L’ensorcelée – Jules Barbey d’Aurevilly

l-ensorcelee.jpgPrésentation de l’éditeur

« C’est un drame horrible, mais qui a, si je ne m’abuse, une incontestablel grandeur.  Le pinceau qui a peint ces têtes étranges et ces moeurs accentuées et à caractères, s’étale sur la toile en peignant, comme la Griffe du Lion sur le sol.  Je n’ai rien fait d’aussi mâle de pensée et d’exécution.  Il n’y a pas la dedans une mignardise.  C’Est plus de la littérature d’homme que de femme, l’amour, y bouillonne jusqu’au délire, et jusqu’à la mort volcanique de la pauvre créature humaine.  Puis il y a là dedans, encore, l’audacieuse aventure d’un fantastique nouveau, sinistre et crânement surnaturel, – car on voit que l’auteur y crois sans petite bouche et sans fausse honte.

 

Barbey d’Aurevilly »

 

Commentaire

En lisant la présentation de l’éditeur (qui, quand même, tend vers la mysoginerie sur les bords), je me suis dit que ce n’était pas gagné… mais ce que j’ai pu me tromper!  Je suis carrément tombée amoureuse de l’écriture de Barbey d’Aurevilly, de sa maîtrise des récits…  bref, j’ai adoré.

 

Toutefois, il faut se remettre en contexte.  Ce roman a été écrit à un moment de la vie de Barbey d’Aurevilly où il revenait aux « anciennes » valeurs et, entre autres, à la religion.  Pourtant, rien de preachy dans ce roman.  Mais plutôt une certaine nostalgie désespérée et résignée de la monarchie et de la noblesse.  Du coup, le début peut nous faire froncer un peu les sourcils.  Toutefois, l’auteur réussit à dépeindre des personnages grandioses et imposants et qui, tout allégoriques soient-ils (du moins, la nonotte en lettres que je suis le pense), demeurent toutefois humainement très intéressants. 

 

L’histoire débute en Normandie, dans la lande de Lessay, de sinistre réputation.  Un voyageur doit la traverser et on lui présente un compagnon et guide de voyage en la personne de Louis Tainnebouy, paysan et herbager de son état.  Mais soudain, dans la lande, résonne la cloche de l’abbé de la Croix-Jugan. 

 

Le paysan racontera alors une légende du pays, celle de l’abbé défiguré et de Jeanne Le Hardouey.  Profondément ancrée dans l’histoire locale, plus précisément dans certains épisodes de la chouannerie, on entre alors dans une atmosphère de tradition orale, de croyances et de mystères.  L’histoire est merveilleusement construite.  Après la partie narrative du début, on entre dans une histoire, puis dans une autre, puis on découvre un autre personnage… jamais on n’oublie l’histoire initiale mais le tout est tellement bien amené que ça se tient parfaitement et que nous patientons sans nous impatienter pour voir où tout cela va mener. 

 

Jeanne, la fameuse ensorcelée, est une fille de noble désargentée n’ayant pas pu aller au couvent (vu que bon, après la révolution, ils n’existent plus) et qui a épousé un Bleu, paysan devenu riche après avoir racheté des biens de l’Église.  Un peu entre deux chaises, elle vit sa routine sans passion jusqu’à ce qu’elle croise la route de l’Abbé de la Croix-Jugan, qui chamboulera sa vie.  Défiguré, horrible, terrifiant, froid mais fascinant par sa hauteur et ce qu’il dégage, elle sera prise au piège. Déchirée entre son devoir, entre la passion, ce qui est possible, ce qui ne l’est plus et la froideur de l’Abbé qui n’en a que pour sa révolte, sa cause, son époque révolue, elle perd ses repères et est complètement torturée.  La Clotte (j’ai du mal avec ce nom, parce que bon, changez le « c » par un « p » et c’est over-vulgaire chez nous… et le pire, c’est que ça colle au personnage), ancienne beauté courtisan la noblesse, ayant depuis longtemps perdu sa vertu et non-repentie, vit isolée, dans ce monde qui lui est étranger car tout ce qu’elle a connu n’existe plus.  Elle est devenue paria, a été tonsée, elle fait peur.  La Clotte, c’est « l’avant ».   Elle semble froide mais elle est à certains moments profondément touchante.

 

Bref, une histoire de passion mais pas nécessairement d’amour.  Une histoire inscrite fermement dans l’Histoire.  Et une histoire qui passionne. Du moins, moi, elle m’a emportée.  L’écriture est sublime, l’atmosphère, les coutumes, les états d’esprit du temps (du moins d’une petite fraction des esprits du temps) sont tangibles.  On y est.  On pourrait reprocher une absence de nuances dans les personnages moins sympathiques (les pâtres, les Bleus) qui ne sont pas dépeints sous leur meilleur jour mais étant donné le point de vue adopté par les personnages, c’est logique.  Il ne faudrait pas pour autant prendre ça au pied de la lettre… mais nous sommes dans un roman, n’est-ce pas!

 

J’ai donc beaucoup aimé. 

Et suite à un appel sur la page FB, j’ai eu plein d’autres titres du  même auteur.  Je poursuivrai donc ma découverte!

14 Commentaires

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  1. Un auteur que j’aime beaucoup et que j’ai découvert en fac avec « Les diaboliques » et « une vieille maîtresse ». J’ai lu l’an dernier « l’ensorcelée » et quel plaisir de le retrouver même si la lecture n’est pas si simple je trouve, un style puissant.

    1. George: Oui, c’est un roman auquel on repense beaucoup après.  C’est beaucoup moins simple qu’il n’y paraît.  J’ai super hâte de lire autre chose de l’auteur.

  2. C’est magnifique, Barbey d’Arévilly !

    1. L’irrégulière: Je ne peux que plussoyer!

    • Lilly sur 10/04/2013 à 08:39

    C’est un livre que j’aimerais beaucoup relire. J’avais beaucoup aimé tout en ayant le sentiment de ne pas réussir à y prendre tout ce que je voulais.

    1. Lilly: J’ai adoré en discuter avec Fabienne – qui l’a enseigné – ensuite.  Si j’avais eu un tel prof!

    • fabienne sur 11/04/2013 à 08:30

    Un de mes romans préférés. Si beau. 

    1. Fab: Encore une fois, c’est ta faute si je l’ai lu!  Et là, à ma prochaine visite à Paris, je fais un stock de cet auteur!  (Dans 8 mois.  C’est long, 8 mois.)

  3. Ca me rappelle mes années de fac….

    1. Alex: Moi j’étais en sciences à l’U.  J’ai lu des traités de neurologie :))  Du coup, je vous envie d’avoir eu ce genre de lectures.  Quoique les traités de neuro, je trouve ça super intéressant hein!

    • awa74 sur 12/04/2013 à 00:30

    J’aime beaucoup cet auteur.

    1. Awa74: Je découvre.  Et je découvre que j’adore!

  4. J’ai tout lu de cet auteur à une époque, une vraie boulimie !!

    1. Noukette: Je pnse que ça risque de m’arriver!

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