Présentation de l’éditeur
« Beloved est une inscription gravée sur une tombe: le nom d’un fantôme. Celui d’une petite fille égorgée par sa mère, une esclave noire évadée d’une plantation en 1870. Un crime commis au nom de l’amour et de la détresse pour que l’enfant ne retombe pas aux mains du maître. À travers la malédiction d’un bébé qui revient hanter sa mère, le roman de Toni Morrisson conte la folie de l’esclavage bien plus puissamment que les Racines les plus noires. »
Commentaire
Pourquoi il y a deux couvertures au début de ce billet? Parce que suis légèrement psycho-rigide, voilà! J’avais ce livre en français dans ma pile (je ne dirai pas depuis quand) et c’est donc en traduction que je l’ai commencé. Toutefois, après une centaine de pages, j’ai bien réalisé que je manquais certaines choses… et j’ai recommencé mais en anglais. Parce que « Beloved » est un roman fermement ancré dans l’histoire des États-Unis (bon, cette situation a aussi existé ailleurs hein…) et que cette langue était pour moi essentielle pour entrer dans cette atmosphère étouffante et parfois un peu irréelle. Avec Beloved, je me suis sentie à la fois dans cette petite ville de l’Ohio, dans cette plantation où « le maître écoutait ses esclaves » et également dans une histoire tirée du folklore de ce peuple, de leur tradition prinicpalement orale de l’époque. La langue fluide de Toni Morrisson m’a amenée là où je n’aurais pas cru être capable d’aller. C’est poétique mais très réaliste à la fois. Et ça m’a beaucoup plu.
Toutefois, j’ai fréquemment dû interrompre ma lecture pour prendre une bonne grande respiration. Parce que ce roman, c’est un terrible coup de poing. On a beau savoir, le lire ainsi, faire la rencontre de ces personnages profondément marqués parce ce qui a été leur vie, ça fait mal et ça choque. Plusieurs phrases placées là comme ça, comme si c’était normal de voir ça, de penser comme ça… elles m’ont complètement jetée par terre. Et j’ai dû reposer le livre.
Beloved, c’est l’histoire de Sethe, esclave noire, qui s’est enfuie de la plantation où elle était après que le maître soit mort et qu’un autre Blanc ait pris le relais. Elle est allée rejoindre sa belle-mère qu’elle ne connaît pas, Baby Suggs, que son fils aussi esclave avait rachetée au prix d’années de labeur, pour qu’elle puisse enfin s’asseoir. Et puis il y a eue cette tragédie, la mort de cette petite fille qui rampait déjà et dont la pierre tombale n’est marquée que d’un seul mot « Beloved ».
C’est au 124, Bluestone Road que nous rencontrerons tous ces personnages. Dans une maison hantée du spectre d’un bébé qui ne trouve pas le repos. L’atmosphère est sombre, étouffante, étonamment pesante et efficace malgré les fantômes. Quand Paul D. , ancien esclave qui a connu – et désiré – Sethe du temps du Bon Abri (Sweet home), il y a un peu d’espoir pour Sethe et sa fille Denver, qui refuse de sortir de la cour depuis des années. Sauf qu’il y a Beloved, ce grand amour de Sethe et cette culpabilité aussi grande, même si c’était pour éviter le pire, selon elle.
Impossible pour moi de ne pas être touchée par ces personnages, qui sont loin d’être parfaits, qui ont barricadé leurs coeurs pour ne plus espérer, pour ne plus souffrir. Comment imaginer ne plus s’appartenir? Voir sa famille décimée, vendue, éparpillée aux quatre coins du pays? Comment même penser résister à s’attacher à ses propres enfants pour ne pas avoir mal quand ils seront vendus ou qu’on les aura laissés mourir? Comment imaginer être considéré comme un animal, être monnayé, n’être rien à part un mot sorti de la bouche d’un blanc? N’avoir aucune identité propre, juste comment le maître nous considère? Comment une femme peut-elle en arriver là? Comment être quelqu’un, un adulte, quand on a tout vu, tout vécu, que plus rien ne nous paraît anormal? C’est tout ça et tant d’autre chose qui nous saute au visage dans ce roman. Énormément de désillusion, de désespoir, de colère aussi. De l’amour, mais un amour qu’il faut deviner, un amour rude.
Des portraits psychologiques très intéressants, un côté un peu fantastique qui accentue l’atmosphère de légende. L’auteur ne précise pas tout, ne nous dit pas tout. Les dialogues sont parfois étranges, il faut arriver plus loin dans le roman pour comprendre tout leur sens et leur signification. L’auteur évoque, sème ses images, ne nous en donne pas toujours clairement la signification. Ces pages de « monologue » où les trois femmes se confondent sont pour moi magnifiques.
Bref, une lecture difficile, qui frappe et qui remue. Mais qui m’a profondément marquée. Je le relirai un jour car je nsuis certaine que j’en ai manqué beaucoup et que je n’ai pas saisi toutes les images et les métaphores. Je relirai l’auteur, c’est certain!
62 Commentaires
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Une lecture sans cesse repoussée par moi en raison de sa noirceur (sans jeu de mots évidemment). J’y arriverai sans doute un jour.
Aifelle: C’est bouleversant, c’Est le moins qu’on puisse dire. J’ai adoré, mais ça demande de s’accrocher.
Je plussoie sur Aifelle, notant que cela vaut la peine de le lire en VO. Franchement, on sent l’émotion dans ton billet, merci!!!
Keisha: Pour moi, oui, ça a valu le coup. La façon de s’exprimer ajoute quelque chose à l’histoire, à l’atmosphère.
On est trois peureuses officielles, alors !
Je sais que la lecture de ce roman n’est pas anodine, et je me crois toujours trop sensible pour le lire – mauvaise excuse ! Ton billet rappelle quand même que c’est un roman incontournable, je le lirai, c’est certain, ce que tu en dis est trop joli et émouvant pour me cacher derrière de fausses excuses ! 🙂
Erzie: Ah mais j’avais peur aussi, tu sais… Et j’ai vraiment été émue et touchée. Je pense juste qu’il faut le lire au bon moment.
µUn abandon pour moi, à cause du côté fantastique si je me souviens bien
Sandrine: C’est certain que si on n’adhère pas au fantastique, ça peut être difficile. Par contre, je trouve qu’il est quand même bien intégré au roman.
J’ai eu beaucoup de difficultés avec ce roman, notamment à cause du style. Peut-être dû à la traduction ? Mais bon, je n’ai pas la chance de pouvoir le lire en VO.
J’avais beaucoup aimé Love de la même romancière, mais plus léger et facile d’accès.
Manu: Je note Love, alors. J’ai été terriblement bouleversée mais je ne suis pas certaine que j’aurais le courage de le relire, en fait. Et oui, le style en français, c’est un peu étrange, par moments. En anglais aussi, hein…
Il dort dans ma PAL depuis des années, je repousse toujours le moment de me plonger dedans. Je vais sûrement me décider à franchir le pas cette année… Mais ton billet donne envie malgré la noirceur et la tristesse qui semblent se dégager de ce récit…
Vilvirt: Noirceur, tristesse, colère, résignation. Il y a énormément de choses dans ce roman… Ce n’est pas une lecture facile mais c’est une lecture que je ne regrette pas du tout.
Quel joli roman vous avez choisi .Difficile à lire.Il mélange le fantastique et le réel et parle de douleur.J’ai également lu « Jazz » et je vous assure que c’est parfois coriace mais il en résulte tant de beauté
Iloucat: En effet, c’est difficile mais ça remet les idées en place, je crois. Je note « jazz ». J’ai bien envie de lire autre chose de l’auteur et ce mot m’interpelle toujours!
J’ai toujours eu envie de lire ce roman mais je le redoute, tant l’histoire est forte. Il faut que je prenne mon courage à deux mains et le tenter !
Sara: Yep, il faut. Surtout si tu en as envie et si tu sais à quoi t’attendre.
en effet, ça a l’air d’une lecture marquante !
L’irrégulière: Pour moi, très marquante, même. Je manquais physiquement de souffle!
Je l’ai lu il y a plusieurs années, je ne m’en souviens plus très bien, ça serait à relire pour me raffraichir la mémoire.
Adalana: Je pense que je vais en garder un souvenir fort et longtemps. Mais je suis certaine que je vais m’y replonger un jour.
J’ai ressenti exactement la même chose, ce besoin de poser le livre pour prendre une respiration, tellement ce livre est étouffant, fascinant, émouvant. Et je crois qu’effectivement ça valait la peine de le lire en VO.
Grominou: N’est-ce pas qu’on a besoin de prendre notre souffle. Des fois, c’est juste trop gros, trop dur, trop émouvant. On est pris à la gorge. J’ai adoré. J’aime être ainsi secouée.
un roman lu en français et qui m’a marqué. Tu me donnes envie de le relire
Gambadou: J’ai changé de langue pas parce que je trouvais la traduction mauvaise, loin de là… juste parce que je voulais voir le langage original. Quelle lecture… Je relirai certainement un jour.
C’est amusant car par le plus grand des hasards, j’ai noté ce titre dans mes grosses envies d’achat : Je vois maintenant que je ne risque pas de regretter ma lecture… il me tarde de le lire….
MAggie: J’espère, en tout cas, que tu ne le regretteras pas. Pour ma part, j’ai juste envie d’être secouée à nouveau par cette auteure.
Je crois que je ne vais pas le noter malgré ton magnifique billet. Biz bonne nuit
Syl: Peut-être une autre fois, alors… c’est le genre de lecture qu’il faut vraiment avoir envie de lire!
Ton billet est très beau ! Je vais noter ce roman parce que j’aime bien quand un auteur me secoue ! A intercaler avec des lectures plus légères !
Sandy: Oui, intercaler. Et pour être secouée, j’ai été secouée, vraiment.
Il est dans ma pile depuis trop longtemps; j’ai tenté une fois de le lire, l’ai abandonné, ce n’était pas le bon moment. Ton billet me donne le goût d’essayer à nouveau de gravir la montagne. Merci Karine!
Lise qui n’a pas de blogue
Lise: J’espère que cette fois-ci sera la bonne. Il faut un moment pour s’imprégner de ces valeurs, de ce monde… mais une fois que c’est fait… une véritable claque!
Cela fait au moins 15 ans que ce livre traine dans ma PAL … j’avais fait une tentative mais c’était visiblement pas le bon moment pour le lire et je l’avais abandonné au bout d’une quinzaine de pages ! Ton billet me donne le goût de retenter !
Joelle: 15 ans… ah oui, quand même! Par contre, il faut choisir le bon moment, c’est vrai. Un moment où on a le goût de se faire transporter ailleurs, dans un système de pensées et de valeurs complètement différent.
un grand classique, que je n’ai jamais lu
Niki: Il n’est pas trop tard 😉
C’est marrant, je viens d’acheter ce livre. J’espère que je serai touchée moi aussi.
Lilly: J’espère aussi. Vraiment.
j’avais lu « un don » il y a quelques temps. Toni Morrisson a une écriture magnifique, et je suis d’accord avec toi : il ne faut pas s’arrêter à un seul titre ! (donc note pour moi même : lire « beloved », en vo de préférence ;-))
Emeraude: Oui, il faut lire beloved! Vraiment, quel roman. quelle écriture.
Il me fait envie depuis longtemps mais je ne suis pas sûre d’être assez costaud pour le moment :-)))
Yue: Je pense que tu aimerais, en fait. C’est dur mais sincèrement, tu serais touchée.
Tu donnes extremement envie mais j’ai peur de pas tenir le coup 🙂
Je veux dire il faut être dans un bon état d’esprit ou en fait on est jamais vraiment prêt ?
En tous cas c’est noté tu en parles très bien et tu donnes très envie…
Cess: Ce sont des vérités que l’on connaît de l’extérieur. Les voir d’une autre façon, c’est vraiment une expérience de lecture et Toni Morrison choisit les mots qui frappent. On n’est jamais prêts mais je ne regrette pas du tout ma lecture, au contraire.
J’ai étudié ce livre à la fac, au début j’ai eu beaucoup de mal avec la lecture en VO mais finalement au fil de la lecture j’ai apprécié les personnages et été très touchée par leurs histoires. L’étude que j’en ai eu en cours m’a permis d’approfondir les points que je ‘navais aps forcément compris et d’apprécier la force de l’écriture de Toni Morrison. Je te conseille un don qui est un peu dans cette lignée là aussi.
Tiphanie: Je suis certaine qu’une bonne étude me ferait voir beaucoup d’autres aspects du roman, moi aussi. Je prends les titres en note… j’ai le goût d’être bouleversée à nouveau…
Tout simplement un chef d’oeuvre. Peut-être même le plus grand livre du XXe siècle. Je comprends que des lecteurs hésitent à se lancer dans l’aventure. On peut craindre un style fort ou une histoire effrayante. Mais je crois qu’avec un peu de temps, de tranquillité, ce livre est abordable. Car si l’écriture parait complexe au début très vite on est touché par la flamboyance, la poésie, l’efficacité de l’écriture de Toni Morrisson. Reste le sujet qui est noir (moi aussi…). Mais, comme la Route de Cormac McCarthy, le lecteur ne doit pas hésiter à en entreprendre l’ascension. Les livres ne sont roses ou noirs. Ils sont bons ou mauvais. Et Beloved est un des plus grands livres contemporains qui se puisse lire. Offrant de très grands bonheurs de lecture et un questionnement essentiel sur le monde et la nature humaine. Que ceux ou celles qui hésitent se lancent: ils seront largement récompensés.
C. Sauvage: C’est une lecture qui exige une implication du lecteur mais qui souffle, carrément. Abordable, oui, mais il faut être disponible et permettre au roman de nous secouer un maximum. J’ai adoré le style, très adapté au contexte. Par contre, je suis l’une des peureuses qui a peur de « La route » en raison du contexte… C’est un roman que je relirai certainement un jour…
Ma soeur a lu tous ces romans et elle m’avait conseillé, il y a quelques années, Jazz que j’avais bien aimé malgré l’attention que demande la lecture des romans de T. Morrison.
Lewerentz: J’aime les romans exigeants donc, j’ai aimé cette écriture, même si parfois, elle dérange. Bon, pas toujours, hein… du léger, ça fait du bien aussi… mais pour certains thèmes, c’est nécessaire, je pense.
Lu il y a des années, à la fac en maîtrise: j’ en garde un merveilleux souvenir!
Blueverbena: Je pense que c’est en effet un livre qui marque et dont on se rappelle longtemps. Je n’ai pas fait d’études de lettres mais c’est l’un des rares romans que j’aurais aimé voir avec une autre lunette, en fait.
Etudié à la fac, il m’avait marqué. Et le film est très bien aussi (et m’a donné l’occasion de taquiner mon mari qui a trouvé ce film vraiment flippant).
Valérie: Un film donc… je vais voir ça! Et je comprends qu’il ait pu te marquer. J’imagine comment j’aurais été si je l’avais lu à cet âge…
Ce livre est dans ma pal depuis au moins un an ! Ce roman m’impressionne et je n’arrive pas à le commencer…
Marie: Un autre roman qui secoue… mais il vaut vraiment la peine d’être lu. Quand on est dans le bon mood!
je n’ai pas lu les coms, donc désolée si c’est une redite, masi pour ma part, j’avais beaucoup aimé L’oeil le plus bleu de cette auteure, qui écrit avec beaucoup de force.
Choupy: Son écriture a vraiment quelque chose, en effet. Je note ce titre aussi.. je vais finir par tous les noter, en fait!
J’aime énormément cette auteure et j’aime énormément ce roman ! Quelle claque ! Je l’ai lu il y plusieurs années déjà, en VO of course, et j’en ai gardé un souvenir indélébile !
Noukette: Une claque qui ne s’oublie pas, en tout cas. C’est marqué pour un bon moment, dans mon cas.
Un très beau roman qui me reste en mémoire, même des années après. (Mais rassures-toi, nous sommes toutes un peu psycho-rigide sur les bords…)
Alex: Yep, je pense que la LCA est un peu psychorigide par définition. 🙂 Je sens que dans plusieurs années, je m’en rappellerai encore aussi.