Lire Gaétan Soucy, c’est toujours s’exposer à une oeuvre étrange et déstabilisante. On ne sait jamais trop où l’auteur va nous emmener, on a toujours bien du mal à distinguer le vrai du faux, des apparences, des perceptions. Et c’est encore le cas dans ce roman.
Ma lecture a toutefois été beaucoup moins physiquement éprouvante que mes deux autres rencontres avec l’auteur, qui m’avaient laissée sans voix, voire même sans souffle. Dans ce court récit, c’est tout autre chose. Une atmosphère onirique, irréelle, dans une tempête de neige qui bloque les voitures et qui donne un éclat particulier à cette journée d’hiver.
J’ai parlé plus haut de « ma » lecture, mais je devrais plutôt dire « mes » lectures. Car aussitôt le roman terminé, je l’ai réouvert au début et j’ai tout repris. Pas tant pour démêler le vrai du faux (ce je ne réussirai vraisembablement pas) mais pour tenter de comprendre cet homme. Louis, et son cheminement. Et ma seconde lecture a été tout aussi passionnante, sinon plus, que la première.
En effet, ce musicien revient après 20 ans dans un petit village où, jeune homme exalté de retour d’Europe, il a enseigné la musique. Il cherche un pardon, un acquittement. Il veut voir Julia, contre qui, croit-il, il a commis des actes terribles. Cet homme a perdu l’accès à la musique, à sa musique. Il semble aussi avoir oublié certains éléments de sa vie, on ne sait trop pourquoi. Ce qui nous semble clair, toutefois, c’est qu’il est vital pour cet homme d’obtenir ce pardon. Car la gravité de l’acte, et ce besoin d’être absous, n’est-il pas davantage dans la tête et le coeur de celui qui l’a commis? C’est que les perceptions varient.
C’est donc dans cette ambiance à huis-clos, à travers quelques petites phrases, à travers des abandons, à travers des discussions entre Louis et Maurice, le fils Von Croft (mais est-ce vraiment à lui qu’il parle… ou à lui-même), qu’on comprend les deuils non-acceptés. Le premier, celui qui le poursuit dans ses rêves. Et au centre de tout ça, de cette quête du pardon, il y a cette musique qui semble lui échapper, qu’il ne reconnaît plus et qu’il voudrait à tout prix voir revenir. Pour laquelle il tomberait à genoux, les bras levés au ciel. Qui lui permettrait de retrouver le très Haut, qui semble sorti de sa vie, où rien ne peut l’atteindre parce que rien n’est réel. .
Le tout servi par la plume inimitable de Gaétan Soucy. Parce que c’est ça l’important. Les mots, la poésie. Plus que l’histoire. Plus que ce qui est vrai ou non.
Une lecture qui fait réfléchir et à laquelle on songe bien après l’avoir refermé.
C’est une lecture commune autour de Gaétan Soucy. J’ajoute les liens dès qu’ils sortent!
32 Commentaires
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Excellent bilelt, c’est tout à fait ça 🙂 un livre tout en neige et en ambiance 🙂
Yue: Tout à fait! Je suis contente que le billet te plaise, disons que Soucy, ce n’est pas toujours facile d’en parler.
Je jette un oeil à ma bibliothèque et je m’aperçois que je l’ai celui-là, et que je ne l’ai pas lu. Depuis qu’il est mort, je me suis dit que je relirais à nouveau « La petite fille… » qui m’a tant marquée… je vais le faire…
Sandrine: C’est toujours le fun de découvrir qu’on a un roman qu’on voulait! Et celui-ci est bien différent de « la petite fille » mais vaut la peine aussi.
Je note l’auteur !
Lili: C’est un auteur qui vaut vraiment la peine d’être lu. Il dérange mais quelle plume!
Il faut que je le note ! Et il est paru en Points, facile à trouver par ici normalement.
Anne: Oui, quand c’est en poche comme ça, tu devrais facilement pouvoir mettre la main dessus. Et je pense que ça peut te plaire.
Je me suis dis que je relirai Soucy, celui-là me parait convenir.
Le Papou
Le Papou: Ta fifille l’a, en plus! Facile, surtout que tu es en Dordogne! (tu vois, je te suis, je sais où tu es!)
J’aime bien déchiffrer les mystères entre les lignes, mais si on a aucune réponse, je trouve ça un peu frustrant !
Et puis, une belle écriture est importante, mais pour moi l’histoire et les personnages restent primordiaux…
Il ne sera pas en haut de ma PAA (pile à acheter) à priori, même si j’essaierai peut-être de le lire si je tombe dessus à la bili par exemple !
Jaina: Pour moi, ça dépend du genre de roman. Dans ce cas-ci, ce n’est pas du tout frustrant. Juste réel et mystérieux, sur fond de neige et de deuil.
Je ne connais pas cet auteur, mais ta critique me donne envie! Je note! Merci!
Elfe: C’est un auteur que j’apprends à aimer. En fait, plus je le lis, plus j’aime. quelle plume!
tout à fait d’accord quand tu dis qu’un livre ce sont avant tout des mots qui donnent un souffle au livre, une « poésie » et Soucy est vraiment un grand auteur
Denis: Il réussit à chaque fois à me surprendre, en tout cas.
Je l’ai lu il y a très longtemps celui-ci, et je ne l’ai jamais relu depuis ! Je crois que c’est le roman que j’ai le moins aimé de tous, du genre qu’il me serait pas venu à l’idée de relire… Mais je crois qu’il est temps maintenant, je ne l’avais peut-être pas lu dans une bonne période !
Cryssilda: Ah sérieux? Il m’a vraiment plu. Certes, c’est bien différent de la petite fille, ça n’a pas la force de l’autre mais c’est un roman qui fait réfléchir sur la culpabilité, sur la réalité aussi…
Auteur inconnu pour moi ! Mais la couverture de ce roman fait frémir… brrr…
Liliba: C’est un auteur que je te conseille d’essayer en tout cas. Il est trouvable en France. Je serais curieuse d’avoir ton avis.
j’ai lu « La petite fille qui aimait trop les allumettes » et il est vrai que la plume de l’écrivain reste longtemps en tête.
Lystig: Celui-ci est tout à fait différent mais j’adore son écriture.
Maintenant que je me suis remise de ma figette suite à la « petite fille…. » je vais pouvoir passer à la suite chez cet auteur 😉
Je note ce titre 😉
Valentyne: C’est vrai qu’après la petite fille… on a une figette! C’est un roman tellement coup de poing!
J’ai hésité à lire cet auteur lorsque j’ai cherché des écrivains québécois pour ton « septembre au Québec » mais n’ai pas été convaincue par ce que j’ai trouvé – ses romans me semblent assez difficile d’accès. Mais ce texte pourrait m’intéresser, d’autant qu’il est court. Je note.
Lewerentz: Il n’est pas nécessairement facile d’accès, en effet. Il a déjà dit en entrevue qu’il n’écrivait pas pour être lu mais pour être relu!
Je l’ai lu peu après « la petite fille aux allumettes » et j’avais été déçue, je n’avais pas retrouvé la même force. Ça fait longtemps maintenant, il faudrait que je refasse une tentative avec l’auteur.
Aifelle: Les Gaétan Soucy, je préfère les étaler. Exactement pour ça. Mais non, en effet, ça n’a pas la même force que la petite fille… c’est un autre registre mais j’aime la plume et ses atmosphères de mystère.
Brrr, la couverture fait flipper !
Alex: Le roman n’est pas flippant… plutôt étrange. Mais la couverture n’est pas là pour rien!
J’ai lu ce roman en premier, et je ne regrette pas mon choix parce que la petite fille qui aimait les allumettes c’est un roman assez dérangeant. La plume de Gaétan Soucy est exceptionnelle, je suis conquise.
Lilasviolet: Je pense que dans cet ordre, en effet, ça va croissant comme émotion de lecture!