Les raisins de la colère – John Steinbeck

Présentation de l’éditeur
« Le soleil se leva derrière eux, et alors… brusquement, ils découvrirent à leurs pieds l’immense vallée.  Al freina violemment et s’arrêta en plein milieu de la route. 
– Nom de Dieu!  Regardez! s’écria-t-il. 
Les vignobles, les vergers, la grande vallée plate, verte et resplendissante, les longues files d’arbres fruitiers et les fermes.  Et Pa dit:
– Dieu tout puissant!…  J’aurais jamais cru que ça pouvait exister un pays aussi beau. »

Commentaire

Je pense que s’il n’y avait pas eu la lecture commune avec Grominou et Restling (qui n’a pas pu faire la lecture commune pour cause de PC cassé… je comprends paaarfaitement!), je n’aurais jamais eu le courage d’ouvrir ce livre.  Surtout pas en ce moment!  De Steinbeck, je n’avais lu que « Des souris et des hommes » et « À l’est d’Eden » et je savais que « Les raisins de la colère », ce n’était pas une histoire vraiment joyeuse. 

 

« Les raisins de la colère » est avant tout un roman social.  Après avoir peiné un peu au début pour entrer dans ce monde plein de poussière, d’injustices et de misère humaine, j’ai finalement suivi avec intérêt les aventures de la famille Joad, fermiers en Oklahoma chassés de la ferme familiale pour dettes impayées et partis vers l’ouest pour un monde meilleur, la Californie.  C’est que selon les prospectus, il y a là-bas du travail bien payé et une possibilité de vivre non pas riche mais sans mourir de faim.  Sauf que la vérité est toute autre.  Nous sommes avant la syndicalisation aux Etats-Unis et ceux qui ont de l’argent ne se gênent pas pour exploiter la population qui n’a plus rien et qui est prête à faire à peu près n’importe quoi pour manger et nourrir sa famille.  La révolte se prépare…

 

 Ce roman nous entraîne dans un monde sans pitié.  Pas de torture, non, mais plutôt une mort lente pour des milliers de famille qui étaient respectables et qui se retrouvent à vivre dans un camion, à douze personne, et à tenter de gagner de quoi manger pour la journée.  La famille Joad, c’est Tom, récemment sorti de prison, qui doit soudain devenir le chef de famille « intérimaire »; Man, la mère, un personnage de femme forte, qui veut garder la famille unie et garder un peu de dignité;  Pa, pas très à l’aise dans cette nouvelle situation; Al, le jeune frère qui doit grandir un peu vite, grand-père, cet homme qui se sent déraciné loin de sa terre; grand-mère, qui n’arrive pas à s’adapter; Rosasharn, enceinte, nouvelle mariée, qui a de grands rêves et qui devient véritablement femme au cours de ces mois; Connie, son mari et les deux enfants de 8 et 10 ans, qui essaient d’être encore des enfants.   Chacun évoluera à sa façon, réagira à sa façon et on réussira à comprendre un peu chacun d’entre eux, même s’ils sont parfois lâches ou parfois très courageux.

 

C’est un roman fort, qui fait réfléchir sur une situation s’étant déroulée il n’y a pas si longtemps que ça.  Pas de miracles dans ce roman, pas de grande révolution… mais on ressent la colère des hommes, on ressent le vent qui tourne.  Dans ce pays où un homme qui demande 30 cents de l’heure est considéré comme un rouge et un agitateur, rien n’est acquis.  On fait venir les hommes par milliers pour offrir le salaire le moindre possible et les résidents déjà en place ne voient pas d’un bon œil l’arrivée de ces familles qui acceptent de travailler pour presque rien.  Impossible de ne pas se révolter à la lecture de ces lignes.  Impossible de ne pas réfléchir aussi à ce qui se passe parfois aujourd’hui.  Impossible de ne pas faire des liens.  Et impossible de ne pas être touchée par ces gens qui font tout avec rien et qui n’en perdent pas leur humanité pour autant.

 

Une lecture qui dérange, donc, même si elle n’est pas facile et si le rythme est assez lent.  L’atmosphère saturée de poussière, de chaleur et de misère m’a imprégnée comme lectrice.  Certaines phrases frappent de plein fouet.  J’ai beaucoup aimé l’alternance des chapitres « généraux », plus poétiques, et ceux qui parlent de la famille Joad.  Et je pense que je n’oublierai jamais la fin du roman, qui ouvre sur un renouveau possible, même avec rien.  Surtout avec rien.

 

Plaisir de lecture : 8/10

 


63 Commentaires

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  1. Nos avis se rejoignent assez, à part que je n’ai pas eu du tout de misère à entrer dans cet univers, dès le début j’ai été fascinée par cette chaleur et cette poussière, et j’aimais cette famille de plus en plus à mesure que j’avançais dans le roman!  Je l’ai lu en VO et je me demandais comment ils ont traduits les dialogues, car en anglais Steinbeck reproduit presque phonétiquement la pronociation populaire (par exemple fella au lieu de fellow).  Ont-ils utilisé un genre d’argot parisien?

    Mon billet paraîtra dans quelques minutes puisqu’il est programmé pour minuit!

    1. Grominou: Moi aussi je l’ai aimée, cette famille!  Je l’ai lu en français (parce qu’il était dans ma pile dans cette langue) mais c’est un parlé populaire mais pas parisien du tout.  Ça ne m’a pas du tout ennuyée, en fait.  C’est fou à quel point cette lecture « rentre dedans »!!

  2. Je viens de chez Grominou, toi tu pourras donc répondre à cette histoire de traduction, ont-ils utilisé un langage « rural », genre celui qu’on parle dans ma région « asteure »?
    Un grand roman, d’un auteur qui jusqu’ici ne m’a pas déçue. Lis voir La perle aussi (et j’entends ta PAL qui couine…)

    1. Keisha: La perle me tente beaucoup, j’en avais lu beaucoup de bien!!!  Pour le langage, c’est un langage rural et populaire.  Ils l’ont fait ressortir davantage au niveau de la syntaxe qu’au niveau du vocabulaire, même si celui-ci est aussi rural.   

    • Mango sur 30/10/2009 à 08:10

    Je dois le relire aussi dans le cadre d’un des challenges mais je ne sais plus lequel. Je l’avais beaucoup aimé il y aune vingtaine d’années, l’aimerais-je toujours autant?Les problèmes de traduction me semblent en effet très importants dans son cas en particulier! 

    1. Mango: Sérieusement, ça ne m’a pas ennuyée, même si c’est vrai que j’ai dû en perdre un peu.  Pourtant, je suis très bougonneuse avec les traductions normalement.  

  3. Je n’ai lu que « Des souris et des hommes » de cet auteur et il faudra que je trouve du temps pour celui-ci.

    1. Stephie: Je pense que c’est un livre qu’il faut lire un moment donné.  Je vais peut-être moins chialer après mon syndicat après!

  4. J’adore Des souris et des hommes, j’ai moins aimé La Perle.
    J’ai lu Les raisins de la colère il y a très longtemps, je m’en souviens peu, même si je sais que j’avais passé un bon moment.

    1. Calypso: Des souris et des hommes reste un grand souvenir de lecture, lu au secondaire.  Moi, c’est « A l’est d’Eden », lu à 14 ans (parce qu’il y avait James Dean dans le film) dont je me souviens moins!

  5. C’est vrai que je ne le lirai pas pour sortir d’une dépression mais Steinbeck c’est quand même un bon 😀

    1. Pauline: Bien d’accord!

  6. C’est vrai que les challenges et autres lectures communes ont ça de bon de nous faire ouvrir des livres qui moisissent sur nos étagères. J’ai ouvert et terminé « Le portrait de Dorian Gray » comme ça, et j’hésite avec « Pour qui sonne le glas », « Voyage au bout de la nuit », « Don quichotte de la Manche »… que je n’ai pas envie d’ouvrir 🙁

    1. Petite Fleur: Dorian Gray a été un coup de coeur pour moi!  Et parfois on a de bonnes surprises!!

    • bene sur 30/10/2009 à 00:55

    encore un classique que je n’ai pas lu et pourtant j’aimerais tant!! merci de me le remémorer!!

    1. Bene: Mais de rien :))

  7. Il faudrait lire tout Steinbeck, je crois. Un immense auteur. Mais comme tu dis, ce n’est pas non plus un livre qu’on lit avec le sourire aux lèvres.

    1. Leiloona: En effet.  Ca fait mal à quelques moments.  C’est incroyable ce qu’on peut endurer quand on n’a plus rien…

  8. Je n’ai pas réussi à finir ce roman contrairement à ma première lecture et en lisant ton billet, je comprends mieux pourquoi. Les chapitres dont tu soulignes la poésie me sont apparus comme autant de longueurs ennuyeuses (le premier chapitre qui m’a fait penser à un bulletin météo, un autre qui décrit une tortue traversant la route,…).
    Je ne conteste aucunement les qualités de ce roman. Je crois qu’il ne se lit pas à la légère et qu’il nécessite d’être lu « au bon moment ». Ce n’était pas le mien 😉

    1. Cynthia: Tout à fait d’accord avec toi… faut le bon moment.  Ces chapitres m’ont vraiment aidee a entrer dans l’histoire et à réaliser l’ampleur de la chose!

    • Lucie sur 30/10/2009 à 04:24

    Je suis plongée dans À l’est d’Eden depuis mon retour de Paris et aime beaucoup… Par contre, effectivement, cela demande une implication totale du lecteur!

    1. Lucie: J’ai un souvenir assez vague de l’histoire… mais il me reste un souvenir « atmosphérique » assez intense!  Et oui; ça demande qu’on soit « tout là »!

    • Choco sur 30/10/2009 à 05:32

    des souris et des hommes est un des rares romans qui m’ai fait pleurer !
    La perle m’a beaucoup moins emporté mais ton billet me rappelle qu’il faut absolumment que je m’attaque à celui-là !!

    • Lilly sur 30/10/2009 à 05:37

    J’ai ce livre depuis des lustres, comme d’autres Steinbeck, mais cet auteur me fait peur… Je pense que je commencerai pas « Des souris et des hommes ». 

    1. Lilly: Ce livre me faisait très peur aussi… et j’ai aimé quand même!  Moi, c’est Zola, Balzac et Faulkner qui me font peur!

  9. Comme je le disais à Grominou, tu es une petite joueuse, même pas lu en anglais ! 😉

    1. Bladelor: Ca m’a tout pris pour ne pas aller le racheter, tu sais!!  Mais j’ai pensé à ma PAL et je me suis dit que je pouvais bien faire un effort pour une fois!!

  10. Je l’ai lu il y a très longtemps. Je me souviens d’un rythme très lent, presque immobile, mais envoûtant.

    1. Aifelle: Exactement. C’est lent, mais on est avec eux dans ce camion!

  11. Hum, il fait partie des romans sociaux, romans à thèse, en effet… mais la question est de savoir si il peut convaincre une personne qui n’aurait au départ pas du tout d' » »opinions sociales » (je n’ai pas dit socialistes, attention ;-)) j’ai l’impression que ce type de romans ne sera au final lu que par des personnes déjà sensibilisées! Non?

    1. La Nymphette: D’un sens,  tu as peut-être raison.  C’est souvent le cas pour les romans sociaux lents…  ils ont leur public.  Mais d,un autre côté, on s’attache aux personnages et on veut savoir ce qui va advenir d’eux.  Et même si on a quelques opinions sociales, ça fait aussi du bien de se faire remettre certaines choses en pleine face!

  12. J’ai aussi participé à cette lecture commune. le billet est sur mon blog. C’est une lecture vraiment marquante.

    1. Christelle: Désolée…  j’ai manqué ton billet…  je vais aller le lire et rajouter le lien dès mon retour chez moi!!

    • alain sur 30/10/2009 à 01:50

    Un des premiers « roman noir »

    1. Alain: Je ne l’aurais pas décrit comme tel d’emblée…  mais vu mes piètres connaissances littéraires, je vous crois volontiers!

    • Manu sur 31/10/2009 à 08:12

    J’ai aimé tous les livres de Steinbeck que j’ai lus, dont moi aussi « A l’est d’Eden » mais comme toi, je n’ose m’attaquer à celui-ci. Bon si tu il t’a plu, je pense que je peux y aller sans risque mais je n’ai pas trop envie de ça en ce moment !

    1. Manu: Sans la lecture commune, je ne m’y serais jamais mise maintenant… finalement, je suis bien contente de l’avoir fait!!

  13. Ca doit bien faire 5 ou 6 ans que j’ai envie de le lire… mais je n’ose pas ! Ton billet + les encouragements de ma petite soeur qui vient de le finir… serait-ce un signe du destin ? 🙂
    J’ai beaucoup aimé Des souris et des hommes en tout cas.

    1. Cocola: Je n’osais pas non plus… j’avais peur que ce soit trop sombre et ennuyant.  Bon, c’est dur mais à part le temps de rentrer dans l’histoire, ça ne m’a pas ennuyée…  Et, faut écouter les signes!!

  14. Un de mes livres préféré….

    1. Alex-Mot-a-Mots: Je vais m’en souvenir longtemps!!

  15. Come toi j’ai lu ce roman dans le cardre d’une lecture commune il y a quelques années (un peu sous la menace vu le pavé) et j’avais adoré! C’est clair, vu comme les thèmes nous parlent encore aujourd’hui, on comprend pourquoi c’est un roman culte!

    1. Cryssilda:  Sans la lecture commune, je ne sais pas si j’aurais eu le courage de m’y mettre!!!  Mais je suis bien contente de l’avoir fait car oui, c’est très très parlant et ça a résisté au temps. 

  16. quel ennui ce livre! mais reste un bon roman américain quand même!

    1. Esmeraldae: Je ne me suis pas ennuyée, contrairement à toi.  Bon, j’ai mis un peu de temps à entrer dedans au début…  mais ensuite, pas d’ennui!  Mais je comprends que le rythme du roman puisse en ennuyer plusieurs!

  17. Un de mes préférés… j’ai aimé pour ce sentiment d’injustice, l’écriture qui ne peut pas laisser indifférent et toutes les références bibliques.

    1. Tiphanie: En effet, Steinbeck est bourré de références bibliques.  J’en ai vu dans celui-ci mais moins que dans A l’est d’Eden.  Bon, je suis pas super calée en matière de bible par contre, j’ai pu en manquer pas mal!!!  Et l’écriture me plaît beaucoup!

  18. je ne les ai pas forcément trouvées toute seule, je l’ai étudié pour le capes!

    1. Tiphanie: Je vois, je vois!! ;))

    • Isa sur 02/11/2009 à 09:50

    un grand souvenir de lecture pour moi.

    1. Isa: Je pense que c’est ce que ça va rester pour moi aussi. 

  19. Je l’ai ouvert deux fois mais passait plusieurs pages à voir la poussière se soulevait j’ai pas pu aller plus loin.

    J’ai par contre, vu le film et en effet, le sujet n’est pas gai.

    1. Anjelica: J’avoue que le début est pas mal pas mal poussiéreux!  Il a fallu le départ pour que j’entre dans le roman!

    • Marie sur 05/11/2009 à 08:52

    J’avais beaucoup aimé ce roman (lu il y a longtemps) même si, de cet auteur, j’ai une petite préférence pour A l’est d’Eden.

    1. Marie: J’avais beaucoup aimé « A l’est d’Eden » mais il faudrait que je le relise… c’est trop loin!!!  L’atmosphère a des ressemblances, je trouve!

  20. Je l’avais commencé pourtant mais l’épaisseur du volume, la couleur des pages, l’ancienneté de l’édition, même la police d’écriture, tout ça a contribué à me faire passer à autre chose. Je pense que je n’étais pas assez « sereine » pour lire ce livre à ce moment là. Par contre, je l’ai bien gardé de côté car le début me plaisait assez et ton avis confirme.

    1. Restling: J’ai beaucoup aimé.  Mais je te comprends tout à fait, il faut être dans un bon état d’esprit pour lire ce livre.  Et l’objet livre a vriament son importance!

    • amiedeplume sur 11/07/2010 à 09:37

    Je n’ai pas accroché…

    1. Amiedeplume: C’est un livre très dur auquel il faut s’accrocher, je l’avoue…

    • Luna sur 15/03/2011 à 09:33

    John Steinbeck est un auteur qui écrit divinement bien ! Il écrit littéralement de la poésie en roman, c’est beau, c’est fort… Par contre, j’ai toujours beaucoup de mal à apprécier ses histoires qui ne me touchent pas autant que ses mots !
    Je viens d’ailleurs de poster mon avis sur « les Raisins de la Colère » sur mon blog…

    Joli article, je reviendrais 😉
    Bonne continuation !!

    1. Luna: J’adore l’écriture de Steinbeck, magnifique.  Par contre, ses histoires me touchent beaucoup aussi, même si c’Est souvent loin de moi.  J’ai comme projet de les relire en VO… je n’ai lu que « Des souris et des hommes » dans cette version.

  21. Je suis en train de le lire en lecture commune… C’est vraiment puissant, on sent la rocaille, la sécheresse dans les mots de Steinbeck. Un coup de coeur en formation 

    1. Perrine: C’est un roman très très fort.  J’en garde un souvenir puissant, vraiment.

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