L’ombre en fuite – Richard Powers

Présentation de l’éditeur
« Washington.  Adie Klarpol, une jeune artiste désillusionnée, est engagée par une compagnie d’informatique pour travailler sur un système expérimental, « la Caverne ».  Ce simulateur d’univers virtuels 3D permet de revisiter, entre quatre murs, les chefs d’oeuvre de l’art. 

Beyrouth.  Taimur Martin, professeur d’anglais, est pris en otage par des fondamentaliste islamistes.  Seul dans un cachot, il n’a que sa mémoire et son imagination pour s’évader. 

Un simulateur d’univers virtuels, un cachot: deux pièces dissemblables, toutes deux ouvertes à toutes les transformations, l’une par la magie de l’informatique, l’autre par la ténacité de l’esprit humain.  Deux univers a priori inconciliables dont Richard Powers, avec son sens renversant du romanesque, tire une polyphonie grandiose. 

Le romancier explore le destin de l’art à l’époque du virtuel, celui de la mémoire à l’époque de l’informatique et il questionne une fois de plus les rapports entre science, histoire et imagination. »

Commentaire

J’ai terminé ce livre hier soir et, après avoir rêvé que j’étais prise en otage, enfermée et séquestrée (je ne vous nommerai pas quelle était la figure salvatrice (ou plutôt la figure salvatrice dédoublée) du dit rêve parce que vous allez vraiment penser que je suis victime d’une grave obsession), je me retrouve devant mon clavier, toujours aussi muette et déboussolée par ce que je viens de lire.  Donc, ne pas s’attendre à un billet structuré, je sens que c’est totalement impossible.  Toute façon, depuis quand est-ce que j’écris des billets structurés!

J’ai commencé ma lecture dans la perplexité la plus totale.  Dans la Caverne, j’errais à travers les pixels, les polygones, les formules mathématiques et les filtres, croyant avoir droit à un pitch de vente de PhotoShop ou un truc du genre.  Si ça n’avait été du nom de Richard Powers – qui m’a enchantée avec « Le temps où nous chantions » – qui m’assurait que ça allait quelque part, je crois que je me serais laissée submerger.   Le début du livre est très technique, lent à se mettre en place, les personnages sont nombreux, présentés, esquissés, peu sympathiques, difficiles à cerner.  Et plus ça va, plus on creuse, plus ils sont devenus réels, mieux on comprend leurs réactions (bon, je ne dirais pas que je suis allée jusqu’à vraiment m’attacher, toutefois).  J’ai vu dans cette bande de programmeurs, dessinateurs, informaticiens ne vivant que pour leur travail un réel désir de changer quelque chose et en même temps de recréer le réel, réel qu’ils cherchent à fuir, chacun à leur manière.  Jusqu’à ce que la réalité les rattrape…

Et d’un autre côté, il y a Taimur, emprisonné au Liban, complètement seul avec lui-même, à la merci de ses ravisseurs, qui cherche un moyen de survivre, de ne pas se perdre complètement, d’échapper à cette réalité qui le dépasse.  Au fil des jours, sans technologie, complètement coupé du monde, il fouillera ses souvenirs, imaginera des scènes de vie à sa sauce, teintées de ses propres perceptions, qui lui permettront de garder une certaine santé mentale.  Une certaine.  Et cette histoire est passionnante.  On y plonge tête première, on y croit et je me suis sentie emportée dans les tourbillons de ses pensées, de ses tentatives de survie. 

Et le lien attendu, que je n’espérais plus à la toute fin, arrive soudain, à la Richard Powers.  En fait, tout au cours du livre, les liens se font, en arrière plan…

Après un début difficile – voire même assez pénible dans les trucs très techniques – j’ai finalement beaucoup apprécié cette lecture, qui m’a menée sur toutes sortes de pistes, que ce soit par rapport à l’art, son implication, sa signification (Adie recrée des oeuvres d’art – Le rêve du Douanier Rousseau, la chambre de Van Gogh à Arles – dans un environnement virtuel) et son rapport à la réalité. On pense rapidement aussi aux ombres qui se profilent sur les murs de la Caverne de Platon.  J’ai aussi pensé à tous ces romans que je me suis un jour faits dans ma tête, ces heures passées à m’inventer un avenir improbable.  À tous ces stratagèmes que nous avons pour éviter de faire face à ce qui nous dépasse, ce qui nous terrasse.   À l’évasion du réel « ordinaire » que me procurent mes heures de lecture et à l’influence qu’ont ce moments où, transcendée par une histoire, une musique ou une image, je ne suis plus tout à fait moi, sur la réalité.   Je suis peut-être passée complètement à côté mais c’est ce que j’en ai retiré. 

Certes, cette lecture est parfois ardue, assez difficilement accessible: il faut avoir le cerveau en bon état pour suivre et ne pas être dépassé par les thèmes et la langue utilisée par l’auteur.   Le côté technique et théorique peut rebuter, selon moi.  Ce n’est pas non plus le titre que je conseillerais pour découvrir cet auteur (bon, je n’ai lu que 3 livres de lui alors ce n’est pas comme si j’étais une référence) mais somme toutes, j’ai aimé.

Merci à Solène Perrono, des éditions « Le cherche midi » qui, après avoir lu un commentaire dans lequel je m’extasiais sur « Le temps où nous chantions », m’a fait parvenir ce livre.

Plaisir de lecture: 7,5/10
(J’ai dû réfléchir 10 minutes!!!  Globalement, ça donne à peu près ça… mais le début… ouuuuf!!!  Et j’étais prévenue, pourtant!!)

21 Commentaires

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  1. Décidément, plus je le vois sur les blogs, moins il me tente ! Et le cerveau en bon état, ce n’est pas le cas tous les jours, alors je passe sans regret.

  2. Je ne pense pas découvrir Richard POwers avec ce titre là. Mon cerveau n’est actuellement pas en assez bon état 🙂

  3. Moi c’est sûr je passe. Si je décide de me réconcilier avec cet auteur avec lequel je suis brouillée depuis « Trois fermiers s’en vont au bal », je ne pense pas que ce soit le bon choix de titre

  4. Rêver d’être prise en otage : mais c’est vraiment un rêve bizarre ça ! S’il y a un beau sauveur à la fin, on va dire que c’est un rêve quand même et pas un cauchemar…

  5. Tu fais des rêves d’une clarté incroyable : je suis très jalouuuuse parce que je n’ai jamais rêvé du Docteur ou de Jack. Tsss…
    Sinon, le roman, je passe, je n’ai toujours pas lu Le temps où nous chantions, alors les pixels et autres formules mathématiques, c’est pas pour demain.

  6. Excellent billet, Karine:), qui rend bien compte du livre (je le sais, j’ai bien aimé). Les inconditionnels de Richard Powers se sentent cependant bien seuls sur ce coup là, mais il ne faut pas avoir peur des pixels et autres, le style de l’auteur est toujourslà!!!

  7. Première lecture de cet auteur … on peut dire que j’ai bien ramé lors de cette lecture. Puis à la moitié du livre, j’ai de plus en plus apprécié ces deux récits.
    Je partage ton point de vue : c’est une oeuvre qui demande qu’on ne s’occupe que d’elle.

  8. J’ai fini de rédiger mon billet hier et ma conclusion est très très proche de la tienne. 🙂

  9. Pour moi, le sentiment final est que les parties « techniques » sont vraiment trop longues, voire incompréhensibles… Tu parles très bien de ce roman, en tout cas, et ce n’est pas « brouillon » du tout !

  10. Aifelle: Je pense que c’est un roman qui vaut la peine d’être lu car il suscite des réflexions bien intéressantes… mais il n’est pas facile à lire.  Ou bien c’est moi… mais bon, il faut être « toute là »!

    Flo: Ce n’est effectivement pas  le titre avec lequel je te conseillerais de faire la découverte de Powers.  Surtout au début, c’est un peu difficile!

    Manu: En effet, si tu es en brouille… pas la meilleure idée!!  Mais « Le temps où nous chantions », j’ai adoré.  Ce n’est aps non plus « facile » mais c’est teeeellement bien, du moins à mon goût à moi!

    Saxaoul: Je me faisais tirer dessus mais le Docteur faisait dévier les balles de carabine… mais disons que ce n’est pas super trippant de se faire tirer dessus!!!

    Fashion: Yep, je fais des rêves très, très, clairs!!  Avant hier, j’ai rêvé que j’avais David Tennant comme voisin dans l’avion, et je pourrais te rapporter la conversation!!   Pour le roman, c’est du Powers, mais je comprends que le thème puisse paraître rébarbatif. 

    Keisha: Oui, je sais que tu as bien aimé!!  Et je suis tout à fait d’accord, le style de Powers me plaît toujours mais je ne conseillerais absolument pas ce livre pour découvrir l’auteur.  On s’entend, le début, ça peut paraître pénible par instant… disons que le fait que ça ait été écrit en 2000 paraît un peu et que ce qui est décrit nous paraît moins « génial » de nos jours…

    Leiloona: Quand on commence à découvrir la réelle histoire des personnage, ça devient moins ardu, on comprend bien les trucs du début.  Mais j’ai vraiment eu peur un moment donné, au début du roman.  Et  j’ai ramé aussi!!

    In Cold Blog: Je vais aller lire ton billet, donc!  JE suis bien curieuse!!

  11. Kathel: Merci 😉  Et oui, les parties techniques sont vraiment ardues, je suis d’accord avec toi.  Mais pour moi, la fin a rattrapé tout ça (et bon, je réalise qu’on aurait pu passer vite sur le tas de pixels et que ça n’aurait pas été si grave)

  12. Je vais en parler samedi, je crois que nous avons tous eu la même réaction avec le vocabulaire technique! 🙂

  13. Je viens d’acheter Le temps ou nous chantions. Si le premier m’enthousiasme, je tenterai celui-là. Biz

  14. Deux mondes différents et visiblement un lien à rechercher, oui, ça doit être un livre intéressant.

  15. Je vais plutôt commencer par « le temps ou nous chantions »

  16. Il n’est pas pour moi celui-là! Pas en ce moment, du moins!

  17. Cathulu: J’avoue que j’ai eu peur un moment donné quand j’ai vu toute cette technique… si ça n’avait pas été Powers, j’aurais carrément freaké!!!

    Rory: J’espère que tu aimeras Le temps où nous chantions… ça a tellement été un gros coup de coeur pour moi!!

    Lilibook: Oui, c’Est intéressant, du moins, ça m’a intéressée.  Ca prend un cerveau en bon état par contre et au début, il faut vraiment s’accrocher!

    Gambadou: C’est le conseil que je peux donner, en tout cas!!

    Pimpi: Pour avoir une petite idée de l’état de ton cerveau ces temps-ci… je crois que tu as raison!  Take care! xx

  18. apparement le succés de « le temps ou nous chations  » assure le succés de celui ci, tu n’est pas la seule à trouver un début un peu lent à se mettre en place, je n’ai toujours pas découvert cet auteur mais je commancerai avec « le temps ou nous chantions  » qui a beaucoup plu les bloggeurs

  19. Pom’: En effet, « Le temps où nous chantions » a été davantage apprécié mais il n’a pas plu à tous non plus.  Le style de Richard Powers est génial (selon moi) mais pas facile, tout de même!

  20. A force de la voir sur pas mal de blog, ce livre commence vraiment à m’intriguer. je le lirai sans doute !

  21. Géraldine: Si tu n’as jamais lu Powers, ce n’est pas vraiment par ce roman que je te conseillerais de commencer.  Mais je te comprends d’être curieuse, ça me ferait exactement le même effet!

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