Le comment du pourquoi
Ceux qui me suivent depuis longtemps savent que je voue un amour fou à Eugène Onéguine, de Pouchkine. Mais, vraiment. Je me rappelle le regard éberlué du copain que j’avais à l’époque quand je m’étais levée de mon bain pour déclamer très théâtralement – et accessoirement, complètemente à poils – certains vers particulièrement magnifiques. Bref, une réécriture de ce long poème, pour moi, c’était une évidence.
De quoi ça parle
La première fois que Tatiana a rencontré Eugène, elle avait 14 ans et lui 17. Il était ami avec Lansky, qui était l’amoureux de sa soeur Olga. Elle vivait à travers les personnage de ses romans et il vivait à plein son spleen, son détachement et son profond ennui. À 17 ans, il avait tout vu, était blasé de tout. Elle va tomber en amour, of course, avec toute la candeur et la naïveté de l’adolescence. Mais, clairement, ça ne va pas bien se finir.
La deuxième fois que Tatiana a rencontré Eugène, elle a dix ans de plus, et lui aussi. Elle est chercheuse en histoire de l’art, il est consultant. Ils ont tous deux bien changé. Est-ce que ça va finir différemment?
Mon avis
Qu’est-ce que j’ai pu aimer! Je m’attendais à bougonner un peu, parce que bon, c’est quand même un peu sacrilège de s’attaquer à Eugène Onéguine (je connais davantage la version Pouchkine que la version Tchaikovsky). Mais que nenni! Cette réinterprétation est intelligente, très sensible, mais elle contient aussi beaucoup d’humour. Clémentine Beauvais a même réussi à nous offrir une version réussie de la fameuse voix de l’Auteur de Pouchkine. Je me suis régalée.
Nous sommes ici à Paris. La campagne est devenue banlieue (ouais, pour plusieurs parisiens, la banlieue, c’est la campagne), les personnages ont changé d’âge, ne sont pas tout à fait si éloignés socialement. Sérieusement, la façon dont certains événements sont transposés à l’époque actuelle est hyper ingénieuse. Je ne peux pas vous dire de quoi je parle exactement, mais disons que je me demandais comment certains fait importants allaient être traités. Et c’est top.
Il y a un vrai effort de mise en page, nous sommes aussi dans un roman en vers (libres, cette fois), et il y a un je-ne-sais-quoi dans la façon de présenter le texte qui fait écho à ce qui est ressenti par les personnages ou le lecteur. On saute du passé au présent, l’Auteur s’amuse un peu avec le lecteur et c’est bourré de références littéraires. Ce que j’adore, of course.
Bref, je suis conquise. Ici, le côté critique sociale de la pièce d’origine est beaucoup moins présente, mais il y a des moments déchirants, une réelle évolution des personnages… et j’ai fini avec un sourire idiot sur le visage.
Un plaisir à déguster!