Frankenstein 1918 – Johan Heliot

Que diriez-vous d’une uchronie dans laquelle la première guerre mondiale ne s’est pas terminée en 1918, mais plutôt 40 ans plus tard? Ou elle s’appelle la Guerre Terminale? Ou les personnages historiques ont eu un tout autre rôle et où les carnets du Dr. Frankenstein ont réellement existé… et ont permis de créer un nouveau type de combattant, les non-nés? C’est tout à fait ce que vous retrouverez dans ce roman. Tentant n’est-ce pas?

J’avoue toutefois que si j’ai beaucoup aimé la seconde partie du roman, j’ai eu du mal au départ, y ayant trouvé des longueurs et ayant mis du temps à m’habituer au style de l’auteur. Je conçois parfaitement que la structure du roman est inspirée du roman de Mary Shelley et plus j’avançais dans ma lecture, plus j’appréciais. Mais j’ai mis du temps à accrocher, j’avoue. Toutefois, une fois dedans, j’ai passé un très bon moment.

Le roman commence en 1958, avec deux personnages qui découvrent de mystérieux documents et qui décident de partir à la recherche d’une vérité historique cachée à tous. Nous les suivrons donc dans cette quête, qui nous fera rencontrer plusieurs personnages historiques, dont Winston Churchill, et quelques autres, que je vous laisserai découvrir par vous-mêmes. Recherches, lectures de documents historiques, l’auteur varie les formats pour nous raconter cette version altermative de l’histoire, avec un brin de SF, avec cette fameuse armée, cette chair à canon qu’on peut sacrifier sans remord.

Un roman qui parle de la guerre, certes, de la valeur de la vie, des lobbys, de la peur de l’inconnu et des décisions qui ne sont pas toujours prises pour les bonnes raisons. On évoque aussi la passion à la limite de la folie et on réalise qu’il y a toujours deux côtés à une histoire.

À lire si le thème vous intéresse et si vous n’avez pas peur de vous accrocher au départ et si vous appréciez les références au roman de Mary Shelley.

Mère d’invention – Clara Dupuis-Morency

Le pourquoi du comment

Parce que le Prix des libraires du Québec. Sinon, j’avoue que je ne me serais jamais penchée sur un ouvrage portant, en partie, sur la maternité. Oui, je sais. On me l’a déjà dit assez souvent, le fait de n’avoir jamais ressenti ce désir d’enfant, ce besoin d’enfant, fait de moi une femme fort bizarre dans notre société. Une femme qui « ne peut pas comprendre ». Bref, ce n’est pas un sujet qui m’attire de prime abord. Mais comme chaque année, je veux lire tous les finalistes alors j’ai aussi lu celui-là.

C’est quoi, cette histoire?

En fait, c’est une histoire et ce n’est pas une histoire. Un récit. Un essai. Une réflexion. En fait, ce texte est fort difficile à classer. La narratrice a, un jour, avorté. Son embryon a été évacué à la maison et a finalement abouti dans les égouts berlinois. Pendant la première partie, elle parle à cet enfant qui n’est jamais né et qui a éveillé en elle un profond désir de maternité. En parallèle, la naissance du livre et de la thèse, cette écriture de l’intellect, dénuée de corps. Ce n’est pas clair hein? Mais je pense que c’est un ouvrage qu’il faut découvrir par soi-même pour voir de quoi il est question.

Et mon avis…

Tout d’abord, pour moi, ça a été une rencontre assez fulgurante avec une plume. Un coup de foudre pour cette écriture qui se déconstruit et qui ne respecte rien, tout en étant exigeante, nous entraînant dans un rythme particulier, un peu hypnotique. J’ai aimé la réflexion sur la langue, sur l’écriture et la création littéraire.

Comme je le disais, le désir d’enfant m’est pratiquement étranger. J’ai toujours cru que j’aurais des enfants, mais « parce qu’il fallait ». Du coup, pour moi, cette lecture n’a pas été aussi viscérale qu’elle le sera sans doute pour d’autres. Ça ne m’a pas empêchée d’être happée par la réflexion sur l’avortement, sur le fait que oui, on est pour le choix, on est féministe, mais que, quand même, pour plusieurs, l’acte de mettre fin à une grossesse est un événement marquant, d’une grande tristesse et qu’il fait forcément naître des sentiments contradictoires.

Il y a également beaucoup du temps qui passe, un peu de Proust, de références littéraires et de vers qui frappent. Bon, je n’ai pas succombé comme elle au charme de l’écriture d’Angot, que la narratrice vénère, mais j’ai pleinement goûté la description, parfois drôle, du monde universitaire qui s’englue parfois dans ses certitudes. Lire ce récit, c’est aussi se pencher sur la transmission pas toujours verticale, sur la sororité et la gémellité. Sur le fait de ne pas passer par le chiffre trois. Sur ce qui aurait pu être. Pour une rare fois, un écrit sur la maternité et la grossesse a réussi à me garder captive.

Un texte qui demande beaucoup à son lecteur, qui n’est peut-être pas pour tout le monde mais qui a pour moi révélé un vrai talent d’écrivaine et une plume que je relirai avec plaisir. Une découverte.

Joséphine Baker – Catel / Boquet

Je suis toujours fan de ces énormes BDs de Catel et Bocquet, qui racontent la vie de femme hors-norme. Du coup, pour l’African American History Month d’Enna, je me suis tout de suite dirigée vers celle-ci, qui raconte la vie de Joséphine Baker, chanteuse et danseuse noire américaine qui est devenue star en Europe pendant les années folles. Vous savez, la célèbre photo avec le tutu en bananes? Ben c’est elle.

Encore une fois, quel plaisir que de découvrir l’histoire de Freda Josephine McDonald, appelée Tumpie par sa mère, qui naît dans le Missouri au début du siècle. Femme libre, qui n’en fait qu’à sa tête, elle va aboutir à Paris et devenir l’une des premières stars noires en France, où elle va charmer tout le monde avec sa personnalité forte, sa joie de vivre et son espièglerie. Nous la verrons faire sa place, se battre, réussir et parfois se casser la gueule, avec son paquet d’animaux, ses maris, amants et autres excentricités.

Un bel hommage à cette femme engagée, qui fait face à deux cultures fort différentes (la France et le midwest des États-Unis) et qui sera reçue de manière totalement différente. Elle va se battre pour ses convictions, sans hésiter à utiliser sa célébrité pour faire passer ses messages. Comme toujours, le dessin de Catel, en noir et blanc, est particulièrement expressif et on reconnaîtrait l’oeil malicieux de Joséphine Baker entre mille.

Une très belle introduction à a la vie de cette artiste… et ça donne envie d’aller fouiner plus loin pour en savoir davantage et bien détecter les nuances. À découvrir.

C’était ma BD de la semaine et c’est chez Stephie cette semaine.

The Kiss Quotient – Helen Hoang

On m’avait vendu ce roman comme « un roman contemporain sur l’autisme avec de la romance dedans ». Je n’aurais pas dû écouter. Comme ça, je serais partie avec des attentes plus réalistes parce que c’est – clairement – une romance, avec une héroïne autiste. Et à part cette héroïne non-neurotypique, rares sont les clichés qui nous sont épargnés. Si je m’étais attendue à ça, peut-être que j’aurais apprécié davantage, mais j’avoue que j’ai eu du mal.

Stella Lane a la trentaine et est un génie des maths. Elle a du mal à supporter les étiquettes dans les vêtements et réussit toujours à se mettre les pieds dans les plats dans les relations sociales. Bref, Stella est très intelligente mais a des intérêts marqués, des défenses sensorielles et a du mal à décoder les gens, l’humour et le sarcasme. Stella est rationnelle et ses expériences sexuelles étaient ayant été plus que décevantes, voire même désagréables, elle décide de prendre les choses en main et de se faire enseigner comment faire. Et qui de mieux pour être son professeur qu’un homme fort expérimenté, une escorte ayant reçu des critiques 5 étoiles sur le site internet. C’est donc ainsi qu’elle va rencontrer Michael Phan, jeune homme aux ascendances suédoises et vietnamiennes… et bon, vous devinez la suite.

Vous comprendrez que je ne peux qu’applaudir l’idée d’avoir des personnages de romans qui ne sont pas neurotypiques. Connaissant plusieurs personnes se reconnaissant dans ce terme, je n’apprends absolument rien dans ce type de roman, même si je ne peux m’empêcher de les lire. L’autisme au féminin est souvent difficile à reconnaître car plusieurs femmes ont souvent des intérêts particuliers plus « socialement acceptables » que les hommes… et elles souhaitent souvent davantage avoir des comportements sociaux plus normatifs. Ok, faut pas généraliser. Il y a autant d’autismes que d’autistes. Mais c’est ce que la littérature nous dit. Donc, si on ne connaît pas, ça peut être intéressant d’entrer dans la tête d’un tel personnage et encore plus en sachant que l’auteure est elle-même autiste. Bref, vous comprenez, je pense.

Toutefois, pour l’histoire… pas mal, distrayant… mais sans plus. Un héros assez parfait (malgré son métier), une femme qui est certes très angoissée à l’idée de proximité physique, mais qui se découvre ma foi fort douée (et fort mouillée… c’est dit je ne sais combien de fois) et qui rend le héros complètement fou. Les personnages secondaires sont très divers et pour la plupart fort bienveillants. Et il y a du cul, du cul… Ok, c’est un peu le thème du roman, une femme qui explore sa sexualité, mais je pense que j’ai trop lu de ces scènes. Elles en deviennent répétitives, ennuyantes… et j’avoue que je les passe vite. Dans ce roman, on en passe pas mal! Surtout quand le mec parle de sa mère en s’envoyant en l’air! Bref…

Une romance qui suit le schéma type, avec les stéréotypes du genre, avec certains moments assez drôles et désespérants à la fois (le souper de famille a été ma scène préférée… criant de vérité et ça m’a rappelé beaucoup de souvenirs)… mais qui ne m’aura pas marquée. Mais c’est long, long! Ça a clairement été un cas de « il y a beaucoup trop de pages pour moi »!

À lire pour découvrir une facette de l’autisme. Il y a une suite qui va sortir… mais je pense clairement passer mon tour!

Elle a persisté – autour du monde – Clinton / Boiger

Cet album est celui qui me tentait le plus dans les propositions de Scholastic ce mois-ci. Des histoires de femmes de partout à travers le monde, qui ont surmonté des obstacles et qui ont réalisé de grandes choses, je suis pour. Et encore une fois, ça a fort bien fonctionné pour moi, et pour ma Charlou-nièce, qui a posé plein de questions sur les pays où ont vécu ces femmes. Certes, elle ne comprend pas vraiment pourquoi les choses sont si différentes (elle voulait leur envoyer des policiers pour leur dire que ce n’était pas bien), mais quand même, ça ouvre à la discussion.

Chaque double page nous fait rencontrer une femme venant d’un pays différent du monde. Une courte biographie, très accessible aux jeunes, et une citation. Le choix des femmes est selon moi judicieux, elles proviennent de milieux différents, d’époques différentes, avaient des projets différents. Il y a une sportive, une scientifique, des militantes… J’ai même eu le plaisir d’en découvrir certaines pour la premières fois. Bref, j’ai beaucoup aimé cette lecture ainsi que les images choisies pour illustrer leurs histoires. Chaque page a une teinte et une couleur qui lui est propre, le graphisme me rejoint (je ne sais pas si c’est de l’aquarelle, mais il y a un côté « aquarelle »). Je vous invite d’ailleurs à aller visiter la page de l’illustratrice, dont le travail me plaît énormément.

Un projet très réussi, féministe et empowering!

Fat Girl on a Plane – Kelly deVos

Le pourquoi du comment

Sérieusement? Je ne sais plus. J’en ai entendu parler quelque part, et je l’ai aussitôt emprunté, prise par une envie de lire du young adult. Et en fait, c’est juste moyen du young adult. Mais ce n’est pas mal non plus.

De quoi ça parle

Un jour, en allait faire l’entrevue de sa vie, Cookie Vonn, jeune adulte (ou grande ado) a été interpellée par une hôtesse de l’air. Elle est trop grosse pour voler. Elle doit acheter deux sièges. Ou ne pas embarquer, et ce même si dans le vol juste avant, elle n’était pas trop grosse. Serrée dans le siège, certes, mais pas « trop ». Après avoir réussi à emprunter des sous à son meilleur ami, dont elle est secrètement amoureuse, elle va finalement rater sa chance. C’est certain que quand on veut percer dans le domaine de la mode, selon Cookie, le poids a son importance. Elle va donc passer de Fat Cookie à Skinny Cookie… et découvrir que ça ne règle définitivement pas tous les problèmes.

Et mon avis…

Sachez-le d’emblée, ce n’est pas un « body positive book ». Ceci dit, ce n’est pas « body negative » non plus, mais c’est l’histoire d’une fille qui décide de maigrir car selon elle, c’est la solution. J’ai lu partout que ce roman était problématique, justement pour ça. Parce qu’elle a maigri et que plusieurs problèmes venaient du fait qu’elle soit en surpoids. Entendons-nous, je ne parle pas en connaissance de cause. Mon « problème de poids » (défense de rire, Mme Morelli) est uniquement dans ma tête et suis bien mal placée pour juger du traitement de la problématique. Toutefois, ces filles qui veulent perdre du poids ou en ont beaucoup perdu, elles existent. J’en connais. Et selon moi, une telle histoire mérite d’être racontée. Même si ce n’est pas parfait.

Le roman est deux séparé en deux parties, qui se situent à environ 1-2 ans d’intervalle, je ne sais plus trop et dont les chapitres s’alternent, jusqu’à se rejoindre. Et cette alternance est frustrante parce que j’étais intéressée aux deux histoires… et que je bougonnais à chaque fois qu’on changeait d’époque. Parce que, avouons-le, j’aime beaucoup Cookie et sa grande gueule malgré ses insécurités. C’est le genre de fille que j’aurais aimé avoir comme amie. Me semble qu’on aurait eu du fun. Quoiqu’elle m’aurait rapidement perdue avec ses histoires de mode.

Comme je le disais, Cookie veut être créatrice de mode et elle a du talent. Elle a toujours voulu entrer dans une célèbre école de New York et créer sa propre ligne pour tailles plus. Après sa perte de poids, tout semble possible à ses yeux et elle va débarquer à New York et se voir offrir une opportunité en or. En apparence. Certes, il est question de perte de poids, c’est l’une des principales intrigues, mais il y a plus que ça. J’ai beaucoup aimé explorer le milieu de la mode (j’ai dû faire des recherches, je ne connaissais aucun des célèbres modèles évoqués), même si ce que j’y ai découvert ne m’a pas toujours marquée positivement. Certains personnages sont un peu repoussants et on a tout de même le goût de secouer les personnages pour les sortir des relations dans lesquelles ils sont embarqués. Ce n’est pas parce que Cookie est maintenant « skinny » que tout est réglé, au contraire. Elle se cherche et n’est pas guérie des insultes qu’elle a pu subir, elle est obsédée parce qu’elle mange (ce régime semble horrible) et compte ses points à longueur de journée. Bref, j’ai bien aimé la réflexion que ça implique.

Certes, ce n’est pas parfait, les personnages nous font fâcher, mais j’ai trouvé réaliste, quoique décevante, les réactions de certains personnages adolescents, qui comprennent tout de travers. Je regretterai la présence d’un personnage un peu trop « bitch » à mon goût, mais en gros, j’ai passé un bon moment. Pas inoubliable, mais un bon moment.

Ce qu’on respire sur Tatouine – Jean-Christophe Réhel

C’est Billy Robinson, célèbre libraire de Verdun, qui m’a conseillé ce roman il y a quelques mois. Il m’avait vanté son originalité. De plus, comme il était sur la liste préliminaire du Prix des Libraires du Québec, j’ai tenté le coup. Suis-je totalement convaincue? Moyennement. Je pense que c’est surtout un mauvais pairage entre moi et le roman, en fait et je vois tout à fait ce qui peut plaire. Mais je dois avouer qu’une grande partie du texte ne m’a pas du tout rejointe.

C’est l’histoire d’un jeune homme de 31 ans. Il vit seul, passe de petit boulot en petit boulot et semble vouloir remplir son corps de Sidekicks et de Cheminaud. Le protagoniste a la fibrose kystique et tente de se sortir de son quotidien en rêvant de Tatouine, son Eldorado à lui, l’endroit où il croit pouvoir se sauver de lui-même et surtout de la fibrose kystique (pour les amis européens, c’est la mucoviscidose), la maladie avec laquelle il doit composer et dont il se sent prisonnier.

Il y a quelque chose de touchant dans le style. Parmi les descriptions ma foi très terre à terre (beaucoup trop pour moi, en fait) apparaissent soudain quelque images fulgurantes et très belles. Les phrases sont courtes, hachées, on sent le manque de souffle ainsi que l’état de fatigue et de solitude du personnage principal dans le rythme du récit. Celui-ci, sans chapitres, nous ramène également au tourbillon de pensées du jeune homme, pensées qui semblent se cogner aux murs pour soudain prendre une toute autre directions. Avouons-le il ne nous épargne rien de ce qui lui passe par la tête! Je pense que c’est ce que j’ai le plus apprécié dans cette lecture. Ça et les références à Star Wars.

Par contre, par contre… je n’ai jamais réussi à m’attacher ou à ressentir de l’empathie pour le personnage principal. Sa solitude fait mal au coeur, on ressent presque sa fatigue, sa totale incapacité à se prendre en main, mais on jurerait qu’il fait exprès pour prendre toutes les mauvaises décisions. Il n’a aucune idée d’où il va, avec cette épée de Damoclès au-dessus de la tête et en fait, il ne va nulle part et n’essaie même pas. Et, témoins de ça, j’ai surtout eu envie de le secouer et de lui crier de s’aider un peu! Et comme le personnage, je ne pouvais m’empêcher de me dire que l’histoire n’allait, elle non plus, nulle part.

Bref, ce n’était pas pour moi. Les descriptions répétitives de sécrétions (avec couleur et texture), de vomissures, de plaies ou des envies de ch… m’ont rapidement tapé sur les nerfs et me rendaient carrément agressive. Hypocondriaque je suis. Pas le match idéal pour le roman hein. Si certaines réflexions font parfois sourire, j’ai été peu sensible à l’humour et je me crispais à chaque répétition (voulues, on s’entend. C’est un choix stylistique, pas une maladresse) et j’en sors un peu perplexe.

Je suis somme toute déçue de ne pas avoir adhéré car je n’ai lu que des critiques très élogieuses dans les médias. Ne vous fiez pas à mon seul avis donc. Mais je tenterai probablement sa poésie… si on me jure que ça ne parle pas que de sécrétions!

Le prince et la couturière – Jen Wang

Le pourquoi du comment

Parce que je le voyais partout et que l’histoire d’un prince qui aime les robes et qui mène une double vie me plaisait énormément. Et vous savez quoi? L’album tient toutes ses promesses.

C’est quoi, cette histoire?

Frances est une jeune couturière qui rêve de devenir créatrice de mode. Un soir, elle doit faire une robe de toute urgence pour une jeune fille qui lui laisse le champ libre, et son travail attire l’attention de la royauté. Et pas n’importe qui : le prince Sébastien, qui est l’homme à marier du moment, du haut de ses 16 ans. Il a été ébloui pas sa création et souhaite faire d’elle sa couturière personnelle.

Et mon avis…

J’ai adoré. Rien de moins. Un très beau récit sur l’acceptation, la découverte de soi et aussi sur l’amitié, dans un monde de froufrous, de princes, de princesses et de bals. Frances a beaucoup de talent, est en avance sur son temps et le prince Sébastien, quand il est Lady Crystallia, lui permet d’exploiter ses idées et ses extravagances.

Sébastien est un personnage extrêmement attachant. Il est ce qu’il est, le sait, s’accepte de plus en plus ainsi mais a peur des réactions de ses proches, du peuple, en raison de ses obligations. Il ne sait trop comment réagir à cette nouvelle confiance, ce tout nouveau sentiment d’être à sa place et comme Frances est la seule qui sait, ils sont très proches et leur relation est adorable. J’ai aimé que chacun d’entre eux tienne à ses convictions et soit prêt à aller jusqu’au bout, finalement. Et que dire de cette finale, certes éclatante, mais tellement jouissive.

Les dessins sont entre le manga et le dessin animé, très mignons, pleins de robes, de chiffons et de glamour. J’ai aimé ces personnages hors-norme et la façon de représenter les salons et les cabarets parisiens. Une très très belle découverte.

Hotel Lonely Hearts – Heather O’Neill

J’ai décidé, comme chaque année, de lire les romans présélectionnés pour le Prix des Libraires du Québec. Ce gros roman m’avait attirée parce qu’il était publié chez Alto et que j’aime beaucoup leur ligne éditoriale. Je ne savais pas du tout dans quoi je m’embarquais et je l’ai lu en duo avec ma mère, qui a – comme souvent – une opinion assez différente de la mienne!

La mère de Pierrot avait 12 ans et une enfance à vivre. La mère de Rose a tenté de la sauver mais la fillette a fini sous un arbre. À l’orphelinat où ils vont se retrouver, toutes les filles s’appellent Marie et tous les garçons s’appellent Joseph. Les bonnes soeurs ne sont pas toujours bonnes et souhaitent étouffer dans l’oeuf toute dose de folie ou d’anticonformisme. Toutefois, à eux deux, les enfants vont créer des moments magiques et concevoir, dans leurs petites têtes, le plan d’un cirque fantastique, peuplé de clowns tristes , de musique et de danses envoûtantes. Pierrot est lunaire, musicien génial, un peu hors du monde. Rose est fonceuse, espiègle, égocentrique et elle n’a peur de rien. Toutefois, certaines personnes voudront les séparer… et vous verrez!

Nous sommes donc dans le Montréal du début du 20e siècle, où la religion, la pègre et la police se partagent le pouvoir. L’ambiance est un peu fantasmagorique et teintée de réalisme magique, très présent et très prégnant. C’est poétique, plein d’images évocatrices et j’ai été pour ma part complètement absorbée dans ce Montréal incroyable et fantasmé. Une fois plongée dans cet univers, je pardonne tout, toutes les invraisemblances et les lubies de l’auteure, contrairement à ma mère, qui a été à la fois agacée et ennuyée par tout ça. Comme de quoi on peut avoir des ressentis très différents aux mêmes éléments.

C’est glauque, noir, empreint d’une sexualité souvent hors-norme. Rien ne nous est épargné et le ton sur lesquels certaines horreurs nous sont livrées ne concorde absolument pas avec la teneur – assez horrible – du propos. Imaginez un décor complètement sombre, avec, en avant-scène, des clowns, de la magie et des paillettes. C’est tout à fait ce qu’est ce roman. C’est fou comme les mots ont du pouvoir. Il se passe des choses terribles, les personnages font des horreurs, et on se prend à vouloir que ça fonctionne. Les deux personnages principaux, amoureux maudits auxquels la vie ne laisse que très peu de chance, sont imparfaits, plein de failles, et ils prennent mauvaise décision sur mauvaise décision. Leurs destins s’entrecroisent, se frôlent et nous marchons avec eux dans le Montréal de la grande dépression, guidés par le même espoir qu’eux : se revoir et une mystérieuse fantasmagorie des flocons de neige.

Un roman d’ambiance, provocateur, qui laisse un goût étrange quand on le referme. J’ai pour ma part été très sensible à la poésie de l’auteur tandis que ma mère a trouvé ça long et peu crédible. Deux opinions… mais je compte bien pour ma part lire autre chose de l’auteure!

Fais de beaux rêves Cthulhu – Ciaramella / Murphy

Je vous ai parlé, il y a quelques mois, d’un mignonissime abécédaire de Cthulhu qui nous amenait au coeur de R’lyeh et de ses habitants emblématiques. Voici maintenant un autre album cartonné (avec les coins ronds… j’aime quand il y a les coins ronds. Moins inquiétant pour les petits yeux) qui aborde les cauchemars et la peur de la nuit.

La peur du noir est un thème récurrent chez les cocos. Et on a jamais assez d’albums pour désamorcer tout ça parce que je ne sais pas pour vous, mais trouver THE album qui va fonctionner avec un coco particulier, c’est quand même quelque chose. Ici, nous rencontrerons Cthulhu, qui devrait faire peur (parce que bon, malgré sa cutitude, il est quand même un monstre aux yeux des petits), mais qui n’est quand même pas rassuré quand vient le soir. Non seulement la peur est normalisée mais les auteurs démontent les grosses frayeurs une par une. C’est encore une fois un plaisir de revoir Lovecraft interagir avec sa créature.

Et bon, il n’est jamais trop tôt pour présenter Cthulhu, non?

C’est ma foi fort choupinou… et maintenant, ma nièce veut un toutou Cthulhu. Peut-être que tout n’est pas perdu avec elle!