L’homme qui savait la langue des serpents – Andrus Kivirähk

Le comment du pourquoi

J’avais entendu beaucoup de bien sur ce roman et j’ai profité de ma bibliothèque pour le lire. Et bon, je suis fort intriguée par l’Estonie depuis ma visite à Tallinn il y a quelques années. Ma guide m’avait parlé des coutumes et d’une idéalisation de l’Estonie rurale d’antan assez fréquente dans certains cercles. Ce roman, c’était tout à fait dans cette lignée.

De quoi ça parle

Ce roman est assez simple, mais difficile à résumer. Leemet est né en Estonie, au village, car son père rêvait de modernité. Après sa mort, sa mère est retournée vivre dans la forêt, selon l’ancien mode de vie, dans une communauté mourante et qui oublie peu à peu la langue des serpents, qui permet de se faire obéir des animaux. C’est le roman de la fin d’un monde car dès le début, nous savons que Leemet est le dernier.

Mon avis

Même s’il me tentait, ce titre me faisait un peu peur. J’avais peur que ce soit lourd ou « difficile ». Je n’ai tellement pas de cerveau ces temps-ci! Mais c’était compter sans le talent de conteur de l’auteur (et du traducteur), qui réussit à faire de cette histoire à la fois triste et violente un conte passionnant, empeint de réalisme magique mais aussi d’une résignation calme et sereine. Du moins à la fin. Même si nous savons dès le début comment ça va finir, on se surprend à espérer un coup de théâtre, un petit rayon d’espoir pour ce mode de vie certes primitif, mais qui leur correspond.

Certes, il faut accepter au départ qu’une humaine puisse avoir une histoire d’amour avec un ours, et qu’on puisse avoir un serpent comme meilleur ami. Il faut accepter que la salamandre existe et qu’elle attend, endormie. Mais une fois bien immergé dans cet univers, dans cet ancien monde, il n’y a plus qu’à se laisser porter par ces aventures, ces remises en questions et ces réalisations sans pitié.

C’est que nous sommes à la croisée des chemins, le moment où tout bascule, où le peuple de la forêt souhaite aller vers la modernité, illustrée par le village, où on laboure, où on fait le pain et où, surtout, on prie Dieu et on vénère les Hommes de Fer et les moines. Les gens de la forêt, qui souhaitent protéger les anciennes croyances et les anciens modes de vie, ne sont guère dépeints comme des modèles de vertu. Entre fanatisme et peur de la différence, ce n’est pas la panacée non plus. Leemet va se positionner, fouiner, aller voir… et finalement faire un choix pour lui-même. Un roman d’apprentissage, quoi, mais dans un monde au point de bascule.

J’ai beaucoup aimé les divers points de vue, notamment ceux des anthropopithèques, derniers de leur race et d’un monde encore plus ancien, qui nous illustre qu’on est tous la « modernité » de quelqu’un et que le monde évolue, laissant des gens derrière. Ce thème difficile est compensé par un ton ironique et beaucoup d’humour, notamment dans la première partie, la seconde étant plus chargée en hémoglobine.

Un roman que j’ai adoré et qui m’a tenue en haleine. La postface est intéressante et nous en apprend plus sur le côté pamphlétaire de l’ouvrage, que je n’avais qu’entraperçue à ma lecture. Et encore, merci à ma guide sans ça je n’aurais pas connu le côté « nostalgie des villages anciens » qui fait partie du mode de pensée de plusieurs en Estonie. Bref, à tenter!

9 Commentaires

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  1. J’ai lu et entendu beaucoup de bien de ce roman et tu enfonces le clou, je suis extrêmement tentée ! ♥

  2. J’ai écouté la version audio d’Emmanuel Dekoninck (l’un des meilleurs lecteurs pour moi <3 ), et qu'est-ce que j'ai aimé ce livre !!! Un voyage qui m'a fait du bien… Et j'ai beaucoup aimé la postface aussi, très très intéressante !

  3. Un billet tentateur chez toi.

  4. Auteur et roman repérés (disponibles à la bibliothèque) mais pas encore eu le courage de les lire…
    L’été dernier, j’ai lu un Estonien, un roman policier dans la Tallin médiévale ; L’énigme de Saint-Olav (Melchior l’Apothicaire, 1) d’Indrek Hargla https://pativore.wordpress.com/2020/09/21/lenigme-de-saint-olav-dindrek-hargla/ ; j’ai vraiment bien aimé et j’avais rencontré l’auteur aux Quais du Polar (Lyon) en avril 2017 donc il traînait dans ma PàL depuis 3 ans et demi !

  5. il me faisait un peu peur pour les mêmes raisons que toi, mais vu ce que tu en dis, je le fais remonter dans la liste des envies de lecture!! j’aime beaucoup cette idée de « fin de monde » ou plutôt de cycle.

  6. Lu en version audio et adoré !

  7. J »avais beaucoup aimé !

  8. Bonjour Karine :), je n’ai lu que des critiques positives sur ce roman. Il faudra que j’arrive à le lire. Bonne journée au Canada.

    1. Merci de ta visite! C’est vraiment une lecture qui vaut le coup. Il est hyper particulier, il fait réfléchir… j’ai vraiment aimé.

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