Instinct primaire – Pia Petersen

instinct-primaire.jpegCe roman-lettre, c’est le premier auquel Liliba a pensé pour m’offrir un petit quelque chose lors de mon passage chez elle, alors que j’arrivais les mains désespérément presque-vides (shame on me… ça a été mon grand drame tout le temps de mon voyage, une petite visite aux urgences le 23 décembre ayant limité mon temps-shopping.  Non, je ne suis pas du tout à la dernière minute!).   C’est qu’après quelques heures à peine, nous avions déjà discuté à bâtons rompus de tout et de rien, y compris de la maternité. 

 

Yep, je n’ai pas d’enfants. 

 

Ce qui, pour plusieurs, fait de moi une personne étrange, qui n’a rien compris, et qui fait résolument pitié.  J’ai l’habitude.  Du coup, elle a tout de suite songé à ce texte pour moi.  Et je l’en remercie beaucoup d’ailleurs.

 

Le principe de la collection me plaît énormément.  On a demandé à des auteurs « Écrivez la lettre que vous n’avez jamais écrite ».  Pia Petersen écrit à un ancien amant qu’elle aime toujours, mais qui ne fait plus partie de sa vie.  Et qui lui manque.   Il n’a jamais écouté ses explications et par ce médium, elle va tenter de lui dire ce qu’elle garde en elle depuis des années.

 

Il s’agit ici d’une réflexion personnelle sur le féminisme et la maternité, telle que vue par notre société.  L’auteure ne voulait pas d’enfant.  Pas se marier non plus.  Par choix, un choix qu’elle assume totalement.  Elle a choisi d’être un être humain, de se définir ainsi, pas comme une femme et encore moins une femme qui procrée. 

 

Un choix qui est souvent très mal perçu par la société. 

Et savez-vous quoi?  Les conversations qu’elle rapporte, je les ai entendues presque mot pour mot.  The question : as-tu des enfants?  La réponse : non.  Et la question suivante, avec des airs ahuris : Mais… mais pourquoi??

 

Et moi qui est un peu sans mot.  Parce que je suis obligée de m’expliquer.  Parce que, systématiquement, on me prend en pitié.  On me dit que je manque quelque chose.  Que j’ai raté ma vie.  Que je ne comprends pas la plénitude d’être femme.  Que si c’était mes enfants, ce ne serait pas pareil.  Que je vais vieillir toute seule. Que je ne peux pas comprendre. 

 

Quand on a pas d’enfants, on n’a pas le droit d’être fatiguée parce qu’on se fait systématiquement dire « mais voyons, pourtant, t’as même pas d’enfants! ».  Refuser une activité le soir, c’est sans excuse : « t’as pas d’enfant, pas de garderie… c’est plus facile pour toi! ».  Aménagements d’horaires?  On est moins prioritaires.   Et si parfois, on en a un peu marre d’entendre parler de chaque symptôme de la grossesse des copines/collègues ou que si, des fois, on voudrait parler de d’autres choses que les enfants et la routine, ben c’est qu’on est jalouse.  Forcément. 

 

Et vous savez quoi?  C’est tellement fort cette pression sociale que juste de s’admettre que non, finalement, on n’en veut pas d’enfants, c’est terriblement difficile.  Ça nécéssite une thérapie.  Du moins, ça l’a été pour moi.  Et je suis encore dans le peut-être.

 

Alors est-ce que Pia Petersen a des comptes à régler avec la société?  Oui, forcément.  Est-ce qu’elle est parfois agressive? Oui, certainement.  Mais si je ne partage pas son extrémisme, si ses opinions ne sont pas toutes les miennes, je peux comprendre.  Parce qu’à la longue, ça use.  Croyez-moi. 

 

C’est un texte fort, qui va faire réagir – négativement – plusieurs personnes car ça remet des choses qui sont prises pour acquis dans la société en question.  Un texte qui bouleverse, qui touche, un cri du coeur et un playdoyer du libre choix et de la différence assumée.  Un texte très senti, fort bien écrit, où l’on ressent tout l’amour et l’incompréhension de l’auteur face à ce qu’elle a vécu avec cet homme.   Mais plus qu’une histoire d’amour, ce texte mêle récit et essai. 

 

Je reprocherais plusieurs redites, plusieurs répétitions surtout à la fin de l’ouvrage, un ton souvent un peu trop agressif pour mon goût mais surtout, une dichotomie un peu trop forcée entre les mères et les non-mères.  Parce que même moi, j’ai trouvé ça fort et j’en connais des mères qui le voulaient vraiment, qui ne sont pas mères parce que la société leur impose mais parce qu’elles le veulent vraiment, qui sont épanouies et heureuses avec leurs enfants.  Mais j’en connais aussi un tas d’autres qui ont des enfants parce qu’ils en étaient là.   Parce qu’un moment donné, il faut faire des enfants.    Je crois sincèrement que le message aurait été  plus fort, moins vindicatif, si cet aspect avait été davantage exploité et explicité dans l’ouvrage. 

 

Ceci dit, c’est un roman qui a mis des mots sur beaucoup de réflexions que j’avais déjà.  Et qui me fait me sentir un peu moins « bizarre ».  Non, ce n’est pas parce que c’est « moi » qu’on me pose ces questions, qu’on me dit ça… c’est tout le monde pareil.  Et ça rassure.  Un peu.   Et je lirai forcément d’autres titres de la collection car je trouve l’idée géniale!

36 Commentaires

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  1. trop de dogmatisme d’un côté ou de l’autre est toujorus dommage, moi je penche pour le libre arbitre en toute chose 😉 mais ça m’épate toujorus qu’on te fasse des réflexions sur tes choix… ou qu’il faille se justifier de sa vie…

    1. Yue: Ah, tu peux pas savoir le nombre de réflexions que je me prends!  Mais oui, je crois qu’un peu plus de neutralité aurait rejoint un plus grand public.  Ce qui ne veut pas dire que ce ne soit pas une lecture nécessaire…

  2. Je l’ai lu il y a peu et c’est vrai que c’est un texte fort, quelle que soit la position que l’on a choisie.

    1. Lili Galipette : C’Est certain qu’il fait réagir!

  3. C’est un texte qui, incontestablement, fait du bien, même si personnellement je n’ai jamais vraiment eu à me justifier de ne pas avoir/vouloir (?) d’enfant…

    1. L’irréguière: Tu as de la chance, alors!  Moi, on ne pose la question au moins… 3 fois par semaine!  Bon, je travaille avec des enfants, ceci explique peut-être cela!

       

  4. C’est un titre fort… et salvateur en quelque sorte. J’imagine très bien l’écho qu’il a pu trouver en toi !

    1. Noukette: Oui, tout à fait!  Ca fait se sentir moins étrange!

  5. Je fais aussi partie du clan des bizarres et j’en ai entendu aussi des vertes et des pas mûres … surtout de la part de gens qui menaient leur vie d’une manière, disons … discutable. Mais voilà, pas d’enfant, c’est pas loin de demeurée, immature, incomplète c’est sûr. J’avais compris que ce petit livre était un peu outrancier, mais je le lirai parce que c’est bien que le sujet soit mis sur le tapis et la non-maternité revendiquée comme un choix.

    1. Aifelle: Oui, je pense qu’il était nécessaire, ce livre.  Pour faire comprendre que la différence de oints de vue, de désirs, c’est pas le Mal mais c’est justement ce qui fait la beauté de la vie!  Ce serait plate, sinon!

  6. J’ai envie de le lire exactement par ce que je suis dans le même cas que toi. J’en ai lu que du positif sur le net et j’espère que ma biblio l’acquerra.

    1. Lewerentz: Je pense qu’une partie (au moins) du truc risque de te parler alors!

  7. j’ai des enfants mais j’ai quand même envie de le lire… (et je comprends très bien qu’on ait pas envie d’avoir des pioupious…)

    1. Violette: Je pense que ça peut faire réagir mais réfléchir aussi.  Tout le monde, qu’on ait des enfants ou pas. 

  8. Bonsoir !

    Mon premier roman vient d’être publié, n’hésite pas à aller jeter un oeil : http://www.edilivre.com/les-enfants-de-la-lune-mia-k-bowen.html#.Uu1oiPl5MdX.

    Merci.

    1. MKB: Merci de l’information!  J’irai voir. 

  9. Je n’ai pas d’enfants non plus, pour X raisons que je suis tannée d’avoir à justifier et aussi des regards apitoyés ou qui jugent… Comme si nous n’étions pas conscientes des conséquences de notre décision… Menfin, c’était ma tite-mini-montée de lait de ce soir, je crois que je vais essayer de le trouver ce livre!

    1. Opaline: Voilà… comme si tout ce qu’ils nous disent, on n’y a pas pensé nous mêmes! :)))  Mais oui, je pense que ça pourrait te plaire!

  10. Ca rassure de voir qu’on n’est pas seule dans le cas, mais j’avoue que moi, j’ai pendant un moment plongé dans l’agressivité à toujours devoir justifier mes choix. Maintenant, j’ai quelques petites réponses qui calment et surtout, e suis sûre de moi et de mes choix. Mais pendant longtemps, les gens m’ont tellement lavé le cerveau que j’ai cru que « l’envie » viendrait, que je ne devais pas être normale.

    1. Manu: Moi j’ai des réponses qui calment aussi :)))  Mais c’est vraiment agaçant d’avoir à se justifier.  

  11. Le côté un peu trop appuyé du texte, que tu soulignes, m’en a éloignée. Il reste que je suis toujours surprise/déçue qu’on se permette de juger les unes ou les autres : chacune fait comme elle peut/veut, en fonction de son histoire, de ses désirs ou non désirs, il n’y a pas forcément des choix mais des choses qui paraissent s’imposer. Tout cela est tellement personnel que je suis choquée qu’on ose s’immiscer là-dedans, à une époque qui se veut moderne et ouverte d’esprit.

    1. Brize: Moi aussi ça me fascine.  Mais bon, le jugement est facile et je pense qu’on est beaucoup moins ouvert qu’on ne le pense en fait… (je parle ici de la société).  Des que ça déroge du modèle traditionnel, les gens se posent des questions. 

  12. Ma soeur a voulu ses 9 enfants…. La vie a fait que je n’en n’ai pas et n’en n’aurait pas. C’est pas vraiment un choix, mes des fois, je me demande si ça ne m’arrange pas… Ca n’empêche à mon ouvel An, il y avait 3 femmes enceintes qui me connaissent et l’une d’elle m’a dit : « ben alors, quand est-ce que tu t’y mets ? J’ai répondu que je venais d’adopter un chat… Ce livre m’a donc aussi beaucoup touchée !

    1. Géraldine: Tiens, on dirait moi :))  Un choix/non-choix mais qui bon, en fait… je me demande si je ne me suis pas un peu organisée pour ça!  Je comprends que tu aies été touchée!

  13. Le peu que j’ai pu en lire ne m’a pas spécialement donné envie de lire la totalité : trop extrémiste pour moi…

    1. Praline: Oui, c’est extrémiste.. .mais pour ma part, certaines scènes sont limites calquées sur ma vie!

  14. J’ai très envie de lire ce livre qui aborde un sujet essentiel. Le désir et choix de paternité/maternité est très personnel, comme la façon de le vivre ensuite. Je suis toujours surprise de voir comme notre société est encore accrochée à des modèles de vie figés… L’actualité nous montre tous les jours à quels points nous sommes encore intolérants sur les choix de vie de chacun.

    1. Céline: Je suis on ne peut plus d’accord.  C’est personnel et c’est fou comment les gens jugent.  Pas d’enfant?  Pas une vraie femme.  J’en ai un peu marre de l’entendre, en fait. 

  15. Décidément il faut vraiment que je le lise ! Et tu ne peux pas savoir à quel point ton billet me parle. 

    Parce que toutes ces réflexions je les ai entendues et vais sûrement continuer à les entendre jusqu’à ma ménopause (et après ce sera : « mais tu ne regrettes pas ? » grrr) :  j’ai 31 ans, je ne veux ni me marier/vivre en couple ni avoir d’enfants. Et oui, c’est tellement usant les réflexions qu’on se prend qu’on est parfois obligée de répondre par de l’agressivité. Bref, faut vraiment que je lise ce bouquin 🙂

    1. Caro : Ah oui, je pense qu’il faut vraiment que tu le lises.  Moi, en tout cas, ça m’a fait me sentir moins extra-terrestre pour certaines choses!  Et oui, c’est usant!

  16. 🙂 Heureuse qu’il t’ai plu ! Et j’ai tout à fait les mêmes réserves que toi, notamment sur la fin. Bon, faut vraiment qu’on se revoie pour continuer à discuter !!!

    1. Liliba: Mets en, vivement qu’on se revoie!  Tu viens quand, dis?? :))

  17. Je suis d’accord avec toi sur la dichotomie mère et non-mère, pour moi il manque l’entre deux, et je suis aussi d’accord sur l’agressivité, même si je peux la comprendre, j’ai fait mes enfants « tard » (d’après certain(e)s) donc j’ai eu droit aussi à certaines de ces remarques. Mais c’est vrai que ce texte reste très intéressant et donne l’occasion de conversations très animées !

    1. George: Oui, pour moi aussi il manque l’entre deux et on généralise un peu.  Mais je comprends pourquoi l’auteur l’a fait ainsi, pour marquer mieux certaines choses!

  18. Une réflexion juste et importante. Moi je fais partie de celles qui n’en voulaient pas. mais après plusieurs années de réflexion intense, j’ai changé d’avis. j’ai fais un enfant par ce que je le désirais. et je ne regrette rien mais c’est vrai que lorsque j’entends des conversations sur les femmes qui n’en veulent pas, je prends systématiquement leur partie (un vieux réflexe) car je sais comme il est difficile de supporter les réflexions sociétales sur cette position qui parait étrange à la majorité. Je vous rassure faire un enfant ne vous garantie pas la tranquilité. Je me prends souvent des réflexions parce que je n’en veux qu’un ! ça ne s’arrête jamais !

    Dans cette collection un autre très bon titre « Monsieur le commandant » de Slocombe sur un sujet très intéressant : les intellectuuels qui ont encouragé le nazisme en France pendant la guerre…

    1. Candice: Oui, importante, ça tu l’as dit.  Et si nos raisons viennent de nous, elles sont valables selon moi… mais yep, comme tu dis, ça ne s’arrête jamais. 

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