Où on va papa? – Jean-Louis Fournier

Résumé
« Jusqu’à ce jour, je n’ai jamais parlé de mes deux garçons.  Pourquoi?  J’avais honte?  Peur qu’on me plaigne?

Tout cela un peu mélangé.  Je crois, surtout, que c’était pour échapper à la question terrible: « Qu’est-ce qu’ils font? »

Aujoud’hui que le temps presse, qu ela fin du monde est proche et que je suis de plus en plus biodégradable, j’ai décidé de leur écrire un livre.

Pour qu’on ne les oublie pas, qu’il ne reste pas d’eux seulement une photo sur une carte d’invalidité.  Peut-être pour dire mes remords.  Je n’ai pas été un très bon père.  Souvent, je ne les supportais pas.  Avec eux, il fallait une patience d’ange, et je ne suis pas un ange. 

Grâce à eux, j’ai eu des avantages sur les parents d’enfants normaux.  Je n’ai pas eu de soucis avec leurs études ni leur orientation professionnelle.  Nous n’avons pas eu à hésiter entre filière scientifique et filière littéraire.  Pas eu à nous inquiéter de savoir ce qu’ils feraient plus tard, on a su rapidement que ce serait: rien. 

Et surtout, pendant de nombreuses années, j’ai bénéficié d’une vignette automobile gratuite.  Grâce à eux, j’ai pu rouler dans des grosses voitures américaines. »

Commentaire
Ce livre faisait partie de mes cadeaux de Noël et dès que j’en ai entendu parler, j’ai su qu’il faudrait absolument que je le lise.  En effet, le témoignage d’un père qui nous parle de ses enfants handicapés, il fallait que je lise ça.  Pas que j’aie des enfants handicapés… mais je travaille avec des enfants qui présentent divers problèmes de développement, enfants que je cotoie fréquemment pendant plusieurs années et auxquels je m’attache avec le temps.  Et ils viennent avec leurs parents.  Donc, bien entendu, j’étais curieuse. 

Ce livre est composé de courts épisodes, de réflexions d’une vie au sujet du fait d’être parent d’un enfant « pas comme les autres ».   Il n’est pas question de « faire pitié » ici.  Le tout est traité avec humour (ça peut sembler bizarre) mais l’auteur mentionne que c’est ça façon à lui de composer avec sa réalité.  J’ai souri souvent, ri parfois, été émue à d’autres moments.  Rien n’est idéalisé, il ne se laisse pas aller à critiquer tout le monde et semble faire preuve d’une grande honnêté (je dis « semble » parce que bon… je n’en sais strictement rien, en fait!). 

J’ai donc aimé, certes mais je n’ai pas été transportée, contrairement à plusieurs autres.  En fait, je crois que c’est parce que de ces témoignages, j’en entends quotidiennement, par des gens que j’ai appris à connaître, pour des enfants auxquels je tente de donner un coup de main.   J’ai pu voir toutes sortes de réactions, de l’ironie à la non-acceptation, de la résignation aux espoirs fous, de l’optimisme au désespoir, de l’introspection, de la culpabilité, de tout.  Et surtout beaucoup d’amour, même quand ils ne le savent plus eux-mêmes.  Et toutes ces réactions, j’ai appris à les respecter, à les entendre sans me laisser engloutir, en gardant une certaine distance, pour pouvoir travailler avec l’enfant et sa famille, dans la mesure (et elle est souvent petite, cette mesure) où je le peux. 

Des propos qui ressemblent à ceux du livre, j’en ai entendu à plusieurs reprises.  Des parents qui blaguent au sujet de la condition de leur petit creton pour survivre.  D’autres qui tiennent les même propos, mais en étant très sérieux.   Des scènes drolatiques, des petites aventures (l’histoire de la mer et du « caca » à pleins poumons… nous avons eu la même chose avec une petite puce mais en thérapie piscine… et elle c’était « pipi »… et très, très fort!!), des répliques à mourir de rire (mais en bien), c’est mon quotidien, même si c’est au travail et que je suis pleinement consciente que ce n’est pas la même chose (loin, loin, loin de là) que de le vivre en tant que parent.  Bref, une jolie lecture mais j’avais comme… déjà entendu tout ça. 

Donc, je ne crois pas que je garderai beaucoup de souvenirs de ce livre et mon  appréciation est en demi-teinte mais totalement par ma faute… et non par celle de l’auteur!

7/10

30 Commentaires

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    • Pimpi sur 04/02/2009 à 03:12

    Le sujet m’intéresse… je n’ai encore rien lu là-dessus mais ma presque soeur, ma meilleure amie, a appris que son fils de presque 4 ans souffrait d’autisme et là, je ne peux pas l’aider parce que je suis incapable de savoir ce qu’elle vit. Alors peut-être que si je peux le prendre à la bibliothèque, je le lirai, pour savoir…

  1. Ce que tu en dis me donne encore plus envie de le lire! Je surligne donc!

  2. Pimpi: Je pense que ça pourrait te plaire, alors… il évite de tomber dans le misérabilisme et dépeint des réalités pas roses de façon à ce qu’on les comprenne mais qu’on sente aussi beaucoup d’amour. Frisette: Si ça te fait envie et que le thème t’intéresse, go for it! 🙂

  3. Je le prendrai en poche car j’ai lu de beaux billets dessus. Mais de moi-même, je ne l’aurais pas lu.

    • erzébeth sur 04/02/2009 à 08:38

    Toi, tu es faite pour lire « L’enfant bleu » d’Henry Bauchau… (un jour, je demanderai à être payée à chaque fois que je citerai son nom…)

    • Ys sur 04/02/2009 à 09:44

    J’ai bien aimé, surtout la façon dont il mèle le rire et le tragique, c’est fort je trouve

    • Lilly sur 04/02/2009 à 09:47

    J’ai ce livre chez moi, mais je n’ai aucune envie de le lire…

    • Brize sur 04/02/2009 à 00:21

    Comme toi, c’est l’honnêteté de l’auteur qui m’a frappée.

  4. Je n’ai pas trop envie de le lire… Le sujet est trop difficile pour moi, même s’il est traité avec humour !

  5. ce n’est évidemment pas pour les mêmes raisons mais comme toi, je n’ai pas du tout été transporté par ce livre. Mais alors pas du tout ! Je l’ai même limite trouvé.. malsain. J’avais l’impression d’être en plein voyeurisme. Je comprends qu’il ait eu besoin d’écrire ça pour lui mais ce genre de choses, pour moi, ça reste au fond d’un tiroir… Enfin je suis la seule je crois mais je n’ai pas du tout aimé, je n’ai rien ressenti face à ça et cet humour m’a plus énervée qu’autre chose !

  6. Leiloona: C’est un thème qui n’attire pas nécessairement, je peux le concevoir… et pour le nombre de pages et de blancs dans les pages, ce n’est pas si mal d’attendre en poche, en effet!!! Erzébeth: Je sais, je sais, il est noté!! Il est juste introuvable!! Et si on te payait chaque fois, je pense que tu pourrais te payer l’appart du siècle!! ET tous les bouquins que tu veux! Ys: Oui, c’est particulier, cette façon de « dealer » avec ses enfants en mêlant rire et trucs plus dramatiques. Je suis plus touchée par ça que par un roman du style « je fais pitié »… même si on sait bien que bon, il n’y a rien de drôle là-dedans. Lilly: Ce n’est probablement pas le bon moment pour lire ça, alors! Brize: Si le tout est vrai, c’est une honnêteté assez déconcertante, en effet… pas facile d’admettre tout ce qui est admis là-dedans… Saxaoul: Comme je le dis dans mon billet, ce sujet, c’est mon quotidien au travail… Je ne trouve donc pas que ce soit difficile, mais je comprends parfaitement que ça puisse ne pas tenter! Emeraude: En effet, tu sembles n’avoir pas du tout, du tout aimé. Et peut-être que si je ne connaissais pas le sujet, j’aurais pu me sentir voyeur aussi… Et quand j’ai pu constater ce genre de réaction « en vrai » (parce que ça existe), j’étais davantage déstabilisée, disons. Mais j’ai quand même apprécié davantage que toi, parce que ça m’a semble – étrangement – réaliste.

  7. Je l’ai pris à la bibliothèque… je lirai après ton billet.

  8. Comme toi j’avais très envie de lire ce livre quand il est sorti… puis le temps est passé et l’envie s’est émoussée… et ton avis mitigé va me faire patienter encore un moment avant de me lancer.

    • Anne sur 04/02/2009 à 06:36

    Moi ça ne me dirait rien de lire un livre sur le quotidin des hôtesse d’accueil/standardiste! Difficile d’avoir un plaisir de lire intense, quand ça à voir avec son boulot…

    • Manu sur 04/02/2009 à 07:31

    Moi non plus, je n’ai pas envie de le lire. Je comprends q’il plaise et touche beaucoup de gens mais je ne me sens pas de taille pour ce genre de lectures.

  9. Thaïs: J’ai bien hâte de voir ce que tu vas en penser, alors!! In cold Blog: En fait, j’ai quand même aimé mais bon, c’était plus du déjà vu pour moi. Il risque de sortir en poche l’an prochain! Trop terrible de devoir se contenter de sa pile, en attendant!! Anne: Ca dépend des fois, pour moi. Je suis souvent portée à lire tout ce qui s’en rapproche de près ou de loin mais j’ai tendance à être très critique. J’ai parfois du mal à me détacher de mon oeil professionnel. Dans ce cas, j’ai trouvé ça bien mais ça ne m’a pas emmenée bien loin de ce que j’entends au quotidien. Manu: Chacun a ses propres thèmes « à éviter »!! Moi, c’est la fin du monde, les guerres nucléaires et les maladies (weird pour une méga fan du Dr House, non???)!

    • Nanne sur 04/02/2009 à 01:40

    On sent dans ton article que c’est la professionnelle qui a lu et jugé ce livre que beaucoup de lecteurs ont apprécié ce livre pour son ironie mordante et cynique … J’ai l’impression que tu l’as lu sans te détacher de ton vécu et de ton quotidien. C’est sans doute pour tout cela que tu n’as pas toujours accroché à l’humour grinçant de l’auteur !

  10. Nanne: Oui, j’ai du mal à me sortir de mon côté professionnelle quand je lis ça, surtout que ce sont des propos dans le genre de ce que j’entends souvent. J’ai apprécié la plume mais ce n’était pas nouveau pour moi!

  11. On vient de me le prêter, alors je verrais bien…

  12. Florinette; J’ai bien hâte de savoir ce que tu vas en penser, alors!!! 🙂

  13. J’ai posé une réservation dessus à la médiathèque de la ville. Quand je l’aurai, je te dirai ce que j’en pense. C’est un des gros succès du moment.

  14. Stephie: J’imagine que ce doit être dur à emprunter! Quand on l’a partout en librairie ici, c’est que c’est populaire, crois-moi!!

    • amiedeplume sur 22/05/2009 à 03:02

    Une bonne lecture. Lepère est honnête et plusieurs parents se reconnaîtront.

  15. Amiedeplume: Certains parents s’y sont reconnus, en effet! 

  16. Très belle écriture ce livre !!! C’est une écriture simple, honnête d’un père à ses fils, avec surtout et c’est ça qui m’a frappé et que j’ai beaucoup aimé c’est l’humour, le regard plein d’humour et tendre à la fois de ce père !!!
    J’ai beaucoup aimé mais je sais pas en même temps je m’attendais à quelque chose en plus, il me manque un petit truc pour l’étincelle !!!

    1. fanfanlatulipe: Il n’y a pas eu d’étincelle mais j’ai quand même décelé de la souffrance derrière cet humour… il y a eu beaucoup de discussions au sujet de ce livre, beaucoup de débats.

  17. Il m’avait beaucoup touché ce bouquin… Sourire, rire et mais parfois au bord des larmes sans vraiment savoir pourquoi…

    1. Moesta: Sans doute parce que c’est un peu réel, tout ça.  J’ai déjà entendu tout ça « en vrai », parfois presque de la même façon alors probablement que je me blinde un peu, dans mon quotidien!

    • sophie sur 27/05/2011 à 00:55

    J’ai lu ce livre lors de sa parution, en quelques heures car il était relativement fin si je me souviens bien.

    J’ai été vraiment très touchée par ce témoignage  d’amour déguisé de trop de lucidité, car en effet qu’avaient-ils bien pu faire pour mériter de devoir vivre 2 fois l’expérience d’un enfant différent à ce point-là dans un monde où seule l’espoir de la réussite professionnelle à sa place? Pas de réussite au sens où nous l’entendons pour eux, rien de tel ou rien du tout?

    Que peut-on réellement comprendre ou apprendre d’un enfant différent qui ne fonctionne pas du tout comme nous? on peut imaginer qu’il communique ou l’espérer, attraper chaque regard dans notre direction , chaque geste dans notre espace et croire ou vouloir croire qu’il s’agit d’ un message d’amour?

    J’ai pleuré sur les regrets qui ont du  finir par effacer leur espoir. Je leur ai tiré mon chapeau  pour tout le reste. Et même si j’aime penser que rien n’arrive par hasard, parfois je ne parviens pas toujours à entrevoir où cela nous mène. A changer probablement.   

     

    1. Sophie: Oui, cette réalité n’est pas évidente à vivre le ton adopté par l’auteur, cette ironie, m’est aussi apparue comme de l’amour déguisé.  Pour cotoyer beaucoup de parents qui vivent cette réalité, oui, ça fait changer.  Changer les valeurs, changer la façon de voir les choses.  Mais je suis toujours fascinée par leur capacité de s’adapter à ce changement de vie et à apprécier de se retrouver totalement ailleurs. 

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