La plus secrète mémoire des hommes a été mon roman préféré l’année où je l’ai lu. Lire d’autres romans de l’auteur était une évidence.
De quoi ça parle
Ndéné Gueye est professeur de lettres. Un professeur de lettres désengagé, écrasé par la tradition et la lourdeur de son organisation. Une vidéo virale va profondément déranger le protagoniste. On y voit le cadavre d’un homme déterré puis trainé hors du cimetière par une foule en colère. La raison? Il était un goor-jigéen. Un homme-femme. Un homosexuel. Ndéné va donc tenter de comprendre qui était cet homme et cette recherche va bouleverser son existence.
Mon avis
Nous avons ici un roman qui frappe. J’admets avoir préféré La plus secrète mémoire des hommes, plus long, avec l’écriture comme thème, mais celui-ci nous jette en plein visage la situation des homosexuels au Sénégal. Et ça tape fort. Pour l’occidentale que je suis, l’atmosphère qui y est décrite est limite dystopique.
Notre personnage principal SAIT tout ça. Il en est conscient. Mais bon, pourquoi s’en soucier, ce n’est QUE un goor-jigéen après tout. Une discussion avec sa maîtresse va le faire réagir et se questionner… et il va tout remettre en question. Et nous, comme lecteur, on réalise jusqu’où ça va. À quel point la discrimination et l’homophobie sont valorisés, à quel point la loi va dans le sens des bourreaux et la religion, on n’en parle même pas. On valorise les gens qui persécutent les homosexuels, ce fléau selon eux venu de l’occident, les imams incitent à cette haine. Difficile de concilier cette vision du monde avec ce que mes amis musulmans me disent quand ils me parlent de leur religion, qu’ils décrivent comme une religion d’amour. Ici, disons que l’amour n’est pas universel, loin de là. Et ça fait réagir. Et ça enrage.
Parce qu’au final, une vie peut s’effondrer sur des rumeurs. Qu’importe la vérité si « tout le monde le dit », n’est-ce pas? Certes, on a du mal à comprendre ce personnage et l’intensité de cette quête mais la réflexion derrière est très intéressante. Comment être soi, vivre à la hauteur de ses valeurs quand ça peut avoir des conséquences? Des grosses conséquences. Quand l’argumentaire n’a aucune espèce d’importance?
La plume est travaillée mais accessible, remplie de références littéraires et philosophiques. J’adore la façon d’écrire de l’auteur, avec ce narrateur qui est très conscient d’être parfois pédant. De plus, ce roman soulève plusieurs questions par rapport à l’implication que nous pouvons avoir pour faire valoir les droits des minorités hors de nos pays. La culture et la religion excusent-elles tout?
Bref, une bonne lecture!