La sonate à Kreutzer – Léon Tolstoï

sonate-a-kreutzer.jpgPrésentation de l’éditeur

« Je posai le revolver et le recouvris d’un journal.  Je m’approchai de la porte et l’ouvris.  C’était la soeur de ma femme, une veuve à la fois bonne et stupide…

– Vassia, vala voir.  Ah! c’est affreux, dit-elle

« Aller la voir? » m’interrogeai-je.  aussitôt je me répondis qu’il fallait aller la voir, que probablement cela se faisait toujours.  Quand un mari, comme moi, avait tué sa femme, il fallait certainement qu’il aille la voir.  « Si cela se fait, il faut y aller, me dis-je.  Et si c’est nécessaire j’aurai toujours le temps », songeai-je à propos de mon intention de me suicider…

– Attends, dis-je à ma belle-soeur, c’est bête d’y aller sans bottes, laisse-moi au moins mettre mes pantoufles. »

 

Commentaire

Ouf, le moins que l’on puisse dire, c’est que je ne m’attendais pas du tout à ça en commençant cette nouvelle de Tolstoï, de qui j’ai énormément aimé Guerre et Paix et Anna Karénine.  « La sonate à Kreutzer » est un texte d’une centaine de pages qui nous raconte l’histoire d’un homme, Pozdnychev, ayant tué sa femme.   Il rencontre le narrateur dans un train et lui racontera son histoire.  Mais la nouvelle m’est surtout apparue comme un essai philosophique sur le mariage et sur les dangers de l’amour charnel. 

 

Je dois avouer être un peu partagée au sujet de cette lecture.  Sans aucun doute, il s’agit d’un texte puissant, qui marque, racontée par un personnage qui n’a visiblement pas toute sa tête.  Cet aspect m’a beaucoup plu mais les parties philosophiques – qui font, admettons-le plus de la moitié du récit – m’ont paru un peu lourdes, parce que je n’y adhérais pas.  Jusqu’au dernier instant, j’ai cru qu’il y aurait une autre morale que ça mais non… Tolstoï y croyait vraiment à ces théories.  Je le savais mysogine et désillusionné par rapport à l’amour et au mariage mais pas à ce point-là….

 

En effet, selon la théorie exposée, l’amour physique et charnel dégraderait l’homme, encore plus dans la mariage que dans une vie de débauche.   Il faudrait éviter les relations physiques.  On y retrouve aussi une critique de la société où les jeunes filles sont offertes et exposées au plus offrant, tout en étant bien mal préparées aux réalités de la vie et du mariage.  Bref, dans cette nouvelle, c’est la désillusion d’un homme face à vie matrimoniale, qui, par jalousie, en viendra à tuer sa femme.   J’ai beaucoup aimé les parties où il raconte simplement son histoire, surtout à partir du moment où la sonate apparaît, car l’écriture de Tolstoï me plaît toujours autant. On sent la folie, on réalise que le personnage qui nous raconte ces horreurs sans jamais se remettre en question se croit dans son bon droit – tout en étant torturé – et ça fait carrément peur.   La dernière partie est plus fluide et même si l’on sent l’idée derrière ce récit, elle nous est moins imposée. 

 

N’empêche que c’est un texte puissant, qui fait partie de l’oeuvre plus « preachy » de Tolstoï.  Il mentionne lui-même vouloir prouver plusieurs points et la postface, où il est encore plus explicite « J’estime que c’est mal » m’a encore plus secouée qu le texte.  Une vision si pessimiste, c’est somme toute assez triste…

 

Et la fameuse sonate, là-dedans? Tolstoï était grand amateur de musique. Selon les notes, suite à une écoute de la sonate en question avec des amis, Tolstoï avait demandé aux amis en question d’exprimer par leur art ce que cette musique exprimait pour eux.   Le premier mouvement, passionné, aurait contribué à inspirer Tolstoï cette nouvelle.  Je simplifie, je sais… si vous voulez tout savoir, il va falloir lire. 

 

Mais comme je suis gentille, voici ce premier mouvement de la sonate pour violon et piano de Beethoven, appelée la sonate à Kreutzer, sonate que Kreutzer n’a par contre jamais présentée…

 

 

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20 Commentaires

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  1. Bon, tu t’en doutes sûrement, je vais éviter soigneusement ce texte. Il me semble réunir tout ce que je n’ai pas aimé dans G&P: les remarques misogynes, la vision très sombre du mariage dans le premier épilogue, les longues théories philosophiques… Bref, je passe, Tolstoï et moi on est fâchés sur ce sujet

    1. Zarline: Oui, je m’en doute!  Vu ce que tu as aimé ou non dans Guerre et Paix, ce n’est vraiment pas un texte que je te conseillerais!

  2. mouais, quand on sait comment tolstoi a traité son épouse … 

    mais ce livre m’intéresse, je le mets donc sur ma LAL

    1. Niki: Il n’était pas vraiment le parfait gentleman, hein.  Mais sa façon de voir (surtout qu’il y croyait vraiment) est intéressante, ne serait-ce que pour approfondir une facette du personnage.

  3. Bonjour

    Je ne suis guère intéressé par la littérature russe et ce que tu écrit de cet ouvrage ne me tente pas de m’y fourvoyer. Mais chaque époque, chaque régime, chaque type de société engendrent aussi une littérature qui avec quelques décennies d’écart peut être en décalage. Mais d’autres textes n’ont pas pris une ride et on ne peut presque rien reprocher à leurs auteurs. Par exemple je suis plongé dans Au siècle de Maupassant et c’est un pur bonheur, Et Dumas et Dickens sont indémodables. Ce n’est que mon avis mais j’y tiens

    A bientôt

    1. Oncle Paul: Je vous rejoins parfaitement sur Dumas et Dickens, qui font partie de mes favoris.  J’aime lire les classiques exactement pour ce que vous mentionnez, en fait… j’aime voir ces décalages, les constater, comparer avec ce qui se passe de nos jours et essayer de mieux comprendre certains aspects des sociétés de l’époque.  Bien entendu, parfois, ça ne plaît pas toujours mais l’exercice est intéressant.  Du moins, moi, j’aime bien!

  4. La sonate est vraiment belle.

    Ce livre a été un vrai problème dans le couple de Léon Tolstoï avec Sophie. Je ne l’ai pas encore lu cependant, mais j’aimerais bien, avec aussi le livre que Sophie a écrit en réponse à son mari…

    1. Allie: Oui, cette sonate a un côté très passionné qui me plaît beaucoup.  Je comprends parfaitement que ça ait pu être un vrai problème.  Il dénonce non seulement le mariage, le sexe et les conventions mais il y a aussi un certain rejet de tout ce qui concerne la féminité.  Et il est en partie d’accord avec ce que dit le personnage… en grosse partie, si j’ai bien compris la postface.  J’aimerais aussi lire le livre de Sophie.  Il devrait être plus facile à trouver, maintenant qu’il a été réédité.

  5. M’a mise très mal à l’aise aussi ce texte. As-tu lu le roman-réponse de sa femme ?

    1. Bladelor: Non, je ne l’ai pas lu mais je suis très curieuse de voir.  J’en suis aussi sortie avec une impression de malaise.

  6. Nous sommes synchrone aujourd’hui ma chère Karine :)))) Le billet du jour sur les livres de Malice s’est À qui la faute ? Signé de son épouse  Sofia Tolstoï !

    1. Alice: Je vais voir, alors.  Je n’ai pas lu cette réponse mais c’Est certain que je le ferai un jour.

  7. Tout comme toi, j’ai été assez partagée par cette Sonate à Kreutzer …mais j’ai trouvé ses idées assez audacieuses tout de même !

    1. Malika: Pour être audacieux, ça l’est.  Tolstoï était à un certain moment presque « gourou » (ce n’est pas le bon terme… mais disons que sa philosophie était prisée par certains cercles) et je comprends que certains aient pu être interpellés par ces idées.

  8. Je l’ai lu en même temps que « A qui la faute » la « réponse » de son épouse, Sophie Tolstoi. Personnellement, j’ai trouvé que le radicalisme de Léon assez jubilatoire. Mais je n’aurais pas tant apprécié si la Sonate n’avait pas été derrière le récit moins convaincant de sa femme 😉

    1. Reka: En fait, je pense que je ne m’attendais pas à ça du tout.  Je suis ressortie de ce roman avec un profond malaise.  Si j’avais pu voir un 2e degré mais non, vraiment, il pensait tout ça… il était disons « particulier », le Léon!  Mais je vois tout à fait ce que tu veux dire par radicalisme jubilatoire.   C’est assez incroyable, quand même!

  9. Quel challenge pour cette semaine russe.

    1. Alex-Mot-à-Mots: Je trouve ça super intéressant, en fait, de lire sur un thème de façon rapprochée, comme ça!  Mais oui, c’est tout un challenge!

  10. Merci pour ce beau morceau qui m’enchante! En plus je suis amoureuse des violons ♥

    1. Sabbio: C’est beau hein!  J’aime beaucoup, en tout cas!

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