Vil et misérable – Samuel Cantin

Le comment du pourquoi

On m’avait dit que c’était chouette, bête et méchant. J’avais envie de bête et méchant. Ouais, ça m’arrive.

De quoi ça parle

Lucien Vil est un démon. Il est libraire chez Linguine, voitures usagées, livres usagées. Il a des collègues avec qui il n’a rien en commun et – ô drame – il doit former un nouvel apprenti, Daniel, un gars on ne peut plus normal.

Mon avis

Commençons par le commencement, Lucien est un démon. Un vrai. Un démon qui va chez le psy le plus connardos du monde et qui voue une passion à la journée de l’Halloween. Ben quoi, c’est le seul jour où il peut aller travailler à poils… et en ayant l’air déguisé. Son pire problème? Ses collègues sont cons et vulgaires et il n’a pas baisé depuis 40 ans. Ah oui. Lui aussi est con, macho et vulgaire. Très. Faut donc aimer le genre!

J’avoue, parfois, j’ai ri. Les situations sont complètement ridicules, l’humour est décalé, tous les personnages sont détestables, au point que Lucifer est le plus sympathique de tous. Et c’est dire. Lucien, c’est un mix de grossièreté et d’érudition bizarre. C’est tellement n’importe quoi qu’il m’est arrivé d’ouvrir les yeux ronds comme des trente sous et de me dire « voyons donc! » Vous ne saviez pas ça, vous, que pour passer à autre chose, fallait accepter que votre est mère est une grosse citrouille? Ben c’est ça.

Tout le monde est hyper enthousiaste face à cette BD. Pour ma part, je ne suis pas super fan du dessin (les nez, les nez) mais ce qui m’a bloquée, ce sont les blagues et pensées sexistes, certes – un peu – dénoncées, mais beaucoup trop près de ce que j’entends parfois pour que je trouve ça drôle. J’avoue que la grossièreté, bof…

De l’auteur, j’ai préféré Whitehorse, surtout le tome 2, qui m’a fait rire aux éclats et duquel j’ai mieux su aprécier l’ironie. Pourtant, il paraît que celui-ci est le meilleur! Bref, moi, quoi! Ce qui m’a le plus fait rire, c’est la combinaison « chars pis livres usagés! » Jamais comme tout le monde!

Moka nous accueille pour la BD de la semaine!

Je ne suis pas fou – André Marois

Le comment du pourquoi

Je ne sais plus qui en a parlé… mais bon, je l’ai vu sur un blog (as usual), j’ai été tentée… et je l’ai lu! C’était la raison inintéressante du jour!

De quoi ça parle

Je vous donne les premières phrases, et vous comprendrez.

 » Chaque soir, c’est pareil : maman prépare une tarte aux pommes et l’enfourne. Papa et moi regardons les nouvelles à la télé. Après l’émission, un cri retentit toujours de la cuisine, puis le bruit d’une chute. Mon père et moi nous précipitons. La tarte est renversée sur le sol ; maman explique qu’elle l’a fait tomber à cause du moule qui était brûlant. Papa s’allume une cigarette sans rien dire et part à la recherche de son cendrier. Chaque soir c’est pareil, et mes parents font comme si de rien n’était. Je crois qu’ils veulent me rendre fou « 

Mon avis

Je ne suis pas certaine d’avoir compris. En fait, je n’étais pas certaine d’avoir compris jusqu’à ce que j’écoute l’entrevue de l’auteur à « Samedi de lire« . Et après l’avoir écouté, je suis atterrée, certes, mais je reste avec l’impression qu’il m’a quand même manqué quelque chose… Je reste avec une question, prégnante… mais… POURQUOI???

Nous entrons donc dans une maison par les yeux d’un jeune garçon et nous resterons dans ses pensées tout au long du roman. Ce qui se passe dans cette famille est incroyable, complètement à côté de la plaque et notre petit héros est convaincu que ses parents cherchent à le rendre fou pour pouvoir s’en débarrasser, parce que, notamment, il coûte trop cher en nourriture. Roman sur la folie, certes, mais celle de qui? Des parents? De l’enfant? De la société qui ne réagit pas? C’est la question qui se pose tout au long du roman.

L’intérêt du récit est la vision et la réaction de l’enfant à ce qui lui est fait subir. Chaque tentative de rebellion se solde par des punitions, souvent insidieuses et reliées à la bouffe. Comment y réagit-il? Comment interprète-t-il ce qui lui est fait? Ça fascine au départ de voir des comportements complètement irrationnels passer pour parfaitement normaux, de voir cette absence totale de communication, mais on finit par se lasser. Cette spirale de pensées est intéressante mais pour moi, ça a été quand même trop peu. On est dans un roman psychologique, mais parfois tellement incroyable que, justement, ça a perdu de son intérêt. Pourquoi personne ne réagit? Comment ça se peut?

Vous me direz que ce n’est pas le but, que ce n’est pas ça l’important, que l’atmosphère anxiogène est réussie et qu’on se questionne réellement en tant qu’adulte sur la crédibilité de cet enfant. Je sais. Mais il m’a quand même manqué quelque chose pour complètement adhérer.

Usva a davantage apprécié!

The Unhoneymooners – Christina Lauren

Le pourquoi du comment

J’avais vu ce roman dans plusieurs tops 2019 et j’avais envie d’une petite romance. Du coup, j’ai choisi celle-là. Ça et la couverture jaune pétant. Il m’en faut peu.

De quoi ça parle

Olive et Ami sont identiques au plan physique, mais psychologiquement, elles sont l’excact opposé l’une de l’autre. Ami est chanceuse. Très chanceuse. En effet, elle a presque gagné intégralement son mariage de rêve et de façon générale, tout lui réussit. Olive, quant à elle, attire la malchance. Du coup, quand le fameux mariage vire au drame en raison d’une bactérie dans le super buffet de fruits de mer, Ollie se retrouve devant l’opportunité de partir à Maui, sous l’identité de sa jumelle, elle se dit qu’il va forcément arriver quelque chose. Et oui, en effet, il arrive quelque chose. C’est un voyage de noce. Gagné (of course) par sa soeur, c’est un voyage de noces. Et qui doit lui servir de « faux mari »? Ethan, le frère du mari de sa soeur. Celui qu’elle déteste cordialement, et qui le lui rend bien, d’ailleurs. Ça promet!

Mon avis

Je ne sais pas pourquoi, quand je lis une romance, je m’attends toujours à quelque chose de plus que ce que j’y trouve. Pourtant, je le sais hein! Je sais exactement ce que je vais lire, au fond. Mais j’ai déjà trouvé le quelque chose en question dans certains romans et, allez savoir pourquoi, j’espère encore.

Bon, là, vous allez vous dire que j’ai détesté. Ben non, je n’ai pas détesté. C’était pas mal. Sans plus. Drôle, rythmé, des situations rocambolesques et improbables, un personnage principal qui est parfois énervante mais quand même attachante, des gaffes à gogo… Voilà. Agréable. Mais je suis loin d’être aussi enthousiaste que les critiques que j’ai pu entendre… et qui m’avaient décidée à le lire. En fait, en lisant le personnage masculin au début, j’espérais quelque chose… et finalement, non. Il est juste bland. Comme la plupart des personnages masculins que j’ai lus récemment.

Ceci dit, si j’en avais un peu marre de la partie à Maui à partir du moment où ils ont commencé à moins se taper sur les nerfs (et la RAISON pour laquelle ils se tapaient sur les nerfs… je ne veux même pas en parler), la seconde partie, avec ce qui devient un drame un peu plus familial (j’ai adoré la famille), m’a davantage plu. L’héroïne réalise des choses avec l’aide de sa famille et du mec, mais elle prend ses décisions toute seule et ce n’est pas l’amour qui la sauve. Elle le fait toute seule, avec l’aide des gens qui sont autour d’elle.

Bref, une romance pas mal, avec un style enlevé, de jolies images de Maui, de chouettes relations entre soeurs (adoré les textos), que j’ai quand même lue en une journée. Je pense sincèrement que ça va beaucoup plaire aux amateurs du genre… mais je pense que je réussis de moins en moins à y accrocher.

Dommage…

Nymphéas noirs – Duval / Cassegrain / Bussi

Le comment du pourquoi

Je venais de lire la version roman… il fallait que je découvre la version BD! En fait, j’ai reçu la version BD il y a quelques mois, et je voulais lire le roman avant… ouais, c’est plutôt ça!

De quoi ça parle

Je ne vais pas – encore – vous expliquer de quoi parle la BD vu que j’en ai parlé la semaine dernière… je vous renvoie donc à mon billet sur le roman. Sachez toutefois que nous sommes à Giverny, pays de Monet, où un crime a eu lieu. Autour de l’intrigue gravitent trois femmes. Une égoïste, une menteuse et une méchante.

Mon avis

Je ne pensais pas qu’il était possible d’adapter ce roman en BD. Ceux qui l’ont lu comprendront sans doute pourquoi et je n’en parlerai évidemment pas ici. Mais croyez-le ou non… j’ai trouvé ça franchement réussi comme adaptation! Et ce n’était pas gagné! Entendons-nous, connaissant l’histoire, les tenants et les aboutissants, j’ai passé toute ma lecture à chercher les indices, à voir comment c’était construit, comment les écueils allaient être évités. Le choix des illustrations est très bien pensé, le découpage des cases est hyper bien fait et on sent l’influence impressionniste dans les images, tout en pastel et en douceur. Aurais-je tout compris si je n’avais pas lu le roman? Je ne sais pas… j’aurais peut-être été un peu perdue, ou frustrée par les trucs utilisés pour brouiller les pistes.

L’adaptation est fidèle au roman, on retrouve l’atmosphère de Giverny et le côté mystérieux amené par cette vieille dame qui erre dans la ville comme un fantôme que personne ne semble voir. C’est bien fait et une seule image aurait pu me mettre la puce à l’oreille!

Si vous avez aimé le roman, je vous conseille la BD, ça va vous ramener en plein dans cette ambiance. Si vous ne l’avez pas lu, vous risquez d’être un peu perdu… mais je suis curieuse de voir ce que vous allez en penser et je gagerais sur un cerveau un peu retourné! Impressionnant! Ou impressionniste. Au choix!

C’était ma BD de la semaine… et Stephie fait le recensement des liens cette semaine!

Konbini – Sayaka Murata

Le comment du pourquoi

J’ai entendu parler de ce court roman par une amie qui avait dé-tes-té. Et les raisons pour lesquelle elle avait tant haï ce roman m’ont interpellée. Donc, je l’ai lu (je sais, faut pas chercher à comprendre)… et moi, j’ai beaucoup aimé! Je remercie donc l’amie en question d’en avoir parlé avec tant de passion haineuse. Je sens qu’elle va être morte de rire quand elle va me lire!

De quoi ça parle

Keiko a 36 ans et, depuis 18 ans, est à l’emploi d’un kombini (un genre de dépanneur ouvert 24h), à temps partiel. Elle n’est pas mariée, n’a pas d’enfant, et adore son emploi. Toutefois, pour tout le monde, sa situation n’est pas normale, pas désirable. Quand un nouvel employé arrive et qu’elle se retrouve à lui donner un coup de main, elle va, par la force des choses et des gens, se remettre en question.

Mon avis

Voici ici un très court ouvrage, très étrange, très particulier, qui ne touchera pas tout le monde, mais qui m’a pour ma part beaucoup plu. Keiko, le personnage principale, pourrait être décrit comme une femme non neurotypique, qui ne comprend pas du tout les conventions sociales et qui réagit à sa façon qui est – pour elle seule – fort logique. Au Japon, de nos jours, une personne sans emploi stable, pas mariée, n’est pas encore totalement acceptée et j’ai beaucoup aimé les stratégies de Keiko pour avoir l’air « normale ». C’est triste et drôle à la fois et c’est surtout hyper juste. C’est que, voyez-vous, Keiko AIME travailler au Konbini. Elle s’y réalise, ne fait de mal à personne, y trouve des défis et de la valorisation. Elle est différente, mais pas malheureuse d’être différente. Certes, la société lui pèse un peu et la force à « faire semblant ». Et ça, ça m’a beaucoup plu.

C’est d’ailleurs ce qui est bien dans ce roman. Il propose une vraie réflexion sur la différence, mais vue par une culture différente. Il offre un angle très intéressant sur les pressions et les attentes de la société et sur les préjugés qui demeurent et les effets que ceux-ci peuvent avoir sur certaines personnes. Certes, le personnage masculin qui entre en scène est à taper (en bonne québécoise, je dirais « à fesser dedans »), mais même s’il est détestable, il va quand même avoir un regard très lucide sur le monde qui l’entoure. Ok, lucide, ce n’est peut-être pas le mot. Il a sa propre perception, est assez parasite merci et n’a pas l’intention de changer, quitte à insulter tout le monde et à imposer sa façon de voir les choses. Comme quoi les différences n’ont pas toutes les mêmes impacts.

Un roman sur la découverte et l’acceptation de soi et sur les diverses version du bonheur. Un roman aussi sur la différence, celle qui dérange, et qui m’a emmenée à lire sur la culture japonaire, notamment sur le phénomène des freeters, jeunes adultes méprisés qui mettent de côté la carrière et la famille pour avoir des petits boulots. Bref, une plume assez dépouilllée, mais un propos qui vaut la peine d’être lu.

Nymphéas noirs – Michel Bussi

Le comment du pourquoi

J’ai la BD chez moi et je veux la lire. Du coup, je me suis dit que je pourrais lire le roman avant. Surtout qu’il est dédicacé.

De quoi ça parle

Nous sommes à Giverny, nom ô combien magique pour certaines personnes (dont moi… j’ai fait mon pélerinage!) amoureuses de Monet et des autres impressionnistes. Un cadavre a été trouvé sur les rives de l’Epte, celui d’un médecin ophtalmologiste amateur d’arts et, clairement, ce n’est pas un accident. Au coeur du récit, trois femmes. Une enfant de 11 ans qui aime peindre, une jolie institutrice aux yeux violets et une vieille dame, invisible au yeux de tous, qui hante les rues du village. Alors que les policiers patinent dans leur enquête, le piège se resserre.

Mon avis

Je ne savais absolument pas à quoi m’attendre en prenant ce roman et je l’ai choisi pour Giverny, pour l’art, pour Monet et l’ambiance un peu floue… impressionniste, quoi. J’avais envie d’un roman d’atmosphère avec une enquête en arrière-plan et c’est exactement ce que j’ai eu. Je ne m’attendais à aucune révélation particulière (oui, inkulte je suis).. et du coup, je me suis fait joyeusement balader. Certes, j’ai eu des doutes sur certains aspects, je me suis dit « et si… », mais en gros, je ne pense pas avoir compris précisément avant que l’auteur ait décidé de me le faire comprendre. C’est bien, des fois, de ne pas du tout savoir ce qui nous attend.

Entendons-nous, il y a des choses qui m’ont laissée dubitative. Les relations entre le détective Laurenç et la jolie suspecte m’ont semblé tirées par les cheveux et ça a passablement dérangé ma lecture un moment donné. Mais j’étais tellement contente de revisiter Giverny, la maison rose, le jardin de Monet, la maison Baudy et ces petites rues que j’ai aimé arpenter que je pense que j’étais prête à tout accepter! En fait, le roman a d’ailleurs un côté assez impressionniste. Par petites touches, des impressions, des éclats de lumière et d’ombre… tout ce qu’il faut pour fasciner le lecteur, et le faire passer à côté de petits indices.

La construction est habile, on sent aussi la recherche derrière le texte, avec toutes les références sur la vie de Monet et de Giverny, les légendes du village et les mystères du milieu de l’art. Ce n’est pas tant l’enquête qui fait l’intérêt du roman, même si l’inspecteur un peu maniaque m’a bien fait rire. C’est plutôt la balade et le voyage à Giverny, l’ambiance, et la voix de cette détestable vieille femme, cette souris en noir, qui se plaît, du haut de sa tour, à observer sans intervenir les drames qui se déroulent sous ses yeux.

Une jolie découverte pour moi! Du très bon divertissement.

Appelez-moi Nathan – Castro / Zuttion

Le comment du pourquoi

J’avais vu cette BD sur plusieurs blogs lors de notre rendez-vous hebdomadaire. Et comme la thématique de la transidentité m’intéresse, je l’ai réservé ç la biblio… et j’ai attendu qu’il arrive!

De quoi ça parle

Lila a grandi auprès d’une famille aimante et d’un petit frère qu’elle adore. Mais quand l’adolescence arrive et que ses seins se développent, c’est la confrontation avec elle-même et l’évidence. Ces seins ne font pas partie d’elle. Lila n’est pas une fille, c’est un mec.

Mon avis

Cette bande dessinée a été beaucoup présentée sur les blogs, avec des avis presque unaninement très positifs. Mon avis est également positif, mais beaucoup moins dithyrambique que la plupart. Peut-être est-ce parce que j’ai quand même pas mal lu sur le thème depuis les dernières années, allez-donc savoir.

Nous avons donc ici une BD inspirée d’une histoire vraie et je pense qu’elle touchera et rejoindra également les jeunes. Le langage utilisé est le leur (je n’ai pas tout compris, en tant que québécoise… mais ça, c’est souvent un problème pour moi dans la littérature YA française), le point de vue est celui de Lila/Nathan, que nous suivrons pendant quelques années, soit jusqu’à la fin du lycée. Et je pense que les jeunes sont beaucoup plus délurés et ouverts et que nous l’étions à 15-16-17 ans! Les temps changent comme on dit!

La transition est ici présentée de manière un peu « pédagogique », et l’accent est surtout mis sur l’avant, sur l’évolution psychologique de Nathan, sur son mal-être. Cette partie est plus longue, certaines images sont troublantes et on comprend bien le profond mal-être qui l’habite. J’ai aussi beaucoup aimé les réactions de sa famille, leur soutien, mais aussi leur peine, qu’ils ne réussissent pas toujours à cacher. Les réactions de Nathan face à eux ne sont pas non plus parfaites et j’ai trouvé le tout très réaliste, très humain.

Ceci dit, si j’ai trouvé la BD instructive et que le dessin m’a bien plus, je suis restée extérieure émotivement par rapport au récit. J’ai été davantage touchée par d’autres histoires traitant du même sujet et si je n’hésiterais pas à le conseiller à des gens voulant en savoir davantage sur le sujet, je n’en fais pas non plus un incontournable. Bien, mais pas un coup de coeur pour moi.

C’était ma BD de la semaine, et tous les billets sont chez Noukette!

Ta mort à moi – David Goudreault

Le pourquoi du comment

Parce que c’est David Goudreault et que quand je lis David Goudreault, j’ai l’impression d’entendre la voix de David Goudreault, que j’ai déjà vu sur scène. Pour moi, ça suffit largement. Et sérieux, cette couverture!! Wow!

De quoi ça parle

Marie-Maude Pranesh-Lopez est une poétesse québécoise extrêmement populaire. Elle a écrit un unique recueil à 19 ans, qui a été porté aux nues, mais qui en a fait un personnage fort controversé. On sait dès le début que la dite Marie-Maude n’est plus et c’est sa biographie fictive que nous lirons ici, entrecoupée d’extraits du journal de la poétesse, que nous tenterons, petit à petit, de cerner. Un peu.

Mon avis

Pour moi, David Goudreault, c’est une voix et une plume. Son oeuvre, sont remplis de phrases que nous devons relire plusieurs fois parce que sous leur aspect parfois très parlé, il y a un rythme, une poésie certaine et des images qui frappent, qui marquent, et qui parlent toujours à ma sensibilité. Assez pour que je sois obligée de m’arrêter un peu pour bien les intégrer. Et derrière tout ça, j’ai vraiment l’impression d’entendre parler David Goudreault. Son timbre, son phrasé si reconnaissable… bref, ça passe toujours avec moi. J’aime découvrir avec lui des personnages écorchés vifs, profondément souffrants, qui nous heurtent et nous bousculent. Et c’est tout à fait ce qu’on nous offre ici. Marie-Maude est finalement moins sympathique que le héros de la Bête à sa mère, le ton est moins humoristique, voire même pas du tout, sauf que le personnage fascine et intrigue.

En plus de jouer avec la langue, Goudreault joue avec la structure du récit. J’ai pensé que j’avais une mauvaise version du roman au départ, avec les notes de l’auteur et les chapitres en désordre. Toutefois, le tout se tient parfaitement. Nous découvrons Marie-Maude à la fois enfant et adulte, artiste ayant grandi dans une famille dysfonctionnelle auprès d’une mère qui ne réussit pas à sortir de son deuil et d’un père ayant un perpétuel syndrome de la page blanche. Si son indifférence, ses jugements, sa perpétuelle colère nous heurtent souvent, on entrevoir petit à petit le fameux trou blanc qui se cache derrière la laideur et les épines avec lesquelles la poétesse se protège.

Un roman déroutant mais aussi jubilatoire, un portrait sans concession d’un personnage qui nous glisse entre les doigts et qui aura tout tenté en se fichant pas mal de l’opinion publique et de sa propre sécurité. De la Beauce à Montréal, en passant par l’Asie, Marie-Maude Pranesh-Lopez nous entraîne dans son parcours hors-norme, sans doute inspiré par plusieurs auteurs raboutés (clins d’oeils à Cohen ou peut-être Rimbaud… bref, j’en vois peut-être trop).

À découvrir!

Like a love story – Abdi Nazemian

Le comment du pourquoi

C’est la faute à Mylène. Rien de plus à ajouter!

De quoi ça parle

Nous sommes à la fin des années 80, à New-York. Reza vient de Téhéran – en passant par Toronto – se se sait gay. Toutefois, dans sa tête, être gay est une condamnation à mort. Les homosexuels meurent sous le regard indifférent de la population et le sida devient peu à peu le mal du siècle.

Dans sa nouvelle école, il va faire la connaissance de Judy et de Art. Art est ouvertement gay et l’assume à plein. Judy a été nommé par son oncle Stephen en l’honneur de Judy Garland, oncle qui est malade du sida mais qui est surtout une personne flamboyante, charismatique et activiste dans le mouvement Act Up.

Ces trois personnages ont des craintes, des difficultés à cadrer dans ce qui est attendu d’eux et vont devoir grandir et s’accepter, peut-être un peu plus vite que ce qu’ils auraient voulu.

Mon avis

J’ai attendu avant d’écrire ce billet parce que ma lecture a été particulière. J’étais fort dubitative au départ, car je trouvais le départ un peu long, un peu redondant par rapport à toutes mes lectures de romance young adult. Toutefois, quand je l’ai eu terminé, j’ai tellement aimé la finale, la façon de boucler l’histoire, que finalement, j’en garde un très bon souvenir et que je l’ai déjà conseillé à au moins 4 personnes. C’est moins génialissime que le magnifique N’essuie jamais de larmes sans gants, mais beaucoup plus accessible aux jeunes et pour moi, ça compte. Call me miss contradiction.

Ce qu’il faut savoir au départ, c’est que les personnages, adolescents à la fin des années 80, ont à peu près mon âge. Je ne vivais pas à New York, j’avais très peu de contact avec la communauté gay (même si j’avais plusieurs copains queer déjà ado), mais j’avais une peur atroce du VIH et du sida. Atroce. Ok, je suis la pire hypocondriaque de la terre, mais je me suis beaucoup retrouvée dans les réactions (loin d’être top) de Reza. Pas très glorieux, je sais. J’étais persuadée que je perdrais plusieurs copains très jeunes à cause du sida, qu’ils étaient condamnés à mort, et ça me faisait une peine terrible. Et dans ce roman, c’est hyper juste, je trouve. On retrouve vraiment le climat de peur de l’époque, du moins pour certaines personnes. Et ça, j’ai trouvé ça très réussi.

J’ai beaucoup aimé les personnages aussi, pleins de failles et qui prennent parfois des décisions de m… parfois. Judy vient d’une famille qui a été déchirée par la maladie de son oncle, qu’elle adule et adore, où l’homosexualité est acceptée mais qui vit davantage de difficultés par rapport à son poids. Art est le 6e de sa lignée et ses parents ne veulent rien savoir de ses actions militantes ou même de son homosexualité. Quant à Reza, il est dans une famille recomposée, a une soeur un peu hors-norme et un demi-frère qui fait partie de l’élite de l’école. À cet âge, on ne pense pas toujours aux conséquences. Quant à Stephen et les autres activistes, ce sont ceux que j’ai préféré suivre. Comprendre le mouvement Act Up, se retrouver au coeur des manifestations (réelles, mais avec des personnages imaginaires), c’était génial. On sent la profonde admiration de l’auteur pour ces activistes qui faisaient peur aux gens. La communauté gay est ici un élément très positif, très bienveillant et tous ses membres sont des vrais gentils. Je ne sais pas si c’est réaliste, mais dans ce cadre, on s’en fiche un peu!

Mon bémol, en plus du côté convenu et un peu long du début? Vous allez dire que je suis pointilleuse. En fait, j’ai été HYPER énervée de trouver des propos très 2019-2020, avec des formulations très très actuelles, dans la bouche de personnages des années 1980. J’ai vraiment soupiré et levé les yeux au ciel. On aurait dit qu’on tentait à tout prix de dénoncer et de nommer tous les trucs homophobes, xénophones, grossophobes qui se produisent dans le roman et ça faisait vraiment artificiel et politically correct. Et à l’époque, c’était pas comme ça. On ne disait pas ça comme ça. Du moins, pas dans mon bout du monde. Certes, le personnage qui fait ça ne vit pas dans le même milieu que moi, mais ça m’a gossée, gossée!! Vous pouvez pas savoir! Ceci dit, je pense que ce point en particulier va beaucoup plaire à plusieurs personnes… c’est un « à moi de moi »!

Mais la fin… ça m’a énormément, énormément plu. J’ai aimé l’évolution des relations, j’ai eu de la peine pour les personnages, et j’ai trouvé que l’auteur évitait habilement plusieurs pièges qui auraient été trop « faciles ». C’est réaliste, c’est beau, ça parle d’amitié, de premiers amours, de choix et de différences. Bref, une semaine après ma lecture, j’ai changé mes étoiles goodreads parce que finalement, j’en garde un bon souvenir. Call me inconstante!

À découvrir donc!

Et je suis curieuse de voir si certains points vous ont fait le même effet qu’à moi!

La peau de l’ours – Oriol / Zidrou

Le comment du pourquoi

J’ai vu un billet de Noukette il y a quelques semaines, alors qu’elle parlait du tome 2 (qui n’aurait aucun rapport avec le tome 1, à part le milieu et l’atmosphère). Du coup, quand je suis tombée sur celui-ci à la bibliothèque, hop, il a rejoint la pile de BDs que j’ai ramenée chez moi. Et bon, cet effet de flou sur la couverture, c’est chouette, non?

De quoi ça parle

En Italie, un jeune homme vient quotidiennement sur son vélo faire la lecture de son horoscope à Don Palermo, un vieil homme habitant seul en haut d’une colline. Don Palermo va raconter sa jeunesse, aux États-Unis, au sein d’un tout petit cirque, qui va l’amener à rencontrer Don Pomoroso, appelé ainsi parce qu’il est carrément… rouge. C’est un mafieux à la gachette facile, sans scrupule, qui tue son ours – et meilleur ami – pour aucune raison. Don Palermo, qui n’est alors que Teofilio, sera pris en charge par Don Pomoroso mais au fond de lui, il ne cherche que la vengeance…

Mon avis

Je ne sais pas pourquoi, mais j’aime toujours lire à propos de la mafia, la familia toussa toussa. Je pense que c’est à cause de Donnie Brasco. Al Pacino et Johnny Depp ont peut-être un petit quelque chose à voir avec ça, mais bon, passons. Il ne faut donc pas se surprendre que j’aie beaucoup aimé cette histoire, racontée par un vieillard qui n’est jamais vraiment revenu de son premier amour.

J’ai eu un peu de mal avec les visages d’Oriol. J’aime tout le reste du dessin, mais les visages, ça, ils ne m’ont pas plu. Les nez trop marqués, je pense. Ya un truc entre moi et les nez. Mais bon, c’est un détail parce que le côté graphique, parfois sombre, parfois lumineux, sert parfaitement le propos et réussit à créer une atmosphère oppressante à souhait, malgré quelques fulgurances.

Teofilio va donc vivre dans ce monde qui n’est pas le sien et dont il ne connaît pas les codes. Il n’a rien d’un héros et même s’il en veut à mort à Don Pomodoro, il va continuer à aller chercher ses hotdogs 3 saucisses extra choucroute, et à le regarder buter des gens. Idéalement un par jour. Toutefois, le soir, Mietta, la petite-nièce du mafieux vient lui lire « Les raisins de la colère » dans son bain et dans son coeur d’adolescent de 15 ans, c’est le grand amour.

J’ai beaucoup aimé la construction par flashbacks, ce récit raconté par un vieil homme, qui a eu un passé, des amours, des sentiments toujours forts malgré le temps qui a passé. Ce monde fort violent, très dur, est vivant et très réel sous le trait du dessinateur et le scénario de Zidrou est parfait, comme toujours. Ces personnages, c’est quelque chose!

Bref, je lirai le tome 2, même si ça parle d’autres personnages!

C’était ma BD de la semaine… et tous les billets sont chez Moka.