Présentation de l’éditeur
« Else doit trouver trente mille florins pour sauver sa famille de la ruine […] »
Commentaire
Eh oui, j’arrête là la présentation de l’éditeur parce qu’elle dit tout, ou presque. Et vraiment, je m’en voudrais que certains aient leur lecture de cette longue nouvelle gâchée par ma faute! Parce qu’elle en vaut vraiment, mais vraiment la peine et que j’ai pris une des rares soirées que j’avais de toutes à moi pour m’y glisser… et n’en sortir qu’une fois la dernière page tournée.
Else a dix-neuf ans et est la fille d’un avocat viennois, actuellement en vacances avec sa tante et son cousin dans un lieu de villégiature. Légère, sûre d’elle et de son pouvoir de séduction, elle profite d’une journée qu’elle trouve merveilleuse en badinant avec art avec la compagnie de l’hôtel. Une lettre de sa mère, lui demandant de trouver en deux jours trente mille florins pour sauver son père d’une énième dette qui l’emmenerait en prison, vient gâcher sa journée et la placer dans une situation impossible. Et là, la tension monte graduellement mais de façon inéluctable pour amener vers le point de non-retour.
C’est que le « vieil ami de la famille », à qui sa mère lui demande d’emprunter de l’argent, lui demande quelque chose en retour. Se vendre ou ne pas se vendre? Et c’est sous la forme d’un monologue intérieur tourmenté et haletant que nous entrons dans les pensée de cette jeune fille qui se retrouve soudain confrontée à une réalité qu’elle aimait bien imaginer mais qui est en fait beaucoup trop dure pour elle. En effet, à 19 ans, Else se plaît à imaginer toutes sortes de scénarios, à imaginer et à commenter son entourage, à se voir le centre de drames passionnels et de tragédies. Son discours, fait de phrases courtes, hachées, truffé de changements d’idées, m’a vraiment donné l’illusion d’être dans la tête d’une jeune fille dépassée, angoissée, dont les pensées tournent et se retournent, sans jamais s’arrêter, sans jamais souffler. Le langage est simple et Else essaie de se convaincre elle-même de mille choses. Si elle semble forte et insouciante au départ, elle se révèle autrement plus fragile qu’elle ne l’aurait cru quand elle voit s’effondrer tous les pilliers de sa vie. Pronfondément seule, elle ne peut faire confiance à personne, les gens qui sont sensés s’occuper d’elle la mettant dans des situations impossibles et la trahissant les uns après les autres.
Impossible de ne pas être révoltée par la lettre de sa mère, par la situation de son père qu’elle évoque avec suffisamment de recul et de clairvoyance. Else est acculée à ses dernières limites et nous le sentons dans les phrases désespérées qu’elle tente de masquer sous un restant d’amour propre et de dignité.
Il m’est encore difficile de croire que ce texte a été écrit en 1924, et par un homme. Les thèmes de l’amour, de la mort, du contrôle de son propre corps et de la famille et de son emprise sont soulevée et exprimés clairement et d’une façon qui ne les condamne pas nécessairement. Nous ressentons vraiment le déchirement d’Else entre des désirs qu’elle a du mal à s’avouer: prendre le contrôle de sa vie, se faire admirer, de façon exhibitionniste ou pas, se faire aimer, se suicider.
Un texte que j’ai trouvé magnifique et dans lequel je ne me suis pas du tout ennuyée malgré les répétitions, les nombreux changements d’idée d’Else et des éternels recommencements de ses pensées. Un coup de coeur!
52 Commentaires
Passer au formulaire de commentaire
Merci d’avoir coupé la quatrième de couverture .. en même temps, je ne les lis jamais 🙂
Je note ce titre sur ma LAL. Tu m’as vraiment donnée envie de me pencher là-dessus
Carine: Moi non plus je ne les lis jamais… mais quand elles en disent trop, je les coupe!! C’est mon blog!! ;))
Je note car cela fait un moment que je voulais relire Schnitzler, découvert à la fac.
Stephie: J’ai trouvé ça carrément magnifique!!! Un réel plaisir de lecture. Tu as lu quoi de Schnitzler??
Ah ! Moi c’est vraiment un livre qui ma hanté que j’ai lu plusieurs fois 😉 C’est poignant déchirant mon dieu c’est d’une force pas croyable qui c’est mettre le lecteur chaos.
Un petit livre tout simplement extraordinnaire, oui je suis bien d’accord avec toi !
Alice: Oui, très fort, ce récit. J’ai été hantée aussi, c’est incroyable… vraiment magnifique!
Ououh, je veux le lire depuis un bout de temps, celui là!!!
Keisha: Il faut! C’est un livre que je relirai certainement!
Je suis ravie que tu aies aimé Ca avait également été un coup de coeur pour moi l’an dernier !
Lilly: Je pense que c’est chez toi que je l’avais noté en premier, d’ailleurs!!!
l’occasion idéale de faire connaissance avec Arthur. C’est noté… et enregistré !
In Cold Blog: Je ne saurais que trop recommander, j’ai été conquise.
Ce petit livre est déjà dans ma PAL, mais tu me donnes furieusement envie de l’y mettre au sommet !
Petite Fleur: Excellenet idée!!!
Ces écrivains germanophones n’ont décidément pas fini de nous plaire et de nous séduire 😉
Ys: Décidément! Et j’ai de plus en plus le goût de les découvrir! Je suis hyper jalouse de ta formation, en fait!
Je ne connaissais pas mais ça a l’air sympa !
Emily: C’est très intense, très particulier comme roman. Un long monologue intérieur qui m’a emportée!
J’ai vu Isabelle Carré sur scène au petit théâtre de Paris mise en scène par Didier Long dans Mademoiselle Else, ton billet me rappelle de bons souvenirs!
Mirontaine: Je ne savais pas du tout que ça avait été monté en théâtre (ou alors je ne m’en rappelais plus du tout)… j’aurais beaucoup aimé voir ça!
Ce titre me tente énormément. Je n’ai qu’une réticence, le côté monogue intérieur, peut-etre trop instrospectif pour moi… mais je note quand même, ton billet est vraiment convaincant !
Pickwick: C’est tout au long un monologue intérieur. ON ressent les changments d’idées, les retournements dans l’esprit de la jeune fille, on se répète, on se dédie… mais j’ai vraiment adhéré!
Je connaissais le titre et le nom de l’auteur, sans avoir été tentée plus que ça jusqu’alors ! Maintenant, il FAUT que je le lise !
Kathel: Des fois, j’aime bien faire grossir les LAL!
Depuis le temps que j’y pense, mais jamais je ne l’ai acheté… merci de me le rappeler
Michel: J’ai vraiment apprécié… toute une découverte!
Une oeuvre que je trouve exceptionnelle (j’en parlais ici : http://brize.vefblog.net/Mademoiselle_Else_Arthur_SCHNITZLER ).
Brize: Tout à fait d’accord sur le qualificatif… exceptionnel, c’est le mot!
Je l’ai lu il y a longtemps . J’avais trouvé le point de vue intéressant
Voir les choses au travers de la seule narratrice : c’était prenant
Zorane: Ce point de vue complètement biaisé, complètement subjectif m’a beaucoup plu… on sent monter la folie… et on se laisse prendre!
très bon commentaire et très bon blog… Je le suis depuis quelques temps déjà, il me connecte un peu plus avec la langue et la littérature françaises. Expatriée en Argentine, j’essaye de les garder le plus possible près de moi, d’en tourner le plus de pages possibles, d’écrire un peu aussi -sur mon propre blog- et cela passe aussi par la lecture de blogs de qualité comme le tien ! félicitations et merci ! Fanylle
Fanylle: Merci, c’est gentil! J’irai faire un tout chez vous (ben sur votre blog… pas en Argentine!!!)
ah je ne connias pas cet auteur, grave erreur, hop je note voilà qui a l’air alléchant… 🙂
Yueyin: C’est super bien! Je vais le recommander à tout le monde, je pense!
J’avais adoré le film. Je note donc le livre!
Edelwe: S’il y a un film… il faut que je le voie! Absolument!
J’ai déjà vu pas mal de coup de coeur pour cette oeuvre. Je vais finir par l’ajouter à ma LAL
Manu: Pas le choix, hein!!! ;))) Je pense que ça a des chances de te plaire!
Ma lecture a beau dater, je m’en souviens encore très bien et c’est un excellent souvenir de lecture !
Laurence: J’en garderai égalemetn un souvenir vraiment très fort!
Mademoiselle Else… un bon souvenir! et je partage ton étonnement quant à la date de l’oeuvre et au sexe de son auteur : incroyable de justesse!
Djak: N’est-ce pas! J’ai vraiment été étonnée quand j’ai réalisé ça pleinement. C’est vraiment extraordinaire!
J’avais lu « La Ronde » qui est une pièce de théâtre 😉
Stephie: J’adore le théâtre… donc, bien entendu, je note!
je suis tentée…
Nathouc: Il vaut vraiment le coup!
Je l’ai lu il y a des années et j’en garde un beau souvenir, un peu flou cependant. Tu me donnes envie de le relire!!
Chiff: Je comprends que le souvenir soit un peu flou… parce que le livre est un long monologue intérieur rempli de changements d’avis, de désespoir… mais pour le relire, il le vaut bien!
Pareil pour moi Chiffonnette. Je me souviens que j’avais beaucoup aimé, mais ce serait une bonne idée de le relire. J’aurais bien voulu voir l’interprétation d’Isabelle Carré.
Lilali: Moi aussi j’aurais bien voulu voir cette interprétation!! Et il vaut bien une relecture, ce court roman!
Après Stefan Zweig, Arthur Schnitzler que tu découvres et que tu aimes ! Je crois que tu es prêtes pour faire une belle balade en Autriche ou pour lire ses auteurs les plus prestigieux … Pour Schnitzler, je te conseille « Vienne au crépuscule » qui est absolument magnifique et qui reste un de mes plus beaux souvenirs de lecture avec cet auteur (mais pas le seul, comme Zweig et Joseph Roth).
Nanne: L’autriche… j’espère au moins voir Vienne à l’automne… j’espère! Je note ce Schnitzler aussi… surtout que je veux aller à Vienne!!!