Présentation de l’éditeur (celle de J’ai lu)
« Augustus Melmotte est un financier véreux.
De ces capitalistes à la morale douteuse qui lancent de vastes opérations spéculatives pour piéger les investisseurs naïfs. A ses côtés jeunes gens de bonne famille désargentés et voleurs, romancières sans talent, politiciens malhonnêtes et journalistes menteurs pour qui la triche est une seconde peau. Car dans le Londres victorien, on trompe, séduit et arnaque comme on respire, on s’adonne à la satire et cela prend des airs furieusement contemporains. »
Commentaire
Je voulais lire Trollope depuis le mois anglais. Je ne connaissais rien de lui alors j’ai regardé sur Goodreads pour voir lequel de ses romans avait la meilleure cote. J’ai donc commancé « The way we live now » sans trop savoir dans quoi je m’embarquais. Jusqu’à ce que je le reçoive. 1000 pages. 2 kilos quelque. Ok. Ca a été long à lire. Pas parce que ça ne m’intéressait pas, au contraire. Mais je devais poser mon livre sur une table sinon c’était le retour de la traditionnelle tendinite du pouce… Bref, assez de blabla et parlons du roman.
Trollope a – selon la préface de mon édition – écrit ce roman à son retour d’un périple d’un an en Amérique. Il aurait été effaré des changements survenus dans son Angleterre… et c’est ce qui aurait occasionné l’écriture de ce roman touffu. C’est tout le portrait d’une époque qui est dressé entre ces pages. Une époque en plein changement, où l’aristocratie est souvent désargentée, où les apparences sont reines, où le mensonge est l’ordinaire. C’est l’arrivée de la spéculation, c’est la richesse de plus en plus grande de la « vulgaire » classe des marchands et des hommes d’affaires. C’est l’incapacité fréquente de l’ancien monde à s’adapter à cette nouvelle époque. Le roman est foisonnant, il y a énormément de personnages et il est ma foi assez long à se mettre en place. On doit placer les personnages, les chapitres nous baladent de scène en scène et je me suis un bon moment demandé où ça s’en allait, cette histoire. Pourtant, après 200 pages lues assez lentement, j’étais pleinement embarquée dans cette histoire.
Pourtant, pas évident de s’attacher aux personnages! Nous suivons toute une galerie de personnalités toutes plus imparfaites les unes que les autres. Sir Felix Carbury, le « jeune premier » beau comme un coeur est complètement détestable. Il n’a aucun sens des priorités, il passe son temps à boire et jouer à son club, il se fout de tout et de tout le monde excepté lui-même et son petit plaisir. Sa mère, Lady Carbury, en est complètement folle même s’il les ruine, elle et sa fille Hetta. L’amour aveugle. Limite que sa fille, qui est l’un des seuls personnages gentils du roman, lui pèse davantage que son ingrat de fils dans son refus d’épouser l’homme que sa mère lui a choisi, Roger Carbury. Arrive donc dans le décor un multimillionnaire venu du continent, Mr. Melmotte. Financier un peu louche, l’argent lui sort par les oreilles. Notre Lady Carbury n’a donc qu’un seul but: marier son imbécile de fils à Mlle Marie Melmotte, file du grand homme.
Plusieurs aspects de la société anglaise « passe au cash » dans ce roman. Trollope dénonce à la fois la politique, les journaux qui publient un peu n’importe quoi, les pots-de-vins, la course folle à l’argent, l’arrivée avec grand fracas du capitalisme et des spéculations boursières, les mensonges et les demi-vérités dits par tous et chacun, l’opposition au changement, les préjugés de toutes sortes, que ce soit envers les juifs ou la classe commerçante, l’arrivisme, le saint pouvoir de l’argent qui ne vaut limite plus rien. Presque tout le monde est malhonnête à sa façon mais les personnages ne sont pas unidimentionnels pour autant. Aimables, pas nécessairement. Mais malgré tout, les portraits sont assez réalistes pour que ça frappe. Et bizarrement, même aujourd’hui, ce discours demeure actuel pour certains points. Certaines de ces proéoccupations sont encore bien vivantes dans notre monde.
On apprend à apprécier certains personnages. J’ai une affection particulière pour Mrs. Hurtle, la veuve américaine partie retrouver Paul Montague, affection qui s’est développée au fil des pages parce que bon, au départ, ce n’était pas gagné. Ce Paul est bien gentil mais bien faible tandis que Roger Carbury, droit et intègre, reste farouchement campé sur ses positions et refuse d’évoluer avec son temps. Marie Melmotte se découvre des capacités insoupçonnées (je l’aime bien elle) et je n’ai pu m’empêcher d’être fascinée par l’ampleur de l’oeuvre de Mr. Melmotte, malgré la teneur de celle-ci. J’ai eu le goût d’étrangler Lady Carbury, de botter le derrière de Sir Felix, de secouer Ruby Ruggles et d’encourager John Crumbs, même s’il fait un peu homme des cavernes.
Les thèmes ressemblent un peu à ceux de Thackeray dans « La foire aux vanités », mais le récit et les personnages sont dessinés à plus gros traits. L’humour est parfois présent, surtout dans les réflexions et dans les contradictions des personnages mais il n’est pas aussi réjouissant que celui de Thackeray ou de Dickens (oui, je les trouve drôles… je n’y peux rien). J’ai par contre beaucoup aimé la structure du récit, qui n’est que plus ou moins linéaire et qui nous trimballe d’un personnage à un autre et qui nous balade dans le temps.
Mille pages donc. Des longueurs? Oui, vraiment. C’est la première fois que je ressens à ce point une publication en feuilleton. Il y a beaucoup de répétitions, de récapitulations. Quand on le lit tout d’une traite, ça devient un peu fatigant. De plus, peut-être que les valses hésitations étaient nécessaires pour qu’un public de feuilleton saisisse bien l’ampleur de la chose, il y a quand même beaucoup de redondance, autant dans les machinations de Mr. Melmotte, dans les démarches de Mrs. Hurtle, dans les parties de cartes de Felix ou dans les chicanes de Dolly Longstaffe et de son père.
N’empêche que le contexte et le roman m’ont passionnée et que ces personnages sont devenus vivants pour moi, probablement en raison de leurs défauts et de leurs failles. Trollope n’épargne presque personne et jette un regard ma foi assez désabusé sur la société victorienne de la fin du 19e siècle. Le tout se tient relativement bien et se comprend très facilement malgré la narration parfois décousue et un narrateur qui s’adresse au lecteur sans toutefois prendre tout à fait forme.
Je relirai Trollope!
C’était donc le classique de juin pour le challenge de Cécile. 6 en 6. Incredible!
28 Commentaires
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Je l’ai lu aussi, étonnée de la modernité des thèmes autour de l’argent, la spéculation, etc… Oui, le problème dde la sortie en feuilletons, mais ça pourrait être pire!
Keisha: Oui, c’est vraiment surprenant de voir à quel point c’est limite actuel, en fait… Ca pourrait être pire pour la partie feuilleton mais c’est la première fois que je le remarquais autant.
J’ai beaucoup aimé Miss Mackenzie (que je te conseille si tu veux continuer à découvrir Trollope) et à la suite de cette lecture j’ai eu envie de continuer à découvrir l’auteur. J’ai donc acheté Quelle époque ! qui bénéficie de critiques très positives ; maintenant il faut juste trouver le courage de le lire car, si je ne rechigne pas le moins du monde à lire des « gros » romans (on peut même dire que j’aime ça !), ce que je déteste en revanche, c’est quand c’est écrit tout petit ! (et en bonus dans l’édition que j’ai pris, la couverture est tout bonnement hideuse !).
Adalana: moi aussi j’ai envie de poursuivre ma découverte de l’auteur. Miss Mackenzie a beaucoup plu, il est noté dans ma liste!
Et bien bravo pour ton choix de lecture, pour ma part je me suis aussi attaque a un pave de la litterature britannique, David Copperfield de Charles Dickens mais en francais car je parle deja anglais toute la journee. Il fait 1022 pages,j’ai le temps avant de le finir…
Missycornish: J’ai adoré David Copperfield. Quand on connaît la vie de Dickens, c’est super intéressnant de faire les parallèles. Je m’ennuie de parler anglais. J’oublie toute ma syntaxe et mon anglais est de plus en plus épouvantable. Soupir.
quel pavé dis donc mais je le note ça a l’air pas mal 🙂
Aymeline: Oui, c’est bien, j’ai vraiment aimé, même s’il y a des longueurs. Trollope est définitivement à découvrir (au fait, puis-je poster mon billet dans le groupe même si je ne participe pas au challenge? Juste pour avoir l’impression de faire quelque chose?)
Je l’ai dans ma PAL depuis sa sortie en France chez Fayard mais je dois avouer que je n’ai pas encore pris mon courage à deux mains ! J’avais « Miss Mackenzie » à lire avant et j’avais beaucoup aimé. Il faudra que je me décide à prendre le temps pour attaquer celui-ci.
Titine: Et moi, il va falloir que je commande Miss Mackenzie!
je vois que tu cites thakeray en cours de billet – lorsque j’ai commencé à le lire, je pensais que cela me faisait fort penser à « la foire aux vanités »
mais 1.000 pages – j’en ai pour un an à lire ça
Niki: Oui, il y a vraiment des thèmes communs, je trouve. J’ai d’ailleurs bien envie de relire Vanity Fair!
Financier vereux : Ne serait-ce pas un pléonasme ?
Le Papou
Le Papou: Yep, presque. Limite que ça mérite un « Monsieur de la Palice, bonsoir! »
Il faut que je me l’achète ! C’est le deuxième billet que je vois de Trollope sur ce roman cette semaine ! Oui, je pense que sur 1000 pages, il y a forcément des longueurs… J’ai bien envie de voir sa vision de la société…
Maggie: Ah oui, qui en a fait un? Je suis curieuse d’aller le lire. C’est intéressant, ça représente sa vision de toute une époque.
Je n’ai pas lu le roman, mais j’avais beaucoup aimé la mini-série BBC de 2001 avec Matthew McFayden, David Suchet…Ils ont gardé la moëlle de l’histoire sans les longueurs inutiles, je pense !
Jaina: Yueyin m’a conseillé la minisérie… que je vais voir un jour! Il faut que je la commande d’ailleurs. Et bon, la voix de MMF n’est quand même pas mal du tout!
Moi c’est l’inverse, je parle trop en anglais et pas assez en français. Du coup, je me rends compte lorsque je relis mes commentaires que je fais des fautes épouvantables.
MissyCornish: Moi, en français, ça va quand j’écris à la main mais à l’ordi, c’est l’horreur… faudrait que je me relise. En anglais, par contre, oufff… j’ai perdu toute confiance en mon anglais!
En lisant ton billet, je pensais justement à La foire aux vanités. Jusqu’à ce que tu le cites. Mais je ne me sens pas encore de taille à relire un tel pavé de cette époque. Je le note quand même pour plus tard.
Manu: Il y a des thèmes communs. J’ai préféré le roman de Thackeray mais celui-ci me laisse un très bon souvenir aussi!
C’est le dernier billet de Passion Lecture : http://passionlectures.wordpress.com/2012/06/08/quelle-epoque-anthony-trollope/
Maggie: Ah merci, je vais aller voir ça!
DeTrollope j’avais beaucoup aimé « Miss Mackenzie » !
George: Je veux le lire, celui-là. J’espère vraiment que je vais mettre la main dessus!
J’ai vu sur Goodreads que tu l’avais lu juste avant moi et j’attendais ton avis ! Comme toi j’ai beaucoup aimé ce roman, je pense même que les longueurs ne m’ont pas autant gênée, sauf peut-être pour les atermoiements de Roger Carbury…;-)Un côté très actuel, c’est sûr, autant dans les montages financiers que politiques lorsque Melmotte tente de se faire élire député à la chambre des Communes. Contrairement à toi, je n’ai pas éprouvé beaucoup de compassion pour Mrs Hurtle (et pas non plus pour Paul Montague, je te rassure !)… mais je te rejoins sur l’évolution de Mlle Marie Melmotte qui était certainement la plus intéressante !
Je te conseille vraiment Miss Mackenzie, qui est bien plus piquant. J’ai lu aussi Le Cousin Henry, mais si tu as trouvé des longueurs dans la saga Melmotte, celui-ci ne devrait pas beaucoup de plaire. Je vais faire ma chronique bientôt.
@Maggie : merci d’avoir mis le lien vers mon billet ! 🙂
Eliza: J’ai un peu trop d’avance dans mes billets ;)) Mais si tu veux des avis « en primeur » sur goodreads, ne te gêne pas pour demander ! Je n’ai aucun problème à faire lire ou commenter mes billets avant la date de publication… call me weird!
Yep, je pense que notre différence principale se situe au niveau de Mrs Hurtle. J’ai aimé la modernité, la façon de voir les choses et l’évolution des personnages. Je relirai certainement l’auteur. Go donc pour Miss Mackenzie!