Les noces barbares – Yann Quéffelec

noces-barbares.jpgPrésentation de l’éditeur (en partie)
« Fruit d’une alliance barbare et d’un grand amour déçu, Ludovic, enfant haï par sa trop jeune mère – Nicole – et ses grands-parents, vit ses premières années caché dans un grenier.

La situation ne s’arrange guère après le mariage de Nicole avec Micho, brave et riche mécanicien qui cherche à protéger Ludovic.  Hantée par ses amours brisées, sombrant dans l’alcoolisme et méprisant son mari, la jeune femme fait enfermer son fils dans une instution pour débiles légers.  Mais Ludovic n’est pas l’arriéré qu’on veut faire de lui.  Il ne cesse de rêver à sa mère qu’il adore et qu’il redoute.  Même une première expérience amoureuse ne parvient pas à l’en détourner.  Son seul but, son unique lumière : la retrouver.  […]

Commentaire
Je n’ose même pas dire depuis combien d’années ce livre traîne dans ma pile à lire.  Jamais, jamais, jamais je ne l’aurais lu sans une lecture commune avec Bladelor.   Je sens d’ailleurs que je vais avoir énormément de mal à en parler de façon cohérente.  C’est un livre qui marque, sans aucun doute.  Un livre que je ne pourrai pas oublier.  J’en ressors avec une sensation d’étouffement, de gorge qui se serre.  De colère aussi.  J’ai parfois dû prendre de graaaandes respirations et serrer les poings pour avoir la force de continuer.  Peut-être parce que j’ai déjà vu presque aussi pire, en vrai, et qu’à chaque fois, ça me fend le coeur.  Mais ça, je ne vais pas en parler ici.

Ludovic est né d’une terrible expérience.  Sa mère, trop jeune, trop blessée, le hait.  Et ses grands-parents semblent avoir transféré sur lui toute leur colère, leur hargne, leur dégoût.  C’est enfermé dans un grenier qu’il grandit, traité de tous les noms, traité comme un chien.  On ose espérer mieux pour lui lors du mariage de sa mère avec un brave homme, Micho, mais l’instabilité de celle-ci et les coups vicieux de Tatav, le fils de Micho, prennent vite le dessus.   Et ensuite quand il est envoyé en institution, on respire un peu, on se dit que peut-être, là, Ludo trouvera un chez lui.  Sauf qu’entre une infirmière dégoulinante d’hypocrisie et un pensionnaire dans la cinquantaine qui tente, avec les moyens d’un petit enfant imbu de lui-même, d’être au premier rang, difficile de se creuser une place. 

Il faut dire que Ludo, même si on voudrait tellement qu’il cesse de faire face à une écoeurante mauvaise foi et aux préjugés tenaces, n’est pas facile à aimer; il ne sait pas comment s’y prendre, même si au fond, il ne demande que ça.  C’est un enfant sauvage, terriblement carencé au plan affectif, qui a été abandonné à lui-même tout au long de ces années ou les petits cerveaux sont en plein développement et qui, en plus, est « tombé tout seul » dans un escalier.  À part lui faire de constante reproches, on ne lui a jamais enseigné ce qui se fait et ce qui ne se fait pas, il ne sait pas entrer en relation, il n’arrive absolument pas à décoder les signaux que lui envoie son entourage.   Sa relation avec sa mère en est une d’amour-haine et il essaie par tous les moyens de l’atteindre, de l’avoir pour lui, de la faire réagir, et d’avoir ainsi une preuve qu’il existe pour elle. 

Les personnages s’expriment avec un niveau de langage peu élaboré mais ça n’en est que plus réaliste.  Les mêmes insultes reviennent, toujours les mêmes mots, la syntaxe est très orale, très « terroir » (je sens que j’ai le mauvais mot… pouvez-vous me corriger) et je les ai entendues dans ma tête, ces phrases, ces intonations.  Et j’ai rarement autant eu envie d’étrangler certains personnages… les boulangers sont vraiment, vraiment détestables et égoïstes, ramenant tout à eux et Nicole, la mère, leur fille, semble avoir hérité de leurs mauvais plis.  Si j’ai tenté de la comprendre au départ (après tout, elle a des circonstances atténuantes) plus l’histoire avançait, plus elle me répugnait.  

Une lecture très difficile, qui prend à la gorge et qui m’a probablement plus touchée parce que certaines parties réveillaient certains souvenirs (professionnels, je précise) dont je croyais avoir surmonté l’horreur.  Mais certains petits visages m’ont traversé la tête.  Un énorme coup de poing et une histoire qui a su, selon moi, éviter l’écueil du petit enfant parfait et gentil avec qui tout le monde est méchant, fait pour faire pleurer les chaumières. On est loin de la miévrerie.   Bladelor a abandonné le livre en raison de l’atmosphère trop glauque qui ne correspondait pas à ses goûts du moments.  On peut comprendre.  Un roman très fort mais que je ne conseillerais pas à n’importe qui… et pas n’importe quand non plus.

hellokittypicture07.jpgLecture commune avec Bladelor


objectif-pal.jpg Il y était depuis au moins 15 ans.  Au moins.  La couverture du billet est celle de mon édition.  Ça veut tout dire. 

62 Commentaires

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  1. 15 ANS !! Ok on va dire que j’ais pas lu ça. Quoiqu’il en soit, je crois que c’est certe un roman coup de poing, mais malgré tout je me lancerais bien dans sa lecture. Je le prends donc en note pour un jour où ma PAL sera réduite.

    1. Geisha Nellie: Oui, 15 ans.  Je sais.  Faut pas faire de commentaires!

  2. Comment as-tu fais pour lire un livre pareil ? Moi je n’aurais jamais été capable, je suis bien trop sensible !!! Merci quand même pour ton billet, ça prend parfois des livres durs pour faire évoluer la pensée sociale.

    1. Gabrielle: En fait, dans la vie, je suis sensible (en dedans, soit dit en passant, ça paraît pas!) mais en littérature, je suis capable d’en prendre!!

  3. Non, décidement pas!! Je n’ai jamais été attirée par ce romancier, et ça ne va pas commencer maintenant!

    1. Chiff: J’ai fait l’expérience… et là, ça suffit pour un moment!

  4. J’ai lu ce livre il y a environ 10 ans de ça et bien que je n’en ai qu’un vague souvenir, je me rappelle bien le choc que j’avais eu en le lisant. Du même auteur, j’avais aussi lu une nouvelle, La Menace, qui m’avait aussi beaucoup marquée.

    1. Pélie: Je ne sais pas si j’aurai le courage de lire autre chose de l’auteur… pas tout de suite, en tout cas!

  5. J’avais détesté car je n’ai pas su passer outre le style trop relâché, je crois

    1. Stephie: Ah oui, le style est particulier.  Pour ma part, ça m’a mise dans l’ambiance… mais je comprends que ça puisse taper!

  6. je ne l’ai jamais lu, et sincèrement, même après ton intéressant billet, je ne suis toujours pas tentée
     

    1. Niki: C’est un genre de livre qu’on lit quand on se sent capable…  ou pas du tout si ce n’est pas notre style.  J’aime les livres durs et il a réussi à ne pas tomber dans le larmoyant, même si c’est horrible. 

  7. Je l’avais lu à sa sortie et je m’en souviens encore. C’est une lecture vraiment très forte, qui s’imprime durablement. Difficile de dire que l’on a aimé un livre pareil, c’est autre chose, mais j’ai trouvé que Yann Queffelec avait bien du talent pour restituer une telle histoire.

    1. Aifelle: Je pense que je vais m’en souvenir longtemps aussi.  C’est tellement, tellement dur. Mais je ne suis pas certaine qu eje relirai l’auteur!

  8. J’aime beaucoup ton billet que j’ai lu avec d’autant plus d’attention que je ne suis pas allée au bout de ce roman. Le terme « terroir » que tu utilises me semble approprié, c’est aussi comme ça que je décrirai le ton de ces dialogues. Ton avis me confirme que ce n’était vraiment pas pour moi, du moins dans le moment. Rarement une lecture m’a à ce point oppressée, même la trilogie d’Agota Kristof qui est de la même veine ne m’avait pas fait cet effet. Ce qui me terrifie c’est quand tu dis que ça te rappelles un vécu professionnel… Naïvement je me disais que ce genre d’histoire n’existait que dans les livres, du moins à ce niveau de cruauté. Et ce que j’aimerais comprendre, c’est quelle est la motivation d’un auteur pour écrire pareil roman ??

    1. Bladelor: La trilogie d’Agota Kristof est dans le même registre « étouffant » pour moi aussi… et non, malheureusement, ce n’est pas que dans les livres.  Ce n’est pas toujours aussi spectaculaire mais des fois… pas loin. 

  9. Je crois bien l’avoir lu il y a plus de vingt ans… j’en ai peu de souvenirs malheureusement, mais comme il est toujours dans ma bibliothèque (ben oui, je garde mes livres), ton billet me donne envie d’y retourner car j’aime ce genre de lectures très fortes.

    1. Ys: Oui, je sais que tu aimes ce genre de lectures qui font mal parfois.  E tje te comprends, je gard mes livres aussi!  Quand je ne les perds pas, ceci dit!

  10. C’est exactement le genre de roman que j’aime à lire… mais pas en ce moment, j’ai bien noté ton avertissement !

    1. Pickwick: Si le genre te plaît, c’est un roman très, très fort. Mais tu as raison, choisis ton moment!

  11. 15 ans dans ta PAL … c’est un peu comme certains livres chez moi !!! Mais il n’a pas l’air facile, ce roman … je ne suis pas sûre de le noter !

    1. Joelle: Non, il n’est pas facile.  Vraiment pas!  Et j’en ai d’autres qui datent de la même époque!

  12. J’ai lu la même édition que toi au Cégep il y a beaucoup trop d’années (lecture imposée dans un cours) et le peu que je me rappelle, c’est moi aussi le malaise ressenti pendant ma lecture.  Peut-être qu’aujourd’hui, étant plus mature, je l’apprécierais peut-être plus.  Ou peut-être pas!  À relire peut-être un jour s’il recroise mon chemin de nouveau.

    1. Élianthe: Je n’en reviens tout simplement pas qu’on fasse lire ce livre aux étudiants.  Bon, peut-être certains ne seront-ils pas d’accord avec moi mais je trouve que c’est vraiment trop dur.  Ca peut marquer d’une drôle de façon, selon moi…

  13. Ca a l’air très déprimant…ça me donne pas du tout envie de le lire. Je suis sûre que ça me stresserait trop.

    1. Fleur: Ah oui, ça risque de te stresser!  Très, très oppressant!

  14. C’est bizarre… le roman fait partie de PAL également depuis un bon 15 ans aussi !!! Il a passé tellement de temps dans la PAL qu’il est aujourd’hui carrément rangé dans les rayons… je me souviens de lui uniquement quand j’époussette et je me dis, il faudrait bien que je le lise un jour ! Ton billet m’intrigue et je vais le remettre en PAL pour ne plus l’oublier ! 😉 Le livre semble difficile mais intriguant !

    1. Laila: Je l’avais carrément rangé aussi… sans Bladelor, je ne l’aurais jamais lu, je crois!!!  Très difficle mais quand même, ça mérite d’être lu.

  15. En ce qui me concerne ça fait bien 10 ans que l’ai lu!! et je m’en souviens encore!! C’est sûr pas dans les détails mais j’en garde un souvenir poignant et tellement injuste!! une lecture forte et indescriptible dans sa cruauté!

    1. Angie: Il est en effet très, très dur à oublier. 

  16. Ce roman m’a oppressée moi aussi, du début à la fin, sans répit et avec, comme tu le dis, quelques rares moments où on espère, à tort, que ça va s’arranger… Je ne crois pas avoir jamais ressenti un tel mal être en lisant. Et malheureusement, la consicence que ce type de situation est bel et bien réelle pour certaines personnes me traumatisait encore plus à la lecture, je pensais à tous ceux qui le vivent vraiment.

    1. Kali: J’avais du mal à respirer dans ma lecture, c’est fou.  Ce rejet, ce besoin d’amour… ca fait très mal.

  17. « une lecture qui marque »: ça confirme ce que j’ai déjà entendu à son sujet!

    1. Lasardine: C’Est le moins qu’on puisse dire.  Ca rentre dedans, disons.

  18. Bonjour Karine, j’ai lu le roman lors de sartie il y a 25 ans (il y a eu aussi une adaptation ciné). Personnellement, j’avais aimé mais je n’ai pas été tenté de lire un autre roman de Queffelec, trop dur pour moi. Bonne après-midi.

    1. Dasola: Je ne crois pas que je serai tentée non plus… très très dur.

  19. j’ai gardé un souvenir marquant de ce livre que j’ai lu il y a bien longtemps mais qui m’avait beaucoup plu

    1. Bénédicte: J’en garde aussi un souvenir fort.  Je frissonne rien qu’à y penser!

  20. Je n’ai jamais rien lu qui m’ait autant secouée…
    Depuis, je me suis obstinément refusée à lire tout autre roman de l’auteur.

    1. Brize: Pour secouer, ça secoue.  Et je ne sais pas si je relirai l’auteur non plus…

  21. C’est un sujet très difficile mais j’ai bien envie de découvrir ce livre quand même!

    1. Pimprenelle: Je ne sais pas pourquoi mais je ne suis pas surprise que tu dises cela!

  22. Je l’avais acheté il y a… plus de 15 ans en livre audio à mon cher et tendre parce qu’il faisait de longs trajets… J’ai bien eu l’impression que ça ne l’avait pas emballé, je comprends mieux maintenant !

    1. Kathel: En audio… ça doit faire assez hard, en effet!! 😉

  23. Un livre qui marque oui, c’est tout à fait ça. Je l’ai vraiment beaucoup aimé.

    1. Hydromiel: Je ne sais pas si je peux dire que j’ai aimé… mais je n’en suis pas ressortie indemne.

  24. @ Elianthe : comment peut-on forcer des élèves à lire ce livre ???

    Ce n’est pas n livre que j’ai envie de relire, c’est un livre dur et terrible, mais c’est aussi un chef d’oeuvre. Je ne peux pas dire que j’ai aimé, il y a trop de violence et de haine (oh, le début … quelle scène atroce !), mais c’est un des romans qui m’a le plus marqué !

    1. Céline: Je ne peux pas dire que j’ai aimé non plus.  Trop terrible.   Mais quand même il y a quelque chose dans ce livre…

  25. Ouf, je le savais déjà mais tu confirmes : ce n’est pas pour moi !!! 😉

    1. Yueyin: Non, en effet… je pense que ce n’est pas ta tasse de thé!

  26. Ca fait des années qu’il est aussi dans ma PAL mais si c’est glauque alors je vais encore le laisser là un moment 🙂

    1. **Fleur**: Oui, c’est glauque.  Je dirais que c’est un livre à expérimenter… mais c’Est super dur!

  27. je comprends que ce livre t’ai marqué. Ce n’est pas un livre facile loin de là. Je l’ai lu il y a bien longtemps et j’en garde un souvenir très fort.

    1. Anjelica: Il est difficile à oublier, en tout cas!

  28. Je l’ai lu au CÉGEP celui-là! Ça fait bizzare de dire qu’on a aimé un tel livre, mais pour moi ça reste un des moments forts de ma vie de lectrice, un livre marquant!

    1. Abeille: Oui, c’est marquant.  Je ne peux pas dire que j’ai aimé vraiment, non plus… mais il m’a frappée!

  29. Je l’ai lu il y a plus de 10 ans et je n’en garde pratiquement aucun souvenir, sauf celui d’avoir détesté ce roman.

    1. Manu: C’est un coup de poing.  Et c’est très, très dur.  je comprends que ça ait pu te faire cet effet. 

  30. Je l’ai lu il y a quelques années et son souvenir est toujours très présent. Un roman coup-de-poing et très poignant !

    1. Restling: Je pense que je m’en souviendrai… vraiment une grosse claque.

  31.  bonjour, je vouler commenter ton impression sur le livre les noces barbares ceci est mon premier commentaire sur internet je ne sais donc pas si je m’y prend tres bien je suis d’accord avec toi pour tout sauf un poin je n’ai lu ce livre qu’une foi et je comprend le point de vue de nicole qui malgres le degout qu’elle inspire prouve a plusieur reprise qu’elle essaille de se raprocher de ludo mais cet au dela de ces force   enfin ce n’est que mon avis

     

    1. Taniere Laetitia: Bienvenue sur les blogs alors.  Pour Nicole, il faudrait que je relise certaines parties pour pouvoir argumenter ou discuter en profondeur.  Mais à mon souvenir, cette mère ne peut tout simplement pas.  Au dessus de ses forces ou dégoût trop ancré…  Elle n’a pas été épargnée non plus, cette femme…

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