Homo Sapienne – Niviaq Korneliussen

Si je dis « Groenland », il se trouve toujours quelqu’un dans mon entourage pour me rétorquer : « Te souviens-tu de la fois où… ».  Oui.  Avant qu’ils ne le disent, je m’accuse d’emblée.  J’ai déjà confondu le Groenland avec un nuage lors d’un vol Paris-Lisbonne alors que je pensais – très sérieusement – que l’avion avait été détourné sur Nuuk pour nous prendre en otage.  Sans commentaire.

 

Donc, le Groenland.  Niviaq Korneliussen ne nous offre pas ici un roman rempli de neige, de traditions et de traîneaux à chiens.  C’est un ouvrage fort moderne qui nous entraîne dans la pensée de cinq jeunes Groenlandais urbains (sachant que la plus grande ville du pays fait moins de 20 000 habitants… et le pays 56 000) qui, comme de nombreuses personnes, sont à la recherche d’eux-mêmes.  Ils sortent, ils boivent, ils baisent, ont la gueulent de bois et surtout, ils se questionnent sur leurs désirs, leurs sentiments et leur place dans le monde.

 

Cinq voix.  Fia, qui n’arrive pas à être heureuse auprès de son amoureux parfait.  Inuk, exilé au Danemark, à la recherche d’un chez lui tout en détestant la part du Groenland qui est en lui.  Arnaq, bisexuelle et noyée dans l’alcool, que la vie a usée et qui considère que rien n’est de sa faute.  Ivik, qui aime les femmes mais qui ne supporte plus que son amie ne la touche.  Et Sara, nouvellement tante, qui se sent tellement noire qu’elle ne se voit rétablie qu’après un sacrifice.  Ces jeunes sont queer et la sexualité et l’identité sont au coeur du récit.  Toutefois, on ne se limite pas à ça et on sent une réelle critique de sa société où les jeunes trouvent difficilement leur place, pris entre le nationalisme, les traditions et les problèmes sociaux qui ne sont pas la priorité de tous.  Le roman est truffé de mots en anglais/groenlandais conversations, de textos, de hashtags et le tout sonne vrai.  On sent que des jeunes comme ça existent au Groenland, entre trois langues (groenlandais, danois, anglais) et un désir d’ouverture vers le monde et le futur.

 

Le récit d’Inuk est particulièrement touchant et poignant.  On sent son mal-être, sa difficulté à savoir qui il est et à accepter le fait d’être Groenlandais, avec tout le bagage historique que ça implique.  Ni chez lui à Nuuk, ni chez lui au Danemark, il est à cheval et cherche à se trouver un chez lui qui n’est pas défini par la langue ou encore le terre.  Son cri du coeur m’a terriblement touchée.

 

Un roman à lire, sans aucun doute!  J’ai beaucoup aimé.

8 Commentaires

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  1. Le mal être de ces jeunes gens ne diffèrent finalement pas tant que ça des autres jeunes mais tu donnes envie d’aller à leur rencontre.

    1. J’ai vraiment aimé. En fait, leur situation de Groenlandais est loin de faire tout le roman, mais il en fait intégralement partie.

  2. Commencé hier soir. Je pense que je vais aimer autant que toi 😉

    1. Jespère bien que ça te plaira toutu autant que moi. tu me diras!

  3. Je l’ai repéré, tu enfonces le clou de l’intérêt de ce roman. Le Groenland c’est original 😉 Et encore une bonne pioche de La Peuplade.

    1. J’ai vraiment beaucoup aimé. Et oui, original. On connaît très peu, en fait.

  4. Mouais… Je ne suis pas aussi enthousiaste que toi. Tu vois, je l’ai apprécié PARCE QUE c’est un roman du Groenland. Par contre, la réalité présentée aurait pu se passer n’importe où ailleurs. Une même intrigue, avec des personnages similaires, ancrée ailleurs, et j’aurais moins apprécié. Tu comprends ce que je tente de dire?!

    1. Oui, je pense que je comprends. D’un certain côté, l’identité et le statut de Groenlandais est au coeur du roman, même si ce n’est pas que ça. Se sentir déchirée entre des langues, entre ceux qui veulent un retour aux sources, ceux qui sont plus attirés vers le Danemark ou vers le monde… bref, je pense que situé ailleurs, il aurait en effet manqué un élément essentiel… et j’aurais aussi probabelement moins aimé.

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