Rénovation – Renaud Jean

renovationQuel roman étrange que voilà.   Je suis entrée dedans sans trop savoir à quoi m’attendre et j’en suis sortie à la fois hébétée et angoissée.  Entre incohérence et illogisme, le narrateur évolue dans un univers qui rappelle un peu celui de Kafka, où l’on côtoie un peu le grand n’importe quoi mais un grand n’importe quoi qui n’est parfois pas aussi éloigné que ça de certaines réalités.  Quand on travaille dans la santé ou l’éducation, des fois… mais bon, je m’égare!

 

Un jour, le narrateur est dérangé dans son chez lui capitonné et sans fenêtre par une équipe de rénovations.  Il n’a aucune idée d’où ils viennent, ils le traitent comme quelqu’un de limite suspect,avec hauteur et mépris.   Peu importe ce que le locataire en pense, on rénove, on éclaire, on ajoute de la transparence aux murs de cet appartement.  Il ose se plaindre?  Ben voyons, il a signé!  Et en plus, la seule chose qui soit vraiment inquiétante, dans tout ça, c’est que la pièce était autrefois capitonnée, non?  Suspect… fort suspect…  C’est lui aussi… il doit avoir de terribles difficultés d’adaptation!

 

Ici, on ne tombe jamais dans le larmoyant, mais on a le goût de secouer ce narrateur qui reste passif, qui ne dit rien (bon, d’un autre côté, dès qu’il ose, ça lui retombe dessus) alors que tout devient de plus en plus absurde autour de lui.  Entre les réhabilitations, les réformes alors que la réforme précédente n’est pas encore terminée, les chefs improbables et les situations où personne ne dit quoique ce soit, on sait d’avance que ça ne va pas bien aller pour cet homme (qui a, ceci dit, fort probablement des difficultés d’adaptation).  De toute façon, personne ne semble avoir un réel pouvoir dans cette énorme structure sensée vouloir « aider » les pauvres gens.

 

Miroir de la société, où personne n’est à l’abri et où plusieurs sont oubliés par le système, à qui ile dit système ne convient pas.  Privatisation, stages non-rémunérés, incohérences, redressement financier, coupures, diminution de la qualité de vie et surtout, surtout, impossibilité de s’en sortir pour certains.  J’en suis sortie pleine d’angoisse, fâchée aussi.  J’avais le goût de secouer tout le monde. Ceci dit, si la première partie a très bien passé, j’ai trouvé que le processus s’essoufflait un peu au fil des pages. La froideur se ressent par moments. On a affaire à un style assez direct, sans flaflas.  Même si ça m’a bien plu, j’avais quand même préféré son recueil de nouvelles, où le style m’avait davantage interpellée.

 

C’est malin, j’ai envie de relire Kafka maintenant!

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