Le comment du pourquoi
J’ai lu beaucoup de littéature autochtone québécoise ou canadienne, mais très peu de littérature autochtone américaine. Du coup, j’avais lu de bons avis et Michel Jean l’avait proposé… et j’ai osé m’aventurer dans ce roman choral qui s’articule autour du grand Pow Wow d’Oakland.
De quoi ça parle
Ici n’est plus ici nous raconte l’histoire des autochtones urbains, des Indiens, comme ils se nomment eux-mêmes. Nous rencontrons une quinzaine de personnages, tous issus des premières nations. Chacun a son histoire, son passé, son bagage, et chacun s’interroge sur son identité. Mais surtout, chacun tente de survivre, souvent en se noyant dans l’alcool. Leurs destins vont se croiser pendant le grand Pow Wow d’Oakland, qui se veut une occasion de célébrer leur héritage.
Mon avis
Quand j’ai refermé ce roman, j’ai eu besoin d’en parler. Là, maintenant, tout de suite. J’ai eu besoin d’en parler parce que j’étais à bout de souffle, complètement prise au trippes mais aussi profondément découragée quant à l’avenir. Je sais bien que ce n’est pas à moi en tant que Blanche de vouloir trouver des solutions pour améliorer les choses et que la solution ne peut pas venir de moi, mais la blessure de ces peuples est tellement profonde quant au territoire, à ce qui a été enlevé, que je vois difficilement comment le processus de guérison peut s’amorcer. J’en suis sortie abasourdie, écrasée par le poids de ce passé, et avec l’impression que la seule chose que les blancs pourraient faire ce serait de retourner dans le temps ou alors de ficher le camp. Bref…
Je sais que ça n’a pas fonctionné pour tout le monde, mais j’ai trouvé virtuose la façon qu’à l’auteur de faire vivre devant nos yeux, à travers quelques facettes d’une quinzaine de personnages, toute une communauté urbaine, très variée, très diverses. Il y a beaucoup d’abus d’alcool, certes, beaucoup de détresse aussi. Mais chacun a son histoire et une voix qui lui est propre. Certains sont nés de familles dysfonctionnelles, d’autres de parents ou de gardiens aimants. Certains sont éduqués, d’autres n’ont pas pu. Certains embrassent leur identité « indienne » (c’est le terme utilisé en anglais alors j’ai eu mal à changer pour la chronique) tandis que d’autres se cherchent davantage. Certaines parties font froid dans le dos et malgré le côté décousu, le portrait dressé a été pour moi un véritable coup de poing.
Certaines histoires m’ont plus touchée que d’autres. Celle de Jackie et d’Opale, ou encore ce jeune danseur qui veut voir son premier powwow ou Blue, élevée dans une famille blanche mais retournée vers ses racines. Il y a beaucoup de colère, de désespoir, mais on sent venir la résilience aussi. J’ai aimé découvrir les liens entre les histoires, été choquée par le racisme et la violence, eu la coeur brisé une fois ou deux.
Un roman qui s’éloigne des clichés, profondément urbain, parce qu’être autochtone, ça ne veut pas juste dire « grands espaces » et réserves. Une chose est certaine, c’est officiel que je relirai Tommy Orange, avec sa couleur en guise de nom de famille.