Arcadie – Emmanuelle Bayamack-Tam

Attention, je vous préviens, ce billet n’aura ni queue ni tête. En fait, je l’ai refermé il y a quelques jours et je ne sais toujours pas ce que j’en pense. Ce n’est pas un roman que j’ai dévoré, j’ai trouvé ça long par moments, mais il m’a clairement dérangée et fait réfléchir a posteriori. Ça doit vouloir dire quelque chose, non?

C’est donc l’histoire d’une utopie. Farah, l’héroïne, est arrivée à Liberty House à six ans et elle y habite, libre comme l’air, en compagnie d’éclopés de la vie de tous âges. La communauté a comme chef spirituel Arcady, un cinquantenaire à la sexualité libérée. La mère de Farah, Bichette, est électrosensible et elle devait vivre en zone blanche, ce qui a poussé la famille à s’installer à Liberty House, avec sa grand-mère LGBT (sic… sérieux, ça veut dire quelque chose ça?) et sa copine. Arcady prône l’amour universel, l’acceptation de soi et la liberté d’être soi-même. Ils vivent en autarcie, en appliquant les grands principes tels l’amour libre et l’antispécisme, ce qui implique que les enfants sont un peu laissés à eux-mêmes, sont exposés à nombre d’adultes nus ainsi qu’à des relations sexuelles de tous genres. Puis, un jour, Farah va être confrontée aux limites de la bienveillance de leur petite société et son regard entier d’adolescente ne va pas pouvoir l’accepter.

Ah oui! Farah a aussi un passage à l’adolescence particulier. Elle est extérieurement une fille mais après un début de puberté féminine, son corps tend à se masculiniser. Ce thème sous-tend tout le roman. Qu’est-ce qu’être une femme, un homme. Est-ce si important de se définir par un seul mot?

J’ai aimé la plume poétique, la façon qu’a l’auteure d’amener son lecteur à réfléchir, à teinter son regard de zone de gris et de laisser de côté ses propres croyances pour tenter de voir les choses autrement. Farah un regard très critique sur la micro-société, tout en croyant profondément aux valeurs véhiculées. Elle relève les incohérences, les excès, a une vision de la vie et des choses complètement différente, tout en se permettant aussi des jugements parfois plein de préjugés, à sa manière propre. Le passage à l’âge adulte, avec ce que ça implique de remise en question sans repères sociaux, est aussi très bien exploré.

Et j’ai parlé des références littéraires? Elles sont partout et j’ai adoré les retrouver ici et là. J’adore repérer ces clins d’oeil. Ça me donne l’impression que l’auteure nous fait un petit cadeau à chaque fois quand on sait les reconnaître.

Après tant de louanges, pourquoi pas plus d’enthousiasme? Je ne sais même pas, en fait. Ce n’est pas preachy, les opinions ne sont pas martelées, je n’ai pas eu l’impression qu’on essayait de me convaincre. J’ai aimé le côté ambigu. Certains éléments sont fort dérangeants, certes, notamment les relations parent-enfant et la relation au sexe, mais je ne crois pas que ce soit ce qui m’a dérangée, même si le consentement est plutôt… particulier. Des longueurs, peut-être. Des répétitions. Toujours est-il que j’aimais ma lecture quand j’étais dedans, mais que je devais à chaque fois me botter le derrière pour m’y remettre après une pause.

Je vous l’avais dit que mon billet ne voudrait absolument rien dire hein? C’est dans ce temps-là, quand je me relis, que je me demande pourquoi je m’obstine à tenter de parler de livres sur ce blog. Bref… à vous de voir!

Querelle de Brest – Jean Genet

Le comment du pourquoi

Oui, je sais, étrange choix pour moi. Mais imaginez-vous que dans la sélection du Prix des libraires du Québec, il y a Querelle de Roberval, de Kévin Lambert. Et il paraît que ce dernier roman est inspiré de ce roman de Genet. Du coup, j’ai voulu le lire avant, pour mieux profiter du second livre. Et bon, le fait que j’aie pensé au Capitaine Haddock (Tonnerre de Brest!) à chaque fois que je pensais à ce roman n’a pas nui!

C’est quoi, cette histoire?

Vous savez quoi? J’aurais bien du mal à vous parler de l’histoire en tant que tel. J’aurais tout autant de mal à préciser les intentions de l’auteur. Bref, il m’aurait fallu des cliff notes, ce qui ne m’a pas empêchée d’apprécier. Mais bon, j’essaie quand même de vous mettre en contexte.

Querelle est marin et son navire est arrêté à Brest pendant quelques jours. Il fascine tous les gens, hommes comme femmes et son passage occasionnera passions, meurtres et trahisons.

Et mon avis…

Je ne sais pas comment parler de ce roman, mais je sais que j’ai aimé, même s’il m’a demandé énormément d’énergie. Ce n’est pas un roman que je conseillerai à tout le monde, et c’est aussi un roman qui nous oblige à nous concentrer. Mais vraiment. J’ai mis beaucoup de temps à le lire et je l’ai fait par petites périodes. Disons que ça n’a rien d’un livre relaxant!

C’était la première fois que je lisais Genet et j’ai avait tout découvert une plume qui me plait. Les descriptions sont fort évocatrices et sa façon de parler du corps de l’homme est juste merveilleuse : les formes, les mouvements… Je n’ai jamais autant regardé les mecs que lors de cette lecture. De plus, c’est très violent, mais souvent suggéré, rapide, éclatant sans être gore. Je me suis souvent retrouve prise, haletante, dans ces phrases interminables mais fort belles malgré les thèmes. On est loin du politically correct, on est clairement dans une autre époque et je me demande si ça passerait aujourd’hui.

S’en suit toute une exploration du crime, de la trahison, du désir et du sexe aussi. La vision et le traitement de l’homosexualité et des actes homosexuels est réellement particulier. En effet, seule une personne se considère comme gay (un pédé comme on le dit dans le texte) tandis que les autres, même s’ils ont des relations entre hommes, ne s’identifient pas du tout ainsi. Aucun personnage n’est aimable, même s’ils sont intrigants. Tous sont plein de failles (et pas des petites), ils trahissent leur parole, leurs amis et le meurtre n’est pas anecdotique… mais presque, quand même.

Je me demande encore où l’auteur voulait en venir. Je n’y ai vu aucun plaidoyer pour la tolérance, au contraire, et au moment où j’ai accepté de me laisser porter sans me poser de question (et où j’ai commencé à comprendre qui était qui) que j’ai davantage apprécié le récit. Il faut accepter de plonger dans des cerveaux qui ne fonctionnent pas toujours comme le nôtre et accepter la balade dans cette ville, ses magouilles, ses corruptions, son port et son ancienne prison. Le pouvoir d’évocation des mots de Genet est incroyable.

Je sais, c’est l’un de mes pires billets. Mais j’ai du mal à en parler et encore plus de mal à vraiment comprendre le propos de Genet. Il m’aurait fallu un prof pour apprécier à plein.

The Girl in the Tower – 2 -Katherine Arden

Pendant la période des fêtes, j’ai eu envie de neige. Oui, je sais, comme si je n’en avais pas assez! J’ai donc enchaîné, coup sur coup, les deux premiers tomes de la série The Bear and the Nightingale, série qui se passe au Moyen-Âge, en Russie, avec les contes du folklore russe en arrière plan. Si je n’ai pas eu le plaisir de découvrir l’univers vu que c’est un deuxième tome, j’ai encore une fois passé un très bon moment de lecture, et j’ai très hâte de lire le tome 3, qui vient tout juste de sortir.

Nous retrouvons donc Vasya, l’héroïne du premier tome. Si nous ne sommes plus dans la forêt magique et inquiétante du premier tome, l’atmosphère est toujours aussi envoûtante et enveloppante. Vasya a fait son choix, elle a pris des risques et nous nous retrouvons à Moscou, où nous allons retrouver des personnages que nous avions un peu perdu de vue dans le premier tome, et en rencontrer de nouveaux, ma foi fort intrigants. Non mais imaginez. J’ai visité Moscou les yeux pleins d’étoiles il y a quelques années alors la redécouvrir à travers les yeux de l’auteure, mais des siècles plus tôt, j’étais ravie. Sous fond de complots, d’intrigues politiques et d’attaques de villages, les personnages, dont le grand prince de Moscou, seront confrontés à ce qu’ils ne veulent pas voir ou à ce qu’ils ne croient pas possibles. Ce deuxième tome est plus politique, mais la magie est toujours présente et tout l’aspect « la jeune fille et la mort » me plaît toujours autant.

Encore une fois, il est question de la dualité entre la mythologie, les anciens dieux du foyer et la religion orthodoxe. La façon de présenter les choses fait réellement ressortir comment la peur peut être utilisée, comme tout peut être retourné pour faire adhérer les gens à des pratiques et des croyances. Les anciens dieux se meurent, Vasya peut les voir et, de fait, est considérée comme une sorcière. Il est aussi question de la condition de la femme, d’identité féminine et de la peur qu’une femme qui dépasse les limite peur susciter. À Moscou, la femme bien ne peut sortir, est prisonnière de sa tour et est à la merci des hommes, que ce soit son mari ou son confesseur.

J’aime beaucoup la façon qu’a l’auteure de mélanger histoire et fantasy. C’est très bien fait, les adaptations avec l’histoire sont expliquées, l’intégration du folklore est juste parfaite. Personne n’est exempt de faute, certains sont dérangés, d’autres complètement engoncés dans la mentalité de l’époque et ne réussissent pas à penser autrement. Vasya évolue, est ma foi fort badass et se choisit elle-même, quitte à ne pas cadrer dans les attentes de l’époque et à prendre des risques. De grands risques.

Bref, la plume me plaît beaucoup, je me glisse avec plaisir dans l’ambiance enchantée et glacée, et ce second tome m’a tout autant plu que le premier. Un très bon tome 2, qui tient ses promesses!

Gérard – Cinq années dans les pattes de Depardieu – Mathieu Sapin

Le comment du pourquoi

J’avoue que celui-là, je ne l’aurais pas choisi si Aline, de la Boîte de Diffusion, ne m’avait pas montré la photo derrière l’album. Imaginez la page couverture, mais en vrai, et en plus drôle. Suite à ça, je me suis dit que « pourquoi pas »… et j’ai bien fait parce que mon dimanche matin avec Depardieu a été assez épique!

C’est quoi, cette histoire?

Mathieu Sapin a passé quelques années accroché aux basques de Gérard Depardieu. En premier, il était engagé pour un documentaire, sur les traces de Dumas en Azerbaïdjan et finalement, il a croqué un portrait plus grand que nature de cet acteur ma foi… surprenant! Ce dernier lui a donné carte blanche. Et ça donne un résultant assez détonnant.

Mon avis

Entendons-nous, pour moi, Depardieu, c’est Cyrano. Ça et le mec qui a pissé dans un avion et qui n’a pas du tout peur de ses « unpopular opinions ». Je partais donc avec un parti pris. Et finalement, on passe un excellent moment car Mathieu Sapin a réellement tenté de nous faire vivre le quotidien de cet homme qui peut dire n’importe quoi à n’importe quel moment. Et ça doit être terriblement stressant pour ses collaborateurs.

Nous les voyons donc dans des situations diverses et variées, que ce soit en voiture, dans les repas ou dans les saunas russes et nous rencontrons un homme cultivé à sa manière, souvent bourru, très impulsif, très libre, et qui n’a pas peur de ses opinions. Mathieu Sapin a le chic pour trouver les meilleurs moments, ceux qui sont révélateurs et qui réussissent à nous faire à la fois aimer et détester le personnages. L’auteur (tout comme l’acteur), voit tout, remarque les détails, les petites choses qui rendent Depardieu plus vrai que nature. Il nous apparaît réel et on arrive – presque… presque – à prévoir comment il va réagir. Parce que des fois, on reste sur le c…!!

Entre crises de colères, orgies de bouffe et opinions fondées sur un peu n’importe quoi, j’ai beaucoup souri et j’ai vraiment apprécié l’humour omniprésent (suffit de regarder la tête des gens autour de Depardieu) et la relation qui se tisse entre l’acteur et Sapin, qui se représente toujours dans sa BD, tout petit, avec une tête ronde. Il est hyper facile de se représenter sous les traits de se personnage très naïf, qui tente parfois – avec un succès tout relatif – de raisonner Depardieu et qui reçoit pour nous confidences et citations.

Bref, un bon moment. Qui donne parfois envie de frapper Gérard Depardieu. Mais un bon moment quand même!

C’était ma BD de la semaine! Tous les billets chez (insérer lien ici) !

La saison des feux – Celeste Ng

Je voulais découvrir Celeste Ng depuis un bon moment. J’en entendais parler en bien un peu partout et il faut croire que j’ai trouvé le bon moment car j’ai vraiment apprécié ce roman qui nous amène à Shaker Heights, une banlieue parfaite de Cleveland, planifiée, organisée, avec des gens « bien », sans préjugés. Qu’ils disent.

La famille Richardson a toujours habité Shaker Heights. Le père est avocat, la mère est journaliste pour un journal local, ils ont des sous, une vie rangée et une très bonne idée de ce qui est « bien » et ce qui ne l’est pas. Elena Richardson, la mère, a tout fait comme elle l’avait planifié. Elle a eu quatre enfants rapprochés qui sont maintenant tous adolescents. Lexie a 18 ans, Trip en a 17, Moody a 15 ans et Izzy, la petite dernière, la rebelle, en a 14. Leur quotidien va, sans qu’ils ne le réalisent vraiment, être bouleversé par l’arrivée de Mia Warren, une jeune artiste, et sa fille adolescente, Pearl. Je trouve le titre anglais « Little fires everywhere » très parlant, très représentatif de ce qui se passe dans le roman. Des « petits feux ». Ou des « moyens ». Partout. Pour tous les personnages, qui vont tous découvrir ou accepter certains aspects de leur personnalité.

Ce sont surtout les personnages qui portent le roman, même si l’intrigue est aussi captivante. Ils sont très bien réussis, tous sont complexes jusqu’à un certain point, tous évoluent et ils ont tous réussis à m’intéresser. Les relations entre eux évoluent, aucun n’est parfait et les femmes adultes m’ont particulièrement interpellée, même ceux qui ne sont pas les plus sympathiques au départ. Je me surprenais à les comprendre, toutes, même si leurs choix ne sont pas les miens, même si leurs pensées ne sont pas toujours politically correct. J’ai aimé que des personnages imparfaits soient dépeints et ne soient pas diabolisés. J’ai aimé qu’ils pensent des choses horribles et qu’ils soient confrontés à des préjugés qu’ils ne croyaient même pas avoir.

Ici, plusieurs petits événements, en lien avec les deux familles au centre du roman. Chacun va s’emboîter dans la trame narrative, les fils s’entrecroisent, et se recroisent encore… et ça se tient. L’auteure explore le thème de la maternité et, pour une fois, j’ai adhéré (ce thème ne fonctionne vraiment pas toujours avec moi). On parle aussi de la famille, des racines et de la culture ainsi que des changements qui se produisent à l’adolescence. Ça parle de choix, de conséquences, de mauvaises décisions prises pour des « bonnes raisons » et des petits drames quotidiens de la bonne société.

Bref, je l’ai lu au bon moment et j’ai totalement adhéré. Un excellent moment de lecture pour moi. Je lirai certainement l’autre roman de l’auteur!

Sale boulot – Larry Brown

J’ai repéré ce roman dans plusieurs tops 2018 et je me suis souvenue qu’il était dans ma pile (comme bien d’autres, direz-vous). Je l’ai donc immédiatement pris et j’en suis ressortie complètement secouée. Je me demande s’il est possible de ressortir indemne de cette lecture, qui se déroule le temps d’une nuit, dans un hôpital pour vétérans.

Deux lits, deux hommes, deux vétérans du Viet Nam. L’un est noir, l’autre blanc. L’un n’a plus de bras ni de jambes et l’autre n’a plus de visages et des balles de fusils encore logées dans la tête. Vingt-deux ans après la guerre, ils sont cabossés, brisés, et vont se raconter leur histoire, en deux monologues parallèles.

Ce roman, en peu de pages, nous font voir les horreurs de la guerre et leurs conséquences. En effet, les deux hommes ont laissé bien plus que des membres ou un visage au Viet Nam. Les blessures sont beaucoup plus profondes et ont changé leur façon de se définir. La souffrance psychologique est omniprésente et on ressent de façon très tangible « l’interruption » qui a eu lieu dans leur vie. Les deux hommes ne se connaissent presque pas mais en une nuit, ils vont se raconter, raconter leurs familles, leurs rêves de l’époque… et comment tout a volé en éclat. Chacun d’entre eux tente de s’évader à sa manière et une partie d’eux est toujours un peu ailleurs. Et la fin, la fin…

Le style est simple, direct, parfois presque oral quand les hommes racontent leur histoire. Mais il va droit au but. Un roman qui fait mal, qui nous met extrêmement mal à l’aiser et qui fait réfléchir sur la guerre et ce qu’il advient de l’humanité de ces personnes qui côtoient l’impensable. À tenter.

Olympe de Gouges – Catel / Boquet

Le comment du pourquoi

Parce que la journée internationale des droits de la femme arrive. Et parce que « Féministe tant qu’il le faudra ».

Mon avis

Je connaissais pas vraiment Olympe de Gouges. Je savais juste qu’elle avait été guillotinée à la Révolution. Oui, je sais, je suis une mine de savoir (insérer rires en cannes). Dans cette BD biographique, on nous dresse un portrait assez extraordinaire de cette femme du 18e, féministe avant l’heure et libre par choix. Je suis assez familière avec ce format de BD, qui débute avec l’histoire de la mère de l’héroïne, pour ensuite se concentrer sur l’enfance et enfin sur l’âge adulte. Je savais fort bien à quoi m’attendre et si ce n’est ma pas ma préférée de cette série, j’ai quand même passé un très bon moment, très instructif, en fait.

Et pourquoi pas ma préférée? Simplement parce que je ne maîtrise pas très bien la période de la révolution française. Je connais les faits, mais je comprends assez mal comment on a pu en arriver à la Terreur et je mélange un peu tout le monde (à part les principaux). Du coup, j’ai moins apprécié les références historiques et je n’ai pas reconnu tout le monde. Ça enlève un peu de saveur au truc.

Ceci dit, Olympe de Gouges en avait dedans. Mariée jeune, veuve peu de temps après, elle tentera par dessus tout de rester libre, quitte à choquer. Grande amoureuse de théâtre, elle se battra pour faire sa place dans ce milieu, mais aussi dans celui des lettres. En plus de sa célèbre déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, elle a écrit du théâtre, des pamphlets et des affiches… et disons qu’elle avait des opinions très tranchées. Intéressante parce qu’en avance sur son temps, elle se battait contre l’esclavage et pour les droits de la femme, avec panache et intensité. Tragique en raison de son destin. En arrière plan, les auteurs nous dressent avec habileté le portrait d’une couche de la société de l’époque, avec toutes ses contradictions.

Très instructif, comme toujours… mais dans ce cas, une chance qu’il y avait les portraits à la fin parce que sinon, on m’aurait complètement perdue. Ah oui.. Wiki a été mon ami!

C’était ma BD de la semaine. Chez Moka cette semaine!

Frankenstein 1918 – Johan Heliot

Que diriez-vous d’une uchronie dans laquelle la première guerre mondiale ne s’est pas terminée en 1918, mais plutôt 40 ans plus tard? Ou elle s’appelle la Guerre Terminale? Ou les personnages historiques ont eu un tout autre rôle et où les carnets du Dr. Frankenstein ont réellement existé… et ont permis de créer un nouveau type de combattant, les non-nés? C’est tout à fait ce que vous retrouverez dans ce roman. Tentant n’est-ce pas?

J’avoue toutefois que si j’ai beaucoup aimé la seconde partie du roman, j’ai eu du mal au départ, y ayant trouvé des longueurs et ayant mis du temps à m’habituer au style de l’auteur. Je conçois parfaitement que la structure du roman est inspirée du roman de Mary Shelley et plus j’avançais dans ma lecture, plus j’appréciais. Mais j’ai mis du temps à accrocher, j’avoue. Toutefois, une fois dedans, j’ai passé un très bon moment.

Le roman commence en 1958, avec deux personnages qui découvrent de mystérieux documents et qui décident de partir à la recherche d’une vérité historique cachée à tous. Nous les suivrons donc dans cette quête, qui nous fera rencontrer plusieurs personnages historiques, dont Winston Churchill, et quelques autres, que je vous laisserai découvrir par vous-mêmes. Recherches, lectures de documents historiques, l’auteur varie les formats pour nous raconter cette version altermative de l’histoire, avec un brin de SF, avec cette fameuse armée, cette chair à canon qu’on peut sacrifier sans remord.

Un roman qui parle de la guerre, certes, de la valeur de la vie, des lobbys, de la peur de l’inconnu et des décisions qui ne sont pas toujours prises pour les bonnes raisons. On évoque aussi la passion à la limite de la folie et on réalise qu’il y a toujours deux côtés à une histoire.

À lire si le thème vous intéresse et si vous n’avez pas peur de vous accrocher au départ et si vous appréciez les références au roman de Mary Shelley.

Mère d’invention – Clara Dupuis-Morency

Le pourquoi du comment

Parce que le Prix des libraires du Québec. Sinon, j’avoue que je ne me serais jamais penchée sur un ouvrage portant, en partie, sur la maternité. Oui, je sais. On me l’a déjà dit assez souvent, le fait de n’avoir jamais ressenti ce désir d’enfant, ce besoin d’enfant, fait de moi une femme fort bizarre dans notre société. Une femme qui « ne peut pas comprendre ». Bref, ce n’est pas un sujet qui m’attire de prime abord. Mais comme chaque année, je veux lire tous les finalistes alors j’ai aussi lu celui-là.

C’est quoi, cette histoire?

En fait, c’est une histoire et ce n’est pas une histoire. Un récit. Un essai. Une réflexion. En fait, ce texte est fort difficile à classer. La narratrice a, un jour, avorté. Son embryon a été évacué à la maison et a finalement abouti dans les égouts berlinois. Pendant la première partie, elle parle à cet enfant qui n’est jamais né et qui a éveillé en elle un profond désir de maternité. En parallèle, la naissance du livre et de la thèse, cette écriture de l’intellect, dénuée de corps. Ce n’est pas clair hein? Mais je pense que c’est un ouvrage qu’il faut découvrir par soi-même pour voir de quoi il est question.

Et mon avis…

Tout d’abord, pour moi, ça a été une rencontre assez fulgurante avec une plume. Un coup de foudre pour cette écriture qui se déconstruit et qui ne respecte rien, tout en étant exigeante, nous entraînant dans un rythme particulier, un peu hypnotique. J’ai aimé la réflexion sur la langue, sur l’écriture et la création littéraire.

Comme je le disais, le désir d’enfant m’est pratiquement étranger. J’ai toujours cru que j’aurais des enfants, mais « parce qu’il fallait ». Du coup, pour moi, cette lecture n’a pas été aussi viscérale qu’elle le sera sans doute pour d’autres. Ça ne m’a pas empêchée d’être happée par la réflexion sur l’avortement, sur le fait que oui, on est pour le choix, on est féministe, mais que, quand même, pour plusieurs, l’acte de mettre fin à une grossesse est un événement marquant, d’une grande tristesse et qu’il fait forcément naître des sentiments contradictoires.

Il y a également beaucoup du temps qui passe, un peu de Proust, de références littéraires et de vers qui frappent. Bon, je n’ai pas succombé comme elle au charme de l’écriture d’Angot, que la narratrice vénère, mais j’ai pleinement goûté la description, parfois drôle, du monde universitaire qui s’englue parfois dans ses certitudes. Lire ce récit, c’est aussi se pencher sur la transmission pas toujours verticale, sur la sororité et la gémellité. Sur le fait de ne pas passer par le chiffre trois. Sur ce qui aurait pu être. Pour une rare fois, un écrit sur la maternité et la grossesse a réussi à me garder captive.

Un texte qui demande beaucoup à son lecteur, qui n’est peut-être pas pour tout le monde mais qui a pour moi révélé un vrai talent d’écrivaine et une plume que je relirai avec plaisir. Une découverte.

Joséphine Baker – Catel / Boquet

Je suis toujours fan de ces énormes BDs de Catel et Bocquet, qui racontent la vie de femme hors-norme. Du coup, pour l’African American History Month d’Enna, je me suis tout de suite dirigée vers celle-ci, qui raconte la vie de Joséphine Baker, chanteuse et danseuse noire américaine qui est devenue star en Europe pendant les années folles. Vous savez, la célèbre photo avec le tutu en bananes? Ben c’est elle.

Encore une fois, quel plaisir que de découvrir l’histoire de Freda Josephine McDonald, appelée Tumpie par sa mère, qui naît dans le Missouri au début du siècle. Femme libre, qui n’en fait qu’à sa tête, elle va aboutir à Paris et devenir l’une des premières stars noires en France, où elle va charmer tout le monde avec sa personnalité forte, sa joie de vivre et son espièglerie. Nous la verrons faire sa place, se battre, réussir et parfois se casser la gueule, avec son paquet d’animaux, ses maris, amants et autres excentricités.

Un bel hommage à cette femme engagée, qui fait face à deux cultures fort différentes (la France et le midwest des États-Unis) et qui sera reçue de manière totalement différente. Elle va se battre pour ses convictions, sans hésiter à utiliser sa célébrité pour faire passer ses messages. Comme toujours, le dessin de Catel, en noir et blanc, est particulièrement expressif et on reconnaîtrait l’oeil malicieux de Joséphine Baker entre mille.

Une très belle introduction à a la vie de cette artiste… et ça donne envie d’aller fouiner plus loin pour en savoir davantage et bien détecter les nuances. À découvrir.

C’était ma BD de la semaine et c’est chez Stephie cette semaine.