparaisons faites entre les deux mais n’ayant pas lu le McEwan, je peux difficilement les commenter. J’aurais tendance à te dire de t’écouter sur ce coup-là.
Eh bien ! Je viens de lire ton billet et les commentaires et c’est… surprenant ! Je suis vraiment surprise de l’appréciation générale et presque uniforme de ce livre !
Alors, il n’en tient qu’à moi d’apporter une petite note discordante ! haha ! 😉
J’ai lu ce livre dans le cadre d’un de mes cours à l’université et ça été… euh… très désagréable. (désolé pour ceux qui ont pas lu, passez votre chemin sur mon commentaire!)
Je ne sais pas si c’est le style de la narration (qui est quand même assez froide, sans grande émotion) ou encore l’histoire d’inceste (racontée encore là comme si c’était rien) ou encore la violence (qui est très présente, juste voir comment son prince charmant se fait abattre) ou encore l’attitude de son auteur du genre, je suis un grand intellectuel et je suis trop bien pour vous… Bref, tout ça pour dire que ce fut une grande expérience, oui, mais plutôt négative dans mon cas !! 🙂
Mais bon, c’est pas le premier coup de coeur qui ne me plait pas ! 😉
SPOILERS
Kitty: Je suis d’accord avec tout ça. C’est violent, c’est détaché (elle trouve tout ça très normal), il y a des histoires terribles (inceste et meurtres), on ne comprend absolument pas comment réagissent les personnages. Mais j’ai trouvé assez virtuose cette narration, qui nous prend un peu par surprise et qui nous assène claque sur claque. Je n’ai pas ressenti ce que tu dis face à l’auteur, tu parles du livre ou d’autre chose qu’il a pu dire? Anyway, il en faut pour tous les goûts, hein.
J’ai des doutes. Je me dis que c’est le genre d’histoires impossibles dans notre monde évolué (?) et puis je lis le journal ce matin… une jeune femme et son père qui la prostituait et était le père de son enfant ouache ! Peut-être je le lirai ou peut-être pas !!
Le Papou: C’est certain que c’est un livre qui marque. C’est intemporel mais je ne crois pas que ça se passe vraiment de nos jours… il y a quand même un magasin général dans l’affaire. Bref, je pense que c’est volontairement flou.
Je l’ai lu il y a 10-12 ans, je me rappelle du choc que j’avais ressenti… je voulais le relire justement cette année pour avoir une nouvelle vision avec mes yeux d’adulte… Je n’aurai pas le temps de le lire en 2010, mais en 2011 c’est certain je m’y replonge.
Abeille; J’ai hâte de voir ce que tu en repenseras alors. Bizarrement, je ne pense pas que je vais le relire un jour. Je vais rester sur cette impression coup de poing, je crois.
Dans mes intentions de lecture 🙂
Maribel: J’espère que tu aimeras alors.
Je n’en avais jamais entendu parler, je crois que c’est un tort apparemment, alors c’est noté par la PAL 🙂
**Fleur**: C’est un roman québécois alors c’est peut-être pour ça que tu ne connaissais pas. Même s’il est relativement connu, c’est moins évident de l’autre côté de l’océan.
Entièrement d’accord avec ton superbe billet, Karine:) !
Bien sûr qu’inceste, meurtre et perversion sont vus comme normaux par les jumeaux puisque la loi de leur père fou ne leur a jamais de connaître le monde et la morale dans lesquels nous baignons..
Ce livre est une terrible et merveilleuse incursion dans le monde de la folie
Sybilline: Exactement. Ils n’ont aucune idée des valeurs de la société ayant vécu tellement isolés. Et chaque révélation (bon, on s’en doute un peu) arrive comme ça, comme un cheveu sur la soupe, l’air de rien… bref, j’ai beaucoup aimé ce style.
Je me souviens aussi de ce bouquin et de son ambiance de folie mais j’ai pas l’impression qu’il m’ait chamboulée à ce point. J’ai même été vérifier de quand il datait car je pensais l’avoir lu genre il y a 20ans, ce qui aurait pu être une raison ! En fait il est paru en France en 2000 (je savais que j’ai un problème avec le temps mais à ce point là !!!). J’étais sans doute restée à distance, ou alors à trop cotoyer la folie plus rien ne m’étonne !
Moustafette: En effet, quand on voit souvent certaines choses, on reste plus extérieure, je crois. J’ai personnellement trouvé le tout terrible en raison de l’horreur que c’était pour nous, mais de la normalité que c’était pour eux.
De mon côté, je n’ai vraiment pas accroché !!! Pfff, je me rappelle surtout de l’ennui qui m’a pris lors de cette lecture car je voyais bien trop où l’histoire allait, sans compter le style qui ne m’a pas plu du tout, même si j’en comprends son utilité !
Joelle: Le style m’a pu, même si j’ai mis un moment à m’habituer. Je voyais aussi où ça allait mais je vois toujours alors j’ai l’habitude et ça ne m’embête pas plus que ça.
he bien quel billet ma chère!!! c’est noté et stabiloté!! je crois d’ailleurs qu’ils l’ont à la bibli!
Choupy: Je suis curieuse de voir ce que tu vas en penser. C’est vraiment particulier comme roman, on se demande vraiment ce qui se passe, au départ.
Un roman coup de poing. Très beau billet.
Suzanne: Pour un roman coup de poing, c’en est un. Du moins, c’est l’effet qu’il m’a fait!
Je ne lis pas tout de suite ton billet, car il est sur ma LAL, je pense le lire prochainement!
Hé bien voila, excellente participation pour «Décembre au Québec!!»
Grominou: Yep, c’était ma participation! J’avais dit un et voilà! ;))
je connaissais le titre, mais je ne l’ai jamais lu !
Anjelica: C’était pareil pour moi. J’en avais beaucoup entendu parler mais je n’avais jamais lu.
Je mesouviens très bien du choc ressenti en le lisant. Une très belle lecture!
Liza Lou: C’est un roman que je ne pense pas oublier de sitôt, en tout cas.
Pas trop envie de lire un truc « terrible » en ce moment, même si c’est magnifique… Pas les épaules pour pour l’instant…
L’or des chambres: Ah oui, il vaut mieux choisi run moment où on a les épaules bien fortes et le coeur bien accroché, j’avoue.
Ce roman est dans ma PAL, Catherine me l’a offert. Il faut VRAIMENT que je l’en sorte au plus vite, si je comprends bien !
Caroline: C’est un roman bien particulier, qu’il faut lire dans un état d’esprit bien particulier aussi mais il m’a donné le coup de poing que j’attendais.
Il me semble que j’avais lu un billet sur ce livre chez Anne, l’Insatiable lectrice. J’avais gardé le titre dans un coin de ma tête mais à t’en croire il vaudrait mieux que je lui consacre un coin de lecture
In Cold Blog: Je serais curieuse de voir ce que tu en penserais, en fait. Je pense que ça pourrait te plaire.
Euh j’ai oublié de te demander. Devrai-je mettre le lien pour ton défi de La plume québécoise ou tu laisses aller celui-ci?
Suzanne: Ah oui, j’ai oublié le logo… j’oublie toujours les logos. Non, je n’abandonne pas… c’est un défi perpétuel pour moi en fait…
Oki dou. Voilà c’est fait et merci encore.
Suzanne: Mais c’est à moi de te remercier!
je viens de chez le Papou..J’avoie que je ne sias pas trop quoi en penser..le style litteraire decourage ,non? enfin pas toi à ce que je vois…peut etre,je dis bien peut etre que s’il me passe sous les yeux je le feuilleterai…
Pyrauta: Je n’ai pas été découragée par le style, même s’il est particulier. En fait, c’est le sujet que j’ai trouvé difficile.
En effet, le style est particulier, je n’avais pas vraiment accroché…
Amiedeplume: C’est un roman qu’il faut lire dans un état d’esprit particulier, je pense. J’ai accroché mais j’aurais tout aussi bien pu passer à côté!
Pour une lecture québécoise similaire, je proposerais La belle bête de Marie-Claire Blais.
Sinon, j’associe beaucoup les personnages enfants du roman de M. Soucy avec ceux du Grand cahier d’Agota Kristof.
Isabelle: c’est vrai qu’on peut les associer… je n’aurais pas fait le lien toute seule mais tu as tout à fait raison! Et je note le Blais!